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Les deux questions que nous traitons dans la thèse portent sur l’existence de capacités différentes d’adaptation et de participation des organisations au changement institutionnel et sur les facteurs explicatifs de ces différences. Nous livrons ici une brève revue de la littérature sur les facteurs explicatifs d’une plus ou moins grande réussite des organisations. Le secteur agricole présentant des spécificités importantes, il nous a paru nécessaire de cibler autant que possible notre revue de la littérature sur les organisations agricoles. Nous avons ainsi exploré la littérature en économie institutionnelle portant spécifiquement sur les coopératives agricoles (Cook, 1995; Lazzarini et al., 2001; Staatz, 1989; Zusman et Rausser, 1994), sur les organisations professionnelles agricoles (Olson, 1978; Olson, 1985) et plus généralement sur les organisations de producteurs agricoles (Nabli et Nugent, 1990; Nugent, 1993; Nugent et Lin, 1995; Stockbridge, 2003).

2.3.1 Facteurs liés à l’organisation en elle-même et aux individus qui la composent

Parmi la littérature qui étudie les facteurs qui conditionnent la réussite des organisations, nous distinguons deux types, selon le niveau où l’accent est porté : l’organisation en elle-même et les individus qui la composent.

2.3.1.1 Facteurs liés aux individus : membres et leaders

La réussite des organisations agricoles passe par une participation des individus, tant des membres de base que des leaders. La motivation des individus est cruciale pour l’atteinte des objectifs d’une organisation (Handy, 1999). La participation des membres peut dépendre du type des biens produits par l’organisation : plus le bien sera de nature collective, plus il sera difficile pour l’organisation de mobiliser ses membres et au contraire, plus le bien sera de nature privée, plus les membres participeront (Olson, 1978) ; elle peut également dépendre du degré d’homogénéité de l’organisation (Olson, 1978) et de l’existence de sous-groupes au sein de l’organisation (Zusman et Rausser, 1994). En effet, les individus qui composent une organisation peuvent être amenés à former de manière informelle des sous-groupes (en fonction d’affinités par exemple ou d’activités menées en commun) et alors l’organisation peut être appréhendée comme une coalition au sein de laquelle les sous-groupes cherchent à influencer les décisions prises par l’organisation, ces jeux de négociation pouvant engendrer des situations d’inefficacité(Zusman et Rausser, 1994). De manière plus générale, plus la

cohésion sociale au sein d’une organisation sera forte, du fait notamment d’une petite taille et d’un fort degré d’homogénéité, moins l’influence des sous-groupes se fera sentir et plus l’organisation sera efficace. La participation des dirigeants est également un facteur qui peut être déterminant de la réussite des organisations. Les capacités des dirigeants en terme de communication, de connaissances et d’analyse (Nabli et Nugent, 1990; Nugent et Lin, 1995; Wade, 1987) sont tout particulièrement importantes. Le rôle du dirigeant est souvent assimilé à celui d’un entrepreneur (Hardin, 1982). La légitimité du leadership est souvent avancée comme un facteur important de la viabilité des organisations (Stockbridge, 2003) et a lien à la transparence des mécanismes de décision.

2.3.1.2 Facteurs liés à l’organisation en elle-même

Par ailleurs, certains éléments qui jouent sur la performance d’une organisation se réfèrent davantage au fonctionnement de l’organisation et notamment à sa taille, son type d’activités et sa structuration. La taille et la nature des biens produits correspondent à deux facteurs avancés par Olson pour expliquer la plus ou moins grande réussite des organisations, un grand groupe présentant plus de difficultés qu’un petit groupe à produire un bien collectif (Olson, 1978). Dans le cas de groupes de pression, les intérêts des petits groupes auront tendance à prévaloir sur ceux de la masse désorganisée (théorie des intérêts spéciaux, voir Olson, 1978, p171); les grands groupes pourront toutefois faire valoir leurs intérêts s’ils proposent à leur membres une offre de biens privés (théorie du sous-produit, voir Olson, 1978, p162), qui fonctionnera à la manière d’une incitation positive. La structuration d’une organisation a lien avec les modes de coordination en externe et en interne et est abordée par différentes théories au sein du courant institutionnel. La théorie des droits de propriété étudie les règles qui gouvernent la prise de décision au sein d’une organisation (Cook, 1995; Cook et Chaddad, 2004) : plus ces règles sont clairement définies, plus l’organisation est efficace. La théorie des coûts de transaction établit que plus la configuration de l’organisation permet une réduction des coûts, par l’intégration verticale notamment, plus l’organisation sera efficace (Staatz, 1989). La théorie des réseaux enfin stipule que l’utilisation d’interdépendances en externe peut permettre à une organisation d’être plus efficace (Lazega, 1994).

La plupart des études que nous avons explorées s’attachent aux conditions générales36 de réussite des organisations agricoles et portent sur le fonctionnement en interne des organisations agricoles. La thèse portant sur les interactions entre les organisations et leur

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environnement, notre propos sera davantage centré sur le fonctionnement en externe des organisations. Pour mieux comprendre ce fonctionnement, nous proposons une analyse des ressources des organisations, à même d’éclairer les choix stratégiques des organisations.

2.3.2 Focus : les ressources des organisations

Dans les écrits de North, les connaissances et les capacités des organisations sont des « facteurs critiques » de leur réussite (North, 1990, p 74). L’analyse de North porte à la fois sur l’acquisition de connaissances par l’apprentissage et sur l’influence de l’environnement qui oriente l’apprentissage, au travers des perceptions mentales, en dictant le type de connaissances nécessaires (North, 1990, p 75). Les pistes fournies sont stimulantes, dans le sens où elles permettent une mise en relation des concepts de modèles mentaux, d’apprentissage et de capacités. Elles sont cependant incomplètes et ne permettent pas précisément d’analyser les capacités des organisations et de comprendre les différences de comportements stratégiques. Nous avons complété ces pistes par l’approche des ressources et des capacités (Arrègle et Quélin, 2000), encore appelée « Resource Based View ».

2.3.2.1 Hétérogénéité des ressources, hétérogénéité des résultats

L’approche des ressources s’est développée à partir des travaux de Penrose qui mettaient l’accent sur l’importance des ressources dans le fonctionnement des firmes (Penrose, 1959) et de Wernerfelt qui insistaient sur l’existence de ressources différentes au sein des firmes (Wernerfelt, 1984). Le point de départ de cette approche est la reconnaissance d’un « principe d’hétérogénéité » (Arrègle and Quélin, 2000, p19) : les firmes possèdent des ressources différentes, ce qui se traduit par des différences de performance. Par ailleurs, les ressources sont faiblement mobiles entre firmes, c’est à dire qu’elles sont spécifiques aux firmes. Le caractère spécifique des ressources génère des avantages concurrentiels pour les firmes, qui vont orienter leurs activités vers le maintien de ces avantages : la firme est appréhendée comme une organisation capable d’apprendre et par-là même de se doter de nouvelles ressources.

2.3.2.2 Des ressources de nature et de propriétés spécifiques

Les ressources peuvent être de nature différentes et les typologies proposées selon les auteurs varient : ressources tangibles et intangibles (Penrose, 1959) ; ressources individuelles et

organisationnelles (Grant, 1991); ressources en capital physique, en capital humain, en capital organisationnel et en capital financier (Barney, 1997). Certains auteurs utilisent même le concept de « ressources cognitives » pour désigner les aptitudes intellectuelles, en tant qu’ensemble d’habitudes à penser qui influencent les choix stratégiques (Charreaux, 2002; Nadoulek, 1992; Tywoniak, 1998), ces ressources pouvant être « tout autant un frein au développement qu’une source d’avantage concurrentiels » (Tywoniak, 1998, p 29). Pour qu’une firme renforce son avantage concurrentiel, les ressources doivent avoir des propriétés particulières et notamment « avoir de la valeur, être rares et être imparfaitement imitables» (Barney 1991, p 106). La dépendance au sentier est une dimension importante du caractère imparfaitement imitable des ressources (Barney, 1991; Nelson et Winter, 1982), car il est difficile pour des firmes n’ayant pas connu la même histoire d’obtenir les mêmes ressources (apprentissage différent). L’influence de la dépendance au sentier est accrue par le fait que « les investissements financiers ne permettent pas d’annuler le désavantage lié au temps » (Arrègle et Quélin 2000, p31). Le caractère imparfaitement imitable des ressources renvoie donc directement à des processus d’apprentissage responsables de la formation de capacités (Teece et al., 1997).

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