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Partie III. Adaptation des organisations au changement institutionnel

7.3 La faible mobilisation des organisations de producteurs de haricot

7.3.2 District de Upala Centro : apogée et déclin de la production de haricot

Le district de Upala Centro, situé au nord de la région Huetar Norte au Costa Rica, jouxte le Nicaragua, et correspond à une zone de plaine, marquée par une très forte production de haricot jusqu’en 1995.

7.3.2.1 Présentation du district

Le climat se caractérise par un régime moyen de pluviosité (2390 mm) et surtout par des températures très élevées (26,3°C en moyenne). Les premiers occupants, des familles d’éleveurs originaires de l’ouest du pays, sont arrivés dans les années 1930 et y ont établi de grandes exploitations d’élevage extensif. Une deuxième vague de colonisation a eu lieu dans les années 1940-1950s, constituée davantage de petits producteurs, qui se sont installés sur des zones inexploitées et ont mis en place des systèmes de culture orientés vers l’autoconsommation. A partir des années 1970s d’importants dispositifs publics d’appui bénéficient directement à la petite agriculture : des mesures de distribution de terres permettent à de nombreuses familles de s’installer dans la zone et le lancement des mesures d’appui direct à la production de haricot inaugure « la période faste du haricot ». Ces mesures vont se traduire par l’arrivée massive de nombreux petits producteurs agricoles, largement alimentée par une immigration en provenance du Nicaragua, et par une orientation de quasiment tous les systèmes de production vers la culture du haricot. Mais l’arrêt des politiques de soutien direct à la production de produits vivriers en 1994 va constituer un réel choc économique dans la zone, face auquel les réactions vont être très variées : parmi les alternatives choisies figurent la culture de nouveaux produits d’exportation (tubercules, cœur de palmier, orange, ananas…), l’élevage bovin, la gestion de projets de reforestation et, bien plus souvent encore, la sortie de l’agriculture ou le retour à des systèmes de production basés sur l’autoconsommation.

7.3.2.2 Trajectoires des producteurs agricoles

L’analyse des trajectoires individuelles des producteurs agricoles sur Upala montre une forte inflexion en 1994 : le retrait de l’Etat de l’appui à la production de haricot a contraint les

producteurs agricoles à explorer de nouvelles voies. Nous distinguons trois principaux types de producteurs, représentés dans le schéma ci-dessous.

Figure 7.8 : Trajectoires des producteurs agricoles sur Upala

- Les producteurs de type 1 sont ceux qui sont présents depuis le plus longtemps sur la zone : issus de familles d’éleveurs, ils diversifient leur activité d’élevage vers la production de haricot pendant la période de forte intervention étatique, et repassent à une activité d’élevage lors du retrait de l’appui public. Ce sont ceux qui ont eu le moins de difficultés à s’adapter au retrait de l’appui public.

- Les producteurs de type 2 sont arrivés avant la période de forte intervention étatique, et ont choisi des systèmes de production extrêmement diversifiés. Avec les années, leurs systèmes de production tendent à se spécialiser, et lors du retrait de l’appui public, ces producteurs décident de ne se concentrer plus que sur l’élevage.

- Les producteurs de type 3 sont ceux que l’on trouve le plus fréquemment sur Upala. En général, leur installation est liée à l’existence de programmes publics de distribution des terres par lots de 5 hectares environ. Leurs systèmes de production se sont orientés vers la culture de produits vivriers, du fait de la présence de mesures publiques d’appui de ces cultures. Le retrait des mesures publiques a été mal vécu par les producteurs de type 3. Beaucoup ont laissé de côté leur activité agricole : ils ont

Grand producteur (viande, lait) Grand producteur (viande, lait, haricot) Moyen producteur (haricot, riz, viande) Petit producteur (chasse, haricot, plantain, petit élevage, cacao, riz)

Grand producteur (viande, lait) Type1 Moyen producteur (viande) Type2 Petit producteur (haricot, riz) 1930-1960 Colonisation Accumulation 1970-1990 Intervention étatique Mise en place d’organisations « étatiques » 1990-2000 Retrait de l’appui public Petit producteur (autoconsommation, manioc, reforestation..) Type3 SO RT IE

soit vendu leurs parcelles et quitté la zone86, soit travaillé comme ouvriers pour des entreprises privées récemment installées sur la zone. Parmi ceux ayant conservé leurs parcelles, on trouve des stratégies de retour vers des systèmes de production d’autoconsommation ; ou de diversification des activités vers le petit élevage, la production de cultures nouvelles (manioc, cœur de palmier), et parfois même de reforestation dans le cadre de projets financés par le Ministère de l’Environnement. L’évolution des stratégies des producteurs agricoles sur Upala est marquée par le retrait de l’Etat en 1994, et par la prégnance de stratégies individuelles.

7.3.2.3 Stratégies collectives versus stratégies individuelles

Le comportement des producteurs agricoles sur Upala est marqué par l’existence de stratégies individuelles : pour valoriser leurs production, ces producteurs ont recours à des intermédiaires (viande, haricot, riz) ou à des commerçants locaux (fruits, légumes). Les seuls producteurs ayant recours à des organisations pour la valorisation de leur production agricole sont les producteurs de type 1 qui fournissent le lait qu’ils produisent à des coopératives laitières.

Figure 7.9 : Modes de valorisation de la production rencontrés sur Upala. Installation Surfaces Lien avec

le marché

Formes de coordination

Type 1 1930 > 100 ha 100% Intermédiaires (viande)

Organisations de producteurs (lait)

Type 2 1960 5-100 ha 80% Intermédiaires (viande)

Type 3 1980 5 ha 30% Commerçants locaux (fruits, petit élevage)

Intermédiaires (manioc, cœur de palmier)

Par ailleurs, l’Institut Mixte des Affaires Sociales87 et diverses instances internationales de coopération88 interviennent fortement sur Upala, qui est l’une des zones de plus grande

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Ce mouvement de « sortie » est intéressant car Upala a été une zone de colonisation agraire massive entre les années 50s et 80s (les mouvements migratoires en provenance du Nicaragua s’accélérant dans les années 70s, au cours du conflit sandiniste au Nicaragua), et elle connaît à présent des mouvements migratoires contraires, avec le départ de petits producteurs vers les villes voisines (San Carlos et Liberia) et la capitale (San José).

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Les producteurs les plus pauvres bénéficient de manière individuelle de cette aide directe aux familles rurales (achat d’outillage et d’intrants) dans le cadre d’un programme national de lutte contre la pauvreté élaboré en 1995.

88Le projet de développement « Petits Producteurs de la Zone Nord », porté par des bailleurs de fonds internationaux (FIDA et BCIE), et mis en place en partenariat avec le Ministère de l’Agriculture, oriente ses

pauvreté au Costa Rica : leur intervention se porte individuellement au niveau des producteurs sous forme d’aide directe, ce qui explique une moindre motivation de ces producteurs à mettre en place des structures collectives.

Le tissu des organisations de producteurs est particulièrement fragile à Upala, où très peu de producteurs agricoles sont affiliés à une organisation (5%). En 2005, nous pouvions compter neuf organisations de producteurs, mais la plupart étaient « en panne ». Huit des neuf organisations sont par ailleurs des structures héritées de la période de forte intervention de l’Etat : ces organisations ont été mises en place dans les années 1980 par l’Etat, dans un objectif de distribution facilitée des services aux producteurs agricoles. De ce fait, les producteurs agricoles ne se sont jamais réellement identifié aux organisations, qui sont perçues comme un instrument de l’Etat. Depuis le retrait de l’Etat, ces organisations persistent sans avoir d’activités particulières : la plupart n’ont pas de projets à vocation marchande, ce qui les empêche d’obtenir l’aide des instances publiques agricoles ; aucune n’a établi de relations avec les entreprises privées présentes localement. Seules deux organisations disposent de projets : une organisation pour l’élevage de papillons (projet appuyé par le Ministère de l’Agriculture), et une coopérative pour la gestion de projets de reforestation (projet financé par le Ministère de l’Environnement).

Que ce soit au niveau de la filière haricot ou à celui du district de Upala, les organisations ne jouent pas des rôles centraux dans la coordination des activités économiques.

7.4 La constitution récente et le renforcement des organisations de producteurs

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