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Algorithmes de MC pour CVTI

Dans le document Vers des modes de scrutin moins manipulables (Page 189-194)

6.5 Algorithmes spéciques pour VTI et ses variantes

6.5.3 Algorithmes de MC pour CVTI

Pour CVTI, nous utilisons une heuristique que nous allons décrire brièvement. Tout d'abord, pour chaque candidat c 6= w, on détermine si VTI est manipu- lable en utilisant l'une des options disponibles (rapide, lente ou exacte). Ensuite, en utilisant le chemin d'élimination obtenu, on essaie de mettre au point les bulle- tins des manipulateurs tout en empêchant qu'il y ait un vainqueur de Condorcet distinct de c. Si le prol initial est Condorcet, on sait d'ailleurs qu'il ne doit pas y avoir de vainqueur de Condorcet du tout (lemme2.5).

Pour cela, on place, tout d'abord, le candidat c aussi haut que possible dans les bulletins, puis les candidats dont on sait déjà qu'ils possèdent une défaite dans la matrice des duels. Ce faisant, il est possible que d'autres candidats acquièrent des défaites et on peut itérer le processus. Pour plus de détails, on pourra se reporter au code de la classe correspondante dans SVVAMP.

Si le processus réussit, c'est-à-dire s'il n'y a pas de vainqueur de Condorcet distinct de c à la n de l'algorithme, alors MC est prouvée. Dans le cas contraire, on reste dans l'incertitude : en eet, on n'a testé qu'un chemin d'élimination parmi ceux qui permettent de manipuler VTI, et le processus employé pour empêcher l'apparition d'un vainqueur de Condorcet a fait l'objet de choix arbitraires. Ainsi, cet algorithme ne fournit qu'une borne inférieure de la manipulabilité.

Cependant, on dispose également d'une borne supérieure : si VTI n'est pas manipulable, alors CVTI ne l'est pas non plus, par le théorème faible de condorci- cation2.9. Dans les chapitres suivants, nous verrons qu'en pratique, l'écart entre

6.5 Algorithmes spéciques pour VTI et ses variantes

la borne inférieure et la borne supérieure est en général très faible, ce qui assure, d'une part, que l'heuristique utilisée pour CVTI est relativement ecace, et mon- trera, d'autre part, que l'écart de manipulabilité entre VTI et CVTI, quoique non nul par le théorème fort de condorcication2.20, est en fait assez faible.

Chapitre 7

Étude de cultures sphéroïdales

Dans ce chapitre et les deux suivants, nous étudions deux problématiques qui étaient au c÷ur de notre motivation pour développer SVVAMP.

1. Alors que la manipulabilité est une nécessité théorique par le théorème de

Gibbard(1973) etSatterthwaite(1975), est-elle un phénomène courant en pratique ?

2. Quelles sont les performances comparées des diérents systèmes de vote à cet égard ?

Il s'agit des motivations principales pour ce chapitre et les deux suivants. Une motivation secondaire est d'illustrer les possibilités oertes par SVVAMP.

En général, nous concentrons notre attention sur la manipulabilité par coali- tion (MC), qui est l'objet d'étude central de ce mémoire et que appelons aussi manipulabilité sans plus de précisions. Cependant, comme SVVAMP ne dispose pas d'algorithmes exacts spéciques pour la MC de chaque système de vote, nous utiliserons également la manipulation triviale (MT) comme point de comparaison entre les diérents systèmes. Comme nous l'avons discuté dans la section 6.2.3, celle-ci présente l'avantage d'être facile à calculer (en temps polynomial, à temps de détermination du vainqueur près). En outre, quand la manipulation est pos- sible, elle donne une mesure indicative des cas où celle-ci est relativement peu coûteuse à implanter en termes de communication.

Étant donné la variété des cultures étudiées, la lecture de ces chapitres7et 8

pourrait s'avérer fastidieuse pour le lecteur impatient, mais c'est un défaut que nous n'avons pas réussi à éviter. Pour une lecture plus rapide, nous suggérons de lire la section7.1qui dénit les cultures utilisées dans ce chapitre, la section7.2

qui présente notre scénario de référence, la section7.3qui permet de se familiariser avec les conventions utilisées pour tracer les courbes, la section 7.9 qui conclut ce chapitre, l'introduction du chapitre8 et les sections 8.6 et 8.7 qui concluent celui-ci, avant de passer au chapitre9 qui analyse des données issues d'élections réelles.

7.1 Présentation des cultures sphéroïdales

En théorie du vote, il est classique de considérer la culture impartiale (déni- tion1.14), qui est dénie pour des préférences qui sont des ordres stricts totaux. Comme nous souhaitons étudier à la fois des systèmes ordinaux et cardinaux, la première question qui se pose est la façon dont on peut étendre ce modèle à des électeurs caractérisés par leurs utilités pour les candidats. Dans cette section, nous

décrivons brièvement la démarche utilisée, qui est détaillée et présentée de façon plus formelle dans l'annexeBet dans l'article de Durand et al.(2015).

Sans adopter toutes les hypothèses du modèle des utilités espérées de Von Neumann et Morgenstern(1944), nous allons toutefois nous en inspirer. Nous ne supposons pas nécessairement que les préférences des électeurs soient caractéri- sées par des utilités espérées, puisqu'il n'y a pas d'élément aléatoire une fois la population xée : les systèmes de vote étudiés calculent le vainqueur de façon déterministe et les manipulateurs n'utilisent que des stratégies pures, et non des stratégies mixtes.

Cependant, nous conservons une propriété importante de ce modèle : dans un premier temps, le vecteur d'utilité uv ∈ RC d'un électeur pour les diérents candidats est déni à une constante additive et à une constante multiplicative strictement positive près, c'est-à-dire que le vecteur uv représente les mêmes pré- férences qu'un vecteur αuv+ β1, où α est un réel positif, β un réel quelconque et où 1 désigne le vecteur dont toutes les coordonnées sont égales à 1. Ce choix est motivé par le fait que chaque électeur ne possède aucune méthode canonique, ni pour xer son point 0 d'utilité, ni pour choisir  l'unité de mesure  employée an d'évaluer ses valeurs d'utilité : il est simplement capable de mesurer leurs intensités respectives.

Dans un second temps, an d'avoir un modèle complet pour le vote par as- sentiment, nous ajoutons l'hypothèse que l'utilité 0 est une limite d'approbation (voir sectionB.7) : un électeur approuve les candidats qui ont une utilité positive et désapprouve les candidats qui ont une utilité strictement négative. Avec cette hypothèse supplémentaire, le vecteur d'utilité d'un électeur n'est plus déni qu'à une constante multiplicative α strictement positive près. L'espace des utilités est donc celui des demi-droites de RC et tous les vecteurs d'une même demi-droite représentent les mêmes préférences en pratique, de façon indistinguable par l'ex- périence, même pour l'électeur concerné.

Intuitivement, une façon naturelle de représenter cet espace consiste à nor- maliser chaque vecteur d'utilité pour qu'il ait une norme euclidienne égale à 1. L'espace des utilités, c'est-à-dire l'ensemble des demi-droites, est alors représenté par la sphère unité de RC. Dans l'annexe B, nous prouvons, par des arguments de géométrie projective et de géométrie diérentielle, que cette représentation est essentiellement la seule qui possède de bonnes propriétés1.

On dispose alors d'une façon canonique de généraliser la culture impartiale : elle consiste à tirer un vecteur sur la surface de la sphère unité de RC avec une loi de probabilité uniforme (au sens de la mesure euclidienne usuelle) : c'est ce que nous appelons la culture sphérique. Chaque électeur possède presque sûrement un ordre strict total de préférence, les électeurs sont indépendants et la culture est neutre : par conséquent, l'image ordinale de cette culture (dénition5.13) est bien la culture impartiale. Ainsi, pour les systèmes de vote ordinaux, cette culture est tout simplement équivalente à la culture impartiale ; en outre, elle permet d'étudier les systèmes ordinaux et cardinaux dans un cadre commun naturel.

Par la suite, il est intéressant d'enrichir ce modèle en introduisant une corréla- tion entre les électeurs. Pour cela, nous utilisons le modèle de Von Mises-Fisher ou

1. Plus exactement, dans le modèle avec limite d'approbation, les modèles convenables sont des ellipsoïdes qui sont l'image de la sphère unité par une dilatation le long de l'axe 1, qui constituent donc une famille à un paramètre réel. Le choix de ce paramètre n'a d'inuence que pour le vote par assentiment : aux valeurs extrêmes du facteur de dilatation, on privilégie soit les vecteurs d'utilité qui ont beaucoup de composantes de même signe, soit ceux dont la somme des composantes est nulle et qui ont donc toujours des composantes des deux signes. Pour simplier, nous considérons toujours le modèle sphérique qui est intermédiaire entre ces deux cas extrêmes.

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