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L’ADULTE PSYCHOPATHIQUE

Dans le document Prise en chargede la psychopathie (Page 157-161)

Linda SARFATI

D- Les comportements antisociaux ne surviennent pas exclusivement pendant l’évolution d’une Schizophrénie ou d’un Episode maniaque

3. L’ADULTE PSYCHOPATHIQUE

- La nécessité du recours à la loi, définie par Pierre Legendre (49) :

« Le crime doit être représentable en tant que transgression. En présence du crime épouvantable, toute société est amenée à revivre symboliquement par le truchement des procédures, aux fins de l’humaniser, en l’inscrivant comme transgression ».

3.1. GENERALITES

- J.P. Chartier. Audition à la commission d'enquête sénatoriale française sur la délinquance des mineurs - 22 mai 2002 (37) :

Une explosion de la délinquance semble actuelle, mais n’est pas vraiment une nouveauté. En revanche, il existe un rajeunissement de la population de délinquants et des agressions de plus en plus violentes.

L’auteur n’est pas convaincu qu’il y ait tellement plus de sujets incasables aujourd’hui, ils sont simplement beaucoup plus visibles. Ils ont été médiatisés.

Il est une délinquance traditionnelle, classique (« le code pénal a été fait pour elle »), qui existera toujours.

Cit. Durkheim « il n’y a pas de société sans délinquance et sans crime ». Ces gens contestent les modalités d’application du code, mais ont intégré la notion de sanction.

Très différents sont les « délinquants par absence d’être ».

- M. Daigle, G. Côté. Vers une modélisation de la violence exprimée en milieu carcéral (87) : L’expression de la violence en milieu carcéral est un phénomène complexe, multifactoriel.

Principaux facteurs :

• Facteurs liés à la gestion

• Facteurs situationnels (environnementaux)

• Facteurs individuels propres au personnel

• Facteurs individuels propres aux personnes incarcérées

• Communication entre les personnes incarcérées et les surveillants La situation peut être analysée selon trois grandes théories :

• Théorie de la privation : ce seraient les privations subies en milieu carcéral par les détenus qui produisent leurs comportements inadaptés.

• Théorie de l’importation : met l’accent sur la socialisation des inadaptées des délinquants avant même leur incarcération.

• Théorie du contrôle administratif : la gestion pénitentiaire est un déterminant important de la conduite des détenus.

Quelles prises en charges ?

Il existe actuellement différents types d’approches. Les auteurs proposent des recommandations de soins, des recherches à approfondir, issus de la littérature, des diverses études et de la pratique clinique.

- T.H. Pham. Imagerie mentale et alexithymie chez les psychopathes incarcérés (47) : Quelles Psychothérapies ?

La tendance des psychopathes à présenter les caractéristiques cliniques de l’alexithymie, l’altération de l’imagerie générale et de l’imagerie émotionnelle en particulier, l’absence de sensations corporelles ressenties lors de la ré-évocation émotionnelle, le manque d’émotionnalité, sont autant d’entraves à l’efficacité thérapeutique.

Ils ne sont pas bons candidats pour l’hypnose (à l’inverse des « fantasia prone subjects », Lynn et Rhue, 1987), du fait de la faible vivacité de l’imagerie.

Il serait difficile de les traiter à l’aide de thérapies qui exploitent l’accès libre à l’imaginaire et au matériel onirique.

Propositions issues de la littérature relative au traitement :

- Développer un traitement structuré comprenant des feed-back immédiats et réguliers.

- Contrôle comportemental strict et attitudes thérapeutiques plutôt orientées vers la confrontation (Suefeld et Landon, 1978).

- Différentes modalités thérapeutiques simultanées, verbales et non-verbales, sont encouragées.

- Les thérapies de groupe sont fréquemment utilisées en milieu fermé.

- Conseil de se focaliser sur les frustrations quotidiennes, du fait de la fixation au présent immédiat (Carney, 1977).

- L’approche cognitivo-comportementale est plus appropriée que comportementale ou psychodynamique seule (Templeman et Vollersheim, 1977). Ces auteurs préconisent notamment la thérapie de rôle.

- Le manque de données relatives à l’efficacité des traitements entrave la définition du programme de traitement qui serait le plus efficace (Blackburn ; Lang ; 1993).

Les auteurs de la littérature citée ne mentionnent aucune stratégie relative à l’imagerie mentale, aussi l’auteur de la présente étude souligne que les résultats incitent au développement des stratégies inductrices d’imagerie émotionnelle.

À cet égard, le modèle bio-informationnel de l’imagerie développé par Lang (1979) peut constituer une source d’investigation pour les thérapeutes cognitivo-comportementalistes. Lang et son équipe ont montré la possibilité d’entraîner la propension à l’imagerie et d’en améliorer la vivacité, par participation des sujets à une succession de sessions comprenant une procédure de relaxation et des scénarios déclencheurs d’imagerie que l’on faisait entendre par des écouteurs. Telle procédure n’a pas encore été employée chez les psychopathes ; elle mériterait des recherches complémentaires.

Steinberg et Schwartz (1976) soulignent que malgré un certain déficit autonomique, les psychopathes ne sont pas insensibles à toute forme de bio-feed-back.

- T.H. Pham. Le traitement des sujets psychopathiques et des personnalités antisociales (44) :

À travers une revue de la littérature sur PsycLit (articles répertoriés de 1970 à ce jour ; mots clés : psychopathy / sociopathy / antisocial personnality disorder / treatment / therapy / psychotherapy), l’auteur relève que :

• Les attitudes thérapeutiques suscitent un certain consensus : les règles de collaboration doivent être réalistes, structurantes, voire directives. Toutefois, les psychopathes supportent mal l’excès de contrainte et il semblerait contre-productif de se focaliser sur le volet répressif.

• Les objectifs thérapeutiques ne doivent pas viser une modification définitive de leur personnalité. Dans un but de réhabilitation sociale, il paraît réaliste de viser un auto-contrôle accru, une meilleure adaptation au milieu ambiant, ou une réinsertion socioprofessionnelle minimale (Blackburn, 1988).

• Du fait des réactions contre-transférentielles, un travail en équipe s’impose (Balier, 1988).

• Quelle que soit l’approche choisie, la marge de manœuvre thérapeutique est étroite.

• Un pessimisme thérapeutique est confirmé par les études qui utilisent le PCL-R, même si les différents auteurs ne statuent pas sur une incurabilité définitive.

• Les psychopathes présenteraient le pronostic le plus sombre de la population délinquante.

• Ils nécessitent un environnement où les règles sont à la fois strictes et explicites. Sans excès de contrainte, il sera confié au sujet des responsabilités valorisantes et contrôlées.

Les cliniciens peuvent développer des modalités thérapeutiques multiples qui conjuguent à la fois le registre verbal et non-verbal (Sternblicht, 1960).

Cinq recommandations pour les recherches concernant le traitement des psychopathes :

• Les études contrôlées manquent (surtout au sein du courant psychodynamique).

• Les critères d’évaluation varient considérablement selon les études.

• Le traitement ne devrait plus considérer uniquement le taux de récidive (qui ne rend pas compte de l’évolution délictueuse ; occulte les paramètres psychologiques relatifs à l’évolution émotionnelle du sujet).

• Analyser ce qui amène la réduction du nombre de délits aux alentours de la quarantaine.

• Examiner l’attente à l’égard du traitement formulée par les thérapeutes.

Nous ajouterons que nous n’avons pas trouvé d’études contrôlées concernant les thérapies comportementales et cognitives.

- T. Fillieux, I.O. Godfroid. Le point sur le traitement des psychopathes (43) :

De l’analyse systématique des publications répertoriées dans Medline et sur PsycInfo entre 1966 et 2000 (selon les mots clés « sociopath, psychopath, antisocial personnality disorder, therapy, treatment »), la lecture d’ouvrages de référence et l’expérience personnelle des auteurs il ressort :

• Qu’il est difficile de dégager de la littérature une ligne de conduite solide concernant le traitement médica-menteux.

• La pharmacothérapie agit sur des symptômes (agressivité, impulsivité), non sur des entités nosologiques.

Or, il n’y a pas de consensus concernant la meilleure thérapie associée à un symptôme en particulier.

• La prise en charge des décompensations aiguës est à distinguer du traitement de fond.

• Traitement de fond : aucune molécule n’a à ce jour démontré son efficacité.

• Qu’aucun consensus ne ressort de la littérature concernant les psychothérapies et du lieu de prise en charge optimal.

Le psychopathe s’améliore peu (ou pas) dans une structure hospitalière.

Le pronostic dépend essentiellement des affections associées.

Les changements comportementaux observés lors de l’hospitalisation sont rarement maintenus hors de l’institution.

Milieu carcéral et hôpital psychiatrique paraissent exacerber le sentiment de culpabilité et la dépression du psychopathe.

Résultats médiocres des thérapies initiées en ambulatoire.

Les endroits idéaux pour le traitement (selon certains) seraient une unité spéciale au sein de l’hôpital psychiatrique ou une communauté thérapeutique combinée à une approche cognitivo-comportementale.

Les pathologies associées (alcoolisme, état dépressif, troubles anxieux) doivent faire l’objet d’une prise en charge.

On constate souvent une amélioration de la maladie avec l’âge, le mariage, l’activité professionnelle.

Importance de l’approche globale de type biopsychosocial.

Pour conclusions de cette étude, les auteurs soulignent que :

• La prise en charge des psychopathes est difficile et fastidieuse (associée à des taux élevés de morbidité et de mortalité), mais utile malgré des résultats médiocres.

• La plupart des traitements pharmacologiques sont intéressants lors de la décompensation aiguë, déce-vants sur un mode chronique. D’où l’appel à la prudence.

• Il est nécessaire de tendre vers une prise en charge médicalisée efficace (dont un cadre thérapeutique structuré et l’emploi de molécules sûres), d’améliorer la définition de critères diagnostiques, recherche sur l’étiologie, de repenser la prévention primaire.

Ignorance quant à l’étiologie de la psychopathie (la qualité relationnelle dans l’enfance est un facteur, mais rôle moins clair des facteurs génétiques et organiques).

Facteurs étiologiques possibles : lésions cérébrales acquises, déficit structurel ou fonctionnel qui pourraient expliquer la difficulté de traitement.

- H.M. Fortuit. La délinquance sexuelle, une délinquance spécifique ? Classifications psychiatriques concernant les auteurs d’agressions sexuelles et possibilités thérapeutiques (49) :

Traitements déjà expérimentés :

• Médicamenteux (psychotropes : tranquillisants, antidépresseurs, neuroleptiques, régulateurs de l’humeur ; hormonaux : anti-androgènes).

• Thérapies individuelles de soutien.

• Groupes de parole entre « abuseurs ».

• Groupes de parole entre abuseurs et victimes (au Canada, USA, Norvège ; peu en France).

• Thérapies familiales systémiques (centre des buttes de Chaumont), analytiques, communautaires, ou comportementales.

• Thérapies à inspiration psychanalytique

La cure analytique classique « n’a pas lieu d’être », menant à un échec.

Les « contre-attitudes » du thérapeute : peut être plus que pour d’autres pathologies, l’analyse, le contrôle des contre-attitudes, seront nécessaires. Le thérapeute est en effet vivement sollicité à travers les narrations d’actes transgressifs, à explorer en détail. Un travail d’éclaircissement sur les motivations même du thérapeute, qui pourra ressentir des sentiments d’intrusion, de voyeurisme de sa part, semble incontournable. Il pourra être pris dans l’excitation, la fascination, le dégoût, l’horreur… se gardera de la séduction vive, des manipulations, de la tendance à la fusion déployée par certains patients.

- C. Balier. Entre perversion et psychose : le pays de tous les dangers (88) :

« … la sérénité du médecin pour accueillir les mouvements affectifs violents chargés d’angoisse des détenus, aussi bien que ceux en réaction des soignants, est un élément qui leur indique qu’il y a quelque part quelque chose d’indestructible susceptible de résister à toutes les attaques. La capacité des soignants à transformer l’excitation brute en quelque chose de compréhensible, donc à fournir une réponse permettant la décharge et la sédation de l’excitation, reproduit la fonction de pare-excitation de la mère vis-à-vis de son enfant ».

Le travail thérapeutique devra constituer un cadre protecteur, étayant, pare-excitation. Une équipe, des échanges nombreux et fluides entre les thérapeutes (afin d’éviter de « privatiser » la relation du patient à l’un des soignants), des éclairages des partenaires socio-judiciaires, seront nécessaires en vue de permettre à ces personnes de comprendre la gravité de leur acte, d’accéder à la culpabilité et la dépression, d’approfondir leur travail psychologique en SMPR, éventuellement en centre de détention, seront nécessaires.

- Fédération Française de Psychiatrie. Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle, novembre 2001 (48) :

Différentes méthodes thérapeutiques, modalités, indications, objectifs, obstacles, limites, complémentarités ?

• Psycho-dynamiques : cadre où la souffrance psychique des sujets peut être entendue et représentée. Les indications ne sont pas spécifiques. Peuvent coexister avec d’autres modalités thérapeutiques.

• Comportementales et cognitives : stratégies opératoires spécifiques à la prévention de la récidive.

Résultats intéressants ; moins bons pour les sujets au score PCL-R élevé.

• Psychothérapies de groupe : favoriser la prise de conscience de l’acte, éviter les passages à l’acte.

Peuvent aider la préparation d’un travail individuel.

• Familiales et systémiques : lutter contre les dysfonctionnements familiaux (« emprise » ; « secret »). Pas de contre-indications spécifiques.

• Chimiothérapies : traitements hormonaux ; psychotropes.

Il est nécessaire de donner au patient les moyens de choisir, de mettre en œuvre des approches complémentaires, associer approches ciblées (comportement) et globales (organisation de la personnalité et souffrance familiale).

L’absence de continuité des soins est pénalisante pour l’efficacité de la prise en charge.

Les groupes fermés semblent plus appropriés aux personnes ayant reconnu leur implication dans les faits pour lesquels ils sont poursuivis.

Après l’incarcération, la relation thérapeutique aura à se maintenir pour pouvoir évoluer : il s’agira d’accompagner le sujet dans un repositionnement face à son acte, vers la reconnaissance de ses responsabilités, le développement de l’empathie pour la victime.

La pertinence des structures spécifiques réservées aux auteurs d’agressions sexuelles n’est pas établie (sans compter un renforcement de la stigmatisation que ces structures favorisent).

Recommandations concernant les moyens et modalités spécifiques d’organisation pour le traitement : la prise en charge est à organiser dans le dispositif psychiatrique et à articuler au secteur socio-éducatif.

Il est important de développer une formation initiale et continue des intervenants, de rapprocher les professionnels (psychiatrie, justice) pour améliorer l’accès et la continuité du soin, d’inciter les thérapeutes à s’inscrire dans un travail d’équipe.

L’évaluation des progrès individuels et de l’efficacité des programmes thérapeutiques devra suivre une méthodologie formalisée.

Les connaissances sont encore fragmentaires et empiriques. Cependant, la loi du 17 juin 1998 concernant l’articulation de la peine et du soin, dans un cadre médico-légal respectueux de l’éthique et de la déontologie, offre la possibilité d’un travail clinique et socio-éducatif, ainsi que des perspectives de synergie des compétences du judiciaire et du médical.

- T. Fillieux, I.O. Godfroid. Le point sur le traitement des psychopathes (43) : Prise en charge et traitement :

Patients au carrefour des instances juridiques et psychiatriques.

Absence de consensus concernant :

• L’évolution : Certains médecins considèrent le psychopathe comme intraitable ; ou évolution spontanément favorable des symptômes à partir de la trentaine, et dans certaines conditions (surtout travail motivant, partenaire sentimental).

• L’approche pharmacologique (souvent utilisée de façon discutable).

• L’abord psychothérapeutique (différent d’un psychiatre à l’autre).

• Le lieu de prise en charge le plus approprié.

Psychothérapies :

Pas de consensus dans la littérature contemporaine.

Personnalité antisociale considérée comme facteur de mauvais pronostic en psychothérapie.

Aspect superficiel de la relation thérapeutique ; mauvaise réponse au traitement (fréquemment) ; demande initiale rarement émanée du malade (entourage, justice) ; approche psychologique ressentie comme menaçante.

Importance de l’aspect préventif, de l’approche précoce de l’enfant antisocial et de sa famille : 26 % des enfants au diagnostique de trouble des conduites deviendront à l’âge adulte des personnalités antisociales.

- J.L. Senon, et al. Incidents collectifs et individuels en détention : étude des relations avec les psy-chopathologies pénitentiaires (89) :

« Au delà des entretiens individuels, une approche thérapeutique se fait par le travail de groupes médiatisé : expression picturale, corporelle, sport, entretiens familiaux… ».

- D. Bourgeois. Comprendre et soigner les états limites (40) :

« L’objectif est de re-narcissiser la personne, de l’amener à redécouvrir son corps propre… »

Utilisation de l’art-thérapie et approche psycho-corporelle, mais aussi psychothérapie, chimiothérapie.

- H. Searles. Mon expérience des états limites (90) :

Exemples cliniques de travail analytique avec des patients borderline : analyse de la relation transférentielle au centre de l’élaboration clinique. Analyse incontournable pour avancer dans le travail thérapeutique.

Dans le document Prise en chargede la psychopathie (Page 157-161)