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Bruno ALBERT

Dans le document Prise en chargede la psychopathie (Page 106-110)

CHRS - Cité Myriam - Montreuil

Cet écrit a été rendu possible par le travail au quotidien de tous les salariés de l’établissement : travailleurs sociaux de formation diverses : assistant social, conseillère en économie sociale et familiale, éducateur spé-cialisé, animateur socio-éducatif ; agents d’accueil ; personnels techniques : moniteurs d’atelier en cuisine et en bâtiment, ouvriers d’entretien des locaux ; encadrants : directeur, directeur-adjoint, chef de service.

1. RAPPEL DU FONCTIONNEMENT RÉGLEMENTAIRE DES CENTRES D’HÉBERGEMENT ET DE RÉINSERTION SOCIALE (CHRS) :

Le premier public référencé était composé de « vagabonds ». Dans le cadre de l’enfermement des pauvres en 1701 sont déclarés « vagabonds et gens sans aveu, ceux qui n’ont ni profession, ni métier, ni domicile certain, ni lieu pour subsister et qui ne sont et ne peuvent certifier de leur bonne vie et mœurs par personne digne de foi ».

Au XIXesiècle le développement industriel va mettre au travail la majorité des citoyens et les dépôts de men-dicité serviront à recevoir ceux qui ne peuvent travailler.

ESQUIROL développe une approche médicale du vagabondage et de la maladie mentale.

C’est un décret de 1954 qui précise les lois d’assistance et la possibilité pour les communes et les associa-tions de créer des centres d’hébergement et des asiles de nuit pour des publics déterminés en quatre caté-gories :

1. les centres de reclassement des ex-prostituées ; 2. les centres pour les ex-détenus ;

3. les centres pour les vagabonds aptes à être reclassés ;

4. les centres pour indigents sans emploi sortant d’établissements hospitaliers.

L’évolution de la société et des idées fait doucement passer du temps de l’inadaptation de certaines per-sonnes à la réadaptation sociale proposée à tous.

En 1974, la loi précise la qualité de bénéficiaire de l’aide sociale en Centre d’hébergement : « Bénéficient sur leur demande de l’aide sociale pour être accueillies dans les centres d’hébergement et de réadaptation sociale publique ou privée les personnes et les familles (les familles commencent à apparaître dans les CHRS) dont les ressources sont insuffisantes, qui éprouvent des difficultés pour reprendre ou mener une vie normale notamment en raison du manque ou de conditions défectueuses de logement et qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique et le cas échéant d’une action éducative temporaire ».

Les CHRS rentrent dans la définition des établissements sociaux et médico-sociaux précisée dans la loi de 1975 par leur activité : « assurent en internat, externat, dans le cadre ordinaire de vie : l’éducation spéciale, l’adaptation ou la réadaptation professionnelle ou l’aide par le travail aux personnes mineures, ou adultes handicapées ou inadaptées ».

La loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 précise encore quelles sont les actions menées dans les CHRS, et les bénéficiaires « assurent avec ou sans hébergement, dans leur cadre ordinaire de vie, avec le concours de travailleurs sociaux et d’équipes pluridisciplinaires […] l’adaptation ou la réinsertion sociale et professionnelle, l’aide par le travail ou l’insertion par l’activité économique au bénéfice de personnes ou de familles en détresse, en vue de les faire accéder à l’autonomie sociale ».

La loi de 1998 a amené chacun vers un droit à l’insertion et au RMI.

La détresse fait son apparition dans la loi : quelle est la réponse adaptée à ce constat et qui sont les inter-venants professionnels désignés pour intervenir ?

Après cette présentation rapide des modes d’intervention de l’aide sociale des CHRS et des publics ciblés, se posent les questions suivantes pour le sujet qui nous intéresse ce jour :

• Y a-t-il une demande réelle et personnelle de chaque personne psychopathe orientée par le CMP pour être admise au CHRS de la Cité Myriam ?

• Quelle est la démarche et la demande personnelle des malades qui nous sont orientés par le CMP ; celle-ci peut-elle être inscrite dans un projet et un contrat de séjour ?

• Qu’attend le médecin-psychiatre du projet « faire accéder le patient à l’autonomie sociale »?

• Sur quelle demande de base l’équipe éducative du CHRS doit-elle intervenir : celle du médecin qui oriente, celle de la personne reçue pour un ou des entretiens d’admission ?

• Comment conjuguer les vocables « Patient-Hébergé-Citoyen » utilisés par chacune de nos entités pro-fessionnelles pour désigner une même personne ? Tous ces vocables sont inscrits dans la loi du 2 jan-vier 2002 dite de rénovation de l’action sociale et médico-sociale, dans sa partie concernant les rap-ports entre les usagers, les professionnels et les structures.

2. QU’EST LA CITÉ MYRIAM ?

C’est un établissement social créé à l’initiative du Secours Catholique en 1954 pour venir en aide aux hommes migrants venus travailler en France mais qui rencontrent déjà des difficultés pour leur insertion face aux exigences du travail et aux conditions matérielles de vie de cette période. En 1985, la Cité obtient l’agré-ment pour être classée en qualité de CHRS pour recevoir jusqu'à 126 hommes isolés. La politique d’huma-nisation des établissements d’accueil entre 1998 et 2001 permet de ramener la capacité à 106 personnes.

Les personnes sont accueillies et hébergées sur leur demande pour bénéficier de l’aide sociale en matière d’hébergement garantie et financée par l’Etat. Les personnes entre 18 et 60 ans, voire plus, sont hébergées en chambre de 2 places, une restauration collective sur place est proposée 365 jours par an

La convention d’aide sociale propre à la Cité Myriam précise le public accueilli :

• les personnes libérées de prison ;

• les personnes sorties d’établissements hospitaliers, de cure ou de rééducation se trouvant sans res-sources et sans logement et aptes au travail ;

• les personnes sorties d’établissements spécialisés, aptes au travail ;

• les vagabonds reclassables ;

• les personnes de nationalité française sans ressources et sans logement, qui ont été rapatriées de l’étranger ;

• les personnes dont les ressources sont insuffisantes, qui éprouvent des difficultés pour mener une vie normale, notamment en raison du manque de travail ou de logement et qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique ainsi que d’une action éducative temporaire ;

• les personnes d’origine nord-africaine selon les dispositions du Code de la famille et de l’aide sociale et selon les conventions signées avec leur pays d’origine ;

• les anciens harkis et leurs descendants, en difficulté d’insertion ;

• les jeunes descendants d’immigrés, ayant la double nationalité et éprouvant des difficultés d’insertion en France.

Depuis 1995 nous avons la possibilité d’accueillir des personnes sous main de justice dans des mesures d’alternative à la détention en prison. Certains relèvent également d’un suivi psychologique. Celui-ci est ins-crit par le juge d’application des peines dans l’ordonnance de placement dans notre établissement.

Le but de cette énumération est avant tout de montrer que les personnes « psychopathes » orientées par le CMP sont entourées et cohabitantes de personnes autres, différentes et sujettes à des comportements très incertains.

Chacune des personnes que nous côtoyons au quotidien dans la Cité est victime d’un nombre de ruptures que nous tentons de retracer : liées à la famille, au parcours d’immigration, à la violence de l’accueil en France, aux recherches de travail, d’hébergement sans fin, aux décompositions familiales ; chacun de ces évènements ou de ces étapes est un facteur négatif pour une structuration psychologique saine et stable.

Les salariés de la Cité MYRIAM rencontrent au quotidien les effets destructeurs de ces évènements sur des hommes.

Tous les salariés participent à l’accueil et au soutien des personnes dans leur démarche d’insertion, et de recherche d’un mieux-être.

L’équipe est composée de 26 salariés qui peuvent : accueillir, rencontrer, intervenir, observer, échanger avec les hébergés. Un « référent » est désigné pour assurer et garantir les qualités de la prise en charge socio-éducative. Mais la personne peut être interpellée aussi bien par un agent d’accueil, un moniteur d’atelier, un cuisinier, un autre animateur, que par le référent et le personnel encadrant : directeur, directeur adjoint, chefs de service… L’équipe est multiprofessionnelle et chacun est en devoir de transmettre ses observations sur le comportement des hébergés. Aucun lieu ou moment n’est laissé à la « libre dérive » des personnes.

Les questions qui se posent à nous sont souvent en opposition car nous disons à chacun que nous lui recon-naissons des valeurs et des compétences mais que celles-ci doivent être valorisées à l’extérieur de l’établis-sement alors que son souhait est de rester dans ce lieu qui l’a reconnu et valorisé, tranquillisé, rassuré, mis en relation fiable, lui a fait rencontrer des personnes différentes de lui et découvrir d’autres attentes dans la vie.

Créer un espace de protection mais ne pas le garantir à vie car l’accueil et l’hébergement sont temporaires !!

3. QUELLE EST LA PRÉSENCE DE LA PSYCHIATRIE ET SOUS QUELLE FORME EST ELLE UTILISÉE À LA CITÉ ?

Depuis plus de 10 années, l’équipe du CMP de Noisy-le-Sec dépendant du secteur XI est autorisée par l’au-torité de tutelle (DDASS de Seine Saint Denis) pour inventer avec l’équipe du CHRS une intervention adap-tée au public spécifique du CHRS de la Cité Myriam. Cette demande était générale dans le secteur social de l’hébergement de faire reconnaître la présence, au milieu de toutes les personnes accueillies, de cas de per-sonnes ayant des comportements déviants voire dangereux et le besoin de soutien auprès des travailleurs sociaux et des intervenants dans les Centres d’hébergement.

La méthode mise en place et régulièrement adaptée aux besoins est surtout basée sur un échange mutuel respectueux des complémentarités de nos métiers :

• Réunions de travail toutes les trois semaines avec un psychiatre du CMP sur le site de la Cité avec toute l’équipe des travailleurs sociaux.

• Observations et partage de la vie au quotidien dans le collectif et la vie intime et domestique avec les personnes hébergées.

• Le partenariat dans les situations de crise avec le CAP, centre d’accueil d’urgence psychiatrique de l’Hôpital intercommunal de Montreuil.

• Une reconnaissance mutuelle et un total respect dans les compétences professionnelles différentes de chacun entre observations sociales et diagnostique médical.

• L’équipe du CHRS évoque la vie quotidienne des hébergés, ce qu’elle constate du comportement de certains hébergés et sollicite de la part des intervenants du CMP des précautions à prendre et des com-portements à respecter.

4. LES SUIVIS, LES PRISES EN CHARGE AVEC CES PERSONNES COMME SI ELLES ÉTAIENT ORDINAIRES

L’accueil des personnes psychopathes se fait dans le milieu ordinaire de la Cité au milieu des autres héber-gés et chacun bénéficie des accompagnements liés à ses besoins et son parcours personnel :

• Evaluation des compétences professionnelles avec des partenariats spécifiques si besoin : PASS 93, IRIS, les ateliers internes à la Cité (bâtiment, cuisine, ménage).

• Evaluation de la socialisation sur le collectif : gestion de l’espace privé de la chambre, comportement dans les espaces collectifs : restauration, télévision, espaces de jeux, sanitaires, espace d’accueil.

• Evaluation réalisée au quotidien par tous les personnels sur les gestes et les attitudes de la vie quoti-dienne : hygiène corporelle, alimentaire, vestimentaire, consommation de produits illicites ou destruc-teurs.

• Notre observation permet de repérer les attitudes de ritualisation de certaines personnes : horaires des repas, places préférentielles dans le réfectoire, programme de TV, manie de circulation dans les locaux.

• Les hébergés sont acteurs de leur insertion dans la Cité, ils « doivent une semaine de ménage des lieux collectifs à leur arrivée ».

• Les « Ateliers » permettent un rythme pour accompagner la rupture des habitudes négatives et la décompensation, aller se soigner si cela est plus urgent et reprendre l’atelier ensuite.

• La présence de l’infirmière dans les espaces collectifs lui permet d’être témoin des comportements en dehors de son bureau où elle reçoit en consultation.

• Les médecins du CMP avec qui nous travaillons, connaissent et fréquentent la Cité Myriam, son fonc-tionnement quotidien, les formes des échanges dans l’équipe. Ils disent au malade là où il va aller, là vers où il est orienté pour vivre mieux.

• Dans la même réciprocité, nous orientons les malades, en cas de crises ou de dysfonctionnements visibles et constatés par nous au sein du CHRS, vers les médecins pour une prise en charge médicale et sanitaire.

• La collaboration avec le CAP est facile, l’accompagnement peut être réalisé par tous les salariés : tra-vailleurs sociaux, infirmière, encadrant. Notre décision d’accompagnement vers ce service est respec-tée. Dans ce service, le suivi individualisé sera respecté et le patient réorienté vers son psychiatre trai-tant.

Notre établissement est conventionné pour accueillir des personnes sous main de justice en mesures alter-natives à la détention (5 places leur sont réservées). Parmi ceux-ci se trouvent régulièrement des psycho-pathes. Le soin est souvent une mesure contrainte par la justice : cf. cas de pédophilie, agresseur sexuel, toxicomane, alcoolique.

5. QUELLE DOIT ÊTRE LA PLACE ET LA FORME DU SOIN POUR CES CAS ?

• Les personnes hébergées et suivies par le CMP se servent des médecins pour recevoir la confirmation qu’elles sont aimées telles qu’elles sont. Avec les travailleurs sociaux, elles sont confiantes et dévoilent tous les secrets médicaux, le jour de leur injection nous est annoncé. Ces personnes sont au clair avec les rôles de chacun : du travailleur social, du médecin et des infirmières. Ils savent ce qu’il faut deman-der, à qui, et dire à chacun des partenaires ce qu’ils attendent de l’autre.

• Le problème de la sortie de notre établissement reste un sujet de débat avec le CMP. Après une cer-taine période de stabilisation, une personne devient pour nous capable d’une autonomie sociale, mais pour le médecin, le malade reste psychopathe : quelle séparation, quelle autonomie, le mot de guéri-son a-t-il un synonyme en langage sanitaire et social ?

Nous restons de modestes compagnons sur la route de ces personnes qui se construisent autour de mul-tiples ruptures, les troubles psychologiques de certains ne doivent pas faire oublier leur force d’adaptation constante.

Toutes les rencontres interprofessionnelles que nous avons connues ces dernières années nous confortent dans la certitude que les échanges entre nos secteurs médicaux et sociaux sont bénéfiques pour les per-sonnes dont nous avons la charge. Mais il est indispensable que les échanges soient opérants à un niveau très local. Ces personnes ont besoin de savoir que nous nous connaissons mais aussi et surtout que nous ne faisons pas le même métier mais que nos interventions sont complémentaires, de façon indispensable pour leur santé et leur insertion, c'est-à-dire être acceptées et appréciées telles qu’elles sont, par le monde avec les hommes tels qu’ils sont et tel qu’il est !

DIAGNOSTIC ET PRISES EN CHARGE DE L’ADULTE

Dans le document Prise en chargede la psychopathie (Page 106-110)