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Libres penseurs en Salanque ; Pons élève en Riberal

Un début de carrière anonyme au pays d’Oun Tal (1889-1900)

2.2.6 Libres penseurs en Salanque ; Pons élève en Riberal

Après quatre années scolaires passées à Rivesaltes, Louis Pastre est nommé à Claira, en février 1894. Deux ans plus tard, il rejoindra Ille-sur-Têt, en octobre 1896, pour six ans, avant de gagner définitivement Perpignan, en mai 1900.

À dix kilomètres en aval de Rivesaltes, vers le sud-est, sur la rive gauche de l’Agly, déjà dans la petite région littorale de la Salanque, Claira est alors un gros village de 1760 habitants, voué lui aussi à la production viticole, où les jeunes vignes sur plant américain prennent déjà leur revanche sur le phylloxera. Près de la rivière, les terres d’alluvions, où le blé a disparu depuis cinquante ans, sont riches et profondes, le paysage sans relief, les rendements très élevés pour un vin sans notoriété destiné à la transformation en alcool pur. Les bonnes terres forment de grands domaines dont les propriétaires sont étrangers au village, comme l’homme d’affaire Justin Durand. Sur le crest, la garrigue caillouteuse et aride est

1

FRENAY Étienne (2004). « Perpignan l’éducative », p. 571-579. In SALA Raymond, ROS Michèle, dir.

Perpignan une et plurielle. Canet, Éditions Trabucaire, p. 577.

2 Enregistrement ayant servi de base pour l’article : [BONET Gérard] (1982). « Une femme de la terre au début

du siècle ». Gavroche, n°6, octobre-novembre 1982, p.7-9. (Hélène Marty est notre arrière grand-mère). On remarque, en outre, qu’en 1980, alors que le français est dominant, la vieille dame ne perçoit plus le catalan comme un marqueur social.

exploitée par les gens du village, ils en vivent difficilement, malgré la qualité du vin, car les rendements sont faibles1.

A l’opposé de Rivesaltes, ville des Corbières catalanes tentée par le socialisme, la Salanque est le traditionnel fief électoral des blancs, les Rastellers2 : « terre aimée du ciel,

riche de trésors de la foi et du respect des choses saintes »3. Cependant, lorsque Louis Pastre prend possession de son poste à Claira, dans la nouvelle école des garçons4, reconstruite, face à l’église, avec un beau bâtiment qui inclut aussi la mairie, le camp républicain a pris de l’ampleur, et le village est idéologiquement coupé en deux. Avec le curé, Joseph Douffiagues, sermons, cérémonies, catéchisme, tout se fait en catalan, ainsi que les représentations théâtrales du répertoire religieux, dans l’église, avec les jeunes filles et jeunes gens du village5. Mais Claira possède aussi un groupe de libre penseurs6 organisés en société, c’est exceptionnel dans les Pyrénées-Orientales, d’autant plus en Salanque, mais fréquent dans l’Aude et surtout dans l’Hérault7

. Cependant, les sociétés mutualistes, liées à la libre-pensée, par la même obédience républicaine, ont essaimé depuis Perpignan vers les villages, en commençant par la Salanque, dont Claira, en premier lieu, en 18428. Défenseurs de l’école laïque, déployant le drap mortuaire orné d’une pensée et des compas entrecroisés, lors des obsèques, civiles ou religieuses9, les membres de La Libre Pensée de Claira ne peuvent

1 PELLICER Marcelle (1980). layrà… fa temps : La vie dans un village catalan de la Salanca de 1800 à 1914.

Prades, Revue Terra Nostra, p. 59.

2

Els rastellers (conservateurs) étaient donc encore pendant la Troisième République les partisans du pouvoir politique de l’Église.

3PELLICER Marcelle (1998). Claira : Son église, témoin de son histoire (962-1932) : Harmonie et

dissonances… Claira, Association pour la sauvegarde du patrimoine de Claira, p. 244-245. Description de Claira

par l’abbé et poète catalan Josep Bonafont, qui prit son ministère dans le village, en 1897, un an après le départ de Louis Pastre pour Ille, que Bonafont rejoindra également en 1904, alors que Louis Pastre était déjà en poste à Perpignan.

4 La nouvelle école, reconstruite sur la précédente, trop exigüe, datant de 1866, ne sera inaugurée qu’en février

1895 ; pendant sa première année d’exercice à Claira, Louis Pastre est provisoirement installé dans l’ancien presbytère. L’école des garçons comprend trois classes, pour 125 élèves (1888). L’école des filles, construite en 1884, au sud-est du village, comprend aussi trois classes pour 100 écolières (1888), une classe enfantine de 75 enfants (1888) y est adjointe. L’école des religieuses du Saint-Sacrement a fermé depuis 1871. Voir : PELLICER Marcelle (1980), op.cit, p. 142-146.

5 PELLICER Marcelle (1998), op.cit, p. 211, 217. 6

« […] comment faut-il entendre libre pensée et libre penseur ? Ces mots ont deux sens. Le premier, assez diffus, s’applique à ceux qui, ne reconnaissant d’autre autorité que celle de leur raison, s’affranchissent des croyances, des certitudes et des dogmes imposés. […] Le deuxième sens, certes lié au premier, mais beaucoup plus circonscrit, est relatif aux sociétés dites précisément de Libre Pensée […]. La période 1880-1914, qui vit le triomphe de la Libre Pensée institutionnalisée, constitue son âge d’or. […] Plus que d’autre catégories socioprofessionnelles, les instituteurs, héritiers du contentieux qui avait si longtemps opposé les maîtres aux curés, avaient des raisons bien précises de venir prendre place dans les rangs de la Libre Pensée.» In LALOUETTE Jacqueline (1997). La libre pensée en France : 1848-1940. Paris, Albin Michel, p. 18-19, 100.

7 Nombre de sociétés de libre pensée déclarées, par département, de 1901 à 1939 : Pyrénées-Orientales, de 2 à 1 ;

Aude, de 16 à 13 ; Hérault, de 23 à 18. In LALOUETTE, op.cit, p. 46.

8

Il existe même à Rivesaltes, depuis 1887, une société de secours mutuels portant le nom explicite de « Libre- pensée ». Voir : PRACA Edwige (2000). Les sociétés de secours mutuels et leur union dans les Pyrénées-

Orientales (XIXe-XXe siècles). Canet, Llibres del Trabucaire, p. 23, 59.

laisser indifférent le maître d’école languedocien. Nous verrons que quelques années plus tard, il sera proche des libre penseurs perpignanais, voire des francs-maçons.

Le peu de temps qu’il resta en Salanque, la perte d’indemnité que représentait l’affectation dans une plus petite commune que Rivesaltes, la période de l’année à laquelle intervint le changement, nous permettent de supposer que Louis Pastre obtint la mutation à Claira dans l’urgence. En effet, on sait qu’à cette époque se manifestent les premières résistances face aux prétentions excessives des directeurs d’écoles, et ce sont plutôt les jeunes instituteurs adjoints qui se rebellent, ceux qui n’ont pas vécu la précarité d’avant les lois scolaires1.

En octobre 1896, Louis Pastre pourra se rendre à son nouveau poste, à Ille-sur-Têt, par la toute nouvelle voie ferrée, qui longe la Têt vers l’ouest, depuis Perpignan jusqu’à Villefranche de Conflent. Aux confins du Roussillon, du Conflent et des Fenouillèdes, à 25 kilomètres de Perpignan, là où la vallée se rétrécit face à l’Aspre, piémont du Canigou, et les derniers prolongements de la montagne de Força-Real, au nord de la Têt, Ille est une petite ville de 3298 habitants. C’est la perle de la petite région fertile du Riberal, qui s’adonne entièrement à l’activité agricole. Ses généreuses terres d’alluvions, bien irriguées, produisent depuis longtemps des pêches réputées, colorées et savoureuses : déjà en 1845, Ille possédait le quart des plantations de tout le département, souvent associées aux cultures maraichères ; l’expédition de la production par chemin de fer renforcera la spécialisation2

. Louis Pastre s’installe à Ille précisément à l’époque où le Roussillon connaît la première explosion de la production maraîchère et fruitière, dans laquelle le Riberal joue un rôle de premier plan. La viticulture recule et, du fait de cette diversification culturale, la petite propriété se renforce et « le prolétariat agricole sera en Ribéral numériquement moins important que dans les secteurs de monoculture de la vigne comme la région de Rivesaltes »3 : ici, le radicalisme ne se décantera généralement pas vers le socialisme.

Enserrée dans ses murailles, Ille possède aussi un important patrimoine architectural qui interpelle, dans les années 1830, l’inspecteur général des monuments historiques, Prosper Mérimée. Sa nouvelle fantastique, La Vénus d’Ille, publiée en 1834 et sans cesse rééditée, ne devait pas être inconnue de notre instituteur. Comme à Rivesaltes, Louis Pastre bénéficia à

Marcelle Pellicer reproduit dans sa monographie, une preuve édifiante de la symbiose inattendue entre catholicisme et libre pensée : un « Notre-Père républicain », écrit en catalan, en 1852, à Claira. Annexe 2.2.4.

1 OZOUF Jacques (1967). Nous les maîtres d'école : autobiographies d'instituteurs de la Belle époque. Paris,

Julliard. [exemplaire consulté : édition de 1973, Paris, Gallimard, p. 263-271]

2 GOT Norbert (1950). Le pêcher. Perpignan, Chez l’auteur, p. 28.

3 BALENT André (1981). « Le parti socialiste dans le Riberal (1895-1914) », p. 91-112. In Bulletin de la Société

Ille d’installations scolaires adaptées, puisque l’école des garçons fut inaugurée en 1881, à l’extérieur des murailles, en bordure de la route. L’instruction publique et laïque y est gratuite, pour les garçons, depuis 1870. Les filles devront attendre 1900 pour de nouveaux locaux publics ; les sœurs du Saint-Sacrement avaient fermé leur école en 18951.

En Riberal, où il demeura quatre années scolaires, Louis Pastre et son épouse eurent leur troisième enfant, Émile, Jules, Louis, dit Jules, né le 8 février 1897, au domicile familial, rue Saint-Michel2. Il s’agit en fait de la Carrerada, à l’extérieur des murailles, face à la porte

del Comte, la voie qui mène au village voisin de Saint-Michel-de-Llotes. Avec deux enfants à

charge, le second étant décédé nourrisson, et un seul salaire d’instituteur, Louis Pastre et les siens font partie « des petites gens »3, car nous ne lui connaissons pas d’activité complémentaire, telle une charge communale rémunérée, comme c’était souvent le cas pour les maîtres adjoints. Heureusement, la générosité du terroir illois et les présents de quelque parent d’élève devaient améliorer l’ordinaire. La misère, en fait, était commune et ne permettait pas à tous les enfants d’aller à l’école, comme se le rappelle Hélène Marty. Élève de l’école communale en Riberal, à Villeneuve-de-la-Rivière, à la fin des années 1890, elle aurait pu être, sauf mixité oblige de l’époque, une des premières élèves de Louis Pastre en Roussillon :

Quan teníem sabates o espardenyes, anàvem a escola; mes quan en teníem pas, nos estàvem a la teuleria, sense sabates4.

[Quand nous avions des chaussures ou des espadrilles, nous allions à l’école ; mais quand nous n’en avions pas, nous restions à la tuilerie (son père était briquetier), sans chaussures.]

Lorsqu’il n’y avait pas de collège dans la commune, comme c’était le cas à Ille, les enfants les plus favorisés pouvaient côtoyer les plus humbles, sur les bancs de l’école primaire. C’était le cas pour le fils du médecin, Joseph Pons (1886-1962), élève de Louis Pastre, comme il se le rappellera bien plus tard, en 1925, dans la préface du dernier ouvrage de son ancien instituteur5 :

1 DELONCA Émile, DELONCA Léon (1947). Un village en Roussillon : Illa, terra de Rosselló. Perpignan,

Imprimerie du Midi, p. 400.

2

Archives communales d’Ille-sur-Têt : naissances, 1897, n°27.

3 OZOUF Jacques (1967). Nous les maîtres d'école : autobiographies d'instituteurs de la Belle époque. Paris,

Julliard. [Exemplaire consulté : édition de 1973, Paris, Gallimard, p. 142]

4

Enregistrement ayant servi de base pour l’article : [BONET Gérard] (1982). « Une femme de la terre au début du siècle ». Gavroche, n°6, octobre-novembre 1982, p.7-9..

5 Simon Pons, le père de Joseph Pons, était médecin généraliste à Ille. CAMPS Christian (1986). Jean AMADE,

Joseph Sébastien PONS : deux écrivains catalans. Castelnau-le-Lez, Les amis de Joseph-Sébastien PONS, p. 99.

El senyor Pastre és estat un dels meus primers mestres, que m’apuntalava les lletres, quan anava á estudi i encara feia ví blanc1.

[Monsieur Pastre a été un de mes premiers maîtres, qui m’apprenait à écrire, quand j’allais à l’école et je faisais encore pipi au lit.]

Le futur universitaire et poète quitta l’école communale pour le cours supérieur de l’institution Saint-Louis de Perpignan, en 18972

. Louis Pastre, qui arriva à Ille à la rentrée 1896, eut donc dans sa classe Joseph Pons, à l’âge de 10 ans, élève de cours moyen deuxième année, ainsi que son propre fils Pierre, né lui aussi en 1886, probablement donc camarade du fils du docteur Pons. Le neveu du cordonnier s’y trouvait aussi :

A escola, En Quimet no demostrava una capacitat extraordinària. No passava mai davant dels altres. Quan el mestre dictava, repetint dues o tres voltes la mateixa frase, ell s'estava amb la mà esquerra al fons de la butxaca, amanyagant l'escaibre, de manera que d'ací d'allà li escapava alguna falta garrafal. Ningú no en feia cas, perquè fora d'estudi ens sobrepujava a tots3.

[En classe, Quimet ne montrait pas trop d'aptitude. Quand le maître dictait en épelant deux ou trois fois la même phrase, il gardait toujours une main dans sa poche pour caresser la toupie, de manière qu'il laissait échapper de grosses fautes. Mais on n'y prêtait pas attention, car, en dehors des devoirs, il nous dépassait tous.]4

Chez les garçons, fils de pharmacien ou d’instituteur, ou neveu de cordonnier, au dehors de l’école, la langue populaire était transgressive, les maîtres s’en émouvaient. Mais la fable apprise en classe enchantait le réel et, en retour, la langue populaire gagnait, sans le vouloir, ses lettres de noblesse :

Tot ho deiem en català, aquesta llengua de dimonis i de miquelets, i és això que espantava els mestres. […] Me recorda que de companyía amb nosaltres venía el minyonet d’un sabater, i una tarde, com ens encertavem a passar davant d’una parra, ell que s’atura i diu : « Mira aquesta parra, si n’és de bonica ! Si n’és d’ufanosa ! Nit entrada, la guilla hí vindrà, i com no podrà pas haver els raims, dirà que son verols ».

1

PONS Joseph-S. [1925]. « Enraonament », p. [3-6]. In PASTRE Louis. Éléments de grammaire catalane :

rédigée conformément aux règles orthographiques en usage dans la littérature moderne. Préface de M. J.-S. Pons. Perpignan, Société d’études catalanes, Imprimerie catalane. Annexe 2.2.5.

2 CAMPS, op.cit, p. 104. 3

PONS Josep Sebastià (1968). « El mas encantat », p. 91-102. In Llibre de les set sivelles : Proses del Rosselló,

2e ed. Barcelona, Selecta. Sur les convergences entre « El mas encantat » et la préface de Josep Sebastià Pons à

la grammaire de Louis Pastre, voir : GRAU Marie (2008). « Un souvenir d’enfance de Josep Sebastià PONS », p. 207-227. In Retours vers les enfances méditerranéennes : Actes du colloque des 15-17 octobre. Perpignan, Presses universitaires de Perpignan.

4 PONS Josep Sebastià (1987). « L’oiseau tranquille », p. 138-147. In Trois nouvelles inédites : La vigne de

[Nous ne parlions que catalan, cette langue de démons et de justiciers, et c’est cela qui effrayait les maîtres. […] Il me souvient que nous accompagnait le fils d’un cordonnier, et un après-midi, comme nous passions devant une treille, il s’arrête et dit : « Regarde cette treille, qu’est-ce qu’elle est belle ! Qu’est-ce qu’elle est luxuriante ! La nuit tombée, le renard viendra, et comme il ne pourra pas atteindre les raisins, il dira qu’ils ne sont pas assez mûrs ».]

Peut-être, dès les années 1890, à Ille, Louis Pastre était-il déjà l’artisan de ces transgressions sociales et linguistiques, peut-être offrait-il déjà à ses élèves le fruit défendu de la liberté, comme semblait le signifier, en 1925, son ancien élève devenu l’orfèvre de la langue catalane poétique en Roussillon1 :

Al moment d’ara, me sembla que veig sa cara bundadosa, el seu aire festiu, i que en ses mans d’home honrat aixeca un nin rossellonès per que tasti el muscat de la parra.

[Aujourd’hui, il me semble que je vois son visage généreux, son expression joyeuse, et qu’entre ses mains d’honnête homme il soulève un enfant roussillonnais pour qu’il goûte au muscat de la treille.]

2.2.7 Perpignan, le Vernet : terre d’élection des

congrégations

Louis Pastre ne termine pas sa quatrième année scolaire à Ille. Après un transit d’un peu plus d’un mois à Toulouges, village de 1450 habitants, à six kilomètres à l’ouest de Perpignan, le voici définitivement affecté, le 31 mai 1900, au chef-lieu départemental, aboutissement prisé d’une carrière d’instituteur. Cependant, il ne bénéficie pas immédiatement d’une implantation en centre-ville : c’est à l’école Pasteur de la banlieue du Vernet qu’il enseigne pendant une année scolaire et ne gagnera les quartiers intra-muros qu’en fin d’année scolaire 1900-1901. Ses premières publications seront consécutives à l’installation en centre-ville, affectation qu’il conservera jusqu’à la retraite.

Comme le suggérait la célèbre valse L’ ourtouláne dal Barnet [La jardinière du Vernet], du non moins célèbre poète populaire Oun Tal, le quartier du Vernet était alors la grande banlieue nord de Perpignan, vouée à l’agriculture. Les champs maraîchers et les vergers dominaient, en particulier sur le premier tronçon, le plus peuplé, dénommé Bas- Vernet. Au-delà des remparts, du faubourg Notre-Dame et du seul pont de pierre sur la Têt, le Vernet, qui avait alors 2641 habitants alors que Perpignan en comptait 36157, s’étirait de part et d’autre de la route de Narbonne ou route de France, sur près de deux kilomètres.

1 En 1925, Josep Sebastià Pons est professeur d’espagnol au lycée de Montpellier, il vient d’écrire Canta perdiu,

publié en édition bilingue, son troisième recueil, celui de la maturité, après Roses y xiprers (1911) et El bon

L’école de garçons Pasteur, celle de Louis Pastre, aujourd’hui disparue dans la localisation de l’époque, était certainement située au Bas-Vernet ; le bâtiment était partagé avec l’école de filles Lamartine. Dans une lettre du premier mai 1901, la directrice de l’école des filles, la collègue immédiate de Louis Pastre, exposait la situation de son établissement au maire de la ville et aux conseillers municipaux. Ce document, très riche, constitue aussi un témoignage sur les conditions d’exercice de son homologue masculin. Sa valeur nous encourage à le reproduire dans sa quasi-totalité :

La création d’une troisième classe s’impose depuis longtemps, vu le nombre d’élèves (120) pour les deux classes.

Il est certain qu’avec une nouvelle classe le nombre d’élèves augmenterait d’une façon très sensible. J’estime de 40 à 50 élèves cette augmentation, étant donné le nombre d’habitants de la banlieue du Vernet (2641 habitants).

Nous sommes sans cesse obligée, (malgré les sollicitations très vives des familles) de refuser des enfants de plus de trois ans. L’âge d’admission à l’école Lamartine est fixé à 4 ans (d’une manière formelle), par MM. les Inspecteurs ; de ce fait, nous perdons tous les ans une quantité d’élèves qui vont aux écoles congréganistes du Bon Pasteur et du Sacré-Cœur, car ces écoles admettent les enfants à tous les âges.

L’année dernière, Monsieur l’Inspecteur d’Académie m’a promis que si la municipalité voulait créer une nouvelle classe, il abaisserait à 3 ans l’âge d’admission des enfants, ce qui rendrait un immense service aux habitants, permettrait un meilleur recrutement de l’école et surtout une meilleure marche dans les progrès de l’enseignement.

Je ne dois pas vous laisser ignorer que la création d’une 3ème classe améliorerait aussi ma situation personnelle et me permettrait de toucher (ipso facto) au lieu de la moitié, l’indemnité de résidence complète ainsi que l’indemnité de direction qui est payée par l’État.

Je pense, Messieurs, que vous trouverez ce désir légitime, car depuis plus de 11 ans que j’exerce les fonctions de directrice de l’école de la banlieue du Vernet, j’en ai toutes les charges sans en avoir les avantages pécuniaires. Je suis déjà dans ma 21ème année d’enseignement public, dont plus de 20 ans consacrés aux écoles de la ville de Perpignan.

J’estime aussi qu’il y a un grave inconvénient, sous tous les rapports, à ce que l’école de filles soit enclavée dans celle de garçons. Il conviendrait, à tous les points de vue, qu’elle fût dans un local complètement séparé, tout le monde s’en trouverait bien et l’enseignement y gagnerait beaucoup. Le local actuel serait tout juste suffisant pour une seule école soit de filles, soit de garçons.

Mon logement est beaucoup trop exigu, pour moi et ma famille composée de mon mari et de mes 3 enfants qui ont 11, 9 et 7 ans. Je dois vous avouer que je souffre de cette situation. Mon logement conviendrait à un célibataire ou à un ménage sans enfants. […]

Signé : M. Grégoire.1

Outre les insuffisances de la municipalité et de l’Instruction publique du point de vue de l’adéquation des locaux2

et du traitement de l’enseignante, situation courante dans les