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LA FIN DE CE TYPE D'HEBERGEMENT OU, DE L'AMBIVALENCE D'UNE TELLE INSTITUTION

Dans le document Errances urbaines (Page 81-85)

L'ASILE DE NUIT IMAGE PAROXYSTIQUE DE L'INSTITUTION D'HEBERGEMENT

LA FIN DE CE TYPE D'HEBERGEMENT OU, DE L'AMBIVALENCE D'UNE TELLE INSTITUTION

50 Des surnoms sont souvent attribués aux membres du dortoir: la "pétarade" ou le "péteur" parce que celui-là a d'incessantes flatulences, "l'international" parce qu'un autre a "roulé sa bosse" à travers le monde.

51 A 20 h 30, tout le monde ou presque dort, la lumière est éteinte. (l'extinction des lumières a lieu à 22 heures). Le réveil a lieu à 5 h 30 et à 7hOO, les locaux doivent être vides.

52 A ce titre, il est intéressant de préciser que le SDF se préoccupe de voir quels habits on peut lui remettre, et s'attache avant tout à l'aspect pratique du vêtement: au sujet de la veste par exemple, l'un d'entre eux me dit: "pas pratique pour les papiers" et compte retourner au vestiaire de façon à en changer.

53 A propos du réfectoire, la nourriture qui y est servie ne respecte que rarement les interdits alimentaires et contribue aussi à la désocialisation. A N. Flamel par exemple, on ne tient aucun compte de ce type de problème.

“ Errances urbaines ” recherche en ethnologie urbaine

L'anachronisme frappant de ces institutions incite à penser a priori qu'elles n'ont plus de raison d'être. Leur existence aujourd'hui n'est-elle donc plus justifiée ? La réponse à cette question est difficile dans la mesure où, bien que les structures de ce type ne soient plus adaptées, elles sont pratiquement les seules à absorber une population souvent rejetée par les C.H.R.S. :

"...Il faut essayer de faire un travail même dans l'urgence... C'est le premier travail, ensuite, il y a les véritables CHRS, les foyers de suite, aux autres collègues de continuer, mais enfin, disons que nous, on est véritablement sur le terrain..." (entretien centre Emmaüs, quai de la gare).

En même temps, on peut s'apercevoir ici que l'asile est considéré comme une étape de la réinsertion. L'hébergement d'urgence constitue le degré zéro de la prise en charge et le CHRS, avec ses moyens propres, la dernière étape avant le retour à une vie considérée comme normale. Toutes les personnes qui interviennent auprès de cette population ne sont pas de cet avis puisque la directrice du KAPPAS ajoute

"... Ces établissements ne répondent pas à l'errance en Ile-de-France, contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, mais à la sédentarisation de l'errance. Nous avons ici des gens qui ont 25 ans de maison, le plus grand nombre a en moyenne 10 ans de présence dans l'établissement, la personne la plus ancienne dans l'établissement à l'heure actuelle, a 50 ans de maison. Donc, il n'y a aucun CHRS qui n'ait pu répondre, dans ses objectifs, dans ses conventions, à l'accueil de cette population...".

Cruel constat. Bien que ce type d'institution soit sujet à des critiques justifiées, il devient évident que sa pérennité est assurée.

Philanthropie, assistanat, autant de termes galvaudés qui répondent pourtant à une réalité encore bien actuelle.

En paraphrasant P. Declerck, il est possible de dire qu'il importe peu de savoir si "l'état morbide" du SDF "précède ou succède à la rupture sociale" mais, qu'en tout état de cause, les asiles de nuit concourent à l'aggravation de cet état par le système qu'ils instaurent.

“ Errances urbaines ” recherche en ethnologie urbaine

Le refus de l'institution est un point important. On peut citer l'exemple de cet homme de 36 ans qui, recueilli un soir dans le métro, est conduit au centre N. Flamel. Dés son arrivée, il refuse d'y être hébergé, vomit ce qu'il mange, urine n'importe où et finit par faire une crise d'épilepsie lorsque l'on essaie de le coucher dans un lit.

Cet homme, par son refus, n'adhère donc pas aux normes imposées par l'institution, ou tout au moins à ce qu'elle représente pour lui de coercitif. Il remet donc en question, par son comportement, la légitimité de ce système.

Le centre d'hébergement représente pour le SDF l'image de ce qu'il rejette et de ce qui le rejette. C'est-à-dire une société dans laquelle il n'arrive pas à s'inscrire. Il refuse le centre d'hébergement mais il y va quand même, il dit ne pas vouloir y rester quand il y est, mais il s'y installe le plus longtemps possible. Cet espace institutionnel spécifique reste pour lui la seule possibilité d'accéder à l'espace social.

Les centres d'hébergement provisoire sont l'aboutissement social d'une représentation de l'errance. On institue un système répressif qui, plutôt que d'apporter des solutions, évacue de l'espace public une population indésirable en pérennisant un état de fait.

On y prône parfois l'insertion : que veut-elle dire quand un centre renvoie à 21 h 30 un S.D.F. qui avait commencé un stage de remise à niveau, sous prétexte que son temps de séjour est terminé ?

L'absence de traits socialisateurs dans l'asile de nuit renforce encore le caractère totalitaire de l'institution.

L'image du SDF ne semble pas avoir subie de modification. Pour preuve, la nouvelle implantation d'un centre d'hébergement géré par le BAS de Paris à la Poterne des peupliers54, à la périphérie parisienne, entre l'autoroute, un

terrain de sport et le cimetière55, ou le projet de création de centre par les

Restos du Cœur dans le courant de l'année 1993/94. L'exclu reste exclu.

54 "Passagers", 192 lits + suivi social. Ceux-ci devront, s'ils restent plus d'une nuit, travailler dans le centre. Un hébergement temporaire pour les bénéficiaires du RMI, 117 lits. Un secteur "Contrat de Réinsertion à la vie active, 198 lits.

55 Le responsable du centre N.Flamel précise à ce titre: "... Je pense que, un peu comme les cimetières, on a rejeté les vagabonds à la périphérie de la ville. Alors vous avez des

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Pourtant, les responsables de ces centres, conscients des problèmes que pose ce type d'institution, cherchent à élaborer autre chose mais de nouvelles difficultés peuvent apparaître avec les changements. La directrice du centre d'accueil de Nanterre précise :

"... On a un projet qui prévoit une refonte totale tant du bâti que de la prise en charge de l'urgence et qui voudrait à terme s'intégrer dans ce que l'on fera en Ile-de-France puisque finalement, on pense tous que le problème ne se règlera pas au niveau de Nanterre, même au niveau de Paris... La seule chose c'est que, bien évidemment, nous savons tous que les stratégies seront à moyen et long terme et que cela demandera encore des années avant d'être effectif... Je pense que l'exclusion est un problème qui va rester...".

G. Teissonnières

cimetières comme Montparnasse qui maintenant sont des cimetières intra-muros parce que la ville s'est étendue. A mon avis, "le château des rentiers", c'est pareil. Je pense que c'est une localisation due à l'histoire et c'est un héritage dont on ne peut pas se défaire parce que, qui voudrait dans son arrondissement d'un refuge pareil. Donc, il existe, on le maintient".

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