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Chroniqueur roussillonnais panoccitaniste de la presse bourgeoise de Barcelone

Instituteur syndicaliste et catalaniste

3.2.1 Chroniqueur roussillonnais panoccitaniste de la presse bourgeoise de Barcelone

Le 15 novembre 1904, Louis Pastre écrit, à son tour, sa première « Crònica del

Rosselló » dans La Veu de Catalunya1. Il semble, en effet, qu’à cette date, il ait pris le relais

de Pierre Vidal, dont la signature n’apparaît plus, après son unique article du 13 septembre 1903. Entre temps, trois autres chroniques du Roussillon paraissent, le 20 septembre 1903, et les 21 janvier et 19 février 1904, signées mystérieusement « P. »2.

Il serait tentant de les attribuer à Louis Pastre ; nous pensons plutôt que l’auteur était Joseph Payret (1862-1944). Ce catalaniste perpignanais était l’imprimeur des périodiques La

Croix des Pyrénées-Orientales3 (1893-1944), le Journal commercial, maritime, agricole et littéraire des Pyrénées-Orientales (1891-1893), et le Journal commercial, maritime, artistique et littéraire, illustré des Pyrénées-Orientales (1896-1904), publications qu’il avait

ouvertes, soit à la langue catalane, soit à des textes relatifs à celle-ci. Mais surtout, Joseph Payret avait édité, en 1899, le troisième recueil de poèmes de Francesc Matheu (1851-1938), l’un des premiers collaborateurs de La Veu de Catalunya. La publication imminente de l’ouvrage chez l’imprimeur perpignanais figurait d’ailleurs dans le premier numéro, du 1er

janvier 1899, de la version quotidienne de la feuille catalaniste barcelonaise4. D’autre part, le 23 juillet 1899, La Veu de Catalunya avait repris, à la une, avec moult éloges, un article de

1

PASTRE Lluís (1904). «Cròniques del Rosselló », La Veu de Catalunya, edició del vespre, n°2065, 15 novembre 1904, p. 2.

2 « Crónica rossellonesa » du 20 septembre 1903, p. 2, edició del vespre ; du 21 janvier 1904, p. 2, edició del

vespre ; et du 19 février 1904, p. 2, edició del vespre

3 De 1893 à 1907, La Croix des P.-O. publia, en première page, l’évangile du dimanche en catalan.

Joseph Payret, paru dans La Croix des Pyrénées-Orientales, relatif à la francophilie politique des catalanistes d’outre-Pyrénées1

:

Les hommes d’État espagnols feront bien de prêter une oreille bienveillante aux revendications légitimes des Catalans. Méconnaître le bien fondé de leurs réclamations serait endosser pour l’avenir une grosse responsabilité2.

Créée en 1899, par Narcís Verdaguer i Callís, Joaquim Cabot et le père Jaume Collell (1846-1932), La Veu de Catalunya fut, jusqu’en 1891, une revue politique et littéraire, date à laquelle elle devint, sous la direction d’Enric Prat de la Riba, l’idéologue du nationalisme catalan, un quotidien politique, organe de la Lliga Regionalista3. La Veu détrôna

définitivement le vénérable quotidien catalan La Renaixensa (1881-1905), de Pere Aldavert, Àngel Guimerà (1845-1924) et Francesc Matheu, à cause des dissensions au sein de l’Unió

Catalanista et de l’affirmation de la Lliga Regionalista.

Lorsque La Veu publie la chronique de Louis Pastre, Enric Prat de la Riba n’est alors que le dirigeant officieux du journal, depuis sa condamnation, en 1902, pour « séparatisme ». Il vient à propos de rappeler une curiosité : la condamnation politique d’Enric Prat de la Riba résultait indirectement du désarroi des viticulteurs roussillonnais, face à l’impéritie du gouvernement français, qui refusait de dissocier la taxation des alcools de vin du Midi et celle des produits de l’industrie betteravière du Nord. Ainsi, L’Indépendant de Perpignan publia, le 10 mars 1902, une délibération du syndicat viticole du village de Trouillas, lettre ouverte au député radical des P.-O. Jules Pams, que La Veu de Catalunya crut opportun de reproduire, le 16 mars 1902. On y lisait, en substance :

[…] vu le désintéressement qu’on nous témoigne, il n’y aura qu’un seul remède, c’est l’entente avec nos voisins de Barcelone pour rendre la Catalogne libre. Si le gouvernement veut continuer à nous faire tondre deux fois par an et nous faire servir de vache laitière, il est, je crois, tout naturel que nous

1 L’amiral François Ernest Fournier, chef de l’escadre française, lors d’un mouillage au port de Barcelone, est

accueilli en 1899 aux cris de « Vive la Catalogne française ». Voir : RAFANELL August (2011). Notícies

d’abans d’a ir: Llengua i cultura catalanes al segle XX. Barcelona, A Contra Vent, 2011, p. 43-52 et AUBERT

Paul (1988). « L’influence idéologique et politique de la France en Espagne de la fin du XIXe siècle à la

Première Guerre mondiale (1875-1918) ». In ETIENVRE J.-P., RAMÓN URQUIJO J., coord. España, Francia

y la comunidad europea. Madrid, Consejo Regulador de Investigaciones Científicas, Casa de Velásquez, p. 79.

2

« La prempsa del Rosselló y la vinguda de la esquadra francesa ». La Veu de Catalunya, 23 juillet 1899, p. 1-2.

3 En 1906, Enric Prat de la Riba publia La nacionalitat catalana, l’ouvrage de référence du nationalisme catalan

pendant toute la première moitié du XXe siècle. Son nationalisme, influencé par la conception germanique de la question (proche de Herder et donc éloigné du nationalisme à la française défendu par Renan) sous-tendait une Espagne fédérale et un supranationalisme latin.

On trouve, dans le premier numéro du quotidien La Veu de Catalunya, daté du premier janvier 1899, l’annonce de la publication imminente, à Perpignan, chez Joseph Payret, de l’avant-dernier recueil de poèmes de Francesc Matheu : Poesies d'en Francesch Matheu, Perpinyà, Llibrería de Joseph Payret, 1899, 279 p.

La Veu de Catalunya (1899-1937) détient, encore aujourd’hui, le record de longévité d’un journal en catalan.

cherchions à nous rendre libres pour faire un état indépendant ; être Boërs ou lâches il n’y a que cette solution1.

Ce passage suscita probablement au quotidien nationaliste le titre équivoque : « Separatisme

al Rosselló ». Dès le 11 mars 1902, Jules Escarguel (1861-1930), le directeur de L’Indépendant, journal républicain de centre-droit, avait réprouvé puis tourné prudemment en

dérision ces velléités séparatistes:

Mais que dire de la solution de la crise viticole par le séparatisme, par la constitution d’une république indépendante comprenant soit le Midi de la France, soit le Roussillon et la Catalogne espagnole, comme le préconisaient hier, gravement, dans leur ordre du jour que nous avons publié sur leur prière, MM. les membres du Comité Viticole de Trouillas ?

Il est certain que les Roussillonnais qui disent ou écrivent de pareilles énormités n’en pensent pas un mot, qu’ils comprennent toute l’ineptie de telles exagérations et seraient les premiers à tout sacrifier pour la défense du drapeau tricolore, à tout braver pour courir sus à celui qui émettrait la prétention de faire du Roussillon une autre Alsace. [...]

Mais nous savons tous qu’ils n’ont, en libellant leur ordre du jour, voulu qu’une chose : "bluffer" ou, pour remplacer le terme anglais par son équivalent catalan, fé ouna campana2.

Cette péripétie illustre, d’une part, la fébrilité des autorités militaires espagnoles face à l’affirmation du nationalisme catalan, qui plus est lorsque la frontière franco-espagnole est mise en question, et d’autre part, la pénétration, au motif de la crise viticole, de la revendication politique catalane du sud dans la société roussillonnaise3, mais aussi, en retour, l’interprétation décalée, voire romantique, qu’en firent les dirigeants catalanistes de Barcelone4.

Avant de nous attarder sur le fond de ses articles dans la presse catalaniste de Barcelone, il ne faut pas négliger de souligner que Louis Pastre, l’instituteur gavatx installé dans les Pyrénées-Orientales depuis une quinzaine d’années, écrit en catalan ! Il fait donc

1 « Tribune vinicole : Trouillas ». L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, 10 mars 1902, p.2 et « Separatisme al

Rosselló ». La Veu de Catalunya, 17 mars 1902, p.3. Voir annexe 3.2.1. et 3.2.2.

Les Boers sont les pionniers d’Afrique du Sud d’origine néerlandaise. A cette époque, sévit la guerre anglo-boers qui renforce le mouvement identitaire des Afrikaners.

2 ESCARGUEL Jules (1902). « "Campanas" ». L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, 11 mars 1902, p.1.Voir

annexe 3.2.3.

3

Les velléités séparatistes des Boers du Transvaal sud-africain, qui font alors la une des journaux, n’est certainement pas étrangère, non plus, à la poussée de fièvre irrédentiste des viticulteurs de Trouillas..

4 Cette péripétie catalane transfrontalière eut de sérieuses répercussions sur la vie personnelle et politique du

dirigeant catalaniste Enric Prat de la Riba. Son emprisonnement altéra gravement sa santé et engendra une mort prématurée. Sa pathologie le conduisit au sanatorium de Durtol, en Auvergne, où il prit conscience du continuum catalano-occitan. Voir : RAFANELL August (2006). La Il·lusió occitana. La llengua dels catalans entre

partie de l’infime minorité de roussillonnais qui en sont capables, même si l’on considère que les correcteurs du journal barcelonais, voire Pierre Vidal, ont pu revoir ses manuscrits. Mais, il est peu probable que Louis Pastre se soit lancé dans une collaboration à La Veu de

Catalunya, s’il avait été systématiquement redevable d’une tierce personne pour la traduction

du français au catalan. De plus, pour confirmer sa compétence en catalan écrit, nous savons qu’il remporta, en 1905, la médaille de bronze au concours littéraire de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, pour son poème catalan « Amorosa

siesta » ; et le rapporteur Joseph Fons de relever :

M. Pastre possède le sentiment de la couleur locale, et ceci est très méritoire, l’auteur n’étant pas catalan1.

Il est probable que Louis Pastre doive sa pratique du catalan écrit à Pierre Vidal, auquel il rendra publiquement hommage, en 1911, avec une dédicace imprimée dans l’ouvrage qu’il projetait d’écrire avec lui, en 1903 : « À mon vieil ami et maître Pierre Vidal. Témoignage de profonde sympathie »2. De plus, en 1906, le journal radical-socialiste Le Petit Catalan publiera, dans une orthographe classique et avec des tournures roussillonnaises, une « Rondalla catalana » [conte populaire catalan], « treta del llibra d’en Pere Vidal y Luis Pastre »3 [extraite du livre de Pierre Vidal et Louis Pastre]. L’ouvrage ne verra pas le jour, mais cette collaboration avec Pierre Vidal, qui était un folkloriste reconnu4, révèle aussi l’implication de l’instituteur dans la sauvegarde du patrimoine littéraire catalan du Roussillon, à l’instar des

Rondaies mallorquines recueillies par Antoni Maria Alcover5.

Une collaboration à l’organe du catalanisme politique, dont la principale finalité culturelle était de faire de la langue catalane l’instrument d’une culture moderne, n’était évidemment concevable qu’en suivant les conventions orthographiques de la presse barcelonaise. La graphie française popularisée par Oun Tal en était logiquement exclue. D’autant plus que depuis 1891, le jeune chimiste et philologue Pompeu Fabra (1868-1948),

1. L’ancien élève de Louis Pastre, le jeune Joseph Pons, avait déjà dépassé son ancien maître d’école, puisqu’il

obtint, au même concours, la médaille d’argent pour « Flordeneu a Gentil ». Voir : FONS Joseph (1905). « Rapport sur le concours littéraire ». Société Agricole, Scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, vol. 47, p. 609-622. Voir annexe 3.2.9.

2

PASTRE Louis [1911]. Le français enseigné par les exercices de traduction de textes catalans aux enfants de 9

à 15 ans. Notes grammaticales et remarques sur la comparaison des deux langues. Cours moyen et supérieurs des écoles primaires, cours complémentaires et écoles primaires supérieures. Perpignan, Société d’Études

Catalanes, Imprimerie catalane, 119 p.

3 « Rondalles catalanes : Lo gat de la cua daurada ». Le Petit Catalan, n°166, 30 septembre 1906, p. 3. Voir

annexe 3.2.9’.

4

Entre 1885 et 1888, Pierre VIDAL avait publié un Cansoner catala de Rossello y de Cerdanya, en cinq volumes.

5 A partir de 1880, Antoni Maria Alcover, sous le pseudonyme En Jordi d’es Racó, publia en 24 volumes Aplec

de Rondaies Mallorquines. Ces écrits furent appréciés par les catalanistes roussillonnais au moins dès 1901. Voir

avec le soutien de la revue « moderniste » L’Avenç de Jaume Massó i Torrents (1863-1943), menaient une énergique campagne de presse en faveur de la modernisation et de l’épuration du catalan littéraire. Alors, au regard du contexte roussillonnais, où le catalan écrit n’est alors, dans sa forme patoisante ou dans sa graphie classique, que le vecteur de la poésie romantique ou de la prose populaire, on peut considérer que les chroniques à La Veu de Catalunya, de Pierre Vidal, de Joseph Payret et de Louis Pastre, dès 1903-1904, font d’eux les premiers auteurs roussillonnais de prose journalistique, sur l’actualité du moment, en langue catalane littéraire1.

La première chronique de Louis Pastre, publiée le 15 novembre 1904, et qui traite, actualité festive oblige, de la célèbre foire de la Saint-Martin de Perpignan, reprend un extrait d’une catalanada d’Oun Tal (1842-1894), « La fira da san-Marti », déjà publiée dans la première édition de 1889 du recueil Proubem da rioura ! Cependant, l’orthographe originale d’Oun Tal étant inconcevable dans la presse barcelonaise, Louis Pastre proposa, pour la première fois, la publication d’une transcription en orthographe littéraire d’un texte du populaire auteur perpignanais. En effet, il faudra attendre 1910 pour que Pierre Vidal et l’éditeur barcelonais Joaquim Casas-Carbó (1858-1943) publient, à la Biblioteca popular de l’Avenç, le premier recueil de catalanades selon l’orthographe rénovée de Pompeu Fabra. Six ans auparavant donc, sous la plume de Louis Pastre,

Es ouna mart nègra da gen,

Ouna mart sempre an moubimen2,…

devient

Es una mart negra de gent, [C’est une mer noire de monde,]

Una mart sempre en moviment,… [Une mer toujours en mouvement,…] soit, à peu de chose près, l’orthographe fabrienne3

.

Même si la première chronique de Louis Pastre à La Veu de Catalunya est anodine politiquement, il n’en reste pas moins que la collaboration d’un instituteur public en activité,

1 Esteve Caseponce (1850-1932) avait déjà publié, dès 1895, dans le journal La Croix des Pyrénées Orientales,

des contes populaires en catalan sur des thèmes religieux, sous le titre « Una llesca de pa de casa », qu’il réunit, en 1907, dans le recueil Contes Vallespirencs.

2

Voir : GALLART i BAU Josep (1994). Llengües en contacte a Perpinyà a finals del segle XIX: El vocabulari

des les "catalanades" d’Un Tal. Barcelone, Thèse de doctorat de Philologie française et romane, sous la direction

de Julio Murillo Puyal, Université Autonome de Barcelone, annexe 1, recueil 21, p. 10.

3 Le catalan septentrional ou roussillonnais, comme d’autres dialectes catalans et occitans, possèdent un t

épenthétique (ajout non étymologique), à la fin de certains mots terminés par i ou r. La norme fabrienne, en vigueur depuis 1913, a exclu de la langue écrite cette particularité de la langue orale.

militant solidariste de surcroît, à la presse catalaniste, bourgeoise et cléricale de Barcelone, est inattendue. Elle l’est plus encore si l’on considère qu’il prend le relais du patron de la presse catholique du Roussillon, Joseph Payret qui, dans la « Crónica rossellonesa » du 20 septembre 1903 que nous lui avons attribuée, au plus fort de la politique française de fermeture des écoles congréganistes menée par le Bloc des gauches, s’était montré caustique à l’encontre du journal Le Socialiste des Pyrénées-Orientales (1902-1921) :

Els anticlericals tenen unas sortidas molt deliciosas, aquí y a tot arreu. Le Socialiste no para de moure brega dient que las senyoras que cuidan de les créches (casas-bressols) fan propaganda clerical. Deuen ensenyar de dir "viscan las congregacions religiosas" a las criaturetas que encara no enrahonan1.

[Les anti-cléricaux font de très délicieuses sorties, ici et ailleurs. Le Socialiste ne fait que chercher querelle en disant que les dames qui s’occupent des crèches font de la propagande cléricale. Elles doivent apprendre à dire "vive les congrégations religieuses" aux bébés qui ne savent pas encore parler.]

Toutefois, même s’il appartient à la minorité de lettrés roussillonnais attentifs au catalanisme barcelonais, l’instituteur roussillonnais n’a jamais pris de position marquée à propos de la politique intérieure française, dans aucune des cinq chroniques qu’il a publiées à

La Veu de Catalunya, entre novembre 1904 et juillet 19072. On relève, tout au plus, dans la chronique du 9 août 1905, l’expression « els vandals d’en Bartissol » à l’encontre des ouvriers du député et industriel Edmond Bartissol, affairés à une destruction erratique des remparts de Perpignan, dont une partie est sauvée, in extremis, par dépêche ministérielle. « cosas d’Espanya ! » [choses d’Espagne !], s’exclame, malicieux, notre chroniqueur.

En réalité, Louis Pastre relate, essentiellement, les progrès du régionalisme culturel en Roussillon, d’un point de vue original, qui embrasse aussi le Languedoc et la Catalogne. Ainsi, dans son premier texte de 1905, comme dans les deux suivants de la même année, sous le titre générique devenu « Crónica de Perpinyá », comme une nouvelle marque de fabrique, face à la précédente « Crónica del Rosselló », peut-être trop dans la continuité de la « Crónica rossellonesa » de Joseph Payret, dans l’article du 24 avril 1905 donc, figure une surprenante critique de la conférence sur la poésie catalane, donnée, au théâtre municipal de Perpignan,

1

P. [PAYRET Joseph] (1903). « Crónica rossellonesa ». La Veu de Catalunya, Edició del vespre, n°1674, 20 septembre 1903, p. 2.

2 15 novembre 1904, Edició del vespre, p. 2 ; 24 avril 1905, Edició del vespre, p. 2 ; 9 août 1905, Edició del

vespre, p. 2 ; 26 août 1905, Edició de mitjanit, p. 2 ; 9 juillet 1907, Edició del vespre, p.2. Le dernier article n’est

cependant pas publié dans le cadre de « Crónica de Perpinyá ». Nous avons privilégié la date de la première parution car la plupart des chroniques paraissent une deuxième fois, dans l’édition du matin du jour suivant. Voir annexes 3.2.4 à 3.2.8.

par le jeune Jean Amade (1878-1949), tout nouveau professeur agrégé d’espagnol au lycée de Montauban, et bientôt nommé à Montpellier :

La conferencia del senyor Amade no va ser lo que’ns figuravam molts que, com jo, ens créyam anar a aplaudir els grans noms que han ilustrat la poesía catalana y regalarnos ab alguns trossos de llurs obras immortals. Ni una paraula fou pronunciada pel jove catedratich sobre’ls grans poetas catalans. Desde’l gran Ausias March fins al immortal Verdaguer y al meu preferit Apeles Mestres İ quina collita abundosa y bona podía fer el conferenciant1 !

[La conférence de Monsieur Amade ne fut pas ce que l’on imaginait, beaucoup croyaient, comme moi, aller applaudir les grands noms qui ont illustré la poésie catalane et nous régaler de quelques

morceaux choisis de leurs œuvres immortelles. Pas un mot ne fut prononcé par le jeune agrégé sur les grands poètes catalans. Depuis le grand Ausiàs March jusqu’à l’immortel Verdaguer et mon péféré Apel·les Mestres, quelle abondante moisson de qualité le conférencier aurait-il pu faire !]

Notre chroniqueur, regrette, en fait, respectueusement, que la conférence ne porte que sur la poésie des chansons traditionnelles, qui émut néanmoins jusqu’à la statue de l’immortel François Arago. Celui-ci les avait, de son temps, selon Louis Pastre, « mamat ab la llet de sa

mare » [bues avec le lait de sa mère]. La chronique s’achève sur un rapide compte rendu

d’une représentation perpignanaise de pièces des dramaturges barcelonais Adrià Gual (1872- 1943) et Àngel Guimerà, pour s’insurger du manque de public pour le théâtre en catalan et fustiger : « com si fos un dialectot de barris baixos… La llengua den Verdaguer y den

Mistral !! » [comme s’il s’agissait d’un vulgaire dialecte de bas fonds… La langue de

Verdaguer et de Mistral !!].

En voici la preuve : en 1904, Louis Pastre ne se cantonne pas à la littérature catalane populaire, celle d’Oun Tal ou la traditionnelle, il se présente comme un connaisseur des auteurs classiques, du Moyen Âge et de la Renaixença, et comme un amateur de la poésie catalane du moment, en particulier celle d’Apel·les Mestres (1854-1936), un artiste anticonformiste et polyvalent, un poète précurseur qui oscilla entre naturalisme et modernisme2. On perçoit déjà, en filigrane, deux conceptions du catalanisme : celle, conservatrice, d’un professeur agrégé de l’université qui se complait dans une langue locale offerte à la tradition, et celle, progressiste, d’un maître de la petite école qui valorise la langue

1

PASTRE Lluís (1905). «Crónicas de Perpinyá ». La Veu de Catalunya, Edició del vespre, Barcelona, 24 avril 1905, p. 2.

2 Appel·les Mestres était un artiste très populaire grâce à la variété de son œuvre. D’abord dessinateur de presse,

par exemple à la revue humoristique barcelonaise L’Esquella de la Torraxta (1879-1939), sa poésie naturaliste est d’un accès facile, dans une langue simple et spontanée qui imite le genre populaire. En prose, il cultiva aussi plusieurs genres, comme la biographie et le conte. Il fut aussi un auteur dramatique prolixe, compositeur et artiste jardinier.

du peuple et lui ouvre de nouveaux horizons. De plus, voilà notre instituteur gavatx, républicain radical et catalaniste qui revendique l’identité de nature entre la langue de