internationales et la mesure des préférences démocratiques
Carte 2.1 Informations divulguées sur la distribution géographique des échantillons utilisés au Guatemala par le Latinobarómetro et du
AmericasBarometer en 2008
Sources : Latinobarómetro, 2008 et LAPOP, 2008.
L’âge des sondés, tout comme l’étendue géographique des échantillons, peuvent affecter la comparabilité des résultats d’enquêtes. Puisque les sondeurs du LAPOP cherchent à connaître les comportements et les croyances des citoyens, ils n’interrogent personne qui serait encore trop jeune pour bénéficier de ses droits politiques. Sauf au Nicaragua, où la citoyenneté est octroyée à l’âge de seize ans, les enquêteurs de LAPOP interrogent, en Amérique centrale, uniquement des personnes de dix-huit ans et plus. Bien qu’il y ait une différence entre l’âge minimum des sondés du Nicaragua et ceux des autres pays, les échantillons du LAPOP demeurent équivalents dans la mesure où ils comprennent exclusivement des « citoyens » au sens où les lois nationales l'entendent. Les échantillons de LB sont aussi équivalents, mais dans l’optique où
ils comprennent, dans tous les pays, des sondés qui approchent l’âge de la majorité et d’autres qui sont âgés de dix-huit ans et plus. Si cette caractéristique ne vient pas miner l’équivalence des échantillons du LB, elle doit toutefois être tenue en compte lors de l’analyse des données provenant de cet enquêteur.
Comparer les opinions de différents groupes, de différentes communautés ou encore de sondés de différents pays est un peu comme tenter de trouver les similarités et les dissemblances entre deux (ou plusieurs) photographies. Si ce qui apparaît sur les photographies que nous observons n’affecte en rien leur comparabilité, il en est tout autre du moment et de la manière dont elles ont été prises. Les représentations des attitudes seront effectivement plus facilement comparables si nous pouvons nous assurer qu’elles ont toutes été obtenues de mêmes règles. Pour certains enquêteurs, l’un de ces critères est d’ailleurs de réaliser leurs sondages, dans les pays où ils opèrent, de façon simultanée, ou du moins en évitant les délais et les décalages importants. En recueillant les opinions au même moment (ou sur une courte période) les enquêteurs minimisent l’effet que pourrait avoir le temps sur les attitudes. Par exemple, pensons à l’impact qu’engendrerait un « évènement fort » de la scène internationale alors que la collecte des données est complétée dans certains pays et qu’elle n’a pas encore été amorcée dans d’autres lieux. L’évènement en question pourrait considérablement influencer les opinions des sondés qui n’ont pas encore répondu à l’enquête, produisant ainsi des déférences (ou même des similitudes) « superficielles » entre ces dernières et celles des individus qui auraient déjà été interviewés.
Dans les grandes enquêtes internationales, la majorité des sondeurs tentent habituellement d’administrer leurs questionnaires au même moment. En 2008, le LB réalisa l’ensemble de ses dix-huit enquêtes nationales à l’intérieur de six semaines. La même année, en Amérique centrale, les enquêteurs de la LAPOP procédèrent à leurs enquêtes nationales au cours d’un seul et même mois.
L’unique exception fut le Belize, où les sondeurs administrèrent leurs questionnaires quelques mois plus tard. Bien que ce délai ne vienne pas miner la comparabilité des résultats de sondages entre le Belize et les autres pays102, il nous appelle à la prudence.
102 Soulignons que certains groupes baromètre laissent s’écouler plus d’un an entre la collecte des opinions dans un pays et l’administration des questionnaires dans un autre pays.
Les différences dans les procédures employées par le LB et le LAPOP ne sont pas étrangères à la nature distincte des deux groupes. Alors que le premier dépend de sa collaboration avec des firmes du secteur privé, le second opère plutôt sur la base de liens avec le milieu universitaire. Rappelons que le LB mandate des firmes privées pour réaliser la collecte des opinions alors que le LAPOP compte sur sa collaboration avec des équipes de chercheurs spécialisés en sciences sociales pour accomplir le travail. Il serait difficile de dire quel système favorise le plus la comparabilité des données d’un pays à un autre puisque, finalement, les enquêtes sont toutes effectuées par des partenaires nationaux qui ont comme mandat d’administrer des questionnaires qui, eux, se doivent d’être équivalents. Les instructions et le suivi effectué par les groupes baromètres auprès de leurs partenaires nationaux peuvent toutefois avoir un impact considérable sur la comparabilité des données. Une fois les premières instructions transmises aux partenaires nationaux, les groupes baromètres doivent, par souci d’uniformisation, assurer un étroit suivi. Au nombre des priorités, ceux-ci voudront voir à ce que la même procédure soit bien employée dans l'administration des questionnaires et dans le choix des sondés qui prennent part aux enquêtes. Un groupe d’enquête minutieux veillera, par exemple, à ce que les sondeurs sur le terrain interrogent bien les personnes aléatoirement choisies pour répondre aux questionnaires et qu’une procédure stricte soit suivie lorsque celles-ci sont absentes de leur domicile. Soulignons que les moyens utilisés pour localiser les gens choisis pour faire partie de l’échantillon ainsi que la façon de leur trouver des « remplaçants » (au besoin) peuvent affecter la comparabilité des résultats. Étrangement, tant du côté du LB que du LAPOP il est difficile de connaître les procédures qui sont employées lorsqu’une telle situation se présente. Toutefois, contrairement au LB, les responsables du LAPOP rendent publiques les statistiques sur le nombre d’entretiens que les sondeurs ont été incapables de réaliser pour une raison ou une autre.
Dans cette section nous avons effectué des comparaisons entre les deux principaux groupes baromètres qui opèrent au Guatemala ainsi que dans les autres pays centraméricains. Les comparaisons que nous avons faites entre les enquêtes furent centrées sur des éléments liés à leur représentativité, à leur comparabilité et à leur équivalence. Cette analyse nous permet d’en apprendre davantage sur ces sources d’information et, ainsi, de procéder à nos recherches en étant conscients des forces et des faiblesses de chacune des enquêtes.
Comme nous le constaterons dans les prochains chapitres, nous utilisons plus fréquemment les données de LAPOP que celles du LB. Au nombre des raisons expliquant ce choix, rappelons que le LAPOP, contrairement au LB, procède à des enquêtes dans tous les pays d’Amérique centrale (c’est-à-dire autant au Belize que dans les cinq autres pays principaux). Outre la réalisation d’enquêtes au Belize, les enquêteurs de LAPOP tendent à utiliser des échantillons qui ont une plus grande couverture géographique que ceux du LB. Par ailleurs, soulignons que le LAPOP expose un peu plus que son principal « concurrent » les détails méthodologiques de ses enquêtes concernant les aspects liés à la représentativité, la comparabilité et l’équivalence de ses questionnaires et de ses résultats. Finalement, au niveau du contenu, rappelons que les enquêtes du LAPOP comportent plus d’indicateurs (à la fois en nombres et en catégories) sur l’appui à la démocratie que celles de LB.
2.5 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons effectué une parenthèse méthodologique qui nous a volontairement fait bifurquer de l’analyse des opinions des Guatémaltèques. Pour nos recherches, nous considérons que cette parenthèse a été utile pour au moins deux raisons. Dans un premier temps, nous estimons qu’il serait périlleux de nous lancer avec plus de minutie dans l’analyse des opinions recueillies dans des enquêtes internationales sans connaître le fonctionnement, les rouages et les méthodologies de ces dernières. Paradoxalement, nombreux sont les analystes qui procèdent à l'interprétation des résultats de sondages sans connaître la nature et les limites des sources sur lesquelles ils se basent. Dans un deuxième temps, la parenthèse méthodologique que nous avons effectuée nous a permis de nous familiariser avec les indicateurs servant à mesurer l’appui à la démocratie et, ainsi, de procéder à une réflexion préliminaire sur leur utilité.
Dans la première partie de ce chapitre nous nous sommes intéressés à quelques-uns des principaux baromètres qui opèrent dans le monde. En plus de porter une attention particulière aux grandes enquêtes latino-américaines (c’est -à-dire le LB et la LAPOP), nous nous sommes penchés sur les baromètres qui recueillent les opinions des citoyens sur plusieurs continents ou qui concentrent leurs activités dans les pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’Est et du Moyen
-Orient. Cette discussion nous a permis de prendre conscience de la diversité des groupes de recherche qui opèrent, de la multitude des intérêts scientifiques qui guident les enquêtes internationales et surtout de la pluralité des indicateurs qui sont utilisés afin de mesurer l’appui à la démocratie. Bien que la liste des baromètres présentés ne soit pas exhaustive, nous croyons qu’elle permet de bien situer les travaux qui sont réalisés en Amérique latine par rapport à ce qui est fait ailleurs dans le monde.
Dans la seconde section de ce chapitre, nous avons proposé une typologie des indicateurs qui sont employés afin de mesurer l’appui à la démocratie dans les grandes enquêtes sur les attitudes. Cette typologie nous a amené à la fois à schématiser les nombreux indicateurs et à classifier ces derniers en fonction de l’aspect des préférences démocratiques qu’ils tentent de révéler. En procédant à cet exercice, nous avons notamment observé que les indicateurs utilisés dans les grandes enquêtes varient considérablement selon leur niveau de précision. Alors que les indicateurs de type monolithique sont très généraux, ceux de type polyarchique et bathymétrique sont plus précis. La quatrième catégorie, ne tient pas compte du niveau de précision des indicateurs. « Inclusive », cette catégorie regroupe les questions de sondage par lesquelles les enquêteurs évaluent l’attachement des citoyens à la démocratie en évaluant s’ils sont favorables à des
« pratiques domestiques » qui divergent de l’idéal démocratique. L’élaboration d’une typologie, quelque chose qui est rarement fait dans les études sur les opinions sur la démocratie, permet de nous familiariser avec « l’offre » en indicateurs et nous fait simultanément prendre conscience de la complexité du phénomène que nous étudions.
Dans la dernière section de ce chapitre, nous avons concentré notre attention sur les travaux qui seront de principale utilité pour nos recherches, soient ceux du LB et du AmericasBarometer. Afin de les évaluer, nous avons comparé les deux groupes d’enquêtes en tenant compte de la représentativité, de la comparabilité et de l’équivalence de leurs recherches et résultats d’enquêtes.
En procédant à cet exercice, nous souhaitions identifier quelques-unes des forces et des faiblesses des sources que nous utilisons dans nos recherches sur l’appui à la démocratie.
La parenthèse méthodologique que nous avons effectuée dans ce chapitre nous permet de mieux circonscrire nos recherches. L’utilisation d’indicateurs
polyarchiques et bathymétriques dans les grandes enquêtes (particulièrement dans celles du AmericasBarometer) nous incite un peu plus à poursuivre nos analyses en nous éloignant des explications générales et en tentant de déceler les nuances qui permettent réellement de comprendre les dynamiques de l’appui à la démocratie. Reprenons nos recherches sur les préférences démocratiques des citoyens en nous intéressant à la question de la profondeur de l’appui à la démocratie. Au prochain chapitre, nous nous intéresserons particulièrement, d’une perspective comparatiste, à l’appui des Guatémaltèques aux principes démocratiques dans des circonstances extraordinaires.