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Le niveau macro : contexte socio-institutionnel et économique au niveau national national

LES DETERMINANTS DE L'ADOPTION DES PRATIQUES

III. PROBLEMATIQUE : UNE EXPLORATION DU DIFFERENTIEL D'ADOPTION DES PRATIQUES DIFFERENTIEL D'ADOPTION DES PRATIQUES DIFFERENTIEL D'ADOPTION DES PRATIQUES

IV.2. Un modèle multi-niveaux

IV.2.1. Le niveau macro : contexte socio-institutionnel et économique au niveau national national

Le premier ensemble, l'environnement socio-institutionnel et économique au niveau national, est composé de trois blocs principaux :

- Le contexte social, soit les attentes de la société civile (démographie, conditions de vie, aspirations, etc.) ;

- Le contexte institutionnel, soit le rôle relatif de l'entreprise par rapport aux autres institutions telles que l'Etat et la famille, les relations des entreprises à l'Etat et aux partenaires sociaux, la législation et la fiscalité, et enfin le système éducatif ;

- Et le contexte économique, soit le marché du travail et la conjoncture économique.

Ces trois blocs interagissent entre eux : par exemple, les attentes de la société civile (contexte social) exercent une pression sur le législateur et peuvent ainsi faire évoluer le cadre législatif (contexte institutionnel). De même, un marché du travail plus ou moins porteur (contexte économique) peut engendrer de fortes attentes chez les salariés, ou au contraire les modérer (contexte social).

Pris ensemble, ces trois blocs déterminent le degré d'adoption des pratiques dans un pays, c'est-à-dire leur visibilité dans le débat public, et leur diffusion (pratiques de ressources humaines, recherches universitaires sur le sujet, émergence de prestataires de services).

Rétroactivement, l'adoption plus grande des pratiques au sein d'un pays peut susciter de plus fortes attentes au sein de la société civile, modifier les relations entre l'Etat et les entreprises, et les relations entre partenaires sociaux.

Graphe 2 : Cadre théorique pour l'explication de l'adoption des pratiques d'harmonisation, niveau macro

IV.2.2. Actions du macro vers le méso

La théorie de l'isomorphisme institutionnel a montré que l'environnement socio-institutionnel et économique façonne les décisions de l'entreprise. J'ai exposé précédemment que ces travaux ont été largement mobilisés pour expliquer la différence d'adoption des pratiques d'harmonisation selon la taille de l'entreprise, son secteur d'activité et ses lieux d'implantation. Comment s'opère cette influence du macro sur le méso ? DiMaggio et Powell (1983) se sont intéressés à l'étonnante homogénéité des comportements des entreprises, dans les secteurs institutionnalisés. Ils soutiennent que les organisations sont en compétition non seulement au plan économique (ressources, clients), mais aussi au plan social (pouvoir, légitimité sociale).

Elles sont ainsi soumises à des pressions, de trois natures, qui expliquent cet isomorphisme :

- Pressions coercitives : l'organisation dépend d'autres organisations, et de la société ; elle obéit ainsi aux lois, aux attentes culturelles, à l'obligation de reporter à la maison mère, à la persuasion de rejoindre une alliance, etc. ;

- Pressions mimétiques : dans un environnement incertain, l'organisation se modèle d'après d'autres organisations à succès ; l'imitation se fait grâce aux embauches de salariés venant de l'extérieur, au recours aux cabinets conseil et à la participation à des associations professionnelles ;

- Et pressions normatives : la professionnalisation de la gestion entraîne l'établissement de règles et standards professionnels, et pousse à l'adoption de pratiques dites innovantes ; l'isomorphisme

Contexte social

Contexte économique

Degré d’adoption dans le pays

Contexte institutionnel ENVIRONNEMENT SOCIO-INSTITUTIONNEL & ECONOMIQUE AU NIVEAU NATIONAL

Contexte social

Contexte économique

Degré d’adoption dans le pays

Contexte institutionnel ENVIRONNEMENT SOCIO-INSTITUTIONNEL & ECONOMIQUE AU NIVEAU NATIONAL

normatif passe par l'homogénéité des dirigeants, entretenue par le recrutement sur diplômes, les carrières normées et les échanges au sein de réseaux professionnels.

La recherche de légitimité sociale mise en lumière par DiMaggio et Powell s'applique bien au cas de l'adoption des pratiques d'harmonisation. Elle permet d'analyser l'influence du macro sur le méso, dans mon modèle :

- Le contexte social se traduit pour l'entreprise de façon externe tout d'abord (la question est un enjeu de société auquel elle peut prêter attention, comme pour le développement durable ou la responsabilité sociale), et de façon interne ensuite, (comme demande formulée par les salariés et leurs représentants) ; il s'agit d'une pression coercitive et/ou mimétique82 ;

- Les relations entre les entreprises, l'Etat et les partenaires sociaux, ainsi que la législation et la fiscalité, forment le cadre dans lequel l'entreprise évolue (pression coercitive) ;

- Et l'adoption des pratiques au niveau national se concrétise par la diffusion de l'enjeu et des pratiques au sein des associations professionnelles, et par le développement de la recherche et des services professionnels, qui peuvent apporter de l'expertise ou des solutions clé en main (pression mimétique et/ou normative).

Un quatrième facteur macro, le contexte économique, influence les décisions des entreprises : le marché du travail et la conjoncture économique ont des conséquences directes sur le recrutement et les politiques de rémunération et de fidélisation.

IV.2.3. Le niveau méso : interprétation de son environnement par l'entreprise

Le second ensemble se concentre sur les facteurs explicatifs de l'adoption des pratiques au niveau de l'entreprise.

Je m'appuie ici sur les travaux de Milliken et ses collègues (Milliken & al., 1990, Milliken & al., 1998) qui font appel à deux cadres théorique parfois opposés, dont ils démontrent la complémentarité. Il s'agit du cadre néo-institutionnaliste d'une part, et de celui des "choix stratégiques" d'autre part, qui postule que l'entreprise est en capacité d'interpréter son environnement et de procéder à des choix, plutôt que de se conformer de façon passive aux pressions institutionnelles.

82 Les trois mécanismes de l'isomorphisme ne sont pas toujours aisés à distinguer empiriquement ; il s'agit d'une distinction analytique (DiMaggio & Powell, 1983, p.150).

Milliken et ses collègues mobilisent en particulier la démarche de Daft & Weick (1984), qui décrivent les organisations comme des "systèmes d'interprétation" : elles donnent un sens à leur environnement, et parfois le façonnent en l'interprétant. Cette démarche met l'accent sur le rôle central des responsables de ressources humaines comme agents de prise de décision. Dans cette optique, les différences d'interprétation de l'environnement entre entreprises s'expliquent par la culture et la structure des entreprises (traitement de l'information par exemple). Milliken et ses collègues (1998) estiment que l'interprétation active de son environnement par l'entreprise, en particulier par les responsables de ressources humaines, explique 17% de la variance dans l'adoption des pratiques d'harmonisation, quand les facteurs institutionnels (taille, secteur, etc.) sont contrôlés. Mais les facteurs institutionnels ont leur importance et limitent l'autonomie de décision des responsables de ressources humaines.

La structure de l'ensemble méso s'appuie sur le processus d'interprétation proposé par Dutton et Duncan (1987), qui identifient trois moments critiques : l'identification de l'enjeu (littéralement, son activation), l'évaluation de son importance et de son urgence, et l'évaluation de faisabilité des solutions potentielles83.

Je propose ainsi trois blocs de facteurs explicatifs :

- L'identification de l'enjeu : les facteurs susceptibles d'attirer l'attention des dirigeants et des responsables de ressources humaines et de leur faire identifier l'harmonisation travail – hors-travail comme un enjeu, une demande, ou simplement une question à examiner ;

- L'évaluation de l'enjeu : les éléments qui leur permettent d'évaluer la pertinence et l'importance d'adopter des pratiques, notamment au regard du sens qu'ils donnent à l'enjeu, des orientations de l'entreprise (valeurs, histoire, secteur d'activité) et de sa stratégie ;

- L'évaluation de la faisabilité : les facteurs qui rendent la mise en œuvre des pratiques plus ou moins aisée et compatible avec les modes de fonctionnement actuels de l'entreprise.

L'identification de l'enjeu précède les deux évaluations, qui peuvent être concomitantes ou consécutives. La sélection et l'adoption de pratiques d'harmonisation est l'aboutissement de ces trois moments critiques, excepté lorsqu'une entreprise en imite d'autres et rationalise son comportement a

posteriori.

83 "Activation" ,"Assessment of urgency", et "Assessment of feasibility". Deux autres modélisations de ce processus m'ont aidée : celle de Daft et Weick (1984) en trois étapes ("Scanning", "Interpretation", et "Learning") et celle de Milliken & al. (1990) en cinq étapes ("Scanning", "Noticing", "Interpretation", "Choosing", et "Learning").

Au sein de chacun de ces blocs, j'ai distingué un certain nombre de facteurs explicatifs, au nombre desquels on retrouve les facteurs d'ordre institutionnel tels que la taille de l'entreprise, son secteur, etc.

Graphe 3 : Cadre théorique pour l'explication de l'adoption des pratiques d'harmonisation, niveau macro

IV.2.4. Rétroactions du méso vers le macro

Inversement, des rétroactions s'opèrent du niveau méso vers le niveau macro.

L'adoption des pratiques par certaines entreprises peut générer de nouvelles attentes parmi les salariés d'autres entreprises, et élever ainsi les attentes de la société civile (contexte social).

Les initiatives des entreprises dans le domaine du soutien au hors-travail peuvent aussi modifier la conception des rôles respectifs de l'Etat et des entreprises, la nature des relations entre les partenaires sociaux, et même le cadre législatif et fiscal (contexte institutionnel). Ce dernier cas de figure, qui s'est illustré en France lors de l'amendement Fleury Michon dans la loi Famille de 199484, a été qualifié d'"isomorphisme normatif bottom-up" (Buffier-Morel, 2004, p.357).

Enfin, l'adoption agrégée des pratiques par chaque entreprise détermine le degré d'adoption au niveau national, ainsi que l'ampleur de la recherche sur le sujet, et le nombre des prestataires spécialisés.

84

Fleury Michon a rémunéré le congé parental à hauteur d'un demi-SMIC, et l'a porté à six ans pour les parents de 3 enfants. Cette initiative a donné lieu à l'amendement Fleury Michon, soit l'exonération de charges sociales sur ce demi-SMIC.

1. Identification de l’enjeu (sources générant l’attention)

3. Évaluation de faisabilité et adoption (examen concret) 2. Évaluation de l’enjeu

(pertinence pour l’entreprise) INTERPRETATION DE SON ENVIRONNEMENT PAR L’ENTREPRISE

Adoption par l’entreprise 1. Identification de l’enjeu

(sources générant l’attention)

3. Évaluation de faisabilité et adoption (examen concret) 2. Évaluation de l’enjeu

(pertinence pour l’entreprise) INTERPRETATION DE SON ENVIRONNEMENT PAR L’ENTREPRISE