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Les franchises médicales

LA RÉPARATION DE L’INCAPACITÉ TEMPORAIRE TOTALE

Paragraphe 2. Les franchises médicales

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008413 a instauré les franchises médicales avec pour finalité d’aider l’assurance maladie à supporter les dépenses inhérentes aux soins palliatifs, au cancer et à la maladie d’Alzheimer. Cette mesure devait faire entrer dans les caisses de la sécurité sociale 850 millions d’euros annuellement. Son champ d’application est large car il concerne différents soins, mais il reste forfaitaire car variant selon le type de

407 J.-J. DUPEYROUX nomme ainsi l’accord relatif aux accidents du travail.

408 Communiqué de presse de la FNATH du 13 juillet 2004, cité dans la thèse de K. PALERMO, op. cit.

409 M. ETIEVENT, Ambroise CROIZAT ou l’invention sociale, Ed. GAP, 1er oct. 1999, 184 pages. À travers cet ouvrage, le principe de base de la solidarité de la sécurité sociale, mis en place par Ambroise CROIZAT en 1945, est expliqué. Il ne figure, cependant, dans aucun texte de droit.

410 Sénat.fr, « Propositions de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires ».

411

K. PALERMO, thèse, op. cit., p. 320.

412 Article 52 de la loi n°2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui instaure les franchises médicales et modifie les dispositions du Code de la sécurité sociale.

413 Décret n° 2007-1937 du 26/12/2007, publié au JO du 30 décembre 2007, complété par l’article 52 de la loi de FSS 2008,

prestation. Les médicaments remboursables sont soumis à une participation de 50 centimes d’euro par boîte, les actes paramédicaux à cinquante centimes d’euro par acte, et cela, que l’acte soit unique ou associé à une série d’actes. Pour les transports, la participation s’élève à deux euros par trajet ; s’il s’agit d’un aller-retour, il faudra compter deux trajets, soit deux fois deux euros. Le transport est fréquemment utilisé pour se rendre à des séances de kinésithérapie qui sont souvent quotidiennes. Il ressort de ce constat qu’une journée de rééducation, par exemple, peut se révéler coûteuse pour l’accidenté. Le cumul des franchises médicales et des participations forfaitaires sur une journée constitue un véritable frein à l’accès aux soins pour les victimes d’accidents du travail ; elles peuvent limiter les interventions médicales afin de ne pas alourdir leur situation financière. À l’origine, la législation ne prévoyait aucune participation liée aux soins des accidentés. Bien au contraire, elle valorisait la gratuité des soins ; pour cela, la victime recevait une feuille d’accident du travail la dispensant de toute avance de frais médicaux pour qu’elle puisse se soigner sans difficulté. Force est de constater que l’instauration de ces franchises pour les accidentés du travail ne respecte pas l’esprit de la loi du 9 avril 1898.

Cependant, le législateur a fixé des limites aux prélèvements des participations sur ces prestations en posant tout d’abord le principe que la franchise ne peut jamais être supérieure au montant du remboursement. Par exemple, dans le cas d’un médicament à deux euros et pris en charge sur la base d’une vignette orange remboursable sur une base de 15%, soit 0,30 euro, le prélèvement de la franchise ne pourra être que de 0,30 centime et non pas de 0,50 centime. Ensuite, comme pour les forfaits d’un euro, un plafond journalier et annuel a été établi afin de ne pas pénaliser les assurés.

Les médicaments ne bénéficient pas d’une limite journalière. Toutefois, les actes paramédicaux sont plafonnés à deux euros par jour, c’est-à-dire quatre actes et quatre euros pour les transports, soit deux trajets. Quant au plafond annuel, il est de cinquante euros sur ces trois prestations visées par les franchises : médicaments, actes paramédicaux et transports.

Les personnes concernées par ces dispositifs sont pratiquement les mêmes que celles visées par la législation sur les participations forfaitaires, c’est-à-dire toute personne de dix-huit ans et plus, hormis les bénéficiaires de la CMU-C, les femmes enceintes (tel que précisé dans le cadre des participations forfaitaires d’un euro), et les ayants droit ayant atteint leur majorité entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année civile de référence. Dans ce dernier cas, la franchise ne leur sera applicable qu’à compter du 1er janvier de l’année suivante. Cependant,

s’ils deviennent ouvrants droit et ont plus de seize ans, ils sont alors considérés comme des assurés majeurs ; ils devront donc s’acquitter des franchises.

Le législateur ne distingue pas les risques qui ont conduit l’assuré à avoir recours aux soins. Ainsi, les accidentés du travail, qu’ils relèvent du régime général ou du régime agricole, qu’ils soient des salariés agricoles ou des non-salariés agricoles, sont concernés par l’application de la franchise en cas de soins effectués dans le cadre des accidents du travail. Cette absence de distinction et d’exonération des franchises médicales pour les victimes est une véritable entrave à l’accès aux soins. Dès l’annonce de cette participation des malades, sans distinction de leur pathologie, les assurés ont entamé une grève des soins414. L’ANDEVA415 et la FNATH416 ont essayé en vain de contester juridiquement cette législation sur les franchises médicales en déposant un recours devant le Conseil d’État417 au motif que le décret en question porterait atteinte à l’accès aux soins. Fortes de la décision du Conseil constitutionnel du 13 décembre 2007, qui demandait que les franchises médicales ne constituent pas une entrave à l’accès aux soins du fait de leur montant, et ce, conformément au préambule de la Constitution de 1946, dans son onzième alinéa, l’ANDEVA et la FNATH ont appelé le Conseil d’État à constater que l’effort imposé aux assurés ne respectait pas la réserve émise par le Conseil constitutionnel en date du 13 décembre 2007. En effet, le montant des franchises fixées par décret, cumulé aux autres dispositifs mis à la charge des malades, tels que les participations forfaitaires d’un euro, le forfait hospitalier, la participation de 18 euros sur certains actes, impliquait un énorme effort financier pour certaines personnes démunies et pouvait constituer un obstacle insurmontable à l’accès aux soins.

Cette législation touche les accidentés du travail d’une façon injuste, à double titre. Tout d’abord, ils n’ont jamais fait partie des personnes exonérées des participations aux soins, telles que les bénéficiaires de la CMU-C, les femmes enceintes et les mineurs. Il est vraisemblable que les bénéficiaires de la CMU-C ont obtenu ce droit à la suite d’une étude de ressources qui a prouvé des revenus inférieurs à un certain plafond fixé par les pouvoirs publics. L’exonération desfemmes enceintes a sûrement un lien avec leur effort de relance de la natalité, et celle des mineurs a sans doute pour objectif de ne pas surcharger financièrement la personne qui en est responsable. Cependant, les accidentés du travail sont sous la

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Le figaro.fr, « Franchises : plusieurs malades en grève des soins », par S. LAURENT, mis en ligne le 18 janvier 2008.

415 Association nationale de défense des victimes de l’amiante.

416 Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés.

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gouvernance du « deal de 1898418» ; alors, pourquoi le législateur ne le respecte-t-il pas et ne donne-t-il aucune contrepartie en échange ? Les assurés couverts par la législation sur les accidents du travail devraient être exonérés des franchises et participations forfaitaires, à l’instar des assurés sociaux précités. Ensuite, les victimes d’accidents du travail sont désavantagées par rapport aux autres personnes atteintes d’un dommage corporel ou psychologique qui, elles, peuvent demander la réparation de leur entier préjudice et voir les franchises médicales prises en charge par l’auteur du dommage, au même titre que les participations forfaitaires d’un euro ou autres dépenses restées à leur charge du fait de l’accident. Sans oublier que les victimes de certaines maladies professionnelles, telle l’amiante, n’ont aucune franchise à leur charge. Il serait juste de repenser ce dispositif qui pèse sur les personnes accidentées du travail et de l’aligner sur les prises en charge des victimes d’atteintes corporelles et de l’amiante.

Par ailleurs, le principe de gratuité est manifestement menacé par une augmentation de la participation aux frais liés aux soins.

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