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L'interventionnisme "démocratique" : la rupture avec Jay Lovestone

La défaite de l'armée britannique, la fuite désordonnée depuis Dunkerque et le bombardement aérien de la Luftwaffe sur la ville de Londres provoquèrent un vent de panique outre-Manche. Chamberlain démissionna et céda sa place à Winston S. Churchill, partisan de la fermeté et de la guerre totale contre l'Allemagne. Churchill dirigea le plus long gouvernement d'unité nationale de l'histoire britannique.

Depuis l’invasion nazie de l’URSS son gouvernement aurait avait reçu le soutien total du CPGB, en plus de celui du Parti travailliste. L'ILP fut la seule formation politique parlementaire à se placer en dehors de l'Union sacrée pendant la durée de la guerre, malgré des pressions énormes en direction opposée. La menace d'une invasion hitlérienne des îles britanniques avait également eu de profondes répercussions sur la politique américaine. D'une part, l'aide à l'allié traditionnel britannique devint, pour l'administration Roosevelt, un puissant levier pour accélérer la préparation de l'entrée en guerre, notamment sur le plan psychologique ; d'autre part, la menace du fascisme commença à être perçue plus fortement par les travailleurs américains. L'isolationnisme, en d'autres termes, avait perdu du terrain.

L'ILLA ne tint pas sur son opposition de principe à la guerre et à Roosevelt - il faut se rappeler qu'aux élections présidentielles de 1940, elle avait fait campagne pour le candidat du SPA. La révision explicite commença à l'été 1940. En présentant la résolution en discussion au National Council (NC) de l'ILLA, Will Herberg avait été clair : « we do not take a negative or abstensionist attitude on the problem of defence »775.

Gorkin avait déjà compris que la crise de l'ILLA allait approcher et en avait averti Pivert. Le casus belli fut la thèse de Lewis Corey, alias Louis Fraina, italo-américain, l’un des fondateurs du CPUSA et membre de la direction du groupe de Lovestone en 1940. Le "défensisme" farouche de Corey ne prit pas Gorkin par surprise, bien que le dirigeant du POUM le considérait comme scandaleux d'un point de vue marxiste776.

Le texte final voté par le NC de l'ILLA ouvrit un débat qui eut des répercussions, dans le socialisme de gauche, à l’échelle internationale. La guerre fut encore qualifiée d'impérialiste, mais cela n'impliquait plus que « we are or should be indifferent to the outcome of the war ». Si l'objectif politique affiché restait - mais seulement pour une courte période - la révolution sociale, la menace nazie sur les droits démocratiques du mouvement ouvrier et l'indépendance des nations était le point de départ de toute perspective considérée comme raisonnable. L'objectif immédiat, mais aussi le principal, était de maintenir les États-Unis en dehors du conflit. Le dispositif voté à une large majorité par le NC avait enregistré, impressionné, la destruction du mouvement ouvrier en Belgique, aux Pays-Bas, en Norvège, au Danemark et en France, concluant que la survie de

774 Ibidem, n. 56.

775 W. Herberg, « Report of the National Council meeting », Workers Age, 27-6-1940. 776 Voir J. Gorkin à M. Pivert, 11-6-1940, dans AN, f. Marceau Pivert, 6/2.

celui britannique « unfortunately depends on the ability of the British imperialist armed forces to withstand the Nazi onslaught ».

La préservation de la force du mouvement ouvrier nord-américain aurait aidé, en fin de compte, à la reconstruction d'un « genuine, free labor movement » en Europe.

Sur le plan pratique, l'ILLA avait maintenu son isolationnisme mais s'était prononcée pour l'aide gouvernementale au Royaume-Uni, s'engageant à la lier à une plate-forme qui insistait sur la défense des droits démocratiques et de la liberté des peuples des colonies. Mais il s’agissait plutôt d’une feuille de route pour l’action de l’ILLA et certainement pas une condition sine qua non à dicter au gouvernement. L'ILLA était sur la voie d'une politique axée sur une action de pression sur le gouvernement de la plus grande puissance impérialiste de la planète.

Le tournant était sensible. Les critiques se firent connaître assez rapidement. Le premier d’entre eux fut Bertram D. Wolfe, un cadre éminent de l'ILLA et, comme Lovestone, un membre fondateur du CPUSA. Commentant la motion de Herberg, il la qualifia de mauvaise fusion de deux politiques contradictoires : d'une part, celle suivie jusqu'alors et incarnée dans la participation à la coalition Keep America Out of War ; d'autre part, la nouvelle ligne se matérialisait dans le soutien à l'aide militaire apportée à la Grande- Bretagne sans entrée en guerre et au nom de la défense de l'hémisphère occidental, une sorte d'isolationnisme continental. Dans la résolution Herberg, continuait Wolfe, la différence entre les deux camps était déjà devenue « vital and decisive ». En outre, la « hemispheric defense » sanctionnait le renoncement à reconnaître l'ennemi dans son propre pays. Au fond, Wolfe suggérait que l'ILLA était en marche vers le social-patriotisme. La controverse était ouverte.

La nouvelle situation avait entraîné des démissions retentissantes. Tout d'abord, Sacha Zimmermann, un poids lourd de l'ILGWU, avait été publié le 11 août dans le New York Daily expliquant sa prise de distance par rapport à l'opposition de l'ILLA à Roosevelt et à l'aide à la Grande-Bretagne. Une semaine plus tard, Stenzer, lui aussi un responsable de l'ILGWU, démissionnait de la KAOW et contestait la politique du parti, qualifiée de « dogmatic »777.

Le débat fut poursuivi en assemblée nationale plénière au début du mois de septembre. À cette occasion, trois positions s’exprimèrent : la gauche de Wolfe, le centre de Lovestone et la droite de Corey et Herman.

Dans un sens, Lovestone avait été dépassé sur la droite. En fait, Herman s'était prononcé en faveur de l'aide à la Grande-Bretagne, y compris avec l’envoi de soldats. Si la guerre était pour la démocratie et contre le totalitarisme, la bourgeoisie anglaise était devenue, malgré elle mais objectivement, révolutionnaire. En développant jusqu’au bout la logique de cette nouvelle analyse, Herman ne s’était pas retrouvé isolé. Epstein ajouta que le fascisme était un nouveau système économique et social, incarnant une menace plus grande que celles connues auparavant ; Corey, pour sa part, fit pression sur Lovestone, affirmant que si le parti se prononçait pour la défense nationale, il aurait dû se prononcer également en faveur de la conscription militaire obligatoire. En ce qui concerne le débat sur le FOI, Epstein suggéra que, à son avis, « the ILP supports the war effort ». Lovestone prit note de ces positions et alla plus loin encore : en fait, dit-il, jusqu'à présent, l'organisation avait fait preuve de « too much of isolationnism, too much of pacifism ». Le tournant était là.

Son bras droit, Herberg, avait également visé le totem de la nature impérialiste de la guerre pour s’exclamer : « How many more countries have to be enslaved by Hitler before one can charachterize the struggle against him as no longer imperialist ? »778. Les dés

étaient jetés.

Lors du vote final du Plénum, 15 membres soutinrent l'approfondissement du tournant proposé par la direction contre cinq pour la position de Wolfe et une abstension. Au final, il n’y avait que deux positions. Les deux délégués de l’organisation de la jeunesse se répartirent entre les deux courants. Corey fit une déclaration ultra-interventionniste, affirmant que la marine britannique ne se battait pas pour des fins impérialistes mais pour la liberté.

Sans soutenir toutes les formulations de Corey, l'ILLA n’aurait pas fait aucun pas en arrière par rapport au résultat politique du Plénum de septembre 1940.

Outré par le rapport sur le plénière de l’ILLA rédigé au nom du secrétariat de la FOI, Lovestone réagit avec véhémence. Dans une lettre adressée à Gorkin, en tant que représentant du CMRI, il écrivit que le rapport, favorable à la thèse de Wolfe, contenait de « vagues sentimentalité » et « s'enfuit du concret »779 ; même l’éloge de l'ILP était dénoué

de sens car il supprimait le soutien de l'ILP à l'effort de guerre780, résumé dans le slogan

« combattre le nazisme, combattre l'impérialisme » qui plaçait « le nazisme comme premier ennemi, même avant l'ennemi intérieur, l'impérialisme britannique »781.

Désormais, la polémique concernait l'ensemble de la politique du FOI, engageant aussi l'interprétation de la ligne de l’ILP. Rompu à la manœuvre, Lovestone n'hésita pas à forcer délibérément un passage du texte de Pivert afin de lui attribuer des tendances favorables au sabotage (« Comment vous pouvez imaginer ou même seulement parler de sabotage en Angleterre dépasse mon imagination ») et de rappeler qu'à la dernière conférence du FOI cette tactique avait été rejetée également pour l'Allemagne – dans le cadre d’un débat souhaité par la KP-O. Lovestone accéléra son mouvement vers la défense nationale en se déclarant en faveur de « l'aide de tous ceux qui combattent Hitler et les apaiseurs de Hitler ». Dans l’Europe de 1938-1939, on aurait dit une position fièrement anti- munichoise. Enfin, les termes réels du débat étaient posés.

Lovestone ne voulait pas lâcher prise. Ainsi il reprocha à Pivert une tendance désagréable à prêcher la morale à tout le monde et, reprenant un langage utilisé autrefois de façon anti-trotskiste, l'emploi d'un « papal tone ». Dans le fonds, Lovestone invitait le socialiste français à réfléchir davantage aux conséquences de la destruction du mouvement ouvrier britannique en cas de victoire nazie. Il préconisait, en quelque sorte, un conflit entre "détenteurs de la vérité" enfermés dans leur abstraction et activistes plus susceptibles de regarder le côté pratique d’une question : « you comrades, except in an abstract sense, are not facing the practical problems of the masses »782.

Tout au long de la polémique entre ILLA et FOI-CMRI, l'initiative a toujours été du côté de Lovestone et de la majorité de l'ILLA. Ainsi, pour donner une profondeur théorique à ses

778 W. Herberg, « What Kind of War Is It ? », Workers Age, n° 33, 7-9-1940. 779 J. Lovestone à J. Gorkin, 4-9-1940, dans AN, f. Marceau Pivert, 6/2.

780 L'ILLA a présenté cette interprétation comme un commentaire sur l'article « ILP Presents Workers

Program Against Nazis », Workers Age, n. 32, 31-8-1939, une reproduction du New Leader du 1-8-1940. Pour affirmer la nouvelle position, on fit circuler également des documents de la gauche travailliste, tels que « Britain Must Fight A Revolutionary War », Workers Age, n° 32, 31-8-1939, à son tour reproduction de l'éditorial du New Statesman and Nation du 6-8-1940.

781 J. Lovestone à J. Gorkin, 4-9-1940, dans AN, f. Marceau Pivert, 6/2. 782 J. Lovestone à M. Pivert, 13-9-40, dans ibidem.

thèses, Lovestone utilisa les colonnes de Workers Age pour attester la rupture avec le pacifisme traditionnel du parti783. La situation concrète en Angleterre avait prouvé, à ses

yeux, que la classe ouvrière n'était pas par principe contre la guerre, alors que la classe dirigeante pouvait développer des tendances défaitistes plus poussées. Ce sentiment était particulièrement vif dans l'aile Chamberlain des Tories, qui était de plus en plus ouvertement méprisée par une classe ouvrière désireuse d'être la colonne vertébrale de la résistance à l'hitlérisme. Il était, donc, dogmatique de réitérer que la guerre aurait inévitablement entraîné un resserrement démocratique.

L'aspect international de la polémique et le différend sur la ligne de l’ILP ne permirent pas à Brockway d'échapper au débat. En écrivant à Gorkín et à Pivert, il se disait plus proche d'eux que de Lovestone784. Ce dernier, selon l'exécutif britannique, avait développé des

extrapolations excessives et abusives à partir du slogan de l'ILP sur la lutte contre l'ennemi intérieur. D'autre part, Brockway semblait ignorer l'interprétation manifestement incorrecte de Lovestone concernant la question du sabotage et se sentait obligé de signaler que cette méthode était rejetée par l'ILP et ne pouvait être envisagée qu'en cas de conflit entre un État capitaliste et un État socialiste. Plus loin, Brockway se rangeait du côté de Lovestone en considérant comme « unsound » le parallèle « between Nazi collective organization and a new method of production », ce qui était au contraire une question ouverte aux yeux de Pivert. Enfin, le dirigeant de l'ILP avait appelé Pivert et Gorkin à être plus réalistes dans leur évaluation des minces forces à disposition du FOI et du CMRI après le « terrific blow » infligé par la guerre en Europe.

Le débat se développa à un rythme accéléré. La structure organisationnelle, presque inexistante, du FOI et du CMRI ne pouvait que vaciller et prendre note des différences grandissantes. Lors de la réunion du Bureau National de l'ILLA à la fin du mois de septembre, Pivert prit note de la critique d’Herman à propos de la réponse du FOI à l'article "guerrier" du président de l'ILP, Smith, et du questionnement de sa personne en tant que secrétaire légitime du FOI. Sur la question internationale, Wolfe clarifia où était sa fidélité organisationnelle. Il remarqua, entre autres, que les mêmes organisations adhèraient au CMRI et au FOI, et qu'il ne restait plus qu'à continuer avec le seconde et à dissoudre le premier785. Comme Guérin l'a remarqué, les ailes plus radicales des groupes

socialistes de gauche ont préféré le FOI, considéré comme une structure moins définitive et moins fermée à la participation des autres minorités révolutionnaires.

En quelques semaines, la position de l'ILLA se fixa autour de la thèse initiale d’Herman qui fut, en un sens, le théoricien de la phase finale de ce groupe. Avec pour but de critiquer à la fois l'hésitation d’Herberg et l'opposition de principe de Wolfe, il écrivit un texte plus dense et érudit sur la nature du tournant. Et il ne manqua pas de commencer par une référence à Marx - la lettre à Willich et Schapper du 15 septembre 1850 sur les perspectives après la défaite des soulèvements de 1848. Marx y avait écrit que la réalité peut parfois résoudre les problèmes avant que les discussions entre révolutionnaires ne soient terminées786. Le message, bien sûr, faisait allusion à l’actualité.

783 Voir J. Lovestone, « What Is New in the Present World Crisis ? », Workers Age, n° 35, 28-9-1940 ;

mais aussi P. Ross, « Labor Interests and "Short of War" Aid », Workers Age, n° 35, 28-9-1940.

784 F. Brockway à J. Gorkin, 25-9-1940, dans AN, f. Marceau Pivert, b. 6/2. 785 Rapport de Pivert sur le Bureau de l'ILLA, 30-9-1940, dans ibidem.

786 En 1850 La Ligue des Communistes se scinda dans une fraction Marx-Engels, qui ne croyait plus

imminente la révolution et préconisait la centralité du travail théorique, et la fraction Willich-Schapper, persuadé qu’un renouveau des insurrections de 1848 était imminent et que la Ligue se devait de se concentrer sur sur l’action.

Prodigue en références historiques, Herman mentionna ensuite les membres du SPD qui s’étaient opposés à Marx en raison du soutien critique de ce dernier à Bismarck contre Louis Bonaparte pendant la première partie de la guerre franco-prussienne, ainsi que la position des deux fondateurs du socialisme scientifique pendant la guerre de Crimée de 1855 ou la guerre russo-turque de 1877. Le pamphlet de Rosa Luxembourg de 1916, signé par Junius, fut au contraire critiqué pour ses argumentations opposées à tout soutien aux guerres nationales. Abordant enfin l'actualité, Herman accusa Pivert d'incohérence. Au centre des extrapolations d’Herman se trouvait un projet de résolution du 22 juin que définissait le refus de l'aide militaire à la France comme équivalent à l’aide à Hitler. Selon Herman, le problème posé par l’aide à la Grande-Bretagne n’était pas différent. Pivert et Wolfe n'évaluaient plus avec équilibre les conséquences de deux décennies de défaites et la menace posée par l'hitlérisme. Invitant ses interlocuteurs à ne pas s'arrêter à mi- chemin, Herman évoqua, en tant que spectre, l'opposition à la guerre de la QI :

« The Trotskyites are more courageous: they advocate the old Comintern slogan: « Not a man, not a gun, not a penny for capitalist war ». If this is a correct slogan, why does Wolfe hesitate to advocate it ? »787.

Wolfe, pour sa part, n'avait aucune envie de se faire étiqueter comme proche de la QI. Grand absent dans la première phase du débat, le CMRI ne prit pas la parole, officiellement, avant la mi-novembre. Il le fit par le biais d'une lettre détaillée rédigée par Gorkin, au nom de son secrétariat, adressée au congrès de l'ILLA. Ce retard dans la prise de parole, entre autres, atteste notamment que désormais le CMRI, au-delà de l’ILP et des réfugiés espagnols du POUM autour de Gorkin, est évanescent.

Le texte avait donc l'ambition de renforcer le rôle du CMRI. Ce fait était loin d’être établi ; par exemple, le RSAP et le groupe de Vereeken avaient fait valoir que « there should not exist another international organization along with the FOI ». Au contraire, le secrétariat du CMRI avait observé que le BIUSR n'avait été qu'un simple « bond of union and solidarity » alors que la nouvelle structure internationale progressait dans la définition d'une base politique et programmatique précise : le CMRI était vu, dans ce cadre, comme « an important advance toward the theoretical and practical construction of the new international »788. Tout au moins, celle-ci avait été l’ambition des ses promoteurs.

Mis en difficulté par le conflit en cours avec sa section américaine, le CMRI confirma son obéissance à l’analyse de la Seconde Guerre mondiale en tant que conflit impérialiste, dont la cause immédiate se trouvait dans l'explosion des contradictions étouffées artificiellement par la paix de Versailles.

Cependant, à ce facteur s'était superposée l'action de Staline, qualifiée de néo- impérialisme machiavélique cherchant à provoquer la ruine contemporaine des puissances en guerre pour se réserver d'autres « neo-imperialist conquests »789. La social-démocratie

n'avait pas été épargnée non plus. Sous prétexte de défendre la démocratie contre le fascisme, elle avait en fait contribué à la préparation de la guerre. Le prolétariat devait donc profiter de la crise générée par la guerre « in order to transform the latter [la guerre] into a proletarian revolution »790. Jusque là, le texte du CMRI se limitait à des concepts

787 Rapport de Pivert sur le Bureau de l'ILLA, 30-9-1940, dans AN, f. Marceau Pivert, b. 6/2. 788 Secrétariat du CMRI à ILLA, 15-11-1940, p. 1, dans ibidem.

789 Ibidem, p. 4. 790 Ibidem, p. 3.

classiques, avec une nuance plus nettement antistalinienne. En revanche, sur la bataille d'Angleterre le raisonnement devenait plus tortueux. En effet, d'une part le CMRI était prêt à reconnaître que « British resistance is therefore, objectively, a revolutionary factor », mais, d'autre part, le texte préparé par Gorkin refusait toute politique du "moindre mal", citant la chute de Plekhanov, Guesde et Vandervelde en 1914-1918 et faisant l'éloge de Zimmerwald791.

Au final, la lettre n'indiquait pas clairement comment ne pas s'adapter aux pressions de la situation objective et séparer ses responsabilités de celles de l'impérialisme britannique, assurant au prolétariat allemand que les socialistes révolutionnaires ne garantiraient jamais un nouveau Versailles. Malgré un ton conciliant, la lettre se terminait par une série d'avertissements à l'intention de l'ILLA. En premier lieu, affirmait le CMRI, l’analyse de la majorité de l'ILLA sur la poussée "belliciste" du prolétariat anglais, tacitement soutenue par l'ILP, était sans fondement. Deuxièmement, et de manière décisive, la théorie du soi- disant « revolutionary Churchill »792 avait poussé Lovestone au point de demander aux

États-Unis des « non-imperialists relations » avec les pays de l'hémisphère occidental ; de cette façon, Lovestone allait devenir « the man of the left of North American imperialism »793. La prévision était radicale.

Alors que le PSOP, cité par le CMRI en tant que cas vertueux, profitait du conflit entre Vichy et De Gaulle « without throwing itself in the arms of the latter », l'ILLA, en l'absence d’un contre-tournant, se serait liquidée dans la « syndical social-democratic bureaucracy » et celle-ci, d'ailleurs, « can only favor [...] the Trotsky party, which appears to be the only