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Chapitre 2 : Didactisme et effets socialisateurs du metal

A. Quelques effets bénéfiques de la musique et des chansons metal

3. Effets cathartiques

Le Dictionnaire Universel Francophone définit la catharsis comme telle :

« 1. PHILO Chez Aristote, effet de purification des passions que produit la tragédie sur le spectateur. 2. PSYCHAN Libération, sous forme d’émotion, d’une représentation refoulée dans l’inconscient et responsables de troubles psychiques. »285

Dans cette sous-partie nous allons d’abord voir quelle définition peut être donnée à ce terme dans le domaine de la musique et ensuite, nous verrons l’emploi qui lui est réservé dans des études sur les métalleux.

3.1. Vers une définition de la catharsis dans la musique

Dans le chapitre « Sacrifier »,286 de son ouvrage Bruits, Jacques Attali démontre clairement les effets cathartiques de la musique lorsqu’il la qualifie de « métaphore du sacrifice ».287 Attali rappelle que :

281

Sam Dunn. Heavy Metal : A Headbanger’s journey. Seville pictures, 2006.

282

Jacques ATTALI. Op. Cit., p. 195.

283

Michel MAFFESOLI. Op. Cit., p. 46.

284

Nicolas WALZER. Op. Cit., p. 165.

285

Dictionnaire universel francophone. Op. Cit., p. 217.

286 Jacques ATTALI. Op. Cit., pp. 39-81. 287

« Pour faire bonne mesure et éliminer toute menace résiduelle de violence, [les sociétés premières] désignent un bouc émissaire sur lequel elles concentrent toute la haine afin que son sacrifice – réel ou symbolique – polarise la violence potentielle comme un paratonnerre attire la foudre. »288

Selon lui, les musiciens sont de parfaits bouc émissaires et il attire notre attention sur le fait que l’expression « bouc émissaire » trouve sa source dans le « Lévitique » de la Bible et qu’en « Grèce on le nomme pharmakon, comme le thérapeute » ;289 la polysémie du terme grec en dit long. Dans la dernière partie de son développement, il rapporte les mots de Colin Fletcher qui illustrent sa thèse :

« la relation entre violence et rock’n’roll indique que la musique a une tendance à absorber la violence et à réorienter les énergies violentes vers la création musicale ou vers le soutien, mais essentiellement non violent, de groupes ou chanteurs particuliers ».290

En 1984, dans ses Essais sur la violence : banale et fondatrice,291 Michel Maffesoli semblait confirmer les propos de Jaques Attali en écrivant :

« L’excès et la frénésie, les pratiques si aimables ou si violentes qu’ils impulsent, commémorent la violence originelle, mais en même temps l’expient, négocient avec elle ; c’est cette fonction cathartique (dans le sens simple du terme : sa fonction d’expurger) qui explique sa positivité qui permet de comprendre ce que l’on essaie de dire sur son aspect constructif. »292

3.2. Effets cathartiques dans le métal

Dans les études sur le metal, quelques auteurs évoquent l’effet cathartique que peut produire ce genre musical.

Dans son développement consacré aux solos de guitares, Robert Walser écrit que : « La violence métallique suscite une fonction cathartique, à laquelle [les métalleux] identifient des figures métaphoriques. »293

Pour sa part, Jeffrey Jensen Arnett rapporte les propos d’un jeune métalleux :

« Comme beaucoup de métalleux, il écoutait aussi du heavy metal pour se purger de sa colère. […] L’effet produit, disait-il, était "ça me calme". Le pogo aux concerts avait pour lui la même fonction cathartique : "Toutes les méchantes agressivités, tu les laisses sortir."

C’était la réaction caractéristique des garçons de cette étude. Le plus généralement, les chansons de heavy metal avaient la fonction de les aider à se purger de pulsions destructrices et autodestructrices. »294

Robert Culat dans son chapitre « Le pouvoir de la musique metal », propose un florilège de témoignages de métalleux abondant dans notre proposition.295 Le prêtre parle d’abord d’un pouvoir de « canaliser l’agressivité et […] [d]’apaiser et [de] calmer » avant d’évoquer la « catharsis » – qu’il définit selon le sens philosophique, donc comme une purification – mentionnée par une métalleuse de 21 ans.

Enfin, Nicolas Walzer reprend la pensée de Michel Maffesoli pour parler des concerts metal qui sont « des moments de dépense somptuaire qui équilibrent et amenuisent la violence quotidienne du stress et ou des tensions interpersonnelles. »296

288 Ibid. p. 50. 289 Ibid. p. 50. 290

Charlie GILLET. The Sound of the City. New York : Outerbirdge and Dientsfrey, 1970. Étude de Colin FLETCHER, New Society and the Pop Process. Londres: Richard Mabey, Hutchinson Educational, 1970 ; cité par Philippe Daufouy et Jean-Pierre Sarton. Pop Music/Rock, 1972. Cité par Jacques ATTALI. Op. Cit., p. 58.

291

Michel MAFFESOLI. Essais sur la violence : banale et fondatrice. Paris : Librairie des Méridiens, 1984.

292 Cité par Nicolas WALZER. Op. Cit. 293

Ibid. p. 149.

294

« Like many metalheads, he also listened to heavy metal to purge his anger. […] The effect of it, he said, is that “it calms me down.”Slamdancing at concerts served the same cathartic function for him: ‘Any angry aggressions you have, you just let them out.’ This was the characteristic response of boys in the study: Most commonly, heavy metal songs served the function of helping to purge their destructive and self-destructive urges”. Jeffrey Jensen ARNETT. Op. Cit., p. 19.

295 Robert CULAT. L’Âge du metal. Rosières en Haye : Camion Blanc, 2007. pp. 187-188. 296

D’une manière plus générale, Jacques Attali nous dit que :

« […] le spectacle de la musique est un instrument de pacification sociale qui donne à tous l’illusion de goûter à des passions interdites. La noria de chansons et de vedettes standardisées, même si elles sont en apparence violentes ou rebelles, libertaires ou subversives, enserre une vie quotidienne où plus personne n’a réellement la parole, où la musique est un simple moyen de jouer à se faire peur, un sujet anodin de conversation, une façon d’empêcher de parler et d’agir sérieusement. »297

4. Synthèse

De par les effets didactiques, socialisateurs et cathartiques que nous venons d’évoquer, l’image du metal semble bien loin de celle stéréotypée que l’on essaye généralement de vendre au grand public. Ce genre musical n’apparait alors plus comme un style aliénant ni marginalisant, qui amène des jeunes au suicide et au meurtre. Au contraire, il peut être un puissant medium de développement personnel.

Dans la deuxième partie, nous allons voir quelles formes peuvent prendre le regroupement des individus partageant un même style.

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