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L’INDEMNISATION EN ESPÈCES DU PRÉJUDICE, UNE COUVERTURE INÉGALITAIRE

Les prestations en espèces sont représentées par des indemnités journalières servies à l’assuré social afin de compenser la perte de salaire consécutive à un arrêt de travail pour cause de maladie548 ou d’accident non professionnel. En conséquence, l’agriculteur, à l’instar des autres assurés sociaux, peut prétendre à ces avantages en cas d’accident.

En revanche, le droit aux prestations en espèces de l’assurance maladie continue d’être soumis à des conditions d’affiliation au cours d’une période de référence avant l’interruption de travail, pour une certaine catégorie d’agriculteurs.

Nous constaterons que l’absence d’unité dans le traitement de l’indemnisation est principalement due à une multiplication des statuts des victimes qui créent des particularités dans la gestion de la couverture du risque de perte de rémunération pour cause de maladie découlant d’un accident non professionnel.

Les modalités de prise en charge des arrêts de travail pour cause d’accident rendent difficile la détermination de l’indemnisation, car les droits sont liés à la situation de chaque victime et à son statut personnel mais également à la convention collective qui régit la profession dans le cas où la victime serait salariée.

Ainsi, afin de statuer sur l’indemnisation d’un arrêt de travail, plusieurs cas de figure sont à prendre en compte. Les travailleurs peuvent être des salariés ou des non-salariés agricoles ; ils peuvent également être demandeurs d’emploi ou non. De chaque situation, il découle un régime particulier de l’accidenté. Ce dernier va influer sur les conditions de l’indemnisation. Cette disparité dans les traitements des demandes de dédommagement va générer des inégalités de traitement entre les personnes.

En l’absence de conventions collectives particulières, les salariés agricoles sont indemnisés, sous certaines conditions, à compter du 4e jour de leur arrêt de travail à concurrence de 50%

548 Les prestations en espèces incluent également les indemnités versées par l’assurance maternité pendant le congé légal de maternité, d’adoption, d’accueil d’un enfant ou de paternité.

de la rémunération brute de leur salaire d’activité, alors que les non-salariés agricoles549 pourront prétendre à une indemnisation journalière forfaitaire. Cette dernière est de 21,33 euros jusqu’à 28 jours d’indemnisation et de 28,44 euros à partir de 29 jours d’hospitalisation, à compter du 1er avril 2018550. Pour ces non-salariés agricoles, un délai de carence a également été instauré par le législateur, différenciant les cas d’hospitalisation en début d’arrêt de travail ou non. Dès lors, l’indemnité journalière est versée à partir du 4e jour d’hospitalisation551 alors qu’elle ne prend effet qu’à partir du 8e jour en cas de maladie ou d’accident de la vie privée. Dans tous les cas, l’exploitant agricole doit être à jour de ses cotisations d’indemnité journalière AMEXA au 1er janvier de l’année civile pendant laquelle il a eu son accident justifiant d’un arrêt de travail. À cette condition s’ajoute celle d’une obligation d’affiliation d’un an minimum à l’AMEXA.

Ainsi, comme pour les victimes d’accidents du travail, la prise en compte de la particularité de chaque individu rend la détermination de l’indemnité journalière difficile pour le technicien de la protection sociale (Section 1). La personne accidentée n’est pas traitée de manière égalitaire et les paramètres entrant en ligne de compte manquent de lisibilité. Ainsi, la complexité de la détermination des indemnités journalières au sein du régime agricole est à la fois un problème pour le technicien et pour la victime (Section 2). À l’instar des indemnités versées au titre des accidents du travail, celles servies afin de compenser la perte de revenus due à une maladie ou un accident de la vie privée posent autant de questionnements.

Section 1. La complexité de la détermination des indemnités journalières au

sein du régime agricole

Depuis la création de la sécurité sociale, la liquidation des indemnités journalières et par conséquent leur détermination se sont révélées complexes à cause d’une réglementation qui voulait prendre en compte les particularités de chaque personne et donc personnaliser l’indemnisation. Cette réglementation complexe engendre une difficulté de gestion qui peut facilement induire le technicien en erreur et conduire la victime à ne pas pouvoir apprécier le bien-fondé de l’indemnité octroyée par la caisse (Paragraphe 1). L’assuré peut donc se sentir impuissant face à un système et une réglementation qui lui échappent. Cette complexité se

549 Les chefs d’exploitations à titre principal ou exclusif, les collaborateurs d’exploitations ou d’entreprises agricoles, les aides familiaux (ou les associés d’exploitations) des chefs d’exploitations ou d’entreprises agricoles affiliés à l’Amexa.

550 Arrêté du 30 mars 2018 fixant, pour la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, le montant des indemnités journalières dues aux exploitants agricoles en cas d’arrêt de travail ; publié au JO du 8 avril 2018.

551 Dans le cadre d’une hospitalisation, la victime doit obligatoirement présenter un bulletin de situation délivré par l’établissement de soins à sa caisse de MSA.

retrouve également dans les compléments de garantie des indemnités journalières, qui sont très hétérogènes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Une législation dépourvue de clarté

La législation est malaisée à comprendre et à mettre en œuvre. Elle aboutit à une injustice pour la victime. Il faut relever que le mode de calcul est complexe et qu’il peut facilement léser le blessé. La procédure est également longue et peut aisément laisser l’accidenté dans la difficulté financière.

Tout d’abord, les conditions d’ouverture de droits aux indemnités journalières et leur reconstitution sont souvent difficiles, à l’instar de celles concernant les accidentés du travail.

Les indemnités journalières sont un revenu de remplacement auquel peut prétendre tout travailleur ou demandeur d’emploi anciennement travailleur, à la condition de répondre à certains critères d’ouverture de droits. Elles ne sont nullement un revenu universel et constituent a minima un moyen d’indemnisation de la perte de salaire. Dès lors, nous constaterons que les assurés bénéficient d’une couverture très inégalitaire. La volonté du législateur de tenir compte du particularisme de chaque individu a conduit à une rupture d’inégalité entre les assurés sociaux victimes d’accidents.

La différence se remarque au niveau des modalités de prise en charge des arrêts de travail consécutifs à l’accident et donc au titre de l’arrêt maladie (A). Les conditions d’ouverture de droits aux indemnités journalières divergent selon la catégorie du travailleur et son passé professionnel (B).

A. Les modalités différentes de prise en charge des accidentés agricoles

Au sein du régime agricole, la législation prévoit une indemnisation différente selon que la victime a un statut d’exploitant ou non. Dans le premier cas, l’indemnisation est forfaitaire tandis que dans le second, elle est indemnitaire. Alors que le non-salarié agricole ne pourra être dédommagé qu’à compter du 8e jour d’arrêt de travail en cas d’accident simple et du 4e jour en cas d’accident avec hospitalisation, le salarié, quant à lui, possède une protection qui est alignée sur celle du régime général : il ne pourra prétendre au versement de ses indemnités journalières qu’à partir du 4e jour suivant l’arrêt de travail médicalement prescrit. Ainsi, la victime non exploitante pourra percevoir une indemnité journalière égale à 50% de son salaire brut journalier de base, dans la limite de 1,8 fois le SMIC pour une durée maximale de trois

ans. Toutefois, l’indemnité journalière est plafonnée à 43,80552 euros mensuels au 1er janvier 2017553. Une critique fondamentale est apportée quant aux dates de prise en charge des indemnités journalières au titre de la maladie, et donc des accidents non professionnels. Tout d’abord, un délai de carence existe, avec des conditions différentes entre les salariés et les non-salariés. Cette situation est inacceptable car elle ne répond pas au principe d’égalité entre les assurés sociaux et se soustrait aux règles fondant la protection sociale.

Une des optiques principales de la sécurité sociale est « d’assurer à l’homme la sécurité dans l’existence et de le préserver contre la misère. La politique de la sécurité sociale vise à établir des mesures qui tendent à mettre à la disposition de l’homme les moyens qui lui sont nécessaires pour subvenir humainement à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille d’une manière telle qu’il se trouve à l’abri de la misère. Elle vise donc à créer une continuité dans la satisfaction de ces besoins, étant donné qu’à défaut de mesures appropriées, dans beaucoup de cas, cette satisfaction risque d’être compromise, tant par l’individu que pour des groupes entiers de la population554 ». Au vu de ces affirmations, il convient de constater que les modalités d’attribution des indemnités journalières ne répondent nullement à ces attentes. Les délais de carence, le plafonnement des indemnités journalières, la base de calcul de ces dernières ne permettent pas de satisfaire les nécessités de subsistance humaine de la victime et de sa famille. De plus, la faiblesse du forfait de l’indemnité journalière de l’exploitant reste critiquable. Elle ne lui permet pas, à première vue, de s’assurer une existence digne.

Cependant, il faut relever que les délais de carence peuvent être légitimement imposés en cas de maladie, afin de limiter l’absentéisme dans une entreprise. En cas d’accident, ce délai de carence n’a pas de sens car l’atteinte corporelle est la preuve de la nécessité de s’arrêter de travailler. En outre, la perception de 50% du salaire brut journalier et le plafonnement des indemnités journalières ne répondent pas à l’impératif d’un revenu de subsistance décent lors d’un arrêt de travail justifié à la suite d’une atteinte corporelle ou d’une maladie. Le revenu de remplacement octroyé est parfois si bas que certaines victimes ont recours au revenu de solidarité active afin de percevoir un complément de ressources.

Les agriculteurs ne perçoivent pas les mêmes salaires de remplacement. Pour certains, ce revenu de substitution est indemnitaire et pour d’autres, il est forfaitaire ; les victimes ne sont

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Les indemnités journalières sont soumises à la CSG pour un taux de 6,2% et à la RDS.

553 Arrêté du 5 décembre 2016, portant fixation du plafond de la sécurité sociale (PASS) pour 2017, JO du 13 décembre 2016, texte n°28.

554 Rapport sur la réforme de la sécurité sociale, ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, Bruxelles, 1951, p. 98.

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