• Aucun résultat trouvé

La résistance : concept et règlementation

SECTION III : La résistance : concept et règlementation

Poussée par des sentiments patriotiques, la colère des occupés monte à la surface et va se concrétiser par une activité hostile à l‘égard de l‘adversaire. Des mouvements de résistance vont apparaître avec une seule solution, qu‘est l‘affrontement. Il regroupe tous les mouvants et les hommes de bonne volonté désireux de lutter contre l‘occupant. La destruction des forces ennemies est le fondement de toute action militaire.1

Pourtant, à côté du devoir d‘obéissance aux ordres de l‘occupant existe le devoir de fidélité au souverain légitime. Ce qui a permis à certains auteurs d‘affirmer qu‘il existe un droit de rébellion reconnu par le droit international à la population locale. « Résister c‘est affirmer qu‘on existe », le refus de s‘imposer à l‘occupant est primordial. C‘est l‘aboutissement d‘une série de guérillas de plus en plus étendues et efficaces.

Quant au terrorisme, il consiste à anticiper les sanctions qui devront en toute justice être ré-servées aux criminels de guerre.

La résistance est donc une volonté d‘action qui doit, selon ses moyens, faire le plus de mal possible à l‘occupant. La résistance est donc une activité, dont le but est de détruire une grande quantité de forces adverses au point de forcer l‘ennemi à abandonner ses buts.2

Mais, la situation de la résistance, concernant la qualité de personnes membres des forces d‘une partie au conflit agissant en territoire occupé, était difficile à cerner dans le statut clas-sique des lois de la guerre. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que le droit international prenne leur statut en considération.

Malgré l‘effort sérieux que constitue la Convention de Genève du 12 août 1949, dans le sens d‘une révision du droit de l‘occupation, elle ne peut prétendre en avoir réalisé une com-plète codification.

En effet, c‘est l‘apparition des organisations de résistance au cours de l‘occupation de l‘Europe occidentale qui a contribué à un allègement des conditions de leur formation et de

1 C.V. Clausewitz, De la guerre, op. cit. , p. 58.

2 Idem, p. 54.

leur action. De plus, la victoire juridique plutôt stratégique de la majorité des mouvements de libération a joué un rôle équivalent. Dès lors, une nouvelle catégorie de combattants s‘introduit sur la scène du jus in bello.1

S‘appuyant sur le groupe de conditions du Règlement de la Haye ou « le droit de La Haye » et sur celles de Genève ou « le droit de Genève», plusieurs questions se posent consi-dérablement. D‘abord qu‘est ce qu‘une résistance ? Est-ce que, d‘après le droit de la guerre, les résistants peuvent être titulaires de la qualité de combattants ? Quelle est la différence du statut « des membres des forces armées régulières qui se réclament d‘un gouvernement ou d‘une autorité non reconnue par la puissance détentrice »? Et quelles sont les conditions qui formeront des résistants, des combattants légitimes ?

Comme dans la section précédente, il nous a paru convenable de commencer par la défini-tion conceptuelle de la résistance (sous-secdéfini-tion 1) puis d‘aborder après - d‘une manière suc-cincte - le développement du droit de la guerre qui a abouti à la réglementation du droit de la résistance (sous-section 2), pour instaurer en fin du compte les conditions qui distinguent le combattant du non combattant (sous-section 3).

Sous-section I : la précision conceptuelle de la résistance

Selon Grotius, la résistance, étant un droit naturel, ne peut être motivée qu‘en face d‘un

« péril très grand et très assuré. »2

Dans la terminologie, la résistance est formée à partir du verbe « résister » qui signifie dans la littérature « lutter contre l‘action d‘une force et ne pas en céder ».3

D‘après la définition du Larousse, la résistance est donc « un fait d‘une opposition…, une défense qu‘on fait contre une attaque »1. Elle est même « une action humaine par laquelle, on essaie de rendre sans effet une action dirigée contre soi ».2

1 H. Meyrowitz, « Armistice et Résistance », Revue Belge de Droit international, volume XVI, 1979, p.232.

2 H. Grotius, « Le droit de la guerre et de la paix » traduit par Jean Barbeyrac, Amsterdam, p.de coup, 1724, publié dans la bibliothèque de Philosophie politique et juridique par le centre de philosophie politique et juri-dique de l‘université de Caen, en 1984, Livre I, chapitre IV, session VII, 3.

3 Larousse, dictionnaire, encyclopédique .éd. A.D.A.G.P., Paris 1991, p.1208.

Politiquement, le droit de résistance à l‘oppression est un droit reconnu à l‘individu de ré-sister aux actes illégaux du pouvoir politique dont elle peut être une lutte, une désobéissance, une rébellion, un regimbement et autre…3 Elle s‘exprime par le combat.

En langue juridique, et face à une situation d‘occupation, d‘envahissement, la résistance peut être une opposition armée contre un ennemi qui envahit un territoire, une défense en de-hors des cas de belligérance et de guerre déclarée.

Dans l‘histoire des conflits modernes, la résistance est un phénomène européen. Elle est un

« nom donné à l’ensemble des actions menées en Europe pendant la Seconde Guerre mon-diale contre le régime hitlérien et l’occupation allemande » qui s‘était étendue sur le Dane-mark, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique et la partie septentrionale de la France, la Tché-coslovaquie, la Pologne et L‘URSS.4 Dans la plupart de ces pays, les activités de la résistance commencèrent à se manifester vers la fin de 1940.

C‘est la conjonction de l‘occupation allemande et des mouvements de la résistance dans ces pays occupés, surtout la résistance française, qui a rendu pratiquement possible l‘évaluation de ce genre de lutte.5

« Forme inédite de la guerre moderne », la résistance est donc un nom donné à l‘ensemble des actions et des mouvements menés contre une occupation ennemie, ayant comme base le refus de la présence, des exigences et des abus de l‘occupant.

1 Ibid., p.1033.

2 Le ROBERT, dictionnaire de la langue française, p. 304.

3 Ibid.

4 M. Mourre, dans le petit Mourre (dictionnaire de l’histoire), Paris, Éd. Bordas, 1992, p.741.

5 Pour plus de développement sur la Résistance française, à revenir au « Petit Mourre » op.cit., pp.741à 746.

Sous-section II : La résistance française

Il nous a paru intéressant de parler du résistant français contre l‘occupant hitlérien.

L‘histoire de la France est riche en opérations armées et campagnes militaires aussi bien avant la Première Guerre mondiale qu‘après ce terrible conflit que fut la résistance à l‘oppression hitlérienne et contre le gouvernement de Vichy.

« Dans son appel historique du 18 juin 1940 à la « résistance », le Général de Gaulle cons-tate que tout Français qui porte des armes a le devoir absolu de continuer la résistance ».1

« Tous les citoyens ont le droit de s’élever, par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, contre celui ou ceux qui viendraient à usurper la puissance du peuple ».2

Les ressortissants français qui combattent contre le Reich allemand seront traités par les troupes allemandes comme des francs-tireurs,3 les rebelles ne seront pas considérées comme des prisonniers de guerre mais mis à mort selon la loi martiale. Ils n‘ont aucun droit à la pro-tection à laquelle peuvent prétendre les combattants réguliers.4

A cette époque, les résistants ne bénéficiaient d‘aucun statut véritable sur le plan international.

Aujourd‘hui, sont assimilés à des combattants réguliers et protégés, en tant que tels, tous ceux qui luttent « contre la domination coloniale, l‘occupation étrangère et contre les ré-gimes racistes dans l‘exercice du droit des peuples à disposer d‘eux-mêmes » (paragraphe 4 de l‘article 1er du protocole 1du 8 juin 1977, additionnel aux conventions de Genève de 1949 et relatif aux conflits armés internationaux). De juin 1940 à mai 1945, trois cent mille per-sonnes furent arrêtées en France soit par l‘Allemagne soit par le gouvernement de Vichy.

1 J. Vables, « les titres de combattants et la reconnaissance », Thèse, Montpellier I, 1995, p. 24.

2 "La résistance du peuple opprimé et le combat de tous ceux qui sont libres forment un tout qui est l'apport de la France à la cause commune." Discours prononcé à l'Albert Hall de Londres le 11 novembre 1942, in Discours et Messages, t. 1, p. 240.www.Charles-De-Gaulle.org

3 K. Nabulsi, traditions of war occupation, resistance and the law, Oxford University press, 1999, p. 47.

4 "C'est dans la résistance et c'est dans le combat qu'en ce moment se révèlent les hommes que notre peuple jugera dignes et capables de diriger ses actions." Discours prononcé à la radio de Londres le 20 avril 1943, in Discours et Messages, t. 1, p. 281.www.Charles-De-Gaulle.org

Officiellement, le statut des combattants volontaires de la Résistance bénéficie aux ci-toyens, Français ou non qui, entre le 17 juin 1940 et le 6 juin 1944, date du débarquement allié en Normandie, se sont livrés à des actes caractérisés de résistance.

Cependant, deux grandes catégories de résistants peuvent être recensées : les organisés (a) et les isolés (b).

a) Les résistants organisés sont rassemblés en structures : les mouvements de résis-tance, les réseaux, les F.F.L., les F.F.C., et les F.F.I.1

Ces mouvements sont des organisations constituées, en vue d‘une action visant la libération de la patrie, qui ont mené la lutte contre l‘ennemi ou le régime de fait de Vichy. L‘appellation de mouvements est réservée aux groupements de la Résistance intérieure qui sont nés et se sont développés spontanément sans intervention d‘agents venus de l‘extérieur. Les mouve-ments sont, en général, issus de courants politiques, eux-mêmes substituts des partis discrédi-tés et rendus responsables de la défaite de 1940. Ils se dotent de véritables services avec une implantation régionale. Les plus importants sont reconnus par la France libre du Général de Gaulle et les Alliés.

Le rôle des réseaux était de saboter la production de guerre de l‘ennemi. Leur mission fon-damentale fut d‘organiser et d‘armer des troupes clandestines capables d‘aider les alliés aux embarquements. Ils peuvent être classés en trois catégories : les réseaux de renseignements, les réseaux d‘évasion et les réseaux d‘action.2

Les F.F.L. sont les forces libres formées de ceux qui ont répondu à l‘appel du Général de Gaulle et qui constituent « l‘armée régulière » de la France libre. Elles sont composées de militaires volontaires qui combattent sur tous les fronts de la Deuxième Guerre mondiale.

1 Les F.F.L : les forces de la France libre, les F.F.C : les forces françaises combattantes, et les F.F.I : les forces françaises intérieures.

2 "Telle est la Résistance française. Indivisible comme la France elle-même qu'elle défend et qu'elle exprime, contribution nationale de notre pays martyrisé à la grande cause dont il fut, dont il est, dont il demeurera le champion, ardeur puissante et fraternelle d'où sortira le renouveau de la patrie." Discours radiodiffusé prononcé à Alger le 11 novembre 1943, in Discours et Messages, t. 1, p. 343.www.Charles-De-Gaulle.org

Les F.F.C. relèvent du concept militaire en vertu du décret n° 366 du 25 juillet 1942 fixant les règles d‘intégration aux Forces françaises combattantes du personnel des territoires occu-pés par l‘ennemi ou soumis à l‘autorité de Vichy.1 Ainsi, les volontaires des F.F.C. ont en commun, avec les volontaires des F.F.L., l‘obligation de poursuivre la lutte contre l‘ennemi sous l‘autorité du Général de Gaulle.

Les F.F.I. sont constitués par l‘ensemble des unités combattantes ou de leurs services qui prennent part à la lutte contre l‘ennemi sur le territoire métropolitain.

b) Les résistants isolés sont ceux qui n‘appartiennent pas à des structures organisées de résistance, mais ont accompli pendant trois mois au moins, entre le 16 juin 1940 et le 6 juin 1944, des actes caractérisés de résistance. Ce sont les personnes ayant prêté un concours di-rect personnel, soit à un membre d‘un service de renseignements allié ou dépendant d‘une autorité française reconnue en lutte contre l‘ennemi. Cette catégorie de combattants a le même alignement des autres, car la décision de combattre pour le pays étant considérée comme une marque supérieure essentiellement mue par le sentiment patriotique.

Sous-section III : Développement et réglementation du « droit de la Résistance »

Pendant l‘histoire de toute occupation, la population locale a dû obéir aux ordres de l‘occupant de peur que tout manquement de sa part à ses devoirs soit sanctionné. Face à cette relation de défaite qui exige l‘obéissance, un sentiment de droit de rébellion existe chez l‘occupé, un sentiment qui émane aussi bien du devoir de fidélité que l‘occupé porte pour sa patrie que de son opposition à la contrainte.

La rébellion constitue-t-elle une violation d’un droit moral ou légal ?

La question est résolue par l‘article 2 du Règlement annexé à la Convention IV de La Haye de 1907. « Lorsque la population se lève en masse contre l’envahisseur sans avoir eu le temps

1 Ibidem, p. 134 et s.

de s’organiser, elle est considérée comme belligérante si elle porte les armes ouvertement et si elle respecte les lois coutumes de la guerre ».

Actuellement, la levée en masse s‘est vue substituer les tactiques plus subtiles de mouve-ments de résistance. Mais la réglementation applicable pendant la Seconde Guerre mondiale était défaillante quant au problème des maquisards, des réseaux ou organisations en lutte contre l‘autorité de l‘occupant.

« Pour lutter contre la doctrine du grand état-major allemand qui entraînait l’exécution des partisans englobés sous la désignation de terroristes, le comité français de libération na-tionale leur attribua, le 9 juin 1944, un statut juridique. Ce texte, relatif aux Forces Fran-çaises de l’Intérieur, s’applique à « l’ensemble des unités combattantes et de leurs services qui mènent la lutte contre l’ennemi sur le territoire métropolitain, dont l’organisation est re-connue par le C.F.L.N., et qui ont à leur tête des chefs reconnus par le C.F.L.N. ». «La Con-vention de Genève du 12 août 1949 a refusé d’accorder aux résistants isolés le bénéfice de la protection qu’elle instituait au profit de la résistance collective ».1

Au sujet de la deuxième question, les écrits de Publicis attribuent des effets variés à la ré-bellion de populations occupées. Pour certains d‘entre eux, il s‘agit d‘une violation du droit international. Pour le camp adverse, en revanche, la rébellion est un droit, voire éventuelle-ment, un devoir reconnu par le droit international et fondé sur l‘appartenance et la fidélité du citoyen à son Etat.

La Convention de La Haye n‘a pas créé des droits. Elle a plutôt limité l‘autorité de fait de l‘occupant. Par conséquent, aucune obligation légale ne lie, en conscience, la population lo-cale.

En principe, les personnes se livrant à des activités clandestines et à des attaques armées contre les forces de l‘occupant tombent sous l‘application du droit commun de la guerre. Ain-si, ces individus sont-ils considérés comme ayant contrevenu aux lois de la guerre. C‘est pour

1 O. Debbasch, précité, p. 237.

cela que pour être régulière, leur répression doit remplir certaines conditions…Deux condi-tions doivent être réalisées :

a) l‘auteur de l‘acte d‘hostilité doit avoir la qualité de belligérant, b) il doit, en second lieu, ne pas avoir violé les lois de la guerre.

Afin de mesurer le statut des résistants comme combattants, il conviendrait de scruter l‘histoire de la notion du combattant selon le droit des conflits armés et son développement.