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Chapitre 3 : Le cas Iron Maiden

A. Un groupe parfois estimé mais souvent incompris

2. Une imagerie repoussante

2.1. Naissance

Avant de devenir le personnage que tous les fans et les détracteurs de metal connaissent, Eddie a été le fruit d’une longue gestation qui a commencé au moment où le groupe était encore une formation underground qui se produisait dans les pubs de l’East-End de Londres.

Dès ses premiers concerts, le groupe avait su montrer son goût pour le spectacle. Ses membres prenaient la peine de se changer dans les toilettes avant de monter sur scène et au fur et à mesure que les finances le permettaient, de l’éclairage et des effets pyrotechniques ont été greffés aux concerts afin d’offrir au public un véritable show. Bien qu’étant extrêmement onéreux, ces procédés payèrent dans la mesure où un large public venait goûter à la performance et au spectacle que le groupe offrait dans d’humbles salles.

Eddie fut au départ un masque conçu et réalisé par David Beasly le stage manager de l’époque et dont l’esthétique n’est pas sans rappeler celle du théâtre japonais Nô bien qu’il n’y ait eu aucune inspiration. Il était accroché sur le back drop.376 Lorsque le groupe en eut les moyens, il s’inspira de l’enseigne lumineuse du groupe Irlandais Thin Lizzy pour en réaliser une similaire sur laquelle fut placé le masque.

Au cours de la valse aux musiciens qui caractérisa les premières années d’existence d’Iron Maiden, Dennis Wilcox, un chanteur eut l’idée de réaliser un tour de magie gore. Après avoir préalablement placé des capsules contenant du faux sang dans sa bouche, il faisait semblant de se trancher la langue avec une épée. L’effet était tellement réaliste que la légende raconte qu’un soir, deux filles s’évanouirent. Après le départ de ce chanteur, le groupe souhaita conserver ce tour mais d’une façon différente. L’idée vint de percer un petit trou dans le masque et de lui faire cracher du sang grâce à une pompe à eau d’aquarium. Ce sont les batteurs qui ont souffert de cet effet car bien souvent le liquide leur tombait sur les cheveux et les shampooings n’arrivaient pas toujours à faire partir la couleur. Ils devaient alors aller travailler avec une chevelure teintée de rouge.

En novembre 1979, Iron Maiden signa un contrat pour cinq albums avec EMI.377 La maison de disques proposa pour le premier simple le dessinateur Derek Riggs comme illustrateur. Ce dernier montra d’abord au groupe des dessins baignant dans l’univers de la science fiction mais cela ne convenait guère. Au milieu du portfolio s’était cependant égarée une œuvre pensée et réalisée bien avant pour un groupe punk.

« Eddie a été conçu environ un an et demi avant que je ne rencontre Maiden, avant qu’ils n’aient même signé un contrat. C’était durant le mouvement punk anglais de la fin des années soixante-dix et au début des

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Voir les interviews candides sur le disque bonus du DVD Rock in Rio. Sanctuary Visual Entertainment, 2002.

375

Philippe BLANCHET. Op. Cit., p. 86.

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Terme du jargon musical désignant le rideau, généralement en tissu, accroché au fond de la scène et servant de décor et sur lequel est généralement brodé ou peint le nom du groupe.

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années 1980. J’essayais de glisser du symbolisme dans les dessins afin qu’ils puissent être lus comme une histoire. Je pensais à la philosophie de l’époque et à l’idée que la jeunesse d’alors était en train d’être atrophiée. J’ai utilisée cette idée de cette "jeunesse atrophiée et je l’ai personnifiée avec Eddie. »378

Au départ les cheveux d’Eddie étaient courts, oranges et ils formaient une crête.

Or ce sont des métalleux qui se l’approprièrent. Comme le groupe trouvait cette illustration trop bonne pour n’être que sur un simple, il demanda à Derek Riggs de faire un autre dessin sur lequel le visage du personnage était caché afin de conserver intact l’effet de surprise du dessin original destiné à figurer sur la pochette du premier album. Le dessinateur s’exécuta et il réalisa le dessin suivant :

« L’image elle-même a été empruntée à une photographie, que j’avais, d’une tête séchée en décomposition qui avait été collée sur un char et utilisée comme image de propagande durant la Seconde Guerre Mondiale et la Guerre du Vietnam. J’ai pris cette image et je l’ai habillée d’un tee-shirt et je l’ai placée dans un environnement urbain parce que je voulais qu’il vive dans la rue, juste au coin et pas à des millions (sic) de kilomètres de là. Le groupe m’a demandé de lui mettre plus de cheveux pour le faire mieux s’intégrer dans la scène metal et ce dessin est devenu la première pochette d’Iron Maiden. »379

Quant au nom du personnage, il vient d’une histoire drôle très populaire au moment de la naissance de la mascotte ; il s’agit de l’histoire « d’Eddie la Tête » :

« Une femme eut un bébé, mais il était né avec une seule tête et sans corps. "Ne vous inquiétiez pas" dit le docteur. "Ramenez-le moi dans cinq ans et j’aurai un corps pour lui." Cinq années passèrent et Eddie la Tête, comme ses parents l’avaient appelé, était sur le manteau de la cheminée lorsque son père entra. "Fils", dit-il, "aujourd’hui est un jour très spécial. C’est ton cinquième anniversaire et nous avons une surprise extraordinaire pour toi." "Oh non", dit Eddie "pas encore un foutu chapeau !" »380

Comme sur scène la mascotte n’était qu’un masque et que sur la pochette de l’album elle n’était qu’un tronc, le groupe eut l’idée de baptiser leur mascotte Eddie par référence à ce personnage. Très vite Eddie devint un élément clef dans la carrière du groupe. En effet grâce à lui Iron Maiden faisait partie en 1982 des trois plus gros vendeurs de produits dérivés.381

Photo 1 : Eddie sur scène pendant la tournée Beast on the Road

(Photo de Pierre Terrasson)

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« Eddie was designed about one and a half years before I met Iron Maiden, before they even had a recording contract. It was during the English punk movement of the late seventies and early eighties. I was experiment with putting symbolism into pictures so that they could be read like a narrative. I was thinking about the philosophy of the time and the idea that the youth of the day was being wasted by society. I took this “wasted youth” idea and personified it as Eddie.” In Ian CHRISTE. Op. Cit., p. 72.

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“The image itself was taken from a photograph I had of a dried and decaying head which had been stuck onto a tank and used as propaganda in both Second World War and the Vietnam War. I took this image and dressed it in a T-Shirt and then placed into a city environment because I wanted it to live in the street – just around the corner, not a million miles away. The band asked me to give a bit more of hair to make it fit with the heavy metal scene a bit better, and this picture became Iron Maiden’s first cover.” Ibid. pp. 72- 73.

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“A woman had a baby, but it was born with only a head and no body. “Don’t worry,” says the Doctor. “Bring him back in five years time and we’ll have a body for him.” So five years go by, and there’s Eddie the ‘Ead, as his parents have called him, sitting on the mantelpiece, when in walks his dad. “Son,” he says, “today’s a very special day. It’s your fifth birthday and we’ve got a very special surprise for you.” “Oh no,” says Eddie. “Not another bloody hat!” In Mick WALL. Op. Cit., p. 62.

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