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AUTRES LECTURES SUR LA DEFINITION ET LE DIAGNOSTIC DES PSYCHOPATHIES

Dans le document Prise en chargede la psychopathie (Page 134-137)

Linda SARFATI

1. DEFINITION – GENESE – EVOLUTION CLINIQUE

1.2 AUTRES LECTURES SUR LA DEFINITION ET LE DIAGNOSTIC DES PSYCHOPATHIES

- A. Gay. Face aux mineurs psychopathes, la prison peut-elle jouer un rôle constructif ? Mémoire de l'Ecole Nationale d'Administration Pénitentiaire (41) :

Cet auteur remarque que « le psychopathe ne figure pas parmi les figures traditionnellement étudiées par la psychiatrie ». Sont reprises quelques notions :

• Étymologique : la psychopathie ne désigne d’abord pas une affection particulière mais toute maladie mentale progressivement identifiée, à l’instar d’une « catégorie fourre-tout » de personnalités indéfinissables.

• Historique du concept de « psychopathie » :

- 1836, Esquirol : « monomanies », déséquilibres intellectuels / affectifs, folies partielles / lucides.

- 1857, Morel : « dégénérescence », déviations du type normal, héréditaires, évoluant vers la déchéance.

- Ménard : La dégénérescence est un déséquilibre mental, partiel (intelligence / sensibilité / volonté).

- Koch : identités psychopathiques dues à des déficiences du cerveau.

- Kraeplin : étape préliminaire de la psychose.

Les auteurs hésitent entre affection du psychisme ou du moral.

- 1923, Schneider : les « personnalités psychopathiques » pensées comme ensemble de traits anormaux et non plus comme une maladie.

Après, les auteurs essaieront de classer les personnalités psychopathiques.

La définition de la psychopathie est empreinte d’incertitudes : le psychopathe ne figure pas parmi les figures traditionnellement étudiées par la psychiatrie ; son comportement rend ardu le suivi de son évolution.

Pour Freud, il est seulement trois structures (névrose, psychose, perversion). La conception « d’état limite », développée par les anglo-saxons, cible un fonctionnement psychique qui n’appartiendrait à aucune de ces trois entités nosographiques.

Les personnalités psychopathiques se distinguent des personnalités névrotiques et psychotiques. Le comportement du psychopathe rejoint en partie celui du pervers.

On peut parler d’amalgame entre « psychopathie », « état limite » et « perversion ».

Ce concept mal délimité se logerait au carrefour du psychiatrique et du social : La psychopathie apparaît comme un concept flou, qui semble pourtant souvent suffisant pour désigner, tout du moins à faire un consensus, notamment dans un manque de finesse et d’argumentation.

Critères de la psychopathie :

• Comportement anti-social.

• Répétition des passages à l’actes (violents, imprévisibles, souvent la même forme répétée): agir pour mode d’expression des tensions ressenties. Leur fréquence s’atténue, disparaît pratiquement vers 30-40 ans.

• Transgression (en même temps recherche) de l’interdit, la loi du groupe.

• Absence de culpabilité, de remords ; l’autre n’est pas pris en compte, aucune notion de la victime. La satisfaction immédiate des besoins (vie dans l’instant présent) empêche les relations authentiques. Absence de sens des responsabilités, de capacité à construire l’avenir, d’anticipation des conséquences de l’acte.

• Vie sentimentale très instable.

Pour diagnostic qui viendrait avant tout du social, il épargne un diagnostic plus fin et risque de situer le psychiatre dans l’obligation d’une prise en charge socialement imposée : ce concept qui épargne la question essentielle « Qu’est-ce qu’on soigne ? », interroge la place du psychiatre, éventuellement la place du méde-cin, dans le social.

Si le signifié « psychopathie » épingle difficilement ce de quoi il voudrait parler par une définition unique, suffisante pour classer dans une nosographie univoque, la clinique révèle toutefois des caractéristiques repérables, génératrices d’axes de questionnement quant à la psychopathologie des personnes dites psychopathes. Les interrogations qui émergent de la clinique et la psychopathologie, dessinent les premiers jalons pour l’abord thérapeutique.

L’auteur conclut : « Comme durant son émergence, la notion de psychopathie reste encore difficilement établie ».

- J.L. Chassaing. Psychopathie oui, psychopathe pas sûr (42) :

L’auteur remarque que dès l’origine de la classification psychiatrique, alors qu’une sémiologie de la psychopathie est parfaitement décrite, la pathologie résiste à être située dans la nosographie :

- Esquirol : Monomanie instinctive ou sans délire.

- Prichard : Folie morale (1835).

- Gilbert Ballet : Anesthésiques du sens moral.

La proximité avec les obsessions et les perversions est toutefois constante.

Il note qu’il semblerait judicieux de distinguer, dans le descriptif, des symptômes, des comportements, voire des conduites.

En regard des confusions qui se dégagent, il interroge :

• Cet « état maladif » difficile à situer appartient-il à différents champs structuraux ou bien s’agit-il d’une entité autonome ?

• La psychopathie est-elle un diagnostique psychiatrique ou non ? Il rapporte quelques définitions supplémentaires, plus récentes :

- Porot : Des définitions actuelles de psychopathies sont amenées par les anglo-saxons, sur un mode assez proche des états limites.

- Duguay et Ellenberger situent les psychopathies dans les « troubles de la personnalité », sous-chapitre de

« personnalité antisociale » .

- Henry Ey : les psychopathies appartiennent au chapitre des « Maladies mentales chroniques » (au même titre que névroses et certaines psychoses) ; « groupe de « cas difficiles » rassemblé surtout par la facilité du passage à l’acte ».

Il note dans cette clinique que l’importance de la question des contrastes, des contraires est à souligner ; avec pour particularité d’être présents en alternance mais aussi dans le même temps :

• Rejet / besoin immense d’affection.

• Instabilité / fixité des engagements.

• Impulsivité / aboulie.

• Aspect volontaire, décidé / doute, hésitation.

• Identité appuyée (fut-elle fabriquée) / certaine faiblesse de cette identité.

• Aspect isolé, solitaire / grande dépendance.

• Vie à histoires, trépidante (fut-elle évoquée dans la mégalomanie ou la mythomanie) / ennui, monotonie.

• Mythomanie avec une certaine luxuriance / certaine pauvreté du langage.

Tout se jouerait dans l’image, tout y serait extrêmement labile. En particulier, grande labilité moïque, qui semble appartenir à une certaine insuffisance de construction du moi.

Il s’agirait d’une pathologie du narcissisme qui évoque :

• Un moi kaléidoscopique, à géométrie variable.

• Un Autre qui ne peut être que tout-puissant mais en même temps défaillant et ne valant rien, nécessitant un rabattement sur le réel.

• Un Idéal du moi déficient.

L’angoisse, corrélat du passage à l’acte, pour « toile de fond » (cf. Flavigny) : angoisse liée à cette défaillance de l’autre, interdicteur ou pas assez, qui va présentifier à la fois un écart avec le Moi idéal et une faille.

L’auteur rapporte un cas clinique pour lequel il relève une sensibilité à la désignation qui entraîne une monstration dans un agir n’ayant pas pu être exprimé par la parole. Et cite Bergès : « ils vont jouir là où on leur désigne le lieu de la jouissance ».

- T. Fillieux, Godfroid I.O. Le point sur le traitement des psychopathes (43) :

L’es auteurs rappellent que les nombreuses définitions de la psychopathie sont source de confusions et de difficultés diagnostiques.

- T.H. Pham. Le traitement des sujets psychopathiques et des personnalités antisociales (44) :

De la revue de la littérature que l’auteur choisit et expose, il ressort que « la personnalité antisociale n’est pas définie de façon reproductible. »

L’auteur choisit de privilégier la définition rattachée au courant anglo-saxon (Cleckley, 1976), dont s’inspirent les travaux de Hare (1983, 1991).

Quelques critères diagnostiques de la psychopathie :

• Sur le plan interpersonnel, les psychopathes sont exubérants, égocentriques, manipulateurs, insensibles aux autres ; ils développent peu de liens durables.

• Sur le plan affectif, leurs émotions sont superficielles et labiles ; ils manifestent peu d’empathie, d’anxiété, de remords et de culpabilité réelle.

• Diagnostic différentiel : troubles agressifs d’origine anxieuse ; « psychopathes secondaires ».

- M.P. Laaskso, et al. Psychopathy and the posterior hippocampus (45) :

Il a été trouvé des corrélations statistiques entre des lésions de l’hippocampe, la moitié postérieure, et des scores élevés de la PCL-R.

- M.J. Götzl, et al. Criminality and antisocial behaviour in unselected men with sex chromosome abnormalities (46) :

Corrélation entre troubles psychopatiques et présence d’un chromosome Y surnuméraire. Pas de corrélation avec un chromosome X surnuméraire chez un homme (YXX).

- T.H. Pham. Imagerie mentale et alexithymie chez les psychopathes incarcérés (47) :

L’étude entreprise par l’auteur le conduit à constater une certaine proximité entre psychopathie et traits alexithymiques.

• Alexithymie : notamment, incapacité à associer des images visuelles, fantasmes, pensées à un état émotionnel spécifique.

• Psychopathie : Pauvreté de la vie imaginaire et fantasmatique ; Pensée concrète rivée au présent immédiat ; Vie affective peu extériorisée ; Tendance à recourir à l’action pour éviter les conflits ou la nécessité de les résoudre ; Incapacité à verbaliser les émotions ou les sentiments, ou encore la description détaillée de faits, évènements ou symptômes physiques.

Il y aurait un certain parallélisme entre la psychopathie et les traits alexithymiques, des caractéristiques alexithymiques sont présentes chez les psychopathes ayant participé à l’étude :

• Les psychopathes rapportent un vécu différent à l’évocation d’un souvenir émotionnel.

• Ils l’évaluent moins intensément lorsqu’il s’agit de la peur, plus intensément quand il s’agit du dégoût.

• Ils font preuve d’une altération des composantes de l’imagerie mentale et des sensations corporelles durant l’expérience émotionnelle (correspondance entre faible vivacité de l’imagerie mentale et faible activation physiologique mesurée lors de l’émotion, soulignée par Lang et al., 1993).

• Ils sont moins capables de verbaliser leurs affects, davantage recours à la pensée opératoire.

• Ils n’ont pas de difficultés majeures pour définir l’expérience émotionnelle lorsqu’elle survient.

• Un décalage apparaît entre définition de l’émotion et son vécu authentique : les psychopathes utilisent des termes émotionnels sans nécessairement donner l’impression de les ressentir.

• Une faible vivacité de l’imagerie mentale, appliquée à l’ensemble des modalités sensorielles. Elle peut altérer la planification et l’anticipation des actions.

• Une fixation dans un champ environnemental restreint (Lipert et Senter, 1966).

• Beaucoup d’instabilité dans les processus d’apprentissage (Schalling, 1978).

- Fédération Française de Psychiatrie. Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle. Conférence de consensus (48) :

Caractéristiques cliniques et psychopathologiques selon les experts :

• Polymorphisme clinique (agir sexuel d’allure perverse n’est pas nécessairement à rattacher à un fonctionnement psychique globalement pervers). Toute généralisation semble impossible quels que soient les critères retenus.

• Les experts s’accordent sur la correspondance de ces troubles du comportement sexuel à des tentatives de « solution défensive » par rapport à des angoisses majeures.

Il est noté le trop faible degré de certitude des connaissances étiopathogéniques qui pose pour indispensables les recherches multidisciplinaires complémentaires.

- H.M. Fortuit. La délinquance sexuelle, une délinquance spécifique ? Classifications psychiatriques concernant les auteurs d’agressions sexuelles et possibilités thérapeutiques (49) :

Pour l’auteur, la clinique de la psychopathie est marquée par :

• De l’immaturité ; inaffectivité ; absence de culpabilité ; comportements agressifs ; manifestations hystériformes ; dysthymie ; dysphorie ; phobies (claustrophobie souvent, signal alarme en prison) ; cauchemars violents répétitifs ; souvent sentiment de vide.

• Déni ; clivage (avec notamment état de rêve pendant l’acte) ; angoisses (de mort réelle, d’anéantissement) faisant référence à des traumatismes précoces, ou survenus à des périodes charnières du développement de la personnalité, ou non élaborés (comme enkystés).

L’auteur soutient que les éléments rejoignent des travaux psychanalytiques sur le thème de la perversion.

Il rappelle les travaux de Bergeret sur les états limites, ainsi que ceux de Tomassini Massimo qui propose la notion de « structure sexuelle borderline » ; ainsi que de Balier qui parle « d’état limite à expression impulsive ».

En rapport avec ce champ de la clinique, il réinterroge :

• Qu’est le traumatisme, pour qui, à quel moment ?

• Quelle thérapie pour une victime de traumatisme ?

Il note que le problème de fond des patients rencontrés paraît centré sur la non-séparation d’avec l’autre et que dans l’acte destructeur se mêlent des sentiments de toute-puissance, de la violence (ou tendance à la violence), des figures atypiques de la sexualité, une difficulté à différencier réalité et fantasme.

Il s’interroge sur l’acte de destruction (pervers) : serait-il un aménagement défensif chez un sujet qui aurait difficulté à exister (comme le psychotique ou différemment) ? Vient-il protéger, par destruction de l’autre, le sujet contre l’effondrement ?

Dans le document Prise en chargede la psychopathie (Page 134-137)