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Critères associés à une famille

Dans le document Vers des modes de scrutin moins manipulables (Page 128-131)

préféré. La proposition suivante donne une condition susante pour que le M- favori soit unique et montre que, sous certaines hypothèses assez naturelles, cette condition est nécessaire.

Proposition 4.10

On considère les conditions suivantes. 1. M est exclusive.

2. Dans toute conguration possédant un candidat M-favori, celui-ci est unique.

On a1⇒ 2.

Si on suppose que l'espace électoral autorise tout candidat comme préféré et que M est monotone, alors2⇒1.

Démonstration. L'implication 1 ⇒ 2 découlant immédiatement des dénitions, nous allons nous concentrer sur la réciproque non1⇒non2.

Supposons que M n'est pas exclusive. Alors il existe deux candidats distincts c et d, deux coalitions disjointes M et M0, telles que M ∈ M

c et M0 ∈ Md. Comme M est monotone, on a V \ M ∈ Md. Comme l'espace électoral autorise tout candidat comme préféré, il existe une conguration où les membres de M arment que c est leur préféré et ceux de V \ M arment que d est leur préféré. Alors, les candidats c et d sont tous deux M-favoris.

Comme nous l'avons déjà dit dans les chapitres précédents, il est clair qu'un favori majoritaire est nécessairement un vainqueur de Condorcet. La proposition suivante, dont la preuve découle immédiatement des dénitions, permet de géné- raliser cette constatation si la famille considérée est monotone et exclusive, tout comme l'est la famille majoritaire.

Proposition 4.11

On suppose que M est monotone et exclusive.

Pour ω ∈ Ω et c ∈ C, si c est M-favori en ω, alors c est M-Condorcet en ω.

4.2 Critères associés à une famille

4.2.1 Dénition des critères associés à une famille

Nous allons généraliser les critères Cond, FavMaj, CMIgn et CMInf que nous avons dénis pour traiter le cas particulier de la famille majoritaire. En outre, nous allons dénir deux nouveaux critères, MCIgnA et MCInfA, dont nous montrerons, plus tard, l'intérêt pour combiner et comparer les condorcications généralisées réalisées en utilisant des familles M et M0 diérentes pour un même système de vote. An de ne pas alourdir cette section inutilement, nous n'allons pas évoquer les généralisations des autres critères majoritaires.

Dénition 4.12 (critères associés à une famille M)

On dit que f vérie le critère de M-Condorcet (MCond) ssi, pour tout ω ∈ Ω et c ∈ C, si c est M-Condorcet en ω, alors f(ω) = c.

On dit que f vérie le critère du M-favori (MFav) ssi, pour tout ω ∈ Ω et c ∈ C, si c est M-favori en ω, alors f(ω) = c.

On dit que f vérie le critère de la M-coalition ignorante (MCIgn) ssi ∀c ∈ C, ∀M ∈ Mc, ∃ωM ∈ ΩM t.q. :

On dit que f vérie le critère de la M-coalition ignorante admissible (MCIgnA) ssi ∀c ∈ C, ∀M ∈ Mc, ∃ωM ∈ ΩM t.q. : ∀ωV\M ∈ ΩV\M, ( f (ωM, ωV\M) = c, cest M-admissible en (ωM, ωV\M).

On dit que f vérie le critère de la M-coalition informée (MCInf) ssi ∀c ∈ C, ∀M ∈ Mc, ∀ωV\M ∈ ΩV\M :

∃ωM ∈ ΩM t.q. f(ωM, ωV\M) = c

On dit que f vérie le critère de la M-coalition informée admissible (MCInfA) ssi ∀c ∈ C, ∀M ∈ Mc, ∀ωV\M ∈ ΩV\M :

∃ωM ∈ ΩM t.q. (

f (ωM, ωV\M) = c,

cest M-admissible en (ωM, ωV\M).

Les critères MCond, MFav, MCIgn et MCInf sont des généralisations assez naturelles des critères correspondants pour la famille majoritaire. Le critère MCInfA(resp. MCIgnA) est un renforcement de MCInf (resp. MCIgn) qui exige que la coalition informée (resp. ignorante), en plus de réussir à faire gagner un certain candidat c, soit capable d'assurer que c apparaît comme M-admissible. Pour les systèmes de vote courants, c'est une condition naturelle : en reprenant les notations de la dénition, si les membres de M sont capables de faire gagner c, ils peuvent généralement le faire en produisant un bulletin où c est strictement préféré aux autres candidats ; dans ce cas, c est M-favori dans la conguration obtenue par manipulation et, sous l'hypothèse courante où M est monotone est exclusive, cela implique que c est M-Condorcet (proposition 4.11) et a fortiori M-admissible.

Comme nous l'avions déjà remarqué de façon informelle, l'hypothèse d'ex- clusivité est naturelle quand il s'agit de manipulation ignorante. La proposition suivante formalise cette observation.

Proposition 4.13

Si un système de vote vérie MCIgn, alors la famille M est exclusive. Démonstration. Si deux coalitions disjointes ont les pouvoir respectifs de faire gagner des candidats c et d distincts de manière ignorante, alors ils peuvent faire gagner simultanément c et d, ce qui est contradictoire avec l'unicité du résultat de f.

En revanche, l'hypothèse d'exclusivité ne va pas de soi quand on parle de manipulation informée : quand un système de vote vérie MCInf, il est possible que la famille M ne soit pas exclusive.

En eet, considérons le vote de parité : s'il y a un nombre impair (resp. pair) de boules noires, alors le candidat a (resp. b) est élu. Considérons la famille neutre M constituée de toutes les coalitions non vides : alors le vote de parité vérie MCInf. En notant v et v0 deux électeurs distincts (on suppose V ≥ 2), les coalitions {v} et {v0} sont distinctes et sont toutes les deux gagnantes, donc la famille n'est pas exclusive.

Dans ce mode de scrutin, si l'électeur v vote en dernier en connaissant les autres bulletins, il peut décider du résultat ; et de même pour l'électeur v0. La non-exclusivité n'est donc pas contradictoire avec l'unicité du résultat.

4.2 Critères associés à une famille

MCond MFav MCIgnA

MCIgn

MCInfA

MCInf

me mp

Figure 4.1  Implication entre les critères liés à une famille M (m : famille monotone, e : famille exclusive, p : l'espace électoral autorise tout candidat comme préféré).

4.2.2 Implications entre les critères associés à une famille

La proposition suivante indique les relations d'implications entre les diérents critères, c'est-à-dire les inclusions entre les ensembles de systèmes de vote corres- pondants. Les résultats énoncés sont résumés par le graphe d'implication de la gure4.1.

Proposition 4.14

Si M est monotone et exclusive, alors MCond ⊆ MFav.

Si M est monotone et si l'espace électoral autorise tout candidat comme pré- féré, alors MFav ⊆ MCIgnA.

On a les inclusions :  MCIgnA ⊆ MCIgn,  MCIgnA ⊆ MCInfA  MCIgn ⊆ MCInf,  MCInfA ⊆ MCInf. Cependant, en général, on n'a :  ni MCIgn ⊆ MCInfA,  ni MCInfA ⊆ MCIgn.

Démonstration. MCond ⊆ MFav : supposons qu'un système de vote vérie MCond. Si un certain candidat c est M-favori en ω, alors comme M est supposée monotone et exclusive, c est M-Condorcet en ω (proposition4.11), donc il est élu. MFav ⊆ MCIgnA : supposons qu'un système de vote vérie MFav. Soit c ∈ Cet M ∈ Mc. Il est susant que les membres de M arment préférer stricte- ment c à tous les autres candidats, ce qui est possible parce que l'espace électoral autorise tout candidat comme préféré. Quoi que fassent les autres électeurs, l'en- semble des électeurs armant que c est leur préféré contient M, donc il appartient à Mc (par monotonie), donc c est M-favori et élu. Ceci prouve au passage que le système vérie MCIgn, donc (proposition4.13) que la famille M est exclusive.

Poursuivons alors notre manipulation pour c : celui-ci est M-favori, on sait, à présent, que la famille M est exclusive et elle est aussi monotone par hypothèse, donc c est M-Condorcet (proposition4.11) et, a fortiori, M-admissible. Donc le système vérie MCIgnA.

Les autres implications découlent immédiatement des dénitions.

Pour prouver qu'en général, on n'a ni MCIgn ⊆ MCInfA ni MCInfA ⊆ MCIgn, considérons comme contre-exemple la famille majoritaire.

Dans le corollaire 3.14 de la proposition 3.13 sur les RPS, nous avons déjà montré que la méthode de Borda vérie MCInf. Or dans la démonstration, les bulletins utilisés par les manipulateurs placent toujours le candidat c en tête de

bulletin, donc la méthode de Borda vérie MCInfA. Cependant, le corollaire3.14

énonce aussi qu'en général, elle ne vérie pas MCIgn.

Enn, dans l'espace électoral des ordres stricts totaux, avec C = 2 et V im- pair, considérons le système de vote suivant : le vote majoritaire inversé. Chaque électeur communique un ordre de préférence, mais le candidat a gagne ssi b en tête sur une majorité de bulletins (et vice versa). Si une coalition majoritaire souhaite faire gagner un candidat, il lui sut de le placer toujours en bas de bulletin ; mais, par dénition de ce mode de scrutin curieux, un candidat vainqueur n'apparaît jamais comme Condorcet-admissible.

4.3 Théorème de condorcication généralisée

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