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Le début de la résistance nationale

A travers ses vingt années d‘existence, le Hezbollah libanais - le parti de Dieu - était une vivante illustration de l‘émergence et de l‘évolution d‘un mouvement islamo- nationaliste libanais qui était chargé la résistance contre l‘occupation israélienne.

Dans le long conflit libano-israélien, le Hezbollah maintient donc une place de premier plan et semble peser de tout son poids dans la balance, que ce soit en tant que libérateur d‘un terrain que revendique toujours le Liban ou en tant qu‘agent inhibiteur d‘une éventuelle paci-fication.

Créé après l‘invasion du Liban par l‘armée israélienne en 1982, ce parti sera devenu en quelques années le principal acteur de la résistance nationale contre Israël et une force émer-gente sur la scène politique.1 Cette résistance, certes islamique, légitime et qui servait d‘un intérêt national présente en revanche pour beaucoup d‘autres, une simple officine des services syriens et iraniens et qui constitue pour les Etats-Unis et Israël - surtout après les attentats de 11 septembre 2001 du World Trade Center à New York - « l‘équipe A du terrorisme, alors qu‘Al-Qaïda n‘en est actuellement que l‘équipe B ». Et, l‘attaque non provoquée du Hezbol-lah en été 2006 a offert à Israël l‘occasion extraordinaire de prouver son utilité en apportant une contribution majeure à la guerre de l‘Amérique contre le terrorisme. (...) L‘Amérique ré-clame une victoire décisive contre le Hezbollah.2

Assimiler le Hezbollah à une poignée de terroristes intégristes constitue l‘un des meilleurs arguments israéliens pour le priver de son identité libanaise et le présenter comme « anti-libanais », au moment où il disposait de 12 députés au parlement anti-libanais sur un total de 128 députés. De même la Syrie et l‘Iran ont été dénoncés comme des parrains de Hezbollah, et lui le simple exécutant de ces deux Etats.

1 M. Badro, idem, http//études stratégiques et diplomatiques.com/ article 2003.

2Editorial, The Wall Street Journal, 1er août 2006, le Monde Diplomatique, septembre 2006.

En effet, le Hezbollah est un acteur libanais d‘une nature non étatique agissant dans un cadre régional donc externe.1 Mais, il ne fait pas de doute qu‘il correspond parfaitement au modèle milicien qui a marqué l‘évolution de tous les groupes armés au Liban durant les quinze années de guerre civile. En ce sens, nous ne pouvons pas comprendre l‘édification du Hezbollah sans tenir compte de sa dimension religieuse et sans le situer dans le contexte ré-gional qui a miné sa structure.

Dès son émergence, le Hezbollah fut financé, armé et dirigé par l‘Iran. Il a rapidement ob-tenu le soutien de la Syrie, qui a joué un rôle clé dans son développement et sa survie.2

Dès 1970, certains acteurs transnationaux autonomes strictement étatiques menaient leurs propres politiques étrangères et pouvaient délibérément s‘opposer ou mettre des obstacles aux politiques conduites par les Etats.

Ainsi, le Hezbollah constitue un modèle conceptuel convenable adapté aux acteurs non-étatiques agissant dans le cadre d‘un conflit régional, et qui a joué un rôle de premier plan dans la vie politique intérieure libanaise à la fois. « Cependant, ses appuis régionaux et locaux contribuent au renforcement de ses effectifs financiers, militaires, logistiques ainsi qu‘à sa force psychologique qui lui permet de se percevoir comme une puissance invincible. »3

Après la proclamation de l‘Etat d‘Israël en 1948, le déclenchement de la guerre de Pales-tine et la défaite arabe, des milliers de Palestiniens sont jetés sur la route de l‘exil.4 C‘est dans ces camps de réfugiés que se formeront, dans la décennie suivante les premiers groupuscules de résistants, les fédayins (ceux qui se sacrifient) fortement contrôlés par les services de ren-seignements d‘égyptiens et syriens.

En 1964, les divers groupes d‘activités s‘unissent au sein de l‘Organisation de la Libération de la Palestine (OLP) qui désirait s‘autodéterminer par une forme militante. Mais, discrédités

1 Le Hezbollah, et la communauté chiite à partir de laquelle il a émergé, sont le seul exemple probant du succès de l‘exportation de la révolution islamique iranienne.

2 M. Badro, idem, http//études stratégiques et diplomatiques.com/ article 2003.

3 Idem. « La formation du Hezbollah convenait à l‘Iran, et particulièrement à la Syrie, pour des raisons de pro-tection, de sécurité et de couverture diplomatique. Mais de plus, le Hezbollah agit à partir d‘un territoire non syrien. »

4 La question des réfugiés et leur présence sur le territoire libanais seront développées dans le chapitre I de la troisième partie.

après leur puissant échec de 1967, les Etats arabes perdent le contrôle de l‘OLP qui leur était jusqu‘alors fortement associée au profit de combattants palestiniens, sous la houlette de Yas-ser Arafat élu à la présidence de l‘organisation.

Partisans de la lutte armée contre Israël, les fédayins commencent à lancer des opérations commandos à partir des pays de la ligne de front. Dès 1965 et surtout à partir de 1968, les fédayins vont utiliser le Sud Liban comme base pour leurs opérations de résistance.

En 1969, l‘accord du Caire achèvera de donner aux résistants palestiniens une grande liberté de manœuvre, par rapport à l‘armée libanaise.1 Ce qui leur permettra d‘instaurer un Etat dans l‘Etat à un moment où le débat autour la présence palestinienne armée s‘amplifie au sein de la population libanaise. Et cela va être la première flamme de la guerre civile libanaise.

Certes, les fédayins disposent d‘avantages notables mais leur ennemi est d‘autant plus puissant que leur objectif parait irréalisable : la « libération de la Palestine ». Ils ont en face d‘eux une armée qui peut mobiliser 100 000 hommes et qui bénéfice de considérables moyens logistiques et financiers.

Qu‘Israël réponde par une politique préventive ou des représailles massives, l‘activisme de la résistance palestinienne se maintient.2 En 1978, le gouvernement israélien lance

« l‘opération Litani » et instaure une zone de sécurité mais les fédayins sont toujours en me-sure d‘atteindre les villages du nord d‘Israël. Ce n‘est que par l‘invasion de 1982 qu‘Israël pourra définitivement venir à bout des combattants de l‘OLP. Au Liban, la population du Sud, tout d‘abord complice, se distancie des résistants palestiniens qui multiplient les exactions vis-à-vis des habitants. Après quinze ans de lutte armée, il est définitivement mis un terme à l‘activisme palestinien qui opte pour une nouvelle base, Tunis.

La résistance nationale libanaise contre l‘occupation israélienne – prise par la résistance palestinienne sa première école- créée par trois partis progressistes: le parti communiste

1 La présence des Palestiniens et leur rôle dans la vie politique libanaise, dans le chapitre I de la troisième partie.

2 Se référer notamment à S. KASSIR, La guerre de Liban, cermoc-Karthala, Beyrouth, 1994.

nais, l‘organisation d‘action communiste au Liban et le parti national socialiste – et Amal qui commence à se manifester après l‘entrée des Israéliens à Beyrouth le 16 septembre 1982.

L‘agression de trois soldats israéliens dans une petite rue de Beyrouth par un individu, qui ne sera jamais arrêté constituera le début emblématique de la résistance nationale.

La situation évolue très vite, à mesure que l‘ordre israélien est ressenti comme répressif.

Progressivement, la résistance nationale s‘est forgée d‘un appui populaire incontestable. En parallèle, la mouvance islamiste, qui existait sous la forme d‘un courant intellectuel ou d‘associations sociales à caractère local, commence à se structurer sur les plans politique et militaire pour combattre l‘occupation.

L‘action de l‘imam Moussa Sadr et de son « mouvement des déshérités » dans le Sud-Liban manifeste son existence politique dés le début de la guerre civile en 1974–1975.

L‘imam Moussa Sadr crée le « mouvement des déshérités » dans l‘esprit même du chiisme des pauvres, des persécutés et des martyrs potentiels. Durant la guerre civile, le mouvement

« Amal » dont ses milices jouent un rôle essentiel durant la guerre civile. Ce rôle avait certes déjà créé un terreau favorable au développement d‘un islam révolutionnaire.

L‘invasion israélienne a cependant accéléré la fédération des divers groupes et courants s‘en réclamant et leur structuration dans le cadre d‘une organisation politico-militaire. A cet égard, il y a lieu de s‘interroger sur le rôle des Chiites dans la résistance et sur celui des autres partis politiques qui combattent dans cette même résistance. Il est clair que la base militaire de toute la gauche libanaise a été pour une grande part chiite, mais cela ne préjuge pas de leur identité libanaise. De même, il faut dire qu‘un grand nombre de chrétiens libanais sont membres de la même résistance notamment ceux qui sont membres des partis de la gauche libanaise.

Ainsi, la résistance contre l‘occupant connaît plusieurs phases. La première s‘étend de 1982 au mois de mai 1985, date du retrait partiel des troupes israéliennes vers les régions du Sud. La seconde phase, de 1985 à 1991 avec le Hezbollah qui va supplanter progressivement sa résistance contre l‘armée israélienne et ses collaborateurs (l‘armée du Liban-Sud) dans la zone de sécurité. Cette phase est marquée par la constitution progressive d‘un consensus na-tional autour de l‘action de résistance menée par le mouvement et qui lui apporte un soutien clair et affirmé à son combat armé. La troisième phase qui débute en 1991 jusqu‘au le retrait

israélien en 24 mai 2000. Les accords d‘avril 1996, qui cantonnent la confrontation entre le mouvement et Israël et dont l‘application est supervisée par un comité international (auquel participent la France et les Etats-Unis) vont acquérir au Hezbollah une reconnaissance inter-nationale de la légitimité de son combat.

A partir de mai 2000, le Hezbollah estime qu‘il est à la fois dans une posture de poursuite de la résistance jusqu‘à la libération de la zone des fermes de Chebaa, et dans une posture dissuasive, devant prévenir les velléités israéliennes d‘agression et d‘hégémonie.1