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Le fondement de la reconnaissance

LA DÉTERMINATION DE LA PRISE EN CHARGE DU SALARIÉ AGRICOLE EN CAS D’ACCIDENT DU TRAVAIL

Paragraphe 1. Le fondement de la reconnaissance

Il y a plusieurs manières de rattacher l’accident à l’activité : apporter la preuve du lien de causalité entre l’accident et l’activité professionnelle, mettre en avant la présomption d’imputabilité ou utiliser un système hybride entre ces deux modes de reconnaissance. Les fondements possibles de la reconnaissance de l’accident du travail sont au nombre de trois, bien que le pouvoir réglementaire et les pratiques jurisprudentielles en réduisent les différences88 en s’alignant sur un même fondement, celui du régime général, qui est basé sur l’imputabilité comme base de reconnaissance de l’accident professionnel. Le régime agricole, quant à lui, se calque sur le régime général qui devient le régime de référence. Parmi les fondements possibles de la reconnaissance (A), le fondement adopté est celui de l’imputabilité (B).

A. Les fondements possibles de la reconnaissance

Les fondements de la reconnaissance sont de plusieurs ordres. Le régime des fonctionnaires et des militaires ne facilite pas la reconnaissance de l’accident du travail car le fondement de cette dernière repose sur le lien de causalité. En effet, il appartient à ces deux catégories

88 K. PALERMO, thèse, op. cit., p. 105.

d’agents de l’État d’apporter la preuve que l’accident est bien en relation avec leur activité. Si ce type de fondement de la reconnaissance avait été appliqué à l’agriculteur, celui-ci aurait éprouvé des difficultés pour se faire indemniser et soigner dans le cadre d’un accident du travail.

Cependant, les agents ont vu les règles de reconnaissance évoluer vers l’imputabilité. Cette dernière a été introduite progressivement au sein de chaque corps89 de la fonction publique, en s’étalant dans un temps plus ou moins long.

Outre le fondement de la causalité, il existe celui de l’imputabilité, qui est le fondement de la reconnaissance le plus protecteur pour le salarié. Les salariés du régime général du commerce et de l’industrie bénéficient de ce système très protecteur bien qu’initialement basé sur la causalité. Il a fallu attendre la loi du 9 avril 189890 pour que le fondement du système de reconnaissance soit revu pour, finalement, reposer sur l’imputabilité.

Certains régimes sont hybrides et empruntent des éléments aux deux systèmes. C’est la situation dans laquelle se trouvent les ouvriers et les non-titulaires de l’État, ainsi que les agents d’EDF GDF devenu depuis peu EDF ENGIE. Leur régime est celui de la présomption d’imputabilité pour la reconnaissance et est apparenté à celui des agents fonctionnaires de l’État pour l’indemnisation.

Comme le souligne Karine PALERMO dans sa thèse, les spécificités des différents régimes tendent à s’estomper sous l’impulsion du pouvoir réglementaire et de la jurisprudence, en regardant vers le régime de référence qui est celui de la CPAM.

Le régime agricole, quant à lui, a adopté la présomption d’imputabilité qui a fait ses preuves depuis la loi de 1898, et qui est manifestement le système le plus avantageux et le plus protecteur pour les salariés agricoles comme pour les salariés du régime du commerce et de l’industrie.

B. Le fondement adopté : l’imputabilité

Le régime agricole, à l’instar du régime général des salariés de l’industrie et du commerce, dispose d’une présomption d’imputabilité concernant les accidents du travail. Ce système de rattachement du lien de l’accident à l’activité professionnelle est une véritable avancée sociale, en matière d’accident du travail, pour les victimes. La présomption est la meilleure

89Ibid.

90 Ibid.

façon de faciliter les modes de preuve pour le salarié, en imposant que tout accident qui se produit sur le lieu de travail et pendant le temps de travail sera considéré, en principe, comme un accident du travail.

Ainsi, à chaque fois qu’il a un accident du travail, le salarié agricole n’a pas à prouver à la caisse de mutualité sociale agricole et à son employeur que l’accident a bien eu lieu pendant son temps de travail et sur son lieu de travail.

Toutefois, cette présomption est une présomption simple, qui n’est pas irréfragable, car la preuve du contraire peut être apportée par l’employeur ou par la caisse de MSA. L’employeur agricole a tout intérêt à lever la présomption afin de démontrer que l’accident n’est pas un accident du travail mais plutôt de la vie privée, afin de ne pas subir une majoration de ses cotisations sociales.

Cette majoration prévue par le législateur n’est pas anodine, et elle a un double sens. Sa fonction première est d’inciter l’employeur agricole à mettre en place une véritable prévention concernant les accidents susceptibles de se produire sur le lieu de travail. Ensuite, elle va permettre le financement du paiement des prestations sociales par les caisses de MSA.

De plus, l’employeur a tout intérêt à contester le caractère professionnel de l’accident car, dans certains cas, il peut se retrouver dans l’obligation de rembourser à la caisse de MSA les sommes que cette dernière aurait versées à la victime. C’est, par exemple, le cas de l’employeur agricole accusant un retard de règlement de ses cotisations accident du travail ou qui ne les a pas réglées en totalité alors qu’il les devait pour le personnel qu’il emploie91.

À l’instar des employeurs agricoles, les caisses de mutualité sociale agricole ont également la possibilité de renverser la présomption d’imputabilité en démontrant le caractère privé et non professionnel de l’accident, ce qui a une incidence importante sur le montant des prestations servies par les caisses à la victime. Les modalités de prise en charge seront analysées ultérieurement.

Cependant, il n’en a pas toujours été ainsi ; la notion d’imputabilité a été gagnée laborieusement, et semble être une belle victoire pour les salariés du régime général et du régime agricole.

En effet, avant la législation sur les accidents du travail, la réparation des accidents liés à l’activité professionnelle s’effectuait sur la base du Code civil. La victime se trouvait, alors, dans une situation difficile car en plus de l’atteinte à sa santé et de la diminution de sa capacité à subvenir à ses besoins par un travail, elle était contrainte d’établir la preuve de la faute de son employeur ainsi que du lien de causalité entre la faute et le dommage, afin que l’accident soit reconnu comme accident du travail. Elle était soumise aux règles de base de la responsabilité civile.

En plus de la lenteur connue de la procédure devant les tribunaux, la victime accidentée était placée incontestablement dans une situation inégalitaire face à son « patron ». En effet, quand elle devait se protéger, ses moyens de défense n’étaient manifestement pas à la hauteur face à l’employeur agricole. En réalité, au moment du vote de la loi de 1898, il était constaté que 88% des accidents du travail restaient à la charge des travailleurs92.

Avec le vote de la loi de 1898 sur les accidents du travail, tout le monde s’accorde pour dire que l’avancée sociale est sans précédent car elle change radicalement le fondement de la responsabilité et les modes de preuve, en créant une véritable responsabilité sans faute de l’employeur. Ce dernier est donc pécuniairement responsable de plein droit des accidents survenus à son salarié, pendant ses heures de travail et sur son lieu de travail.

Les avantages pour le salarié agricole sont certains. En premier lieu, la présomption d’imputabilité lui permet d’éviter les lenteurs et les aléas d’un procès civil. Cette absence de démonstration du lien de causalité entre l’état pathologique de la victime et l’activité professionnelle est sans précédent car elle décharge le salarié de l’obligation de preuve93 et lui octroie une obligation d’indemnisation94. Cependant, les employeurs agricoles comme les employeurs du régime général bénéficient d’une contrepartie non négligeable. La victime et ses ayants droit n’ont pas la possibilité d’intenter un procès à l’employeur afin d’obtenir une réparation du préjudice. Toutefois, ce principe n’est pas absolu car il comporte des exceptions : la faute inexcusable de l’employeur et la faute intentionnelle permettent l’action

92

Rapport de la Cour des comptes, « La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles », février 2002, p. 11.

93 R. PELLET, « L’entreprise et la fin du régime des accidents du travail et des maladies professionnelles »,

Droit social, avril 2006, p. 402.

94

de la victime devant les tribunaux. Ce procédé, qui permet une réparation rapide des accidents du travail, a été qualifié de « deal en béton » par M. Jean-Jacques DUPEYROUX95.

C’est la loi du 30 octobre 194696 qui a introduit la législation de 1898 dans le Code de la sécurité sociale. Les salariés agricoles, qui représentent plus d’un million de protégés sociaux couverts, ont dû attendre la loi de 197297.

La reconnaissance de l’accident du travail emporte aussi un certain nombre de conséquences qu’il convient d’expliciter.

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