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2.2 Qui étaient-ils ?

2.2.2 Mourir pour Prague ?

La dynamique de l’Histoire ne laissa aucun répit. Le 5 septembre 1938 commença à Nuremberg le congrès du Parti national-socialiste. La guerre se rapprocha. Une fois l’Autriche annexée en mars 1938, Hitler, loin de s’en contenter, avait lancé une offensive pour le démembrement de la Tchécoslovaquie. Il menaça le pays d’une annexion de la région des Sudètes, où vivait une population en majorité germanophone, par tous les moyens nécessaires. Dans cette région, le parti germanophone et pro-nazi de Konrad Heinlein s’était renforcé, notamment à cause du nationalisme de la classe dominante tchèque. La crise de Munich éclata. La peur de la guerre frappa des dizaines de millions d’hommes et de femmes en Europe. De la crise émergea la politique franco- britannique d’apaisement et de conciliation envers les appétits expansionnistes d’Hitler. Mussolini joua le rôle du médiateur, à la recherche d’un contrepoids à l’expansionnisme nazi. Le retrait de la France, engagée par un pacte d’assistance mutuelle avec la Tchécoslovaquie, entraîna avec lui Staline, occupé à forger une alliance avec les puissances impérialistes « démocratiques ». La classe dirigeante tchécoslovaque partit en exil (les cercles démocrates pro-britanniques de Beneš) ou se plia aux diktat de l’Allemagne, comme le nouveau premier ministre, le général Syrový. La Tchécoslovaquie fut démembrée.

Quelle position les socialistes de gauche adoptèrent-ils ?

Aucun organisme international faisant autorité ne put prendre rapidement position au nom du courant. Quelques indications sont toutefois contenues dans le manifeste produit lors de la réunion du BIUSR à Genève le 12 septembre. Ce texte servit par ailleurs à convoquer la réunion de fondation du FOI, qui eut lieu à Bruxelles à la fin du mois d’octobre. L’appel à reprendre les positions déjà exprimées par le BIUSR était catégorique :

« No ! The coming war will be neither a war for liberation of an oppressed people, nor a war for the defence of “democracy” against Fascism. It will be a war in which two groups of brigands will come to grips for a new partition of the earth »241.

Les lignes concrètes d’intervention furent toutefois à peine abordées. L’étude de la presse nationale des organisations du BIUSR est un instrument incontournable pour classer l’action de ces socialistes et évaluer le rapport avec les courants pacifistes.

Lorsque la crise tchécoslovaque arriva sur la scène internationale, la réplique immédiate de l’ILP se condensa dans le slogan « Resist War », accompagné de la critique des sujets utilisés par la propagande de l’Entente en 1914, lorsqu’elle avait présenté l’entrée en guerre comme l’aide au « poor little Belgium » menacé par le militarisme prussien. Il s’agissait pour le National Administrative Council (NAC, Conseil National Administratif) de l’ILP d’argumentations hypocrites et vieilles d’un quart de siècle qui essayaient de tromper encore une fois la classe laborieuse afin d’en obtenir l’obéissance dans une guerre « to end war » et « mak[ing] the world safe for democracy »242. Un opuscule de l’ILP lançait un

appel pour intensifier la lutte des classes et revendiquer l’abolition de lois liberticides comme le Trades Disputes Act de 1927 et le Sedition Act. S’opposer à la guerre signifiait contester l’avènement du principal facteur d’accélération du passage au fascisme dans le

241 L’appel, en anglais, fut reproduit dans un tract recto/verso du Socialist Anti-War Front, dans Archives

Départementales du Rhône (ADR), Lyon, f. L’Insurgé, carton 1.

Royaume-Uni également. Aucune croisade idéologique authentique n’était en gestation et la « capitalist ‘democracy’ » restait « a smokescreen »243. Sur la même longueur d’onde,

l’hebdomadaire du PSOP soutenait que la guerre aurait amorcé la transition vers le fascisme également dans les pays démocratiques244.

Dans l’organisation de l’opposition aux tambours de guerre, l’ILP forma une organisation large, le Socialist Anti-War Front (SAWF, Front socialiste contre la guerre), qui englobait la section officielle de la QI d’alors, la Revolutionary Socialist League (RSL, Ligue socialiste révolutionnaire), le Co-operative Party, la Marxist Labour League, la fraction trotskiste active au sein du LP et quelques structures de base travaillistes. La documentation produite par le SAWF faisait retentir la devise de Liebknecht (« Your enemy is at home! ») et dénonçait la politique officielle de certains travaillistes et dirigeants syndicaux, lesquels relayaient passivement les positions du secteur de la bourgeoisie (incarné par Churchill) partisan d’une guerre contre l’Allemagne, tout comme le CPGB qui, avec une logique analogue mais inversée, proposait une « peace alliance »245. Néanmoins, durant les

journées de la conférence de Munich, l’attente et le silence prévalurent au sein de l’ILP. Quand Chamberlain rentra au Royaume-Uni avec l’aura du sauveur du monde, le député et leader historique de l’ILP, James Maxton, se joignit même au chœur des éloges. Intervenant à la Chambre des communes, il dénonça la guerre avec des arguments de type humanitaire et affirma que le Premier ministre de la Couronne « did something the mass of common people in the world wanted done »246. Maxton fut soutenu par le secrétaire

général du parti, John McNair, et par le parlementaire John McGovern, lequel était par ailleurs un partisan du mouvement pour le Moral Re-Armement247. En désaccord avec eux

mais opposé à une rupture, exactement comme lors du congrès du parti de 1936 à propos des sanctions contre l’Italie mussolinienne, Brockway écrivit diplomatiquement que sur la question de la paix impérialiste « we have gaps to fill »248. Quoi qu’il en soit, il lui fut

accordé de se dissocier par un article publié sur le New Leader, même s’il semblerait que le fait d’avoir utilisé cette possibilité froissa ses rapports personnels avec Maxton. Réfléchissant rétrospectivement sur son rôle, Brockway l’assuma :

« Some of our members were disturbed but I reassured them: Maxton’s words did not commit the I.L.P. to endorse any peace which Chamberlain might bring back, and they clearly indicated the opposition of the Party to war »249.

Son opinion sur la question était elle aussi restée inchangée : « the speech was regrettable from a revolutionary socialist point of view for two reasons: first, for the praise of Chamberlain and, second, for its omission of any denunciation of the terms of the Munich pact »250. Lors du congrès national suivant, les militants démontrèrent qu’ils étaient unis 243 War ? Democracy ? Czech independence ? Where do the workers come in ?, pamphlet, ILP, 1938, p.

3.

244 Voir la traduction en français de l’appel à la création du FOI dans JUIN 36, n° 22, 17-9-1938. 245 Tract du Socialist Anti-War Front, septembre 1938, dans ADR, f. L’Insurgé, carton 1.

246 Voir J. Maxton, « Declaration to the House of Commons. 4th October 1938 », tract, 4 pages, ILP,

dans ibidem.

247 Voir l’entrée McGovern John (1887-1968) du Oxford Dictionary of National Biography, réalisée par

Irene Maver.

248 F. Brockway, « How To Build A Revolutionary Party », Controversy, n. 30 / The Left, n. 1, mars 1939,

p. 24.

249 F. Brockway, Inside the Left, cit., p. 331. 250 Ibidem, p. 332.

contre la guerre impérialiste mais divisés face à la paix impérialiste. Paradoxalement, aussi bien la résolution contre la ligne suivie par les députés que celle leur exprimant un soutien furent rejetées. Dans les mots de Maxton, prononcés à brûle-pourpoint face à Brockway, « that means to me the Party did not like what we did, but it is not prepared to chastise us for it »251.

Au sein du PSOP, la réaction à la crise de Prague fut similaire. L’exposition institutionnelle plus faible déterminant néanmoins quelques différences. L’analyse de la crise tchécoslovaque fut plus attentive aux contradictions de classes. Ce fut Daniel Guérin qui s’en chargea en clarifiant le rôle réactionnaire de la bourgeoisie tchèque252. En effet, des

835 000 chômeurs du pays, la moitié étaient Sudètes. Les usines avaient été déplacées d’une zone frontière qui manquait de sécurité vers l’intérieur du pays. Ainsi, si les Sudètes étaient la cause immédiate du cataclysme qui menaçait l’humanité, le processus de fond renvoyait, lui, à des rivalités inter-impérialistes. La pertinence de la question nationale ne fut pas niée, au contraire, l’indifférence théorique de Pierre-Joseph Proudhon à cet égard fut critiquée.

Il fut mis en évidence d’autre part que les minorités nationales avaient été consciemment utilisées à l’occasion de la conférence de Versailles pour compléter les dessins de domination des puissances victorieuses, particulièrement dans l’Europe centrale, orientale et des Balkans. L’État tchécoslovaque était l’une de ces créations artificielles, authentique gendarme pro-français et anti-allemand coincé dans la région du Danube253. Une guerre

pour la défense de la Tchécoslovaquie n’aurait donc eu aucun contenu progressiste :

« la Tchécoslovaquie n’est pas, comme l’Espagne ou l’Éthiopie, un peuple arriéré, un agneau guetté par le loup. La Tchécoslovaquie est loup et complice de loup. Elle est en Europe centrale le chien de garde du système de Versailles, le satellite de l’impérialisme français. Elle a été créée, de toutes pièces, par celui-ci au lendemain de la guerre pour tenir en échec vers le Sud l’impérialisme allemand. Il ne faut pas oublier que l’armée tchèque (une forte armée) a été créée avec le concours actif de l’état-major français, que le grand capitalisme français a investi des sommes considérables dans l’industrie de guerre tchécoslovaque et notamment dans les établissements Skoda, la troisième firme d’armements d’Europe (dont Schneider maintient la majorité des actions) »254.

Cependant, à l’article de Guérin en furent associés d’autres, au contenu génériquement pacifiste255 ou bien d’éclectiques mélanges de genres, comme l’encadré accolé à une

citation de l’intellectuel pacifiste, et en rien révolutionnaire, Jean Giono ainsi que la lettre de Karl Liebknecht à la conférence socialiste de Zimmerwald256. Initialement, l’action du

PSOP se concrétisa dans la propagande contre l’Union sacrée : à Paris, des réunions avec

251 Ibidem, p. 334.

252 Voir également l’analyse des maximalistes italiens dans « La Cecoslovacchia », Avanti!, a. XLIII, n° 11,

deuxième série, 9-19-1938, où l’on rappelle, « tanto per non cadere in nessun sentimentalismo », que la Tchécoslovaquie, création du Traité de Versailles, « servì da gendarme alla reazione dell’Intesa in Russia, ove le legioni cecoslovacche composte di ex prigionieri dell’esercito austriaco, lottarono a lungo contro le forze bolsceviche; in Ungheria, dove le truppe cecoslovacche contribuirono, con quelle romene, a schiacciare la rivoluzione sovietica di Bela Kun e a instaurare il governo fascista di Horthy ».

253 D. Guérin, « La guerre et la question des nationalités », JUIN 36, n° 29, 11-11-1938.

254 D. Guérin, « On lutte pas contre le fascisme en acceptant la dictature de l’état major! », JUIN 36, n°

21, 10-9-1938.

255 L. Weitz, « La jeunesse veut vivre! », JUIN 36, n° 21, 10-9-1938. 256 Voir JUIN 36, n° 22, 17-9-1938, p. 4.

Pivert, Guérin et Lucien Weitz, responsable des jeunesses du PSOP, furent convoquées dans la mairie du 18e arrondissement le 12 septembre et dans celle du 15e quatre jours

plus tard.

Mais l’activité fut rapidement absorbée par la création d’un front pacifiste plus large, au prix d’une certaine hétérogénéité politique et sociale. En effet, la direction du parti ne maintint pas une réelle équidistance entre les « bellicistes » qui invoquaient l’antifascisme et les pacifistes qui invoquaient l’horreur de la guerre. Dans un éditorial de Pivert, l’homme qui a le plus incarné l’équilibre entre les courants du PSOP, l’appel était à un « rassemblement efficace de tous les pacifistes et internationalistes », sans oublier de demander à ses vieux compagnons de parti de la SFIO ce qu’était devenue « la doctrine de Jaurès préconisant la négociation, la localisation des conflits, le recours à l’arbitrage ? »257.

Les « bellicistes » de gauche étaient donc les premiers ennemis du PSOP. Michel Collinet s’était lui aussi rangé sur cette position durant ces semaines-là. Dirigeant proche de Pivert, il s’était engagé dans la campagne pour débloquer l’embargo gouvernemental de Blum sur la vente d’armes à l’Espagne républicaine258.

Au plus fort de la crise, les lignes de la déchirure se firent encore plus claires. En effet, le PSOP signa le texte présenté par le Comité syndicale d’action contre la guerre (CSACG)259,

sur lequel exerçaient leur hégémonie certains secteurs qui refusaient toute condamnation de la politique gouvernementale mais aussi le lien entre la préparation à la guerre et les attaques contre les conquêtes ouvrières, à commencer par la semaine de 40 heures260. Le

texte du CSACG plaidait pour exercer une pression sur le gouvernement Daladier, invité à produire jusqu’au bout « les plus grands efforts pour le maintien de la paix »261. Durant ces

mêmes journées agitées de la fin du mois de septembre, le syndicat national des maîtres d’école et celui des agents de la poste et des communications rédigèrent un autre manifeste pacifiste similaire à celui du CSACG. Malgré des réserves sur certaines références à la politique de la « sécurité collective », la direction du PSOP souhaita la fusion des deux groupes. Ce choix fut maintenu au prix de la séparation du « Cercle syndicaliste-Lutte de classe » (courant qui fédérait l’opposition de gauche au sein de la CGT), du syndicat des techniciens de la région parisienne, des anarcho-syndicalistes de la CGT-SR et des trotskistes du POI. Ces organisations refusèrent de se mobiliser contre la guerre sans les méthodes ni le programme de la lutte des classes. Guérin se démarqua de

257 M. Pivert, « Unité d’action contre les bellicistes et les alliés du fascisme », JUIN 36, n° 23, 30-9-1938. 258 M. Collinet, « Il faut imposer le désarmement! », JUIN 36, n° 24, 7-10-1938. Les événements

d'Espagne furent un moment clé dans la biographie de nombreux dirigeants du socialisme de gauche. Brockway reconnut qu'Emrys Hughes, rédacteur en chef de la revue Forward, avait eu raison de lui demander d'expliquer, en 1932, sa foi contemporaine en Gandhi et en Lénine. Quelques années plus tard, la guerre civile espagnole fut décisive dans la remise en question de sa philosophie pacifiste. Voir F. Brockway,

Inside the Left, cit., p. 341.

259 Né des cendres du Centre de liaison contre le guerre (CLCLG) après l’Anschluss hitlérien de l’Autriche

en mars 1938, le CSACG fut hégémonisé par le pacifisme de la Ligue Syndicaliste de Maurice Chambelland, Frédérick Charbit et Roger Hagnauer, qui avait donné la prémière impulsion à ce genre de front unitaire.

260 Ces positions n'étaient ni nouvelles ni inconnues. Dans le manifeste du CSACG, adopté les 4 et 5 juin

à Paris, se retrouvaient ces éléments : « pour nois la guerre n’est pas fatale », « il est toujours possible de faire la paix, et à tous les problèmes internationaux on peut trouver une solution raisonnable. Il suffit pour cela que la classe ouvrière exige la vérité, et impose aux gouvernements une politique de compréhension, de négociations, d’entente et de désarmement matériel et moral », ou l’appel pour une conférence européenneafin d’assurer la paix, entre autres, par une « répartition judicieuse des matières prémières et des richesses mondiales nécessaires à la vie », voir le « Manifeste du Centre Syndicale d’Action Contre la Guerre », Cahiers Rouges, n° 12, juin-juillet 1938.

la direction, pour la première fois depuis la fondation du parti. Il analysa ce dilemme en ces termes :

« Nous avions, depuis 1935, une position qui nous distinguait de tous les autres, qui était notre raison d’être. Pendant la crise de septembre, nous avions été les seuls à combattre la guerre impérialiste avec des arguments révolutionnaires. Cette attitude, nous allions la gâcher, et perdre tout le bénéfice politique si nous avions l’air de rallier le camp des pacifistes intégraux, d’endosser la fausse ‘paix de Munich’, de nourrir l’illusion qu’en régime capitaliste il est possible d’ouvrir la voie à une paix désarmée, de mettre une sourdine à nos attaques contre le gouvernement réactionnaire de Daladier et de ne pas nous élever contre la mobilisation partielle qu’il avait décidée »262.

Depuis une position différente, André Weil-Curiel critiqua lui aussi la signature de l’appel du CSACG. Étroitement associé au travail de solidarité avec la guerre civile espagnole, il exagéra l’indubitable succès remporté par la diplomatie hitlérienne et l’aggravation de l’isolement de l’URSS, autre effet des accords de Munich. Sa position, analogue à celle des courants « bellicistes de gauche », provoqua une réaction indignée des pacifistes intégraux du PSOP, comme Hélène Modiano et René Krihiff, qui l’accusèrent de prendre le chemin du social-patriotisme. Weil-Curiel abandonna le parti. Ses arguments seront repris plus tard, sous une forme atténuée, par Collinet.

La direction du PSOP, en fin de compte, décida de se ranger comme aile gauche de la gauche « munichoise ». Pivert le justifia en mettant en évidence que « ce qui importait le plus, à cette heure critique, c’était l’organisation de la résistance à ce formidable courant belliciste déclenché par les staliniens, les blumistes et une partie de la bourgeoisie »263.

Lucien Hérard en fit, à chaud, un tableau à la fois politique et psychologique : « En définitive, nous avons la paix. Une paix fragile, éphémère, une paix bourgeoise et capitaliste, mais tout de même la paix »264. On peut donc partager les observations de

Joubert :

« le pacifisme révolutionnaire proclamé à la conférence constitutive est abandonné, et c’est le ‘pacifisme intégral’ de la minorité d’alors qui l’emporte dans la pratique. Les dirigeants du PSOP viennent de manifester, au cœur de la crise internationale, que le maintien de la paix constituait à leurs yeux la conquête essentielle qu’il s’agissait de maintenir, fût-ce au prix de révisions déchirantes »265.

Pivert entraîna derrière lui la majorité du parti. En effet, durant le conseil national du PSOP des 17 et 18 décembre, l’action politique déployée lors de la crise de septembre fut approuvée avec 229 mandats en faveur, 43 contre et 16 abstentions266.

Cherchons à interpréter de façon juste la lecture de JUIN 36. En effet, plus que dans les autres formations du FOI, la pluralité des positions dans la presse du PSOP fut amplifiée par les contributions d’individus ou de groupes extérieurs à l’organisation mais considérés comme des « compagnons de route ». En principe, ces positions n’étaient pas commentées du point de vue de la ligne officielle. Au plus fort de la crise de Munich, par

262 D. Guérin, Front populaire révolution manquée. Témoignage militant, cit., p. 217. 263 M. Pivert, Bulletin intérieur du PSOP, n° 1, novembre 1938.

264 L. Hérard, « Le prolétariat et la bourgeoisie devant la guerre », JUIN 36, n° 24, 7-10-1938. 265 J.-P. Joubert, Révolutionnaires de la s.f.i.o., cit., p. 173.

exemple, le texte du groupe surréaliste de Paris fut publié dans JUIN 36. Aucune concession ne fut faite par ces derniers au camp pacifiste ; les démocraties avaient refusé les armes à l’Espagne et livré la Chine à l’impérialisme japonais, l’unique réponse digne à apporter était la mobilisation en vue de liquider un système maintenu debout uniquement grâce aux services de l’IOS et de l’IC :

« Avec les coupables comme avec les complices, avec les justificateurs de la guerre comme avec les falsificateurs de la paix, aucun compromis possible. A l’Europe insensée des régimes totalitaires nous refusons d’opposer l’Europe révolue du Traité de Versailles, même révisé. Nous leur opposons, à toutes deux, dans la guerre comme dans la paix, les forces appelées à recréer de toutes pièces l’Europe par la révolution prolétarienne »267.

Au mois d’octobre, les colonnes de JUIN 36 accueillirent des éditoriaux et des réflexions qui tentaient d’indiquer une issue à l’impasse. La guerre n’était pas encore considérée, ou du moins présentée, comme inévitable. Sur le désarmement, élément connexe de la politique basée sur la primauté de la SDN, le PSOP continuait de faire des concessions au camp pacifiste. La trêve de Munich pouvait être utilisée pour lancer un désarmement négocié des principales puissances impérialistes268. Un éditorial en arriva même à

considérer le désarmement comme un point à placer « au premier rang »269 dans une

mobilisation unitaire. Ce fut de nouveau Pivert qui rationalisa la tactique dite du « Cartel de la paix » :

« Certes, tous les pacifistes ne sont pas également conscients de la nécessité, pour en finir avec la guerre, d’abattre le système économique qui l’engendre. Mais ‘cela viendra’, grâce