• Aucun résultat trouvé

C ) VETEMENTS DIURNE, VETEMENTS NOCTURNES

Dans le document Errances urbaines (Page 134-138)

I LES SANS DOMICILE FIXE ET LE VETEMENT

C ) VETEMENTS DIURNE, VETEMENTS NOCTURNES

Comme le fait remarquer Colette Pétonnet70, "on ne meurt plus de faim

en France et les nécessiteux de notre temps ne portent plus des vêtements troués". Cette affirmation posée, nous devons en dégager quelques remarques qui sont autant d'exceptions confondant71 la règle.

68 Cf. Serge GARDE "Les hauts murs de la honte" in L'Humanité dimanche, n°100, du 13 au 19 février 1992.

69 Cf. JOUENNE, 1991. 70 Ibidem, p.34

71 C'est bien l'exception qui confond la règle et non la conforte. Ce serait là chose paradoxale. C'est une anecdote issue d'une discussion avec Robert CRESSWELL.

“ Errances urbaines ” recherche en ethnologie urbaine

Le routard dans Paris se déplace avec un minimum d'effets pour des raisons de poids. Les plus démunis n'ont que les vêtements qu'ils portent sur eux. Ils ont parfois plusieurs chemises, plusieurs vestes, enfilées les unes sur les autres. Les autres SDF ont, dans un sac à dos, dans une musette ou dans un sac d'hypermarché, de quoi effectuer le change de leurs sous-vêtements, une paire de chaussettes supplémentaire, une chemise et un pantalon de rechange. Le tout étant lavé lorsqu'il est possible de le faire. En été, il est plus chargé. Le fait qu'il dorme dehors, lui impose alors le transport d'une couverture ou d'un sac de couchage. En province, il peut avoir à transporter une tente, et s'installer sur un terrain de camping.

La nuit à Paris, s'il dort dehors, le SDF peut se couvrir d'une couverture, qu'il aura pu obtenir au vestiaire d'Emmaüs72, ou d'un sac de

couchage. Quelques cartons d'emballage constituent la base de la couche, en le protégeant de l'humidité et du froid du sol. D'autres utilisent un sac de couchage. Dans tous les cas, l'endroit retenu reste à l'abri des intempéries et des agressions éventuelles. Il doit être discret - immeuble en chantier, garage, voiture abandonnée, recoin, square, échafaudage, hall d'immeuble, squatt… - mais ne pas empiéter sur l'emplacement d'un autre SDF. Certains, plutôt jeunes, sont accompagnés d'un chien - genre Berger Allemand - ou dorment en petits groupes. Cela leur donne une indépendance vis-à-vis des centres d'hébergement, et permet, dans certains cas, d'avoir des nuits plus longues.

Un SDF d'une quarantaine d'années me racontait qu'il lui arrivait de dormir dans un immeuble en construction. Ayant fini par le connaître, les ouvriers ne l'ennuyaient pas. Cela lui permettait de dormir jusqu'à neuf ou dix heures du matin le week-end, en toute sécurité et à l'abri. En hiver, dans une galerie d'art en travaux du centre parisien, les ouvriers invitaient les SDF du quartier à venir se réchauffer, et à profiter du lieu pendant la nuit. On raconte encore que dans certains quartiers riches, les propriétaires laissent garder leur véhicule par un clochard. Même à l'état de la rumeur, cette information montre le lien perpétuel entre le riche et le pauvre, entre le dominant et le dominé, sans interdépendance.

72 Les couvertures sont des pièces que les compagnons d'Emmaüs ne refusent généralement pas. Elles sont données, emballées dans un sac poubelle.

“ Errances urbaines ” recherche en ethnologie urbaine

Dans les centres d'hébergement, certains utilisent des pyjamas, bien que la plupart se contentent d'ôter leurs vêtements pour rester en slip et en maillot de corps. Suivant un rite précis, chacun plie et range ses vêtements en fonction du mobilier mis à sa disposition. Au Centre de la Villette, le lit et un tabouret par personne offraient à l'hébergé la possibilité d'un rangement sommaire. Dans d'autres centres, rien n'était prévu, le directeur jugeant qu'il n'était pas nécessaire d'apporter trop de confort aux hébergés.

Il semble que les femmes s'investissent différemment dans les centres d'hébergement. Carole Amistani, dans son expérience de terrain au Centre de la Villette - pour femmes - a constaté qu'elles utilisaient en majorité des chemises de nuit. Différente aussi est la notion de pudeur à l'égard des autres femmes présentes dans les chambres. Alors que les hommes restent en sous-vêtement, les femmes se montrent parfois totalement nues devant leur pairs. Ceci pose la question de l'importance du corps chez le SDF, et introduit la notion des rapports sociaux de sexe à l'échelle de la société globale.

Si le corps a une importance différente, hommes ou femmes sont soumis aux mêmes contraintes concernant l'entretien des vêtements.

D) L'ENTRETIEN DU VETEMENT

L'entretien des pièces vestimentaires reste un problème majeur, pour le sans domicile fixe, qui ne semble pas émouvoir les institutions, tant l'image d'une personne négligée est fortement ancrée dans l'inconscient collectif.

La réponse institutionnelle, confessionnelle ou non, s'en trouve délaissée, et réduit les possibilités en matière d'entretien vestimentaire. La Ville de Paris offre, à travers le Centre de Vie René Coty, la possibilité d'utiliser une buanderie, équipée d'une machine à laver. Néanmoins, les intéressés doivent se présenter munis d'un bon qui leur est délivré par leur Bureau d'Aide Social. Ceci implique leur suivi, et par là-même, leur contrôle. Aussi, devant cette sollicitude, qu'il refuse la plupart du temps, le sans domicile fixe a recours aux nombreuses laveries automatiques dispersées dans les rues de la capitale.

“ Errances urbaines ” recherche en ethnologie urbaine

La stratégie la plus courante, lorsqu'il n'a pas d'argent, consiste à faire la manche dans l'enceinte de la laverie. Le prix d'une machine de cinq kilogrammes est d'environ dix-huit francs, à quoi il faut ajouter environ huit à douze francs pour le séchage. La trentaine de francs nécessaire pour l'entretien de son linge qu'il faut répéter au moins tous les quinze jours correspond à une part importante du budget du sans domicile fixe. Se grouper à deux constitue une autre stratégie que nous avons pu constater. Cela permet de partager les frais, surtout lorsque l'on a peu de linge, et représente un moyen de réduire une solitude par trop constatée.

Quelque soit le centre dans lequel le sans domicile fixe est hébergé, l'entretien de ses vêtements l'oblige à les sortir du casier dans lequel ils sont rangés - lorsqu'il y en a un - et a les "trimballer" avec lui la journée durant. Ceci constitue un handicap tout en appuyant sa vulnérabilité face à un repérage éventuel. Ceci peut expliquer, qu'à la longue, le sans domicile fixe tende à réduire la fréquence d'entretien de ses vêtements.

En ce qui concerne le linge de corps, celui-ci est entretenu quotidiennement - lorsqu'il est entretenu - dans les centres d'hébergement. On lave les chaussettes et le slip, que l'on étend à proximité du lit. Cette hygiène périodique n'est pourtant pas largement suivie. Néanmoins, les changes — slip et tee-shirt - parfois donnés aux nouveaux entrants viennent pallier au manque d'entretien, et assurent une hygiène minimale, mais non renouvelée.

“ Errances urbaines ” recherche en ethnologie urbaine

II L'IMPORTANCE DU VETEMENT CHEZ LE

Dans le document Errances urbaines (Page 134-138)