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LES ETAPES DE L'ADMISSION : ACCUEIL, ADMISSION ET DECISION D'HEBERGEMENT

Dans le document Errances urbaines (Page 41-44)

En CHRS, un entretien avant l'entrée a toujours lieu. Il revêt un caractère plus ou moins formel selon le type d'accueil. Alors qu'en asile de nuit, il est réduit à sa plus simple expression, en CHRS, il peut y avoir parfois plusieurs entretiens avec des personnes différentes. En règle générale, cette formalité d'admission prend le plus souvent la forme de deux entretiens, les conditions de ceux-ci étant plus ou moins souples et variant d'un centre à l'autre, parfois même à l'intérieur du même centre :

"... Cela peut avoir lieu en deux fois à plusieurs jours d'intervalle ou en deux fois le même jour, la (ou les) personne(s) étant accueillie(s) par deux éducateurs différents ou en une seule fois avec deux éducateurs. L'objectif étant d'essayer de bien voir quels sont les problèmes du candidat à l'hébergement, d'essayer de cerner la personnalité pour éliminer ceux qui ne correspondent pas à la vocation de la maison en particulier, d'éliminer aussi un certain nombre de cas qu'on n'est pas en mesure de traiter. On ne peut pas s'occuper de gens qui ne sont pas physiquement autonomes ou qui relèvent de thérapeutiques anti-alcool, anti-drogue, etc..." (entretien L'îlot).

L'admission en CHRS est donc subordonnée à des critères généralement restrictifs. En outre, la sectorisation de l'action nécessite parfois une domiciliation dans le département mais le plus important concerne le désir de la personne accueillie : un CHRS refusera l'admission si la personne ne manifeste pas clairement le désir de travailler :

" A partir du moment où les gens ne peuvent pas ou ne veulent pas travailler, ils ne sont pas pris, ils ne sont pas intégrés au centre d'hébergement... Les gens qui sont accueillis ici se reconnaissent dans la notion du travail, ils veulent travailler même s'ils ont des difficultés" (entretien "Travail et Vie").

Les personnes entrent dans un CHRS sur la base d'un contrat synallagmatique :

" Les personnes que l'on accueille sont acceptées sur la base d'un contrat, d'un contrat moral où on vérifie qu'il y ait bien une double adhésion

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à ce contrat. C'est-à-dire que nous sommes d'accord et eux aussi" (entretien Emmaüs, centre rue des bourdonnais).

Ce contrat est donc passé entre l'accueillant et l'accueilli et il est une nouvelle étape du travail mené en CHRS :

" Un contrat est passé avec les gens accueillis. Ce ne sont pas des hôtels, ce sont des centres de réinsertion... Les gens qui viennent ici doivent chercher un boulot et le trouver32. Ils le trouvent. Il faut s'y tenir... Il faut

apprendre à gérer son argent, on les aide pour leur éviter de le boire au bistrot dans les trois jours qui suivent leur salaire. Payer une participation aux frais, c'est une responsabilisation... Et ensuite s'engager à... pas de violence, pas de drogue, pas de nanas, pas d'alcool dans le centre... Notre objectif n'est pas d'exclure les gens mais si on garde tout le monde sans distinction, ça n'est plus éducatif du tout. Donc, on est obligé d'envisager la possibilité d'exclure les gens qui ne tiennent pas le contrat, c'est-à-dire ceux qui ne payent jamais, ceux qui ne veulent pas rechercher de boulot, ceux qui créent des bagarres dans la maison, celui qui ne veut pas faire d'effort pour mettre le moindre centime de côté" (entretien L'îlot).

On a ici une définition de l'acte contractuel qui unit l'institution à la personne hébergée et une définition de la façon dont est comprise la notion d'insertion. Comme il a été dit plus haut, les termes du contrat sont donc généralement restrictifs eux aussi, ils imposent une adhésion unilatérale de la part de celui qui est reçu dans le centre et excluent de fait la partie la plus désocialisée de la population qui est à la rue. La population exclue de la prise en charge des institutions est, quoi qu'il en soit, considérée comme non réinsérable : "il y en a qui sont complètement irrécupérables...". Cette considération a priori empêche donc toute acceptation dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale. Par conséquent, cette restriction qui pourrait être qualifiée d'"excluante", revêt un caractère ambivalent : elle est une nécessité pour l'institution (et est présentée comme telle) mais présente en contrepartie l'inconvénient de rejeter encore la frange la plus désocialisée :

32 "Ils ont trois semaines pour trouver un travail en arrivant s'ils en ont pas déjà un" -entretien Emmaüs - le travail est le plus souvent un critère déterminant pour l'institution.

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" Il est certain que l'alcoolique profond qui ne sort pas de là, il faut d'abord le sortir de son alcoolisme. Il faut qu'il essaie de vouloir en sortir avant qu'on puisse faire quelque chose pour lui, c'est l'étape d'avant chez nous ça. De même que le drogué qui se pique trois fois par jours. Quand on en prend parce que on a pitié, parce qu'on a pas su déceler cela au moment de l'entretien d'admission, généralement, dans les mois qui viennent, il commence à se vendre de la drogue dans la maison. L'objectif n'est pas d'accueillir des gens non drogués pour en faire sortir des drogués. Donc, on cherche à déceler un petit peu les contre-indications, les causes de non- admission et puis ensuite on passe ce fameux contrat, pour que les gens sachent qu'ils viennent là, non pas pour être hébergés, mais pour qu'on les aide et qu'ils auront chacun un référent, qu'ils auront à leur rendre des comptes..." (entretien L'îlot).

L'admission dans un centre n'est pas une fin en soi. Elle ne constitue qu'une étape de la réinsertion. L'hébergé est suivi par un éducateur référent pendant toute la durée de son séjour. L'éducateur référent est lui-même soumis à des réunions d'équipes et de synthèses dont la fréquence est variable d'un centre à l'autre.

L'acceptation dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale est donc subordonnée à des critères qui peuvent constituer un barrage infranchissable pour la population la plus marginalisée. Donner trois semaines à un SDF qui est à la rue depuis plusieurs mois, pour trouver un travail, semble être a priori un obstacle pour lui et cette priorité fixée par l'institution ne semble pas dans ce cas tout à fait justifiée.

Un directeur de CHRS précise : "... On prend pas les plus paumés de la société... Les gens qui acceptent de venir ici sont déjà des gens qui ont quelques motivations". Deux éléments importants ressortent de cette assertion : les CHRS (cette notion pourrait être généralisée à l'ensemble des CHRS) acceptent en priorité les personnes les moins désocialisées, celles "qui ont déjà un projet" et par ailleurs, il s'agit là d'un corollaire, n'acceptent de rentrer dans un CHRS que ceux qui sont les moins désocialisés. Il est donc impossible d'imputer à l'institution la responsabilité de la non-admission d'une certaine partie de la population à la rue, dans la mesure où cette dernière refuse toute forme de prise en charge. Mais, s'il est difficile d'aider les gens contre leur gré, la question de savoir pourquoi on peut en arriver là

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et comment il est possible de fournir des réponses à cet état de fait mériterait d'être posée par l'institution, or ce n'est que rarement le cas. De nombreux travailleurs sociaux refusent de travailler avec ce type de population. Ils considèrent le travail comme "trop difficile" (un travailleur social). Il est vrai que ce type de prise en charge représente des difficultés énormes, mais, ces difficultés ne sont elles pas accrues par la représentation du SDF qui conduit à le considérer comme une personne non réinsérable et surtout comme un individu qui renvoie une image de soi non gratifiante ?

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