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Importance numérique des pratiques : recensement sur les sites internet des grandes entreprises des trois pays internet des grandes entreprises des trois pays

LES DETERMINANTS DE L'ADOPTION DES PRATIQUES

II. EVALUATION DU DIFFERENTIEL D'ADOPTION DES PRATIQUES ENTRE LES ETATS-UNIS, LE PRATIQUES ENTRE LES ETATS-UNIS, LE PRATIQUES ENTRE LES ETATS-UNIS, LE

II.4. Importance numérique des pratiques : recensement sur les sites internet des grandes entreprises des trois pays internet des grandes entreprises des trois pays

Les résultats de l'étude de l'INED n'ont été disponibles qu'en 2007. Pour évaluer le différentiel d'adoption des pratiques sans attendre, j'ai procédé à mon propre recensement des pratiques dans les trois pays76. Il est certes moins représentatif des entreprises au plan national, mais il m'a permis d'établir le différentiel d'adoption des pratiques suffisamment tôt dans mon travail de recherche. Il permet aussi de confirmer les résultats de la comparaison des enquêtes nationales.

Le recensement a été ciblé sur les grandes entreprises, car on a vu que la taille est un déterminant important de l'adoption des nouvelles pratiques RH. Souhaitant comparer les échantillons, j'ai choisi trois indices boursiers de taille semblable : le SBF 12077 en France, le Footsie 100 (FT100) au Royaume-Uni et le Standard & Poor 100 (S&P 100) aux Etats-Unis.

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Une version antérieure de ce recensement a été présentée à la conférence inaugurale du Centre International Travail et Famille de l'IESE Business School à Barcelone (Ollier-Malaterre, 2005a).

Les sites internet et les rapports publics de chacune des entreprises composant ces indices ont été étudiés en détail afin de recenser les pratiques d'harmonisation mentionnées. Naturellement, ce recensement n'est pas aussi fiable qu'une déclaration effectuée par les entreprises elles-mêmes, dans la logique des études nationales : ses principaux mérites sont, d'une part, de donner dans chaque pays la proportion d'entreprises qui considèrent que l'harmonisation travail – hors-travail est une question suffisamment importante pour être traitée sur leur site internet, et, d'autre part, d'être exhaustif en incluant toutes les entreprises des indices, ce que n'aurait pas permis une enquête par questionnaire.

Pour chaque entreprise, l'analyse a commencé par le site internet, plus précisément les pages Carrières, Recrutement, Ressources humaines, et assimilées (Jobs, Employment, Join us, etc.). Elle s'est ensuite prolongée par les rapports sur la responsabilité sociale de l'entreprise, sur le développement durable, et sur la santé et la sécurité au Royaume-Uni78, chaque fois qu'ils étaient disponibles en ligne.

Outre la lecture attentive de ces documents, une recherche systématique a été effectuée sur l'ensemble du site internet79, sur les mots "équilibre", "conciliation", "vie de famille", "vie familiale", "vie personnelle", "vie privée" et "flexibilité" sur les sites français, et "Work-Life", "Work-Family", "Balance", "Conciliation", "Family-friendly", "Personal life", "Private life", "Home

life", and "Flexible working" sur les sites anglais.

J'ai ensuite opéré un contrôle en comparant les résultats de ce recensement avec la liste des entreprises classées par Fortune comme "Great place to work" dans les trois pays (sur la base des déclarations des entreprises).

J'ai constitué trois indicateurs :

(1) Le nombre d'entreprises qui proposent des pratiques relatives au hors-travail (telles que définies en introduction) et quelle que soit leur dénomination : "Benefits", "Rewards", "Lifestyle",

"Well-being", "Diversity", "Work-Life", etc.) ; les avantages qui relèvent typiquement de la rémunération

tels que le salaire, la retraite, l'assurance santé et l'actionnariat salarié n'ont pas été comptabilisés ;

(2) Le nombre d'entreprises qui emploient la terminologie "équilibre/conciliation vie professionnelle – vie personnelle", "équilibre/conciliation travail/famille", "soutien à la famille", et en anglais "Work/Life", "Work/Family" or "Family-friendly" ; ce nombre diffère du premier puisque certaines entreprises proposent des pratiques sans utiliser cette terminologie, et que d'autres mobilisent cette rhétorique sans mentionner de pratiques concrètes ;

78 Health and Safety reports.

(3) Et le nombre d'entreprises qui mentionnent des pratiques de flexibilité spatio-temporelle du travail, comme les horaires flexibles, les temps partiels, les partages de postes, les semaines compressées, le télétravail, les interruptions de carrière, etc. Ces pratiques peuvent être considérées comme plus exigeantes pour l'entreprise qu'une crèche ou qu'un service d'accompagnement, car elles invitent à une réflexion sur l'organisation du travail et ne peuvent être sous-traitées.

Ces recensements ont été effectués en mars 2005 pour le S&P 100, en mai 2005 pour le SBF 120 et en octobre 2006 pour le FT 100.

Les trois indicateurs recueillis convergent. Comme le graphe ci-dessous l'illustre, les entreprises américaines et britanniques mentionnent nettement plus de pratiques d'harmonisation, dans leurs documents officiels, que les françaises. Alors que 84% des entreprises composant le Standard & Poor 100 (S&P 100) et 58% de celles composant le Footsie 100 (FT100) proposent au moins une pratique d'harmonisation (comme un programme d'accompagnement des salariés, une participation aux frais de garde d'enfant ou aux frais de formation continue), seules 12% des entreprises composant le SBF120 le font.

Graphe 1 : Pratiques d'harmonisation adoptées par les grandes entreprises américaines, britanniques et françaises

Pratiques d'harmonisation adoptées par les grandes entreprises américaines, britanniques et françaises 58% 12% 84% 41% 8% 54% 27% 3% 46% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%

S&P100 (EU) FT100 (RU) SBF120 (France)

Proposent des avantages relatifs au hors-travail

Emploient la rhétorique "Work/Life" ou assimilée Proposent une organisation du travail adaptée ("flexible working")

La mobilisation de la rhétorique Work-Life est très prégnante aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et faible en France : respectivement 54% et 41% des entreprises du S&P 100 et du FT100 emploient les termes de "Work-Life", "Work-Family", ou de "family-friendly", alors que 8% des entreprises du

SBF 120 parlent de "conciliation" ou d'"équilibre" "vie professionnelle – vie personnelle" ou "travail/famille", ou encore de "soutien à la famille".

Le troisième indicateur va globalement dans le même sens : alors que 27% et 46% des entreprises du S&P 100 et du FT100 mentionnent des pratiques de flexibilité temporelle et spatiale du travail (temps partiels, semaines compressées, télétravail, etc.), seules 3% de leurs homologues du SBF120 le font. On note tout de même une différence intéressante entre les sites internet américains et britanniques : les uns détaillent fortement les pratiques Work-Life et mobilisent la rhétorique correspondante de façon très visible, dans les titres de rubriques notamment ; les autres mettent plutôt l'accent sur le "travail flexible", et n'utilisent la rhétorique Work-Life qu'au second plan, dans les textes.

Enfin, certaines entreprises françaises ne mentionnent les pratiques d'harmonisation que sur leurs sites en anglais. Si on ne compte que les sites en langue française, les chiffres doivent être revus à la baisse : 9% des entreprises du SBF120 mentionnent au moins une pratique d'harmonisation, 7% mobilisent la rhétorique associée, et 1,7%, soit deux entreprises80, proposent une forme de flexibilité temporelle ou spatiale du travail. De façon tout à fait intéressant, parce que cet état de fait souligne l'importance du contexte national, certaines multinationales françaises mettent en œuvre des pratiques d'harmonisation aux Etats-Unis, mais pas en France : Lafarge, par exemple, a sous-traité un programme d'assistance aux employés à Warren Shepell, en Amérique du Nord.

Cela dit, une autre piste d'interprétation doit être discutée : et si les entreprises françaises mettaient en œuvre autant d'initiatives dans ce domaine que les américaines ou les britanniques, mais simplement n'en faisaient pas le même usage en termes de communication externe ? Il faut se garder d'assimiler faible publicité des pratiques en France avec faible diffusion, car la faible notoriété des prix d'éthique et la relative sous-utilisation médiatique des rapports de responsabilité sociale en France ont déjà été relevées : Segal (2005) l'explique par une certaine valorisation, en France, de la discrétion comme gage de sincérité et de désintéressement, comme l'illustre les maximes "bien faire, et laisser dire", et "pour vivre heureux, vivons cachés".

Il y aurait ainsi non pas deux mais trois différentiels entre les pays que nous comparons : un premier différentiel d'adoption des pratiques, un second différentiel d'implication des acteurs dans l'entreprise, et un troisième différentiel d'affichage – qui s'expliquerait par la discrétion des entreprises françaises, ou comme on le verra dans l'analyse des entretiens, par une moindre propension à formaliser les pratiques.

80 Carrefour et Eurodisney : il s'agit dans les deux cas de "temps partiels pour concilier vie professionnelle et vie personnelle".

Cette proposition est corroborée par un contrôle que j'ai opéré sur mon recensement : j'ai comparé les résultats du recensement avec la liste des entreprises classées comme "Great place to work" dans les trois pays. On constate une parfaite concordance entre les deux listes d'entreprises britanniques et américaines, et un écart dans la liste française : L'Oréal met à disposition de ses salariés des services de proximité, qui ne sont pas comptabilisés dans mon recensement parce qu'ils ne sont pas mentionnés du tout sur leurs sites Internet, ni dans leur rapport sur le développement durable, qui met pourtant l'accent sur la qualité de l'environnement de travail.

III. PROBLEMATIQUE : UNE EXPLORATION DU