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internationales et la mesure des préférences démocratiques

2.2 Les grandes enquêtes internationales et leurs travaux

2.2.2 Le International Social Survey Programme

2.2.3.1 Le Latinobarómetro

La Corporación Latinobarómetro (LB) est une organisation non gouvernementale (ONG) dont les bureaux sont situés à Santiago du Chili.

66 Ce point de vue est très discutable, d'autant plus que le GlobalBarometer compare le niveau d'appui à la démocratie, d'une région à une autre, à partir d'indicateurs qui sont pourtant différents. Comme le souligne Larry Diamond, la formulation des questions sur le sujet peut facilement influencer les réponses données par les sondés. Voir DIAMOND Larry.

Developing Democracy. Toward Consolidation. Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1999, p. 213.

Presque chaque année depuis 1995, le baromètre latino-américain publie un rapport sur les opinions publiques en Amérique latine. Lors du lancement de son premier rapport, les travaux de l’organisme analysèrent les opinions des citoyens  dans huit pays, dont sept étaient sud-américains. Gagnant en notoriété (notamment auprès des organismes internationaux, des gouvernements étrangers et des grandes revues67) d'une année à une autre, LB a réussi à étendre considérablement ses recherches. Depuis 2004, elle analyse les opinions dans dix-huit pays répartis dans les zones Nord, Centre, Sud et insulaire du sous-continent68 où vivent plus de 400 millions d'habitants.

La  publication  annuelle  des  résultats  d’enquêtes  reçoit  généralement  une  grande attention dans les pays sondés, les journalistes essayant de déceler des tendances et comparant les pays entre eux. Les données amassées par l'ONG chilienne ne reçoivent pas moins d'attention de la communauté universitaire69. En effet, rares sont les recherches sur les opinions des citoyens dans les Amériques qui ne font pas mention des enquêtes de LB. La base de données de l'organisme où sont résumées les opinions de plus de 20 000 personnes est évidemment une source d'information incontournable.

Les sujets d’enquêtes abordés sont diverses. D'abord, LB porte une grande  attention aux opinions liées à la démocratie et au monde politique. Cet intérêt s'explique en partie par une volonté de mieux comprendre les variances qui s'observent d'un pays à un autre70. Par exemple, alors que l'on retrouverait dans

67 Presque chaque année la revue The Economist publie en exclusivité les principaux résultats des enquêtes du LB. Voir par exemple, « The Latinobarómetro Poll, A warning for reformers » dans The Economist du 15 novembre 2007. Un résumé du texte est aussi disponible sur : http://www.economist.com/node/10136464

68 Ces pays sont les suivants : l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, le Chili, l'Équateur, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République Dominicaine, l'Uruguay et le Venezuela.

69 Notons que les journalistes et les universitaires ne sont pas les seuls à s'intéresser aux sondages du Latinobarómetro. Il arrive parfois que les gouvernements commentent et interprètent à leur façon les résultats : par exemple, le ministère des relations extérieures du Venezuela le faisait par l'entremise  du  site  internet  de  l’ambassade  du  Venezuela en France. Désirant rester le plus indépendant possible, Latinobarómetro ne commente généralement pas ce type d’analyses. (GOULET Charles-André. LAGOS Marta.

[Entretien avec Marta Lagos, Directrice exécutive des études au Latinobarómetro]. Paris, 28 avril 2008, 25 minutes).

70 Rappelons que des dix-huit pays sondés, environ la moitié n'avait aucune expérience avec la démocratie avant les années 1970. En termes huntingtoniens, on dirait que la moitié des

certains pays un niveau d'appui à la démocratie qui est comparable à celui observé en Europe de l'ouest (Lagos, 2001 : 137), d'autres pays afficheraient des niveaux beaucoup plus faibles et une indifférence marquée sur le sujet (Lagos, 2003 : 170). Les enquêtes s'intéressent aussi aux sujets qui sont fréquemment soulevés dans la presse ou encore qui sont considérés comme étant parmi les plus importantes préoccupations des citoyens. L'insécurité, la situation économique et la corruption en sont quelques exemples. D'autre part, LB mesure les opinions qui caractériseraient les Latino-Américains des citoyens des autres régions du monde. À cet égard, plusieurs questions de sondage portent sur la confiance interpersonnelle, « chose » que les Latino-Américains auraient en moins grande quantité que les citoyens des autres régions du monde (Lagos, 2001 : 137).

LB recueille ses données en mandatant des firmes de sondage privées qui effectuent des entretiens en face-à-face et qui se dérouleraient dans la langue choisie par les personnes interrogées. L'un des objectifs du sondeur est de publier des résultats qui sont représentatifs des opinions nationales. Notons toutefois que d'un pays à un autre, les échantillons sont très similaires, variant de 1000 (dans les pays les moins peuplés) à environ 1200 personnes (dans les pays les plus peuplés). Selon la méthode d'échantillonnage, LB évalue la marge d'erreur des résultats à un pourcentage qui varie entre 2,8 et 3%. Fait exceptionnel et important à mentionner, les « vagues » de sondages effectuées dans les pays sont généralement très courtes et durent environ un mois.

Dans ses rapports et ses articles, le sondeur chilien donne énormément d'importance aux résultats compilés sur la question de l'appui à la démocratie, résultats qui sont obtenus à l'aide de quelques indicateurs assez généraux. Le principal indicateur utilisé depuis 1995 est calqué sur la question de Linz par laquelle on demande aux interviewés s'ils croient que « la démocratie est préférable à toute autre forme de gouvernement », que « dans certaines circonstances, un gouvernement autoritaire est préférable à un gouvernement démocratique » ou bien « …  [qu']  il  y  a  peu  d’importance  qu’un  régime  soit  pays sondés ont connu la deuxième vague de démocratisation, alors que l'autre moitié ont expérimenté la démocratie pour une première fois lors de la vague suivante. Voir HUNTINGTON Samuel P. La Tercera Ola. La democratización a finales del siglo XX.

Buenos Aires : Paidós, 1994, 329 p.

démocratique ou non ». Marta Lagos, la directrice du baromètre, interprète chacune des réponses données par les répondants comme « un appui à la démocratie », « une sympathie envers la gouverne autoritaire » ou « une orientation plus faible mais tout de même non-démocratique » (2003). Le sondeur complète sa mesure de l'appui à la démocratie en demandant aux interviewés s'ils sont d'accord avec l'idée que « malgré ses problèmes », « la démocratie est le meilleur système de gouvernement ».

Périodiquement, LB ajoute d'autres questions à ses sondages. Par exemple, en 2004 et en 2005, les enquêteurs demandaient aux sondés si en cas de problèmes, ils appuieraient un gouvernement militaire en remplacement de la démocratie. En 1996 et en 1998, les chercheurs du groupe interrogèrent les Latino-Américains afin de savoir s'ils étaient prêts à défendre la démocratie en cas de menace. Dans l'ensemble, les indicateurs employés périodiquement ou de manière récurrente dans la sous-région sont assez généraux. LB formule en effet ses questions sur l'appui à la démocratie comme système de gouvernement et sans faire de distinctions entre l'appui pour celle-ci, pour ses institutions ou encore pour ses valeurs. Malgré les nombreuses conclusions optimistes ou pessimistes qui sont souvent tirées dans les analyses journalistiques et scientifiques à partir des données baromètres, les indicateurs utilisés demeurent souvent abstraits et limités, ce qui restreint la portée des conclusions sur l'appui à la démocratie dans la sous-région.

En dépit des limites observées, les travaux du baromètre latino-américain sur la démocratie restent utiles, notamment si on s'intéresse à autre chose qu'aux opinions spécifiques à l'appui à la démocratie. En effet, les rapports et la base de données du groupe sont des sources d'information importantes sur l'évaluation que font les citoyens de la démocratie71. De façon périodique ou plus constante, l'organisme chilien ajoute à ses sondages quelques questions intéressantes à ce sujet. Par exemple, le LB interroge les citoyens afin de savoir s'ils croient que démocratie est un instrument utile au développement, si elle est porteuse de

71 Comme l'observe José Ramón Montero, bien qu'il y ait parfois une certaine confusion, il existe pourtant une différence entre les indicateurs qui mesurent les opinions liées à la légitimité des régimes et ceux qui cherchent à déterminer l'évaluation que font les citoyens de la démocratie. (MONTERO José Ramón. « Revisiting Democratic Success ». Politics, Society and Democracy. The Case of Spain / ed. Richard GUNTHER et Juan LINZ.

Boulder : Westpress, 1993, p. 153).

prospérité ou encore si elle est « adéquate ». Le sondeur complète l'évaluation que font les Latino-Américains en leur demandant s'ils sont satisfaits de la démocratie, s'ils jugent qu'il est possible d'avoir une démocratie sans congrès, etc.

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