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Matrice des duels et notions Condorcet

À présent, nous rappelons les notions classiques de matrice des duels, de vain- queur de Condorcet et de vainqueur de Condorcet faible. Comme nous autorisons des relations binaires de préférence qui peuvent être quelconques, nous accor- dons une attention particulière à diérentes variantes de ces notions, même si certaines d'entre elles peuvent coïncider dans certains espaces électoraux, par exemple quand on n'autorise que des ordres stricts totaux. En particulier, nous introduisons la notion de candidat Condorcet-admissible, qui sera une notion cen- trale pour étudier la manipulabilité d'une large classe de systèmes de vote.

Quand A(v) est une assertion qui dépend de l'électeur v, nous notons |A(v)| = card{v ∈ V t.q. A(v)}. Par exemple, pour un couple de candidats (c, d), la nota- tion |c Pv d|désigne le nombre d'électeurs qui préfèrent c à d.

Dénition 1.24 (matrice des duels)

Pour toute paire de candidats (c, d), on note Dcd(ω) = |cPvd|, c'est-à-dire le nombre d'électeurs qui préfèrent c à d. La matrice D(ω) est appelée matrice des duels de ω.

La relation de victoire relative Prel(ω)est dénie par : cPrel d ⇔ Dcd> Ddc.

Il est facile de vérier que cette relation est irréexive, antisymétrique mais pas nécessairement complète. S'il y a un nombre impair d'électeurs et si leurs relations de préférence Pv sont des ordres strict totaux, alors on ne peut pas avoir Dcd= Ddcdonc l'un des candidats est nécessairement vainqueur : par conséquent, Prelest complète. De la même façon que pour les préférences individuelles, on dénit Irel (absence de victoire relative). Les relations PPrel et PMrel n'ont guère d'intérêt : comme Prel est antisymétrique, PPrel est identique à Prel; et PMrel est la relation vide.

La relation de victoire absolue Pabs(ω) est dénie par : cPabsd ⇔ Dcd>

V 2.

Quand cette relation est vériée, nous dirons indiéremment que c a une victoire absolue contre d dans ω, ou que d a une défaite absolue contre c dans ω. Quand nous parlerons de victoire (resp. défaite) sans davantage de précision, il s'agira toujours de victoire (resp. défaite) absolue.

À partir de Pabs(ω), on dénit les relations Iabs (absence de victoire), PPabs (victoire stricte) et PMabs (victoires mutuelles) comme nous l'avons fait pour les préférences individuelles.

Attention, quand nous disons que c a une victoire absolue contre d, ce qui est noté c Pabsd, l'inégalité :

Dcd> V

2

est déjà stricte par dénition. Quand nous disons que c a une victoire absolue stricte contre d, ce qui est noté c PPabsd, cela ne concerne donc pas le signe de

1.5 Matrice des duels et notions Condorcet

cette inégalité mais ajoute la condition que d n'a pas de victoire absolue contre c, ce qui signie que :

Ddc≤ V

2.

Heureusement, ces subtilités se dissipent dès que les électeurs ont des préférences antisymétriques, comme nous allons le voir. Nous verrons cependant, dans le cadre de la condorcication généralisée (chapitre4), que formaliser les choses ainsi fa- cilitera leur généralisation.

Nous utiliserons plusieurs fois le résultat suivant (qui est trivial). Proposition 1.25 (nombre de points total d'un duel)

Dcd+ Ddc= V + |cPMv d| − |cIvd|.

Il en découle immédiatement que, si les relations Pv sont antisymétriques (ce qui est une hypothèse courante), alors la relation Pabs est antisymétrique : deux candidats c et d ne peuvent pas avoir de victoires mutuelles. En d'autres mots, avec l'hypothèse classique d'antisymétrie, toute victoire (absolue) est stricte.

Par ailleurs, il découle également de cette proposition que, si les relations Pv sont complètes et si le nombre d'électeurs V est impair, alors la relation Pabs est complète : entre deux candidats distincts c et d, il ne peut y avoir une absence de victoire.

À présent, nous allons dénir diverses variantes de la notion de vainqueur de Condorcet.

Dénition 1.26 (vainqueur de Condorcet absolu)

Soit ω ∈ Ω et c ∈ C. On dit que c est vainqueur de Condorcet absolu, ou simplement vainqueur de Condorcet, dans ω, ssi c a une victoire absolue stricte contre tout autre candidat. C'est-à-dire que pour tout autre candidat d, on a cPPabsd, ce qui s'écrit également :

       |cPvd| > V 2, |dPv c| ≤ V 2. (1.1) (1.2) Si les relations Pv sont antisymétriques (ce qui est une hypothèse courante), alors nous avons remarqué que toute victoire absolue est stricte. Dans ce cas, c est vainqueur de Condorcet ssi pour tout autre candidat d :

|cPv d| > V

2.

Dénition 1.27 (vainqueur de Condorcet relatif)

Soit ω ∈ Ω et c ∈ C. On dit que c est vainqueur de Condorcet relatif dans ω ssi c a une victoire relative contre tout autre candidat. C'est-à-dire que pour tout autre candidat d, on a c Preld, ce qui s'écrit également :

|cPvd| > |dPvc|. Dénition 1.28 (vainqueur de Condorcet faible)

Soit ω ∈ Ω et c ∈ C. On dit que c est vainqueur de Condorcet faible dans ω ssi c n'a aucune défaite relative. C'est-à-dire que, pour tout autre candidat d, on a non(d Prel c), ce qui s'écrit également :

Condorcet absolu Condorcet relatif Condorcet faible Condorcet- admissible ac aci a c aci a ci ci

Figure 1.6  Implication entre les notions Condorcet (a : préférences antisymé- triques, c : préférences complètes, i : nombre impair d'électeurs).

Dénition 1.29 (candidat Condorcet-admissible)

Soit ω ∈ Ω et c ∈ C. On dit que c est Condorcet-admissible dans ω ssi c n'a aucune défaite absolue. C'est-à-dire que, pour tout autre candidat d, on a non(d Pabsc), ce qui s'écrit également :

|dPvc| ≤ V

2.

La proposition suivante indique les liens entre ces diérentes notions Condor- cet. Toutes les implications mentionnées dans la proposition, ainsi que celles qui en découlent immédiatement, sont représentées à titre de référence dans la gure1.6. On retiendra notamment que, dans le cas où les préférences sont antisymétriques, la notion de vainqueur de Condorcet absolu est plus forte que celle de vainqueur de Condorcet relatif, qui est plus forte que celle de vainqueur de Condorcet faible, qui est plus forte que celle de candidat Condorcet-admissible.

Proposition 1.30 (implications entre les notions Condorcet)

Si c est vainqueur de Condorcet (absolu), alors c est vainqueur de Condorcet relatif. Si les relations de préférence Pv sont antisymétriques et complètes, alors la réciproque est vraie.

Si c est vainqueur de Condorcet relatif, alors c est vainqueur de Condorcet faible. Si les relations de préférence Pv sont antisymétriques et complètes et si le nombre d'électeurs est impair, alors la réciproque est vraie.

Si c est vainqueur de Condorcet faible et si les relations de préférence Pv sont antisymétriques, alors c est Condorcet-admissible. Si c est Condorcet-admissible et si les relations de préférence Pvsont complètes, alors c est vainqueur de Condorcet faible.

Si c est vainqueur de Condorcet (absolu), alors c est Condorcet-admissible. Si c est Condorcet-admissible, si les relations de préférence Pv sont complètes et si le nombre d'électeurs est impair, alors c est vainqueur de Condorcet (absolu). Démonstration. Chacune de ces propriétés est triviale ou découle immédiatement de la proposition1.25.

Si les relations de préférence Pv sont antisymétriques et complètes (en parti- culier si ce sont des ordres stricts totaux), alors ces quatre notions se ramènent