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Louise, chorégraphe et compositeur musical : « Mais c'est vrai que moi, quand j'ai commencé à mettre les pieds dans les salles de spectacle, de théâtre, j'a

Dans le document Danse des villes et dans d'école : Le hip-hop (Page 133-136)

vu des spectacles qui ne me parlaient pas au début, je ne comprenais pas le langage, je ne comprenais pas les codes et j'étais assez déçu de ce que j'allais voir mais j'étais quand même curieux et je me suis assis dans des salles de spectacle, rien que par curiosité. Puis petit à petit j'ai commencé à comprendre qu’il n’y avait pas qu'une seule forme de codes, qu'une seule forme de langage et que même si on comprend pas au début, c'est comme une langue étrangère, petit à petit le vocabulaire s'installe. Et euh... mais enfin, je vous parle de ça maintenant, mais au début j'étais pas convaincu de ça. […]Je pense que s’il n’y a pas ça, s’il n’y a pas la curiosité, on s'enferme, on s'effondre sur soi-même quoi. Et je pense qu’il y a certaines compagnies de danse, qui sont d'ailleurs même des anciens, qui ont eu un problème par rapport à ça, par rapport à cette ouverture et ils sont en train de justement, de s'effondrer quoi. »

Giacomo Spica, compositeur et formateur en musiques actuelles : « Moi je pense que pour toute forme artistique, quand on travaille sur quelque chose de très précis, ça ne peut pas être une fin en soi. Si on ne va pas puiser un peu de partout tout ce qui se passe, c'est très dangereux. Parce que l'ouverture culturelle c'est ce qu'il y a de plus important. Et donc d'aller chercher, on n’est pas obligé de faire exactement ce qu'on a vu, ce n’est pas le but mais je dirais qu'une bonne cuisine aussi, c'est quand elle est diversifiée et la culture c'est exactement cela, que ce soit pour la danse ou pour la musique, je crois que ça se rejoint complètement, et aussi, le rapport de la musique à la

danse, comme disait Franck tout à l'heure, c'est très important parce que l'un ne va pas sans l'autre, ce n’est pas possible ».

Kader, de la compagnie Saïlence : « De toute façon... que ce soit à 20, 30, 40, 50 ans, on apprend toujours. Je pense que celui qui a tout appris de la vie, c'est celui qui veut tout prendre tout le temps, il y a ça ; et la deuxième chose c'est le travail quoi. Bon, c'est bien d'aller voir plein de truc mais si tu ne bosses pas, ça ne servira à rien, faut bosser, bosser, bosser. Mais faut y prendre du plaisir quoi. C'est ça le plus important, il ne faut pas se prendre la tête ».

Les invités les plus jeunes (les danseurs de la compagnie Saïlence) estiment cependant que voir une pratique différente de la leur, permet parfois de « prendre une claque » qui peut « changer le cours de la vie », tout en précisant la nécessaire conservation de « l’identité du hip hop » ; un danseur évoque à ce propos « l’essence profonde » du hip hop, un autre son « énergie ». Il s’agit pour eux « de ne pas se perdre », à cela Franck II Louise rétorque que parfois on peut avoir l’impression de se perdre mais « en réalité tu ne te perds pas, tu es en train de te construire » une « identité » à la « croisée des chemins ». Stéphane Valier ajoute que cette croisée des chemins remet en question les anciennes habitudes et apporte de nouvelles compétences. La notion d’“ identité ” propre est reprise régulièrement par les protagonistes du débat, voyant dans leur parcours professionnel la réalisation ou la construction d’une singularité.

Extrait du débat

Stéphane Valier, danseur : « Tu n’as jamais les mêmes compétences la veille, le lendemain, quand tu fais un spectacle, tu te demandes toujours "est-ce que je vais y arriver ?" Et c'est un peu pareil quand tu vas découvrir d'autres styles, quand tu vas te mouiller à autre chose. C'est ça qui fait peur, je pense, qui nous met dans un sale état. Mais ça ne veut pas dire que, ce que tu fais, ce que toi tu pratiques d'habitude, tu l'as pas perdu, au contraire, c'est là, et ça va t'aider même à trouver d'autres pistes ! C'est là où la croisée des chemins est intéressante parce que c'est une croisée des chemins. On ne part pas sur un autre chemin, c'est une croisée des chemins. Toi tu viens de ce chemin, tu croises ce chemin. Mais tu ne continues pas à côté, tu restes toujours sur ton chemin, et tu as d'autres croisées. C'est vraiment une remise en question perpétuelle. Tu es toujours à la

recherche, de ton identité. Il a commencé par ça, Franck, et c'est vraiment ça hein. C'est :

tu cherches ton identité, à faire ton chemin. Tu ne vas jamais danser de la même façon

qu'un autre. Tu vas l'amener différemment. Le public va le percevoir différemment.

Pourquoi on préfère telle compagnie ou telle compagnie ? Parce que, cette compagnie a le chemin qui va plus toucher ce public. Parce que cette compagnie elle va toucher l'autre public. Mais on ne peut pas plaire à tout le monde. De toute façon. Je pense que l'important c'est de se plaire à soi. C'est surtout se plaire à soi, donc savoir son chemin, connaître par où on est passé et comment où on va ».

Cette présentation un peu longue des regards de professionnels du hip hop sur leurs pratiques permet de repérer les valeurs et les significations majeures qui portent leurs expériences de danseurs ou de chorégraphes. C’est ainsi, pour résumer, qu’apparaissent chez les plus ancrés professionnellement l’idée d’ouverture culturelle, de rencontre avec d’autres pratiques dans le but de construire sa propre identité d’artiste, tout en conservant quelque chose des origines du hip hop qui sont renvoyées à une “ énergie ” spécifique, jamais définie cependant. De manière plus implicite, il est montré que la construction identitaire par la professionnalisation dans la danse vise à pouvoir vivre de son métier d’artiste, et pour cela, la seule voie d’accès à des conditions d’existence correctes est la production et la diffusion sur des scènes de théâtre, ce qui engage de connaître les règles ou les codes de la scène.

Les jeunes hip hoppeurs présents à la MJC vont réagir plus qu’ils ne vont poser des questions aux professionnels. Une jeune fille prend la parole la première, il s’agit d’une chanteuse de rap, qui demande s’ils n’ont pas « l’impression de dénaturer le message du mouvement (hip hop ». Elle sera la seule à faire référence au “ mouvement

hip hop ”. Franck II Louise lui demande alors si elle connaît cette « histoire du

mouvement hip hop », elle confirme. Il lui rappelle alors (un peu sur un ton professoral) que « cette danse qu’on appelle la break dance ou tout ce qui est de la danse debout, c’est une mixité de toutes les danses du monde ». La jeune fille précise qu’elle comprend la mixité, mais s’interroge sur le « message revendicatif » du hip hop.

Franck II Louise (1ère génération d’artiste hip hop) lui précise que pour sa part, le message a été de pouvoir « m’intégrer dans la société », de pouvoir trouver les moyens pour « exister » et « s’épanouir ». Il rajoute que sa génération à elle doit veiller à ne pas « trop s’enfermer ». Son discours se fait d’autant plus moral qu’il continue en évoquant sa connaissance du Bronx, d’Afrika Bambaataa et des premiers danseurs qui « avaient une ouverture d’esprit énorme » allant « puiser dans des danses, jazz, mime, claquettes… ». Pour lui, l’ouverture culturelle est aux origines du hip hop et qu’il est dangereux de vouloir trop « codifier » la danse car, selon lui, on parvient à un effet inverse, à son « enfermement » ; Stéphane Valier (2ème génération de danseur hip hop) rajoute plus loin que l’intérêt est de « transgresser » les codes. Cela ne signifie pas, pour eux de « récupérer des trucs à droite à gauche et d’essayer de faire une sauce ». Franck II Louise rapproche alors le refus de certains hip hoppeurs d’ « aller voir ailleurs » à la consanguinité qui conduit aux tares génétiques. Cette métaphore déclenche les rires de la salle. Le débat va alors se faire dans une confrontation de plus en plus provocante, tout en restant très amicale.

Stéphane Valier, s’adressant à une jeune rappeuse qui s’interroge sur le travail des professionnels : « Tu vas vite comprendre, tu vas vite comprendre. Non, non. C'est une question par rapport aux clichés, par rapport à tout ça. (brouhaha dans l'assistance). Tu es pile dans le sujet, vraiment tu as touché au plus

profond. C'est quand tu parles de la danse. Tu as des gens quand tu commences la danse, tu dis “ je suis danseur ”, (on te répond) : “ quoi ? Tu vis de ça ? ” Maintenant ça commence à évoluer. Ensuite tu as les gens ils disent : “ ah tu es danseur ? Mais tu sais faire le grand écart alors ? ”. Mais ça, ça c'est des clichés que des tonnes de gens ont ! Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas habitués à voir un spectacle de danse. La seule image qu'ils ont de la danse c'est à la télé, c'est TF1, c'est les gars qui font… (sifflement dans la salle) derrière un chanteur, qui tournent. On ne voit qu'un style, c'est ce qu'on te donne à manger. Si tu vas au super, toujours au même supermarché, tu auras toujours la même bouffe ! Si tu changes un peu de coin, tu vas à l'épicerie arabe du coin, et bien tu vas goutter d'autres trucs ! Mais il faut faire l'effort d'aller chercher ».

Des jeunes danseurs prennent alors la parole, mettant en œuvre des stéréotypes sociaux sur la danse, en disant aux professionnels que c’est parce qu’ils veulent toucher un grand nombre de public, dans les théâtres, qu’ils sont amenés à travailler avec d’autres formes de danse.

Un jeune danseur (17-18 ans) amateur, de la MJC : « Donc maintenant moi je veux dire, moi c'est pas mon problème de toucher un plus grand nombre de personnes ou pas, moi je vis ma passion je danse donc maintenant c'est mon kiff et c'est mon délire. Donc maintenant euh... pas besoin d'aller en Côte d'Ivoire, oh la la ! ou j'sais pas quoi mais... il est pas là le problème c'est que, je voulais dire que... par rapport au rap ou par rapport à la danse c'est, toi t'exprimes euh, tu veux exprimer quelque chose par les mots, par rapport aux mots, mais tu peux exprimer par aussi par rapport au corps, tu vois ? (applaudissements dans la salle) ».

Un autre jeune danseur de la MJC : « En fait, vous parlez des mélanges des genres, mais est-ce que c'est pas pour, juste pour l'argent ! Parce que j'ai l'impression, quand je vois les grandes compagnies, ils font du classique même, du modern jazz, mais

c'est juste pour toucher un plus large public et juste pour l'argent en fait ? C'est ça ou

pas ? Franchement, Franchement… ».

Franck II Louise lui répond : « Moi, j'ai galéré 10 piges sans toucher une tune,

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