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Méthode de Bucklin simple ou itérée

Dans le document Vers des modes de scrutin moins manipulables (Page 117-120)

3.4 Critères majoritaires vériés par les modes de scrutin classiques

3.4.6 Méthode de Bucklin simple ou itérée

Proposition 3.23

1. La méthode de Bucklin vérie FavMaj. 2. Elle vérie rCond ssi C ≤ 3.

3. Elle ne vérie pas Cond (sauf dans le cas trivial C ≤ 2).

Démonstration. 1, 2. Il est facile de prouver les cas où les critères sont vériés. Pour FavMaj, il sut de remarquer que lorsqu'il y a un favori majoritaire, son rang médian est 1 alors que celui des autres candidats est strictement plus élevé. Pour rCond, il sut de remarquer que, pour C ≤ 3, un vainqueur de Condorcet résistant est nécessairement un vainqueur majoritaire (dans l'espace électoral des ordres stricts totaux). À présent, montrons les cas où les critères ne sont pas vériés.

2. Considérons le prol suivant, où C ≥ 4.

49 11 6 6 14 14

c a d1 d2 a a

a c c c d1 d2

d1 d1 a a c c

d2 d2 d2 d1 d2 d1

Autres Autres Autres Autres Autres Autres

Le candidat c est préféré à tout couple (a, di)par 55 électeurs et au couple (d1, d2) par 60 électeurs sur 100, donc il est vainqueur de Condorcet résistant. Mais, au sens de Bucklin, on a score(c) = (2 ; 72) et score(a) = (2 ; 88), donc a est élu. Ainsi, pour C ≥ 4, la méthode de Bucklin ne vérie pas rCond.

3. Il est classique que la méthode de Bucklin ne respecte pas Cond (sauf dans le cas trivial C ≤ 2) mais nous allons fournir un contre-exemple pour mémoire.

40 15 15 30

c a b a

a c c b

b b a c

Autres Autres Autres Autres

Le candidat c est vainqueur de Condorcet, mais on a score(c) = (2 ; 70) et score(a) = (2 ; 85). Donc a est élu.

Proposition 3.24

1. La méthode de Bucklin itérée vérie FavMaj. 2. Elle vérie rCond ssi C ≤ 4.

3.4 Critères majoritaires vériés par les modes de scrutin classiques Pour prouver cette proposition, nous allons recourir au lemme suivant. Lemme 3.25

On se place dans l'espace électoral des ordres stricts totaux avec C ≤ 4 et on suppose qu'un certain candidat c est vainqueur de Condorcet résistant.

Alors il existe un candidat d dont le rang médian (au sens de Bucklin) est strictement supérieur à celui de c. En particulier, le score de d au sens de Bucklin est strictement moins bon que celui de c.

Démonstration. Si C ≤ 3, cela découle du fait qu'un vainqueur de Condorcet ré- sistant est nécessairement un vainqueur majoritaire (dans l'espace électoral des ordres stricts totaux) : son rang médian est donc 1 et c'est le seul candidat pos- sédant cette propriété.

Si C ≤ 4, notons les candidats c, d1, d2 et d3. Comme c est vainqueur de Condorcet résistant, il est préféré par une majorité stricte d'électeurs à d1 et d2 simultanément : cette majorité d'électeurs place donc c au rang 1 ou 2. Par conséquent, le rang médian de c au sens de Bucklin est au pire 2 (c'est-à-dire 1 ou 2).

Supposons qu'aucun candidat n'ait un rang médian strictement supérieur. Pour cela, il est nécessaire que chacun des 4 candidats (y compris c) occupe strictement plus de V

2 positions dans les rangs 1 ou 2 des V électeurs : il y a donc strictement plus de 2V pigeons pour 2V tiroirs à chaussettes, ce qui est absurde.

Nous pouvons maintenant prouver la proposition 3.24.

Démonstration. 1,2. Il est clair que la méthode de Bucklin itérée vérie FavMaj. Le lemme3.25prouve que pour C ≤ 4, elle vérie rCond. Montrons, à présent, les cas où les critères ne sont pas vériés.

2. Pour C = 5, notons les candidats {c, d1, . . . , d4}. Posons α = 18, β = 4 et γ = 15 et considérons le prol suivant. Pour la première colonne, par exemple, notre notation signie que, pour toute permutation σ des entiers de 1 à 4, il y a α électeurs qui préfèrent c puis dσ(1), dσ(2), dσ(3) et enn dσ(4). Pour l'ensemble de la première colonne, il y a donc 4! × α = 24α électeurs qui placent c en première position. Au total, il y a 24(α + β + γ) = 888 électeurs.

24α 24β 24γ c • • • • • • c • • • • • • c

Le candidat c est préféré à toute paire (di, dj) par 24α + 4β = 448 électeurs donc il est vainqueur de Condorcet résistant. Au sens de Bucklin, on a score(c) = (3 ; 24α + 24β) = (3 ; 528) et pour tout autre candidat di, on a score(di) = (3 ; 12α + 12β + 18γ) = (3 ; 534). Donc c est éliminé. Ainsi, la méthode de Bucklin itérée ne vérie pas rCond.

3. Pour C = 3, montrons que la méthode de Bucklin itérée ne vérie pas Cond.

24 24 4 4 22 22

c c d1 d2 d1 d2 d1 d2 c c d2 d1 d2 d1 d2 d1 c c

Le candidat c est préféré à tout autre candidat di par 52 électeurs, donc c est vainqueur de Condorcet. Mais, au sens de Bucklin, on a score(c) = (2 ; 56) et score(di) = (2 ; 72), donc c est éliminé.

Pour adapter ces contre-exemples à davantage de candidats, il sut d'ajouter des candidats additionnels dans un ordre commun à la n des préférences de chaque électeur : ces candidats fantoches seront éliminés dans les premiers tours de dépouillement et on sera ramené aux contre-exemples exposés ci-dessus.

3.5 Aspect informationnel des critères majori-

taires

Pour conclure ce chapitre, nous proposons une interprétation qualitative des critères que nous avons étudiés. Il s'agit ici d'une discussion informelle, dont le but est simplement de proposer une expérience de pensée permettant d'appréhender les problèmes d'information et de communication qui peuvent survenir pour voter stratégiquement dans un système de vote donné et potentiellement trouver un ENF ou, en tout cas, parvenir au même candidat élu que si on avait trouvé un ENF.

Pour simplier, considérons un espace électoral où il n'existe pas de congura- tion semi-Condorcet, par exemple l'espace électoral des ordres stricts totaux avec un nombre impair d'électeurs : ceci permet d'identier les critères RENFA et RENFCd'une part, et XENFA et XENFC d'autre part.

Nous nous limitons aux systèmes de vote respectant CMInf, puisque ceux- ci semblent favorisés par la pratique dans les cas d'application où l'on souhaite une certaine égalité entre les électeurs d'une part, et entre les candidats d'autre part (non pas que nous négligions l'intérêt d'autres types de systèmes, que nous étudierons dans le prochain chapitre). Avec cette hypothèse, nous avons vu que le critère RENFA, en l'occurrence équivalent à RENFC, est également vérié. Donc les seules congurations ω susceptibles de posséder ENF sont les congu- rations Condorcet, et le seul vainqueur possible d'un ENF est le vainqueur de Condorcet.

Enn, nous supposons que l'espace électoral est ni, ce qui assure l'existence d'un système de vote de manipulabilité minimale (au sens ensembliste) au sein de toute classe de systèmes de vote, et en particulier de la classe CMInf6.

L'objectif de notre expérience de pensée est d'illustrer le fait suivant : plus le système vérie de critères dans le diagramme d'inclusion de la gure3.1, plus on progresse sur les aspects suivants :

 il existe plus souvent un ENF ;

 il est plus facile d'atteindre le même résultat qu'un ENF (c'est-à-dire d'élire le vainqueur de Condorcet s'il existe) ;

 il est plus facile d'atteindre un ENF.

Quand nous employons l'expression  facile , c'est du point de vue de la quantité d'information à échanger entre les agents : plus elle est élevée, moins la tâche est facile.

Voici notre expérience de pensée, dont les conclusions sont résumées dans la table 3.1. Imaginons qu'un coordinateur externe souhaite aider les électeurs à trouver le seul résultat possible d'un éventuel ENF (c'est-à-dire le vainqueur

6. Nous verrons dans le chapitre 5une autre condition susante importante qui garantit l'existence d'un optimum (au sens probabiliste cette fois) dans certaines cultures particulières, même dans des espaces électoraux innis, typiquement ceux que l'on utilise pour certains sys- tèmes de vote cardinaux.

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