La « démocratie » dans la culture politique guatémaltèque
Encadré 1.2 Part des sans- réponses dans l’enquête du Latinobarómetro de 2008
1.4.1 La « démocratie » sous les militaires guatémaltèques
Au Guatemala, les années 1944 à 1954 représentent une époque d’ouverture et de démocratisation partielle. Cette période de « révolution » fut marquée par l’élection de Juan José Arévalo et la fin du régime autoritaire de Jorge Ubico (1931-1944). Réformiste, mais surtout très populaire auprès de l’électorat, Arévalo permit l’adoption d’une nouvelle constitution qui visait notamment à faire de l’armée une institution apolitique et à renforcer les droits de participation des citoyens. Qualifiée de « printemps », cette période qui permit temporairement de mettre fin à la dictature, se poursuivit avec l’élection (juste et libre) en 1950 d’un autre réformiste, Jacobo Arbenz. Durant son mandat de trois ans, ce dernier tenta de revoir l’épineuse question de la répartition inégale des terres au pays.
43 Critiques des sondages, mais émettant plusieurs observations intéressantes, Pierre Bourdieu (BOURDIEU Pierre. L'opinion publique n'existe pas [en ligne]. 1972, [consulté le du 20 septembre 2009]. Disponible sur :
http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/questions/opinionpub.html) et Madeleine Grawitz (GRAWITZ Madeleine. « Les sondages d’opinion politique ». Revue des Travaux des Sciences Morales et Politiques, 1972, Premier semestre, p. 99-108) rappellent que plus une question génère des conflits ou des tensions, plus le taux de non-réponse pour cette question sera élevé. Un point de vue plus polémique, et sans doute moins utile afin de comprendre le cas guatémaltèque, Inkeles et Smith arguent que plus une personne est « traditionnelle », plus son champ d’intérêts est limité et plus elle est discrète sur ses opinions. (INKELES Alex et SMITH David H. Becoming Modern: Individual Change in Six Developing Countries. Cambridge: Harvard University Press, 1974, p. 21).
La mission que s’était donnée Arbenz était peut-être trop risquée compte tenu de l’influence de l’oligarchie. En juin 1954, il est chassé du pouvoir par l’armée qui voit en ses actions, et la mobilisation urbaine suscitée par celles-ci, une menace communiste. Le paradoxe de la démocratie débuta ainsi : les nouveaux dirigeants, arrivés au pouvoir par la force, se déclarèrent « héritiers » de la révolution. La junte qui prit le pouvoir justifia l’intervention musclée contre le gouvernement d’Arbenz en précisant que ce dernier, en plus d’être responsable de violations « généralisées » des droits de l’Homme, était arrivé à la tête du pays par la fraude électorale (Handy, 1985 : 3). Le premier renversement d’un gouvernement élu librement donna lieu à l'instauration d’un régime qui, même s’il imposa d’importantes restrictions au niveau des libertés politiques et individuelles, manifestait son « amour de la démocratie » (Gillin, 1956 : 480).
À partir de ce moment, et pour une période s’étirant jusqu’en 1985, année où l’armée accepta l’installation d’un chef d’État qui avait peu de lien avec le pouvoir militaire, le Guatemala connut une succession de gouvernements militaires décidés à contrer par tous les moyens l’émergence de forces politiques de gauche44. Sans doute afin de rendre ses missions plus acceptables aux yeux de ses citoyens et de la communauté internationale, l’État «s’appropria » le discours des droits de l’Homme (Schirmer, 1996 : 86). L’objectif que se donna l’armée d’éliminer les groupes et les populations « rebelles » devint ainsi une question de « justice », de « morale » et de « démocratie ». Pourtant, durant cette période plus de 200 000 personnes moururent ou disparurent des suites de la violence en grande partie causée par l’armée (CEH, 2004 : 19).
Il est évidemment paradoxal de parler de démocratie alors que, durant la guerre civile, l’action gouvernementale a été menée de façon indépendante de la volonté populaire. L’isolement des dirigeants de cette volonté a été rendu possible grâce à la mise en place des structures d’exclusion qui permit à l’armée de gouverner sans se soucier des intérêts exogènes à l’institution militaire. La
44 Rappelons de quelle manière Alain Rouquié décrivait la situation politique : « À partir de 1970 — et dans un climat de violence grandissante —, des généraux se succèdent régulièrement à la présidence à l’issue d’élections que l’armée gagne toujours. Le même scénario se répète avec des variantes : les forces armées choisissent un candidat qui deviendra nécessairement chef de l'Exécutif, puis négocient avec un ou deux partis de droite ou d’extrême droite qui lui fournissent ses bases électorales. Le pluralisme étant limité à un ‘arc constitutionnel’ dont sont bannis par définition les partis de gauche » (ROUQUIÉ Alain. L'Etat militaire en Amérique latine. Paris : Éditions du Seuil, 1982, p. 433).
tenue de scrutins aux résultats manipulés et l’utilisation de la répression à l’encontre des candidats jugés indésirables servirent l’armée et les groupes successifs liés à celle-ci qui s’échangèrent le pouvoir45. Rappelons également qu’à partir de 1954 plusieurs changements à la direction du pays ont eu lieu par des coups d’État, d’ailleurs près d’une dizaine de transitions par la force ont eu lieu entre 1954 et 1985.
Comme le décrit James Mahoney, le régime, « l’un des plus répressifs de l’histoire d’Amérique latine», s’isola de tout intérêt civil important, même ceux exprimés par l’élite économique du pays (2001 : 239). Cette structure d’exclusion fut renforcée par l’emploi illégal de la violence. Alors que plusieurs régimes autoritaires de la région tentaient pourtant de légitimer la coercition qu’ils utilisaient contre leurs opposants (Loveman, 1999 : 233), les gouvernements guatémaltèques, aux travers des actions des escadrons de la mort et d’autres mouvements anti insurgés, ne prirent point la peine d’ériger une façade légale derrière laquelle ils auraient pu opérer (Jonas, 1991 : 146).
Durant la période de guerre, l’isolement des militaires de la volonté publique a aussi été assuré par des pratiques limitatives et répressives servant à régir le système de représentation politique et la liberté d’expression. Même s’il resta ouvert pour certains partis, l’espace politique permit d’abord une mobilisation symbolique et très contrôlée des civils. Durant plus de trois décennies, l’espace politique fut d’ailleurs fermé à tout groupe associé à la gauche (Ortiz, 2008). Les militants et les politiciens qui cherchaient d’autres canaux pour faire entendre leurs opinions et leurs revendications risquaient énormément. Les commissaires qui enquêtèrent sur les années noires observèrent notamment que « [pendant] la longue période de conflit armé, le simple fait de penser de manière critique était devenu au Guatemala un acte dangereux, et écrire sur des idées, des faits, ou des évènements de la vie politique et sociale du pays signifiait courir le risque d’être menacé, torturé, enlevé et éliminé » (CEH, 2004 : 30).
Alors que dans certains cas les stratégies employées par le gouvernement limitèrent au maximum la participation politique, dans d’autres cas elles la
45 Au niveau des consultations populaires, soulignons qu’en plus d’être frauduleuses, les scrutins attiraient peu de votants. En 1978, le général Roméo Lucas García remporta les élections avec un faible avantage. Même si le vote était obligatoire, à peine 15% de l’électorat prit part à la consultation.
rendirent absolument impossible. La peur d’être victime de la répression ou des conflits entre révolutionnaires et militaires provoqua le déplacement d’un million à un million et demi de Guatémaltèques, dont 50 000 qui se réfugièrent au Mexique (Sieder, 2002 : 1)46. En milieu rural, des centaines de villages furent rayés de la carte. Quand cela n’était pas le cas, les habitants de certaines zones (fortement peuplées en autochtones) qui restèrent dans leur village se retrouvaient malgré eux résidents de zones contrôlées par l’armée. Cette situation fut courante au début des années quatre-vingt, période où les violences atteignirent un paroxysme et où un véritable « terrorisme d’État » aurait été employé contre les populations autochtones soupçonnées d’appuyer les insurgés (Barth, 2000 : 33).
Dans un contexte où « tous les régimes [...] se déclar[aient] de démocratie » (Rouquié, 2010 : 80), la lecture que faisait l’armée de ces évènements est naturellement très différente. Si par mégarde les militaires ont agi illégalement dans le conflit les opposant à la gauche, c’est qu’ils auraient été forcés d’opérer dans des « conditions d’illégalité établies par la guérilla » (Schirmer, 1998 : 140).
Comme l’observa le Général Hector Gramajo, qui occupa plusieurs fonctions importantes alors que les violences atteignirent leur paroxysme, l’armée chercha à « gérer efficacement les tensions sociales » (1995 : 32) en jouant un rôle de stabilisateur et de pacificateur face à la menace que posaient les rebelles. Selon Gramajo, par ses actions, l’armée participa en fait « au renforcement du système démocratique » (Schirmer, 1996 : 90) du Guatemala. Alors que le conflit tirait à sa fin, les interventions de l’armée contre la guérilla visaient à «rétablir l’ordre constitutionnel afin que les guatémaltèques connaissent et exigent le respect de leurs droits et de leurs obligations...»47.
Par ses commentaires et ses interprétations l’armée donna à la démocratie une connotation des plus subjectives48. Sous les régimes militaires, le principe de
46 En 1980, la population du Guatemala était estimée à un peu plus de sept millions d’habitants.
47 Cette citation provient du livre de Gilles Bataillon (BATAILLON Gilles. Genèse des Guerres Internes en Amérique centrale (1960-1983). Paris : Les Belles Lettres, 2003, 474 p.) où il cite un passage de l’œuvre de Gramajo sur la guerre (GRAMAJO MORALES Héctor Alejandro. De la Guerra...a la Guerra. Ville de Guatemala : Fondo de Cultura Editorial, 1995, 499 p.).
48Par exemple, parmi les raisons évoquées pour justifier le coup d’État de 1982, la junte qui prit le pouvoir disait vouloir mettre un terme aux violences et faire respecter les droits de l’homme. (« Disposición del Presidente de la Junta Militar de Gobierno y del Ministro de la
justice n’avait pas moins une signification impartiale. Rappelons, par exemple, que la majorité des assassinats et des disparitions se produisirent sous un gouvernement qui prétendait ne pas voler, ne pas mentir et ne pas abuser du pouvoir49 et qui, de surcroît, s’était engagé à redonner « la justice au peuple » (Garrard-Burnett, 2010 : 68). Évidemment cette vision des choses correspond difficilement à une réalité marquée par l’emploi de violences aveugles contre le peuple.
1.4.2 Comprendre les opinions dans un pays où les gouvernements autoritaires se sont longtemps proclamés... démocratiques Il serait difficile de démontrer avec certitude jusqu’à quel point la conjoncture historique du Guatemala alimente toujours la « perplexité démocratique » observée dans les sondages d’opinion. Ce que nous pouvons toutefois affirmer avec certitude est que l’interprétation militaire ne contribue en rien à créer une compréhension collective de ce qu’est et de ce que n’est pas la démocratie. Autre élément ajoutant à la confusion : le régime « démocratique » mis en place après le retrait politique des militaires correspondait en peu de points au fonctionnement d’une démocratie réelle, ou du moins à un régime politique où le contrôle de l’État était entièrement entre les mains des civils.
En effet, soulignons qu’après son arrivée au pouvoir en 1985 le gouvernement civil de Vinicio Cerezo fut confronté à plusieurs obstacles. En dépit de l’adoption d’une nouvelle constitution et de la tenue d’élections justes et libres, les militaires conservèrent une influence marquée. En fait, lorsqu’on ne compara pas le gouvernement de Cerezo à une façade du régime militaire (Ricarda Roos, 1997 : 100 ; Sieder, 2002 : 13), on déplora le très peu de pouvoirs réels dont il disposait (Loveman, 1999 : 213 ; Rouquié, 2010 : 321) ou encore la propension de son chef à vouloir d’abord satisfaire les militaires (Skidmore et Smith, 1992 : 342). L’implication des militaires dans le monde politique, ou plutôt le partage informel des pouvoirs avec ces derniers, aurait duré jusqu’en 1996, année où
Defensa Nacional ». Diario de Centroamérica, 24 mars 1982, p. 8. et « Gobierno de la Dignidad ». Diario de Centroamérica, 24 mars 1982, p. 3). Le bilan en matière de violences et de violation des droits de l’homme de cette administration allait toutefois être l’un des pires dans l’histoire du pays.
49 Le slogan « No robo, no miento, no abuso » est toujours celui du FRG, dont le symbole est une main avec trois doigts levés, représentant les trois « promesses ».
Álvaro Arzú a été élu et où les Accords de paix ont été signés (Jonas et Walker, 2000).
Si, comme l’évoque Susanne Jonas (2000a : 9), « ...attribuer l’étiquette de
‘démocratie’ et de ‘transition démocratique’ à des situations et à des moments dans le temps qui n’étaient pas ressentis comme étant telles par plusieurs Guatémaltèques » pose des problèmes d’ordre théorique, cela peut autant avoir contribué à semer un doute collectif quant à la signification de la démocratie. En d’autres mots, s’il existe un décalage important entre le discours politique (ou plutôt, militaire) et l’expérience vécue, n’est-il pas prévisible que se soit installée à travers les années une forme de « perplexité démocratique » ? Aujourd’hui bien que le Guatemala soit généralement reconnu comme étant un pays démocratique où l’armée ne joue plus un rôle politique et où les élus sont choisis lors d’élections justes et libres, la situation demeure parfois confuse. Cette confusion pourrait bien être alimentée par la perception largement ressentie que les progrès en matière de justice sont nuls depuis la signature des Accords de paix (PNUD, 2008), un évènement marquant dans la transition à la démocratie du Guatemala (Jonas, 2000b).
La perplexité de nombreux citoyens quant à la signification de la démocratie, tout comme l'évaluation critique que font plusieurs d’entre eux de la justice, s’accompagnent d’un fort scepticisme quant à l’existence même de la démocratie au Guatemala. Par exemple, alors que les chercheurs du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) interrogèrent plus de trois mille Guatémaltèques choisis aléatoirement, ils constatèrent qu’un grand nombre de ceux-ci (21%) étaient en désaccord avec l’idée que leur pays soit une démocratie50. Ce scepticisme (ou cette conviction) est observable aux côtés de perceptions tout autant importantes qui caractérisent les opinions politiques : de façon plus marquée que dans les autres pays de la région latino-américaine, les sondés guatémaltèques estiment que la liberté d’expression n’est presque pas ou aucunement respectée dans leur pays (Latinobarómetro, 2008)51.
50 Plus précisément, 21% des 3108 sondés affirmèrent être en désaccord avec l'affirmation suivante : « Au Guatemala nous vivons sous une démocratie ». Le reste des sondés étaient répartis de façon à peu près égale entre le désaccord partiel et l’accord avec l’affirmation.
51 Est-il juste de voir une forme de soutien à des valeurs autoritaires lorsque les sondés, pour qui la démocratie symbolise la liberté d’expression, n’appuient pas un système de
Dans cette section nous avons tenté d’illustrer la confusion qu’engendre le terme « démocratie » au Guatemala. Nous avons particulièrement porté notre attention sur un phénomène important mais qui demeure très peu étudié par les chercheurs qui s'intéressent à la culture politique du Guatemala : l’ambigüité que ressentent de nombreux sondés lorsqu’on les interroge sur « la démocratie ».
Afin de mieux comprendre ce phénomène, nous l’avons mis en relation avec son contexte national, c’est-à-dire avec un environnement dans lequel il règne un flou autour de l’application de la démocratie et où une forte proportion de la population ne possède peut-être pas tous les outils nécessaires afin de décoder la complexité des enjeux et des problèmes. Le flou autour de l’application de la démocratie s’observe dans un pays où il était devenu tradition pour les gouvernements autoritaires de se proclamer défenseurs de la démocratie. Plus loin dans nos recherches, particulièrement lorsque nous nous pencherons sur la question de l’appui aux mesures extraordinaires dans le temps court, nous utiliserons une approche similaire — dite « contextuelle » — afin de comprendre les prises de positions des électeurs vis-à-vis les dirigeants qui optent pour des mesures extraordinaires et nuisibles à la démocratie. Pour l’instant, poursuivons notre examen de la culture politique, mais en nous intéressant aux nuances et aux subtilités de la culture politique guatémaltèque.
1.5 Les nuances de la culture politique : le cas des attitudes participatives Dans la section précédente nous avons brièvement abordé le thème du contexte politique comme toile de fond des opinions exprimées dans les sondages d’opinions sur « la démocratie ». Nous proposons de poursuivre notre discussion en nous intéressant aux diverses facettes de la culture politique guatémaltèque. Cette analyse, qui consiste à examiner notre objet de recherche sous plusieurs angles ainsi qu’à le décortiquer, nous amènera à douter un peu plus des arguments qui présentent la culture guatémaltèque comme étant à la
gouvernement (« la démocratie ») qui ne garantit pas l’application de ce droit ? Rappelons à ce sujet ce qu’écrit Freedom House sur le Guatemala : « Bien que la liberté d’expression soit un droit protégé par la constitution, ceux qui dénoncent bruyamment le gouvernement ou les violations des droits de l’Homme qui se sont produites dans le passé s’exposent à des persécutions ». (FREEDOM HOUSE. Freedom in Guatemala 2010 [en ligne]. 2010, [consulté le 14 avril 2010]. Disponible sur : http://www.freedomhouse.org).
fois « homogène »52et autoritaire. L’exercice que nous effectuons ici, et que nous répéterons alors que nous nous concentrerons plus attentivement sur le thème de l’appui à la démocratie dans le temps long au chapitre 4, consiste à traiter le sujet des opinions et des comportements politiques avec le plus de nuances possibles, en évitant les simplifications et en portant attention aux aspects qui, peu visibles, attirent moins l’intérêt des analystes.
Parmi les principales caractéristiques de la culture politique guatémaltèque que nous avons évoqué jusqu’à présent, figurent la timide participation des citoyens aux processus électoraux, la faible sympathie des électeurs à l’endroit des partis ainsi que la propension des sondés à ne pas se prononcer sur des questions traitant de la « démocratie ». Au premier regard, ces caractéristiques pourraient être interprétées comme un manque d’enthousiasme et d’engagement des citoyens dans les affaires politiques. Or, lorsqu’on analyse les habitudes politiques des guatémaltèques sous plusieurs angles, on arrive à une interprétation qui diffère. Prenons tout particulièrement l’exemple de la participation politique.
Bien que l’abstentionnisme électoral au Guatemala se conjugue avec un niveau élevé de désintérêt pour la politique, il est convenable de croire que certains comportements soient largement attribuables à des facteurs plus
« pratiques » que simplement « culturels ». Le cas de la forte abstention primaire lors de scrutin est intéressant. Rappelons qu’à l’élection de 2007, 12% de la population (ou 800 000 personnes) en âge de voter ne purent le faire (même s’ils l’avaient souhaité) puisqu’ils n’étaient pas inscrits sur les listes électorales.
L’absence de ces citoyens, ou devrait-on dire de ces citoyennes puisque les femmes sont majoritaires parmi les « découverts » (Ortiz, 2008 ; Boneo et Torres-Rivas, 2000), fixa le taux de participation réel à 54% au premier tour.
52Nous proposons ce terme, inspiré par les travaux d’Olivier Dabène, aussi critique envers les qualificatifs souvent utilisés afin de décrire des cultures latino-américaines qui seraient caractérisées par un « ...ensemble homogène de comportements généralisés, figés et socialement transmis, et des acteurs enfermés dans leur habitus de classe depuis l’époque coloniale...». (DABÈNE Olivier. « Enclaves autoritaires en démocratie: perspectives latino-américaines ». Autoritarismes démocratiques et démocraties autoritaires au XXIe siècle / ed. par Olivier DABÈNE, Vincent GEISSER et Gilles MASSARDIER. Paris : La découverte, 2008, p. 89-112).
Le taux élevé d’abstention primaire au Guatemala, dépeignant à première vue le pays comme un endroit où on porte peu attention aux affaires politiques, est notamment lié à des lois et à des procédures qui compliquent la participation.
Soulignons qu’afin d’être éligibles au vote, les Guatémaltèques doivent faire des démarches qui s’avèrent souvent contraignantes. Par exemple, en 2007, les citoyens qui souhaitaient s’inscrire sur les listes électorales n’avaient d’autre choix que de se présenter au bureau principal du TSE de leur département à des dates précises dans l’année. Cette façon de faire, peut-être fort simple pour les citoyens des centres urbains, entraîne des complications pour ceux qui vivent en régions éloignées et pour qui, se déplacer vers les capitales départementales est difficile53. Ces procédures tranchent évidemment avec celles d’autres pays (tels le Costa Rica) où la demande de la carte d’identité nationale (cédula) mène automatiquement à l’inscription des citoyens sur les listes électorales, sans démarche supplémentaire.
Les difficultés que représentent les déplacements pour de nombreux citoyens pourraient aussi compliquer le vote en tant que tel, notamment en région rurale où les centres de scrutin sont parfois installés loin des petites
Les difficultés que représentent les déplacements pour de nombreux citoyens pourraient aussi compliquer le vote en tant que tel, notamment en région rurale où les centres de scrutin sont parfois installés loin des petites