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L’assurance complémentaire obligatoire en faveur des salariés agricoles

L’INDEMNISATION EN NATURE DU PRÉJUDICE

Section 2. L’assurance complémentaire obligatoire en faveur des salariés agricoles

Depuis le 1er janvier 2016541, le législateur a imposé à tous les employeurs du secteur privé, les agriculteurs y compris, de souscrire une complémentaire santé pour leur personnel, pendant le temps de leur contrat de travail. La généralisation de la complémentaire santé

541 L’article 34, dans son dispositif de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 (LFSS), a instauré l’obligation pour l’employeur de souscrire une complémentaire santé obligatoire pour le remboursement des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

impose à l’employeur de participer à 50% de son financement par personne, sur un panier minimum de soins. Cette loi constitue une amélioration indiscutable de la condition des assurés sociaux et donc des accidentés de la vie. Le ticket modérateur, le forfait hospitalier, par exemple, pourront être remboursés. Toutefois, certains frais tels que les dépassements d’honoraires et les actes non remboursables dépendront du niveau de garantie prévue par la mutuelle employeur. Plus la complémentaire couvre un maximum de frais, plus son montant mensuel est élevé. L’employeur reste dans la perspective d’offrir à ses salariés des contrats avec un remboursement a minima.

En outre, les participations forfaitaires et les franchises médicales ne sont pas remboursées par les mutuelles et, dès lors, l’accidenté doit en supporter la charge à l’instar des accidentés du travail. Cependant, s’il existe un responsable, ce dernier pourra en supporter les conséquences. C’est l’hypothèse d’un accident de la circulation, d’un accident médical ou du fait des produits défectueux. Dans ces cas, une prise en charge des soins non remboursés ainsi que des franchises et des participations forfaitaires pourra être imputée au responsable qui est à l’origine du fait dommageable et donc de l’atteinte corporelle.

La loi du 1er janvier 2016542 est une bonne innovation, mais il subsiste des dysfonctionnements, notamment en ce qui concerne les saisonniers en agriculture, car ils sont souvent bénéficiaires de contrats de travail courts. Cette loi de financement, dans le dispositif III de son article 34, a prévu qu’un décret sera pris afin de fixer la liste des salariés qui pourront être dispensés, sur leur demande, d’une obligation de souscription à cette couverture complémentaire. L’exonération de l’adhésion à la mutuelle santé peut être de deux ordres. Elle peut être due soit à la nature ou aux caractéristiques du contrat de travail, soit au fait que le salarié bénéficie d’une assurance complémentaire par ailleurs. L’obtention d’une couverture par la CMU-C constitue également un motif de dispense.

La mesure du 1er janvier 2016 a été mise en place par le décret n°2015-1883543. Toutefois, il comporte des lacunes car il n’a pas envisagé la situation des travailleurs saisonniers qui sont prépondérants dans l’activité agricole, celle-ci suivant le rythme des saisons et des productions. Le contrat de travail risque d’être en effet de courte durée alors que le délai des enregistrements des mutuelles est souvent long, de sorte que l’ouvrier peut avoir fini son contrat alors même que les droits de sa mutuelle n’ont pas été enregistrés par l’organisme

542Ibid.

543 Décret n°2015-1883 du 30 décembre 2015 pris pour l’application de l’article 34 de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

complémentaire. Ainsi, il n’est pas rare que des cartes de complémentaires soient délivrées alors que l’agriculteur a déjà quitté l’entreprise.

Les modes de gestion pour les organismes de protection sociale sont longs et compliqués car les caisses de mutualité sociale agricole gèrent les contrats complémentaires pour le compte de ces mutuelles. Il n’est pas rare que les organismes peinent à récupérer des cartes déjà délivrées ou même que des soins en complémentaire soient réglés alors que le salarié est déjà sorti de l’entreprise. Ces dysfonctionnements sont dus aux contrats, qui sont souvent courts, et aux délais de gestion des complémentaires, souvent incompressibles. Les « difficultés de la mise en œuvre de la complémentaire santé obligatoire pour les travailleurs saisonniers agricoles »544 ont été relevées par plusieurs députés au ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

Le ministère des Affaires sociales et de la Santé a répondu à ces préoccupations545. Pour lui, le versement santé pour les salariés en contrat de travail précaire, c’est-à-dire inférieur à trois mois ou comportant 15 heures de travail par semaine, est une bonne alternative à l’assurance complémentaire obligatoire. En effet, la rétribution prend la forme d’une aide à la santé que l’employeur verse mensuellement à son salarié qui justifie d’une adhésion à une mutuelle, durant son contrat de travail.

Pour que le travailleur puisse en bénéficier, la mise en place du versement santé doit être prévue par un accord de branche ou un accord collectif d’entreprise, ou encore par une décision unilatérale de l’employeur.

Au final, cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2016546 était censée sécuriser l’emploi et le parcours professionnel des salariés et notamment des salariés agricoles. Cependant, son objectif est incohérent : l’obligation d’avoir une mutuelle ne peut pas à elle seule constituer une sécurisation de l’emploi. Toutefois, elle est un bon complément à la protection sociale car elle permet un meilleur remboursement des soins, notamment en cas d’accident non professionnel.

Une autre faiblesse de la loi est qu’elle ne concerne que les salariés actifs et non pas les non- salariés agricoles et les inactifs. Si elle n’était pas sélective, une grande partie de la population

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Question écrite n°20259 de M. Henri CABANEL, socialiste et républicain, publiée dans le JO Sénat du 25/02/2016.

545 Il a notamment répondu à la question de M. CABANEL, par une réponse publiée dans le JO Sénat du 09/06/2016, p. 2514.

546 Ibid.

serait obligée d’avoir une complémentaire santé, quel que soit son statut, et les soins seraient pris en charge de façon optimale pour les personnes victimes d’accidents ou de maladies.

Par rapport à cette suggestion, des questions financières sont à prendre en compte concernant le financement de cette mutuelle pour les personnes à faible revenu. Il est bien sûr évident qu’une telle exigence serait irréaliste pour des individus qui n’ont pas les ressources financières suffisantes à cet effet. Toutefois, le dispositif de la CMU-C ou de l’ACS serait une bonne alternative pour les particuliers ayant de petites ressources. La collectivité prendrait en charge le montant ou une partie du montant des frais de cotisation par ses dispositifs.

Les assurés possédant une rémunération acceptable pourraient financer d’eux-mêmes leur mutuelle. Les employeurs pourraient continuer à participer par le biais du versement de santé ou par une participation à l’obligation de souscrire une mutuelle au sens de la loi du 21 décembre 2015. Ainsi, tous les assurés sociaux auraient des remboursements optimisés, notamment en cas d’accident.

En ce sens, certaines caisses de MSA traitent des listings RSA créés à partir de requêtes du service des prestations familiales de ces mêmes caisses. L’objectif est d’inviter les assurés bénéficiaires du revenu de solidarité active à constituer un dossier de CMU-C. Ce travail est fait mensuellement, souvent par le service de CMU-C. Cependant, le mode de gestion est lacunaire. En effet, les organismes sociaux n’ont pas toujours la disponibilité et le personnel nécessaire pour gérer ces requêtes qui deviennent peu prioritaires face au nombre de demandes à traiter par des services en sous-effectif, comme déjà évoqué. La priorité devient la gestion des dossiers en attente de liquidation et non l’invitation des populations fragiles à solliciter uneCMU-C/ACS. La législation prévoit qu’une demande non traitée dans les deux mois qui suit sa réception constitue un accord d’office. Les caisses sont plus soucieuses de gérer ces dossiers que de promouvoir la CMU-C. En outre, les délais de traitement constituent l’un des indicateurs COG547 qui jouent lors des classements des caisses. De celui-ci dépend le montant des primes d’intéressement versées annuellement aux salariés et généreusement aux directeurs de caisses. L’objectif et les enjeux financiers guident les priorités de traitement.

De plus, lors de la gestion des demandes, les bénéficiaires du RSA socle doivent disposer de la CMU-C d’entrée, sans qu’aucune étude de ressource ne soit faite, à la condition, cependant, qu’un dossier soit déposé. Or, les courriers des caisses envoyés aux assurés bénéficiaires du RSA les invitent à faire une demande en se rapprochant d’une permanence de MSA ou en se

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connectant sur le site www.cmu.fr. Mais, ce n’est pas une démarche judicieuse, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la population est composée de personnes en grande précarité qui n’ont souvent pas les moyens financiers d’imprimer un dossier de huit pages car elles ne possèdent peut-être pas d’imprimante. Ensuite, certains agriculteurs tels que les bergers, par exemple, n’ont pas la possibilité de se rendre facilement dans une administration car ils vivent loin d’un espace urbain.

Pour finir, entre le moment où ils reçoivent l’invitation à faire leur demande de CMU-C et celui où ils la constituent, il se peut qu’ils ne soient plus bénéficiaires du RSA socle. Il faudra donc entreprendre l’étude du droit à la couverture maladie universelle complémentaire à partir des ressources sur 12 mois avant la date de signature du dossier de CMU-C. Il conviendra de leur envoyer un formulaire daté du mois où ils sont détenteurs du droit au RSAà partir d’une requête mensuelle programmée par la caisse de mutualité sociale agricole. Les assurés n’auront plus qu’à compléter et signer leur demande. Au retour du dossier, le technicien pourra déterminer les droits à la CMU-C à partir de la date de la demande, lesquels sont également ceux du mois de l’obtention du RSA socle. Ainsi, l’accidenté pourra se soigner en toute quiétude, sans se soucier de ses frais de santé.

Une autre solution est également envisageable afin d’optimiser la gestion de l’obtention de la CMU-C aux bénéficiaires du RSA. Les caisses de mutualité sociale agricole ont l’avantage d’être un « guichet unique», c’est-à-dire que toutes les prestations sont gérées en leur sein. Dès lors, il serait judicieux que le dossier de couverture maladie universelle complémentaire soit couplé avec la demande de RSA. Ainsi, dès que celui-ci serait obtenu, la CMU-C suivrait. Cela implique que cette dernière prérogative soit traitée par le service prestations familiales et non par le service santé, comme il est d’usage dans certaines caisses de MSA. Si une telle procédure était adoptée, les assurés du régime agricole dont les prestations familiales sont versées par les MSA, et ceux qui ne sont pas affiliés à la MSA, verraient leur situation traitée de manière différente. Les premiers seraient nettement avantagés par rapport aux seconds, car ils obtiendraient la CMU-C de manière plus rapide. En outre, ils pourraient se soigner plus facilement. Cette procédure serait favorable à l’agriculteur victime d’un dommage consécutif à un accident.

Toutefois, afin que tous les assurés sociaux soient dans une position égale, il faudrait que les caisses d’allocations familiales puissent envoyer à l’organisme de protection sociale une copie du dossier CMU-C/ACS/RSA. Ce dernier se composerait de la copie de la notification de

l’accord RSA. Il permettrait aux organismes de protection sociale d’accorder plus rapidement la couverture maladie universelle complémentaire aux assurés bénéficiaires du revenu de solidarité active. Les délais de traitements en seraient améliorés et la gestion du service CMU-C allégée. CMU-Comme il a été indiqué plus haut, il n’est pas rare que les services gérant cette législation aient des délais de traitements supérieurs à deux mois, ce qui permet aux assurés d’obtenir un droit automatiquement. Toutefois, ce mode de traitement pourrait alourdir le « trou » de la sécurité sociale. En effet, certains assurés pourraient acquérir un droit auquel ils ne pourraient normalement pas prétendre, simplement parce que le délai de traitement des caisses de protection sociale est trop long. La réglementation prévoit que si la caisse ne statue pas dans les deux mois à compter de la réception de la requête, le droit devient alors automatique. La MSA Alpes-Vaucluse, qui est une caisse bien notée, a eu recours à la procédure d’accord d’office en 2012, 2016 et 2017. Les agents n’arrivaient pas à faire face au grand nombre de dossiers entrants.

Regrouper les demandes de CMU-C/ACS et RSA en un seul dossier serait une procédure efficiente. L’instruction des dossiers de RSA permettrait au service des prestations familiales d’informer directement les caisses de MSA concernant le droit au RSA. Ces dernières n’auraient plus qu’à notifier le droit à la CMU-C. Cette gestionaurait deux avantages : faire face au travail croissant des personnels en sous-effectif dans les caisses de MSA et réduire le nombre de dossiers à instruire. En outre, les assurés pourraient obtenir plus rapidement et plus sûrement leur droit à la CMU-C. Nombreux sont ceux qui n’en font pas la demande, soit par ignorance, soit par gêne, car être titulaire de la CMU-C est péjoratif dans l’esprit de certaines personnes, et surtout dans celui des exploitants qui se sentent atteints dans leur fierté alors que leurs ancêtres vivaient de leur travail et de leur production. L’accidenté pourra se soigner sans restreindre ses soins pour des motifs financiers. Il n’est pas rare de voir des personnes faire l’économie de séances de kinésithérapie, par exemple, ou retarder les consultations médicales.

Un renouvellement systématique de la CMU-C serait également envisageable, à l’instar des bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé qui profitent automatiquement de cette aide sous certaines conditions. Un tel avantage serait attribué aux assurés dès lors qu’ils sont déjà bénéficiaires de la CMU-C et du RSA au mois de l’échéance de ce droit. Une telle procédure facilite et accélère l’attribution du droit à la couverture maladie universelle complémentaire pour une population en situation de précarité. En conséquence, si une telle personne est victime d’un accident non professionnel, elle ne sera pas freinée dans l’accès aux soins.

Les titulaires de l’ACS ont connu également une révision de leur situation afin d’optimiser l’accès aux soins face à une population vieillissante. Le renouvellement automatique de l’aide va également améliorer la situation des assurés contraints de se soigner, et accélérer la procédure d’instruction. Dès lors, l’assuré n’aura pas à déposer une demande, et le technicien devra accorder automatiquement l’aide sans procéder à une étude de ressources. Les seules conditions seraient que les personnes soient déjà porteuses de l’aide. Le droit doit être un renouvellement et non une première demande, et les bénéficiaires doivent être titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, FSV, FNS). Ces prérogatives, qui doivent permettre à la société de s’adapter au vieillissement de la population, facilitent l’accès à une complémentaire santé et donc à une protection améliorée en cas d’accident.

Outre les indemnisations en nature, il existe aussi des prestations versées en espèces qui, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant, ne sont pas toujours égalitaires pour les assurés sociaux.

CHAPITRE II

L’INDEMNISATION EN ESPÈCES DU PRÉJUDICE, UNE

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