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Le contrat d’entraide : la nécessité d’être agriculteur

LA PRISE EN CHARGE DU NON-SALARIÉ AGRICOLE À LA SUITE D’UN ACCIDENT DU TRAVAIL

Paragraphe 1. Le contrat d’entraide : la nécessité d’être agriculteur

L’article L. 325-1, alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime renseigne sur les qualités des bénéficiaires de l’entraide : « L’entraide est réalisée entre agriculteurs. » Il découle de cet article que la convention d’entraide agricole nécessite obligatoirement que les parties aient la

193 T. TAURAN, en référence à l’arrêt Civ. 1re, 10 juillet 2002, Bull. civ. 2002, I, n° 190 ; et Soc., 14 nov. 1991, Bull. civ.1991, V, n°492.

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qualité d’agriculteur195. Il suffit qu’une partie n’ait pas cette qualité pour que le régime de l’entraide ne s’applique pas196. Selon cette logique, lorsque les deux protagonistes n’ont pas la qualité d’agriculteurs, ces derniers ne peuvent être liés par une convention d’entraide197. Cependant, l’agriculteur peut être pluriactif et ne pas exercer son activité agricole à titre unique. Le problème peut alors se poser quand il rend service à un autre agriculteur et qu’il se blesse. Que faut-il faire primer : le contrat de travail non agricole ou la qualité d’exploitant ? Dans ce cas, il convient de déterminer si le régime de l’entraide s’applique alors que l’exploitant assure une autre activité non agricole. À ce sujet, les tribunaux ont précisé que l’entraide agricole peut être utilisée même si l’activité agricole n’est pas l’activité principale ou exclusive de l’agriculteur. Le bénéficiaire ou le prestataire de l’entraide qui est victime d’un accident lors de l’échange de services sera soumis à la législation des articles L. 325-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime198.

Quant à l’agriculteur retraité, il est également légitime de se demander quelle est sa couverture sociale en matière d’accident alors qu’il rend service à un autre agriculteur. Dans ce cas, la jurisprudence a fait preuve de souplesse199. Cette dernière applique le régime de l’entraide à l’agriculteur retraité victime d’un accident, à la condition qu’il ait gardé une activité sur ses terres afin de pouvoir procéder à un échange de services entre agriculteurs200. Toutefois, cette protection de l’agriculteur retraité par la législation des accidents du travail au moyen de la notion d’entraide ne l’oblige pas à s’assurer contre le risque professionnel. En effet, la loi du 30 novembre 2001, portant création de l’ATEXA et promouvant une meilleure protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles des non-salariés agricoles, dispense ces derniers d’une obligation d’assurance lorsqu’ils deviennent retraités201.

Il convient également de se demander si l’agriculteur qui a bénéficié d’un service de la part d’un collègue doit rendre personnellement ce service ou s’il peut le déléguer à une tierce personne, à son ouvrier par exemple, son aide familiale ou un membre quelconque de sa famille. L’article L.352-3, alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime répond sans ambiguïté à cette interrogation, en disposant que « le prestataire reste responsable des

195

Soc., 25 janvier 1990, n°25-15.512, Bull. civ. 1990, V, n°33, 1er arrêt.

196 Soc., 28 mars 1973, n°71-12-443, Bull. civ. 1973, V, n°117.

197 CA de Rennes, 7e ch., 24 nov. 1999, JurisData n°199-110136.

198

Soc., 5 nov. 1999, JurisData n°1999-003965 ; Revue de droit rural, 2002, p. 358.

199 PH. CASSON, actualisé par D. KRAJESKI, « Entraide en agriculture », JurisClasseur, fascicule unique du 17 juin 2014, dernière mise à jour.

200 Soc., 25 janvier 1990, JurisData n°1990-700283, Bull. civ. 1990, V, n°33, 2e arrêt.

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accidents du travail survenus à lui-même ou aux membres de sa famille, ou à toute personne considérée légalement comme aide familiale, ou à ses ouvriers agricoles ». Il résulte de cet article que l’agriculteur peut mettre à disposition son salarié au profit d’un acte d’entraide202. La jurisprudence a également retenu, de façon constante et non discutable, la possibilité d’envoyer l’aide familiale du prestataire de service accomplir la mission d’entraide. Il en va de même pour les membres de la famille de l’exploitant203. Sur ce dernier point, la Haute Cour a été amenée à préciser que les membres de la famille de l’agriculteur demeurent effectivement soumis au régime de l’entraide si sa prestation de service est caractérisée comme telle ; il n’est pas nécessaire de déterminer si cette personne travaille ou non sur l’exploitation familiale204. L’entraide appliquée à des personnes qui ne sont pas des agriculteurs a amené la doctrine à s’interroger sur la notion d’agriculteur205. Selon C. GUYOT-CHAVANON, cette dernière est « diluée au profit de la réciprocité potentielle et probable. L’agriculteur n’est plus entendu comme personne physique stricto sensu, mais comme une entité économique dans laquelle prennent part divers acteurs qui lui sont rattachés par un lien familial ou de subordination juridique. Le critère de l’application du régime de l’entraide est moins l’agriculteur ici, que l’exploitation agricole et ses attributs, c’est-à-dire son outillage et sa force de travail représentés au premier chef par l’exploitant agricole, et ensuite par sa famille et ses ouvriers206 ». Toutefois, selon Ph. CASSON, cette conception de la notion d’agriculture a été discutée par la doctrine207. L’article L.311-2 du Code rural et de la pêche maritime dispose que « toute personne physique ou morale exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de l’article L.311-1 » peut s’inscrire au registre de l’agriculture et donc être reconnue comme relevant du domaine agricole. Cette définition du Code rural signifierait stricto sensu que seules les personnes qui ont une réelle activité sur l’exploitation pourraient bénéficier du régime de l’entraide. Cela écarterait les membres de la famille qui n’auraient pas une véritable activité agricole sur l’exploitation208. Fort heureusement, la jurisprudence n’a pas retenu cette interprétation de la conception de l’entraide afin de protéger les intervenants en cas d’accidents du travail et de consacrer une pratique agricole au-delà d’une conception juridique. La souplesse prétorienne fait que toutes

202 Soc., 3 mai 1974, n°73-12-789, Bull. civ. 1974, V, n°271.

203

Soc., 5 nov. 1999, n° 97-12.782, JurisData n°1999-003965.

204 Soc., 25 janvier 1990, n°85-15-512, Bull. civ. 1990, V, n°33, 1er arrêt.

205 Ph. CASSON,« Entraide en agriculture », op. cit.

206

C. GUYOT-CHENAVON, L’entraide en droit privé, thèse de droit, Bordeaux IV, sous la direction de J. AUSER, 2003, n° 4, p. 17.

207 Ph. CASSON, « Entraide en agriculture », op. cit.

208 I. COUTURIER, «L’entraide, spécificité juridique en agriculture », Acte et communications, n°18, 2001, 95, spéc. p.104.

les personnes susceptibles de s’aider dans le cadre des travaux agricoles peuvent bénéficier du régime de l’entraide et ne pas être lésées en cas d’accident du travail. Encore faut-il que le service rendu soit gratuit et réciproque.

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