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SECTION II : La résistance islamique contre l’occupation israélienne

A)- Son Fondement idéologique

Pour dégager le corpus idéologique du Hezbollah, il faudrait se référer à la lettre ouverte adressée par le Hezbollah à tous les moustad‘afines (les déshérités) du Liban et du monde le 16 février 1985. Cette lettre, qui tient lieu de manifeste du parti et qui annonce offi-ciellement les objectifs du Hezbollah,1 a été par la suite nuancée par l‘évolution du discours officiel du parti de Dieu.

L‘appel aux « déshérités » va largement s‘inspirer des thèses et des concepts de Khomeiny pour définir les grandes orientations du parti et d‘une communauté angoissée et ses chances de survie. La raison d‘être du Hezbollah est la résistance à Israël dénoncé non pas en tant qu‘Etat juif, mais en tant que projet colonial et source de menaces pour son voisinage.

1 www.hizbollah.org.

Comme tous les partis politiques, le Hezbollah dispose d‘un corps idéologique et d‘un pro-gramme déterminés.

On peut en réalité distinguer deux volets au sein de l‘idéologie du Hezbollah, ou du « parti de Dieu » qui peut se tenir en deux concepts: la république islamique et la lutte contre Israël.

A) 1- « Wilayat el-faqih » (la tutelle du juriste-théologien)

L‘islam constitue la ligne de conduite globale en vue d‘une vie meilleure. Il représente le fondement idéologique, pratique, de la pensée et de la foi sur lequel devrait être bâtie la nou-velle formation politique.1

Pour comprendre le concept de « wilayat el-faqih », il faudrait reprendre brièvement l‘essentiel du corpus religieux de l‘islam chiite.

Avec plus de un milliard de fidèles, l‘islam se compose de deux grands courants: le sun-nisme et le chiisme.2 Le chiisme est la principale branche dissidente de l‘Islam.

L‘islam chiite ne se diffère pas de l‘islam sunnite et prône comme ce dernier, l‘universalité de la religion, l‘unicité de dieu et la prophétie de Mohamed ben Abdallah.3 Il s‘en distingue

1 M. Badro, le Hezbollah au tournant du 11septembre, idem.

2 Le premier, qui compte près de 85 % des adeptes, se rattache à la Sunna, c‘est-à-dire la « Tradition » fondée sur les hadiths du prophète Muhammad progressivement constituée à partir du VIIIème siècle qui est, après le Coran en tant que tel, la seconde source de la religion musulmane. Le chiisme, représente pour sa part entre 12 % et 15 % des fidèles (soit environ 216 millions). "Arc sunnite" versus "Croissant chiite": deux faces d'un même Janus conflictuel? Par David Rigoulet-Roze, chercheur à l'IFAS. www.diploweb.com Géopolitique ethno-confessionnelle du Moyen-Orient.

3 T. Dufour (le chef d'escadrons, Armée de Terre, France, 13 e promotion du CID), L'influence de l'Iran au travers du chiisme. Mode opératoire, succès et limites de la politique pro-chiite iranienne. www.diploweb.com.

«… Les musulmans sont plus d‘un milliard aujourd‘hui dans le monde. Sur ce milliard de croyants, entre 10 et 12 % sont chiites, ce qui représente une population totale de 140 millions de croyants. D‘après l‘édition la plus récente du CIA World Factboock, qui constitue une référence en la matière, les chiites représentent entre 60 et 65% de la population en Irak (soit 15 millions d‘habitants), 10% en Arabie Saoudite (environ 2 millions), 30%

au Koweït (environ 300 000), 70% dans l‘émirat du Bahreïn (environ 220 000), 19% en Afghanistan (environ 5,4 millions) et 20% (32 millions) au Pakistan. Au Liban, les chiites représentent plus du tiers de la population, avec un million d‘habitants, et constituent la communauté disposant de la plus forte natalité. Ils ont acquis une nouvelle légitimité politique face à la puissance financière des maronites et à l‘alliance syrienne incarnée par les sunnites en devenant la première communauté libanaise sur le plan démographique. Les chiites sont également

toutefois au niveau de la légitimité de la succession du Prophète. Pour les chiites, les descen-dants légitimes sont ceux d‘Ali, cousin et gendre du Prophète.1 Quant aux sunnites, ils se re-vendiquent du premier calife, Abou Bakr.

En 656, Ali ben abi Taleb avait en effet été choisi comme le successeur de Mohamed. Ses partisans étaient alors appelés « Chiite Ali », ou le parti d‘Ali dont le terme partisans dési-gnant « chii‘a » c‘est à dire le parti ou la secte. Ce dernier sera cependant tué en 661. Les chiites reporteront alors leurs espoirs sur son fils Hassan qui est à son tour tué en 681.

Appelé en Irak pour prendre le pouvoir, Hussein, le fils cadet d‘Ali, est tué à Karbala lors d‘un massacre collectif perpétré par le calife omeyyade Yazid.2

Contrairement aux Sunnites, les Chiites contesteront toujours cette prise de pouvoir par les califes Omeyyades qu‘ils considèrent illégitimes. Les Chiites ont longtemps été une commu-nauté brimée et maintenue sous l‘étroit contrôle des sunnites à travers le monde. Dès sa créa-tion, le chiisme a été une religion de persécutés et d‘exclus.3

Par conséquent, le Chiisme est bien un Schisme et non une hérésie, puisque l‘objet du conflit qui oppose les deux principales branches de l‘islam est de nature politique et non religieuse.

nombreux en Inde, où l‘on dénombre 25 millions de croyants, en Turquie, avec une minorité forte de 16 mil-lions d‘individus et en Syrie où les chiites alaouites comptent quelque quatre milmil-lions de fidèles. Quant à l‘Iran lui-même, pays de 60 millions d‘habitants en 1996, il a vu sa population passer à environ 70 millions dont 55 millions de chiites…».

1 Le Chiisme est la principale branche dissidente de l‘islam : les divergences avec le sunnisme majoritaire sont moins importantes que les éléments communs, à commencer par la croyance dans un Dieu unique et dans le message de Mahomet. Le Chiisme s‘est constitué autour d‘une question capitale : la succession du prophète Mahomet. Les premiers califes, après la mort de Mahomet (632), sont désignés parmi les proches de celui-ci.

Ali, cousin et gendre du prophète, quatrième calife, règne de 656 à 661. Déposé par une révolte, il est assassiné.

La Chi’ a, le « parti » d‘Ali, défendit les droits de ses descendants contre les califes officiels. Ils sont, pour re-prendre une expression de Louis Massignon, « les légitimistes de l’islam ». Le Monde Diplomatique, « Des mots pour comprendre » n° juillet 2005, p. 15.

2 En effet, les Chiites sont à leur tour divisés selon la lignée des imams dont ils reconnaissent l‘autorité. Les plus nombreux sont les Chiites duodécimains ou imamites : ils sont surtout présents en Irak, en Iran et au Liban.

De petites communautés sont éparpillées à Bahreïn, à Qatar, dans la province du Hassa en Arabie saoudite et dans les Emirats arabes unis. Outre les Chiites duodécimains, il existe encore deux autres groupes chiites d‘importance. Ces sont les Chiites septimains ou ismaéliens, dirigés par l‘Aga Khan, lesquels ne reconnaissent que sept imams. On les rencontre surtout en Asie centrale et au Pakistan. Il y a également les Chiites zaydites qui ne reconnaissent que cinq imams et qui son concentrés au Yémen. A ces branches, il faut enfin ajouter un certain nombre de groupements chiites dissidents comme les Alaouites de Syrie ou les Druzes du Liban qui constituent des sectes syncrétiques. D. Rigoulet-Roze, chercheur à l'IFAS. www.diploweb.com Géopolitique ethno-confessionnelle du Moyen-Orient, op.cit.

3 T. Dufour, op. cit. www.diploweb.com Géopolitique du Moyen-Orient.

A cette quasi-prééminence accordée à Ali s‘ajoute l‘imamat qui fait la spécificité de l‘islam chiite. Les chiites accordent en effet à Ali et à ses successeurs (au nombre de douze pour les duodécimains et sept pour les septains) le titre d‘imam,1 ou plus haute autorité reli-gieuse, en tant que descendants du Prophète. Ils sont les vrais détenteurs du pouvoir légal. Les chiites considèrent que le dernier Imam (le douzième pour les duodécimains et le septième pour les septains) a disparu et ils attendent sa réapparition : c‘est le Mehdi dont la parousie signalerait la fin des temps.2 « En l’absence de ce dernier, aucun pouvoir n’a de vraie légiti-mité à gouverner les hommes. Mais une partie des clercs se sont estimé les plus qualifiés pour savoir ce que ferait l’imam disparu et vérifier que le régime en place gouverne conformément aux préceptes religieux. C’est dans cet esprit que l’ayatollah Khomeiny a transposé en terme politique le concept d’autorité suprême : il défend l’idée d’une tutelle (velâyat) au plus haut sommet de l’Etat d’un « jurisconsulte religieux » (faqih) désigné parmi ses pairs comme étant le plus compétent et le plus capable des religieux. »3

Longtemps persécutés ou marginalisés par l‘islam sunnite, les Chiites ont développé la pratique de la taquiyya ou du Quitman (dissimulation) de leur identité chiite. Parallèlement, ils ont toujours manifesté une grande méfiance à l‘égard du pouvoir légal, envers qui ils étaient dans la position de contestataires quelque peu passifs, en s‘accommodant toujours du fait accompli.4

Quand l‘Imam Khomeiny arrive au pouvoir en Iran en 1979 et applique le programme politique de la République islamique, suivant la doctrine du velayat el-faqih,5 il va boulever-ser le schéma eschatologique traditionnel des Chiites. La doctrine khomeyniste considère en effet qu‘en raison de l‘occultation (ghayba) du Mehdi et en attendant son retour et le jour du

1 Le chiisme s‘est divisé en plusieurs tendances, qui se définissent à partir des imams – les successeurs d‘Ali – auxquels elles se réfèrent. La place de ces imams est importante pour le chiisme, puisqu‘ils sont les plus aptes à comprendre les enseignements de Mahomet. Parmi eux, le troisième, Hussein, fils d‘Ali, occupe une place privi-légiée. Il fut poursuivi par Yazid, le calife omeyyade, et cerné à Karbala, en octobre 680.

2 Etudes sur l‘Islam Chiite, recueil du l‘Imam Mohamed Hussein Fadlallah.

3 T. Dufour, op.cit. www.diploweb.com

4 W. Charara, Dawlat Hezbollah fi loubnan (L‘Etat de Hezbollah au Liban), Dar An-Nahar, Beyrouth, 1999.

5 A. Saad-Ghorayeb, Hizbullah: politics and religion, Pluto Press, Londres/Sterling (Virginie), 2002, p.83.

jugement dernier, il ne faut pas se résigner à obéir au pouvoir qui est souvent vicié et irrespec-tueux des valeurs de l‘Islam. 1

La justice est en effet possible en période d‘occultation, à condition que le pouvoir re-ligieux et politique soit détenu par le représentant du Mehdi sur terre, en l‘occurrence l‘Imam Khomeiny qui exerce ainsi la tutelle du jurisconsulte (wilayat el-faqih).2 Cette doctrine du

« gouvernement du docte », qui accorde aux Mollahs d‘énormes pouvoirs et qui oriente le pouvoir iranien, a été – et reste – contestée par de nombreux autres ayatollahs.3

C‘est-à-dire, selon le système élaboré en Iran par Khomeiny et qui débouche dans ce pays sur deux sources d‘autorité, avec le pouvoir de nature théocratique conféré au « Guide de la Révolution » à côté du gouvernement. Le Hezbollah fait allégeance au faqih, au « guide » iranien mais pas au gouvernement iranien. Par cette allégeance, le mouvement démontre sa nature panislamique, mais à d‘autres égards il se comporte en groupe nationaliste : des mar-tyrs sont prêts à se sacrifier aussi pour la libération du territoire national.4

Profitant de l‘anarchie de la guerre, des Chiites libanais encouragés par la réussite du modèle iranien voudront l‘appliquer au Liban, où se trouve la plus grande minorité chiite dans le monde arabe, mis à part l‘Irak.5

Alors, la République islamique sera vue comme une réponse au problème libanais issu d‘un régime vicié, création artificielle du colonialisme, auquel on ne peut apporter de modifi-cations et qu‘il faut radicalement changer.6 Or, cet objectif ne figurait pas à son ordre du jour

1 Cheikh Naïm Kassem rappelle explicitement dans son livre sur le mouvement intitulé [Le Hezbollah, la mé-thode, l’expérience, l’avenir (imprimé en arabe, édition Saki, Beyrouth, 2005)] que le Hezbollah a été organisé par les Pasdarans (Gardiens de la Révolution) iraniens sur ordre de feu l‘imam Khomeiny en sa qualité de wi-layat-faqih « le Guide suprême ».

2 Pour la majorité des Chiites – en particulier les Iraniens, les Irakiens et les Libanais –, appelés imamites ou duodécimains, douze imams se sont succédé qui tenaient leur pouvoir de Dieu, ce qui les rend infaillibles. Le dernier, Mohamed, a disparu en 874. Après avoir communiqué, à travers des messagers, avec le monde extérieur, il s‘est « retiré », mais reste vivant : c‘est l‘imam caché. Le Monde Diplomatique, « Des mots pour comprendre » juillet 2005, p.p. 15 et 16.

3 A voir le Monde Diplomatique, « Des mots pour comprendre » op.cit.

4 A. Saad-Ghorayeb, op.cit. p. 83.

5 L‘ayatollah Mohamad Hussein Fadlallah n‘a pas un poste officiel au sein du parti. Il n‘en demeure pas son fondateur et une figure influente au sein du parti. Les tensions entre lui et l‘établissement religieux iranien trou-vent leurs racines dans la pratique de Fadlallah qui s‘exprime au nom de l‘ensemble des Chiites, ce qui semble irriter le clergé iranien qui clame avoir le monopole religieux.

6 « Le Hezbollah comme bras stratégique de l‘Iran » op. cit. www.esisc.eu

car sa priorité est de combattre Israël, la source majeure du danger pour le Liban et la région.1 Comme l‘explique le Secrétaire général Sayed Hassan Nasrallah : « aucun régime ne peut être imposé par la force, en particulier un Etat islamique ce serait un échec. L‘instauration d‘un tel régime requiert la volonté du peuple dont ce n‘est pas le cas du Liban, l‘important actuellement est de vouloir faire évoluer le système politique pour qu‘il devienne plus juste et plus représentatif ».2Ainsi, le Hezbollah affirme écarter ses anciennes ambitions concernant une République islamique et le modèle iranien au Liban. Le parti affirme que ses actes vont uniquement contre Israël.

A) 2- Le djihad défensif contre Israël, un concept militaire

Le second principal objectif du Hezbollah c‘est la lutte contre « l‘ennemi sioniste ».

Cet objectif s‘inscrit dans les circonstances et les causes même qui ont vu l‘émergence du Hezbollah en 1982. Son mandat officiel consistait à chasser l‘occupant des territoires libanais.

La résistance contre l‘occupation israélienne est une priorité.3 Il est par conséquent nécessaire de créer une structure adéquate pour le djihad et de mobiliser toutes les potentialités néces-saires sur ce plan.

Le concept du djihad occupe une place centrale dans la « cosmologie » islamique, car les commandements de l‘Islam prônant de combattre l‘injustice et d‘éliminer les usurpateurs, incluent manifestement les dirigeants impies dont les groupements n‘appliquent pas la loi islamique.4

Le terme djihad qui vient du verbe « jahada » en arabe, signifie en fait « s‘efforcer, s‘appliquer, combattre ». Le sens fondamental de ce mot se réfère donc aux efforts entrepris pour atteindre un but digne de louanges. Dans un contexte religieux, il peut faire allusion au combat mené contre ses propres mauvais penchants qui se traduit en arabe par djihad al’ nefs (la maîtrise de soi). Et, il peut également avoir trait aux combats menés pour l‘islam ou la

1 N. Kassem, op.cit. p. 23.

2 M. Badro, le Hezbollah au tournant du 11septembre, idem.

3 www.hizbollah.org.

4 J. Palmer Harik, le Hezbollah : le nouveau visage du terrorisme, éd. Via Medias, 2006, p. 86 et suivantes.

communauté des croyants tels que la conversion des infidèles, la moralisation ou l‘amélioration des conditions politiques de la société islamique.1

Le Hezbollah ayant donc été créé pour faire face à Israël, il était normal que cette lutte s‘inscrive quasi-génétiquement dans ses objectifs. Cette lutte passe par le djihad défensif2, chaque membre du parti est un soldat de combat. L‘être humain étant destiné à mourir de toute façon, il est raisonnable, estime le Hezbollah, qu‘il donne un sens à sa mort en servant la cause de Dieu, ce qui lui garantit une place au paradis.

Un verset du Coran approuve le djihad contre les tyrans : « qu’Allah récompense les justes de leur justice, et mette au supplice les fourbes s’il le veut, sans retourner vers eux » (sourate 33 : 24).

Selon Rudolph Peters, un spécialiste de l‘islam, La fonction la plus importante de la doctrine du djihad est de mobiliser et de motiver les musulmans afin qu‘ils participent aux guerres contre les infidèles, car cette obligation est considérée comme l‘accomplissement d‘un devoir religieux. Cette motivation est soutenue par l‘idée que ceux qui meurent sur le champ de bataille, les martyrs ou shahid (shouhada en pluriel) iront directement au paradis.3

Religion universaliste, l‘islam recherche la propagation et la consolidation de la foi. La propagation de la foi (da‘wa) se fonde sur un principe simple : il n‘y a qu‘un Dieu et Moha-med est son prophète, principe qu‘entourent quatre pratiques rituelles : les cinq prières quoti-diennes, le jeûne du ramadan, le versement de la dîme4 et le pèlerinage à la Mecque. Le dji-had, c‘est sans doute la guerre mais aussi « l‘effort » du croyant sur soi-même. Il fait partie des devoirs fondamentaux, mais ne constitue pas une obligation rituelle.

1 Idem, p. 88.

2 Mohamed avait mentionné le concept de djihad dans un célèbre hadith où il distingue entre deux sortes de dji-had : djidji-had al-Akbar (le grand djidji-had) et djidji-had al-asghar (le petit djidji-had). Le grand est le combat religieux intérieur et individuel alors que le petit djihad désigne la lutte contre les ennemis de l‘islam. C‘est dans ce der-nier sens qu‘est employé le terme djihad quand il est fait mention du djihad contre Israël ou l‘occident.

3 J. Palmer Harik, idem, p. 86.

4 Le khoms (le cinquième) cette aide aux plus démunis que doit verser chaque fidèle.

Le djihad est un devoir militaire et moral qui suppose une motivation sans faille pou-vant conduire au sacrifice et au combat.1 Ce sacrifice est alors assorti de récompense, à com-mencer par le salut. Mais, il n‘est nullement question de martyr. Le courage, la valeur du guerrier sont stimulés par l‘idéal du djihad qui n‘exige pas le sacrifice de la vie. Le monde se divise en deux : le territoire de l‘islam et le territoire de la guerre qui est aux mains des infi-dèles. Le territoire des infidèles fera l‘objet de la prédication missionnaire et parfois du dji-had.

La définition médiatiquement dominante circonscrit le djihad à l‘action militaire, alors que celui-ci englobe selon la théologie musulmane, tout effort dans la voie d‘Allah et com-porte deux niveaux : le grand djihad ou djihad de l‘âme et le petit djihad qui inclut toute ac-tion individuelle et collective en tous domaines pour promouvoir le bien.

Pour les musulmans chiites, le djihad militaire se subdivise en deux parties : le djihad offensif qui ne peut être mis en œuvre que sous la direction de l‘imam occulté Mehdi, et le djihad défensif qui signifie toutes formes de résistance menées par les musulmans contre une oppression extérieure ou intérieure.

L‘idée du martyr est inséparable de la conception du djihad défensif chez le Hezbol-lah. L‘engagement pour le djihad défensif suppose pour le croyant une prédisposition au mar-tyr, à l‘image de l‘Imam Hussein, une des figures centrales de l‘islam chiite. « L‘acte de Hus-sein est désigné par l‘expression coranique (sourate 37, verset 107) de grandiose de sacri-fice ».2

Le martyr n‘est pas un saint mais, une fois qu‘il a éteint la mort sacrée, il peut se me-surer aux figures saintes. Le moujahid qui s‘engage dans une opération de martyre (mission suicide) sert l‘islam au plus haut point possible.

1 Karbala est la ville « sacrée » pour les Chiites car elle est le lieu du « martyre » du troisième imam chiite Hussein, le second fils d‘Ali, ayant succédé à Hassan deuxième imam chiite, et massacré avec ses fidèles le 10 du mois de muharram (10 octobre 680) par le calife Omeyyade Yazid II. Pour les Chiites, le « martyre » (sha-hid) d‘Hussein jouera par la suite - et joue d‘ailleurs toujours aujourd‘hui - un rôle majeur avec la commémora-tion de ce jour de deuil dans le rite sanglant de l‘Achoura (chaque « dixième jour » d‘octobre).

2 « Et ne dites pas de ceux qui sont tués dans le sentier d‘Allah qu‘ils sont morts. Au contraire, ils sont vivants mais vous en êtes inconscient » Coran, sourate 2, verset 154.