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Le caractère transdisciplinaire du Supply Chain Management

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 31-36)

Le terme Supply Chain Management a été vraisemblablement introduit en 1982 (Oliver et Webber, 1982). Il a été repris depuis par un certain nombre d'auteurs qui font émerger un nouveau courant de recherche et par un certain nombre d'industriels et de praticiens qui regroupent sous ce terme un certain nombre de "bonnes pratiques logistiques inter-entreprises et inter-fonctionnelles" (Fawcett et Magnan, 2002). Plusieurs auteurs présentent un état de l'art sur le Supply Chain Management dans la littérature (Croom et al., 2000 ; Tan, 2001 ; Saada et al., 2002 ; Power, 2005). De ces revues de la littérature, deux approches du SCM émergent :

♦ la première approche décrit le SCM comme l'ensemble des outils, méthodes et concepts permettant de manager la Supply Chain ;

♦ la deuxième approche décrit le SCM comme une démarche permettant de transformer des organisations fonctionnelles centrées produits et profits locaux des firmes en une organisation unique de type Supply Chain centrée satisfaction client et performance collective.

Ces deux approches nous semblent complémentaires : en effet, dans une perspective dynamique, il nous paraît évident qu'il est nécessaire d'adapter l'entreprise à une organisation de type Supply Chain avant d'envisager dans un second temps le management de cette dernière.

Trois grands modèles du Supply Chain Management cumulent ces deux aspects dans leur démarche. Nous avons choisi de présenter ces trois modèles du SCM issus d'auteurs et d'approches scientifiques différentes. En effet, les approches décrites dans cette section sont les seules qui ne se limitent pas à un seul domaine académique, mais admettent la nécessité d'intégrer explicitement dans leur approche les apports de domaine qui ne sont pas au cœur de leurs compétences. Les deux premières approches que nous avons choisies et qui sont : (i) celle issue de Supply Chain 2000 (Bowersox et al., 1999) et (ii) celle issue de (Lambert et al., 1998), sont le fruit d'une réflexion académique managériale ; tandis que la dernière approche (iii) avec la maison du Supply Chain Management (Stadtler et Kilger 2001 ; Stadtler, 2005) est issue de la Recherche Opérationnelle et centrée résolution de problèmes. Nous présentons les fondements de l'approche SCM, puis les caractéristiques de chaque modèle retenu et montrons ensuite que les approches se réclamant du SCM doivent avoir un caractère transdisciplinaire qui dépasse le cadre académique de la logistique.

3.1. Les fondements du SCM

Selon (Christopher, 1992) c'est le modèle des 4 P, ou mix-marketing (Prix, Produit, Promotion, et Place (approvisionnement des canaux de distribution)) qui explique l'émergence du SCM : les trois premiers aspects du mix relèvent de la fonction marketing tandis que le quatrième élément dépend de l'activité logistique. (Samii, 2001) construit son raisonnement sur une démarche SCM à partir de (Christopher, 1992, 1997, 1998 et 1999). Selon lui, le SCM conduit à l'intégration des mix logistique et marketing (figure 19) entre organisations de la Supply Chain. Les variables du mix logistique (place, transport, entreposage, commandes et approvisionnement, niveau de stocks et production) (figure 19) doivent être reliées et orientées satisfaction client.

Pour parvenir à la mise en place d'une logistique au service du client, l'entreprise doit intégrer une démarche SCM (Christopher, 1997) et modifier son organisation selon quatre points :

♦ l'entreprise doit passer d'une organisation fonctionnelle à une logistique organisée par processus, alignée sur les exigences du client ;

♦ l'entreprise doit intégrer une dimension de performance collective et non de profit individuel pour tous les intervenants ; l'évaluation du SCM se fait dès lors sous la forme d'évaluation financière et non financière, transmise à tous les partenaires ;

♦ l'entreprise doit transformer la gestion des produits en une gestion des clients : la satisfaction du client doit être l'objectif ultime de toute organisation commerciale ;

♦ l'entreprise doit rechercher systématiquement des relations de type gagnant/gagnant avec les fournisseurs.

(Christopher, 1999) définit ainsi le SCM comme un ensemble d'actions stratégiques qui fonde la survie et la prospérité des firmes sur leur intégration dans une Supply Chain agile tout en permettant une adaptation rapide, stratégique comme opérationnelle aux changements à grande échelle de l'environnement. L'agilité s'entend comme l'aptitude à obtenir et maintenir la compétitivité et à fidéliser le client (Morana, 2002).

Figure 19. Intégration des Mix marketing et Mix logistique dans une perspective SCM( Samii, 2001, adapté de Lambert, 1976).

3.2. Les modèles de SCM issus de Supply Chain 2000

Une approche managériale est issue des travaux qui élargissent le modèle World Class Logistics de la Michigan State University au modèle Supply Chain 2000 (figure 20, (Bowersox et al., 1999)). Cette approche établit des règles à suivre pour mettre en œuvre une démarche SCM. Le SCM prend d'abord forme dans une organisation pour ensuite transformer un réseau de firmes inter-reliées en une Supply Chain organisée autour d'une firme pivot. Un des objectifs du SCM est l'intégration de six compétences transversales autour de trois domaines :

♦ le contexte relationnel qui consiste à gérer les relations (contractualisées ou tacites) entre partenaires et avec les clients finaux dans un climat propice à la collaboration ;

♦ le contexte analytique qui consiste à intégrer les capacités de planification et de contrôle en mettant l'accent sur les méthodologies de mesure de l'efficacité et de l'efficience de la Supply Chain et qui doit permettre le partage de l'information nécessaire parmi les participants à la Supply Chain à travers des technologies informatiques ;

♦ le contexte opérationnel qui intègre les 3 processus opérationnels de la logistique que sont le processus d'approvisionnement, le processus de clôture de la commande (fullfilment) et le processus de gestion de la relation client (Customer Relationship Management).

Figure 20. Les six compétences clés pour l'intégration des flux et des activités par le Supply Chain Management (Bowersox et al., 1999).

(Samii, 2001) propose une analyse des différents obstacles à la mise en place du modèle Supply Chain 2000 dans le cadre de l'intégration du flux d'information entre les différentes organisations de la Supply Chain par le biais de systèmes de commerce électronique (market place et sites de ventes pour le client final…).

3.3. Les composants et éléments décisionnels clefs du SCM

Dans deux articles fondateurs (Cooper et al., 1997 ; Lambert et al., 1998) présentent l'approche du SCM de l'Ohio State University. Cette approche est particulièrement intéressante car elle s'appuie sur une revue poussée de la littérature (Cooper et al., 1997) et sur l'interview de plus de 80 Supply Chain managers pour définir les éléments clefs du SCM.

C'est pour une firme pivot (focal firm) que l'on va définir les composants clefs du SCM (figure 21) qui sont classés suivant trois problématiques inter-reliées :

♦ la problématique de structuration du réseau de SCM qui demande à la firme pivot de déterminer les partenaires de la coalition : il faut ici évaluer les dimensions du réseau suivant une dimension horizontale (le nombre d'étapes intégrées le long de la Supply Chain) et la dimension verticale (le nombre de partenaires pour chaque étape) ;

♦ la problématique d'identification des processus qui doivent être intégrés : de manière générique, (Lambert et al., 1998) proposent l'intégration de l'ensemble des processus de la Supply Chain. Cependant, pour parvenir au succès, de manière contextuelle à chaque cas, la firme pivot pour des raisons stratégiques comme opérationnelles peut choisir d'intégrer seulement quelques processus (figure 22) ;

♦ la problématique de gestion de la Supply Chain avec les composants de gestion du SCM (figure 22) : l'objet des composants de gestion est de permettre la coordination et l'intégration des processus entre partenaires de la Supply Chain. Deux familles de composants de gestion sont identifiés : les composantes de techniques de gestion (figure 23), dont l'objectif est de permettre l'aide à la décision dans la Supply Chain et les composantes comportementales de management dont l'objectif est d'intégrer les hommes dans la Supply Chain.

Figure 21. Composants et éléments décisionnels clefs du SCM pour la firme pivot (Lambert et al., 1998).

Figure 22. Flux et processus génériques intégrés par la firme pivot et ses partenaires dans une perspective de SCM (Lambert et al., 1998).

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Figure 23. Les composantes de gestion de la Supply Chain (Cooper et al., 1997).

3.4. Approche du SCM issue de la Recherche Opérationnelle

Dans un article (Stadtler, 2005) et un ouvrage (Stadtler et Kilger, 2001) est présentée une vue du SCM issue de la Recherche Opérationnelle. L'auteur positionne les travaux issus de la Recherche Opérationnelle par rapport aux travaux de Christopher sur le SCM et propose sa vision du SCM qu'il définit comme la démarche permettant l'intégration d'unités organisationnelles le long d'une Supply Chain et la coordination des flux physiques, informationnels et financiers dans le but de satisfaire le consommateur final et d'améliorer la compétitivité de la Supply Chain dans son ensemble. Il propose de regrouper les méthodes et outils nécessaires à la réussite d'une démarche de SCM dans la maison (figure 24) du Supply Chain Management dans une approche comparable à la "maison de la modélisation des processus d'entreprise" d'ARIS (Scheer, 1990) :

- le toit de la maison du SCM constitue l'objectif d'une démarche SCM, c'est à dire la satisfaction du client final avec l'amélioration de la compétitivité de la Supply Chain dans son ensemble. Ces deux objectifs reposent sur deux "piliers"

qui sont l'intégration des membres de la Supply Chain et la coordination des processus ;

- le premier pilier est constitué par l'intégration des membres de la Supply Chain : trois "blocs" permettent de construire ce pilier . Il s'agit de la sélection des partenaires, de l'organisation du réseau Supply Chain et du partage du pouvoir dans la Supply Chain ;

- le deuxième pilier est constitué par la coordination des processus : trois autres blocs permettent de construire ce pilier. Il s'agit de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, du management des processus et de l'utilisation d'outils d'aide à la décision.

Ces deux piliers reposent sur des fondations conceptuelles et académiques issues de plusieurs domaines (logistique, recherche opérationnelle, marketing, théorie des organisation, informatique…)

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Figure 24. La maison du SCM (Stadtler et Kilger, 2001).

Dans ses travaux, pour chaque "bloc", (Stadtler, 2005) propose systématiquement des pistes "techniques et algorithmiques" pour l'aide à la décision mais aussi des concepts pour le management des hommes. Il montre ainsi que tout problème décisionnel de SCM est lié avec une dimension comportementale et que l'on ne peut pas se lancer dans

une démarche de type SCM sans nier l'existence des deux approches. Le tableau 3 présente une analyse de la démarche de SCM de Stadtler (2001 et 2005) suivant deux dimensions : la dimension aide à la décision et la dimension orientation des comportements pour chacun des blocs de compétences.

Aide à la décision Orientation des comportements Choix des partenaires Sélectionner des partenaires suivant des

contraintes géographiques et financières.

Intégrer la dimension culturelle du partenaire pour voir si la mise en Supply Chain est possible.

Organisation du réseau

Déterminer les partenaires cruciaux et le risque de désagrégation du réseau par leur départ.

Analyser comment éviter les dysfonctionnements de type "hasard moral " et "passager clandestin" ; proposer des mesures permettant de lutter contre

ces désagréments.

Pouvoir

Déterminer si le pouvoir dans la Supply Chain est focal (centralisé), polycentrique (décentralisé) (Wildemann, 1997) ou intermédiaire ; déterminer quels types de règles de décisions permettraient

un bon fonctionnement de la Supply Chain.

Identifier les contrepouvoirs et les freins à la démarche de SCM.

Technologies de l'information et de la

communication

Intégrer les entrepôts de données, market place et sites web pour permettre une meilleure

circulation de l'information et utiliser l'information stockée pour les prévisions.

Former les acteurs aux nouvelles technologies.

Reingeneering des processus

Modéliser les processus pour identifier les meilleures pratiques et les dysfonctionnements.

Utiliser les processus issus des meilleures pratiques comme référence pour orienter les

acteurs vers l'intégration des processus.

Planification et évaluation de la

performance

Déterminer les quantités de produits et services à fournir, livrer, fabriquer … pour satisfaire le client à court, moyen et long terme ; évaluer la faisabilité de certains scenarii organisationnels.

Fixer des objectifs aux acteurs et organisations de la Supply Chain et sanctionner de manière

positive ou négative la performance réalisée.

Tableau 3. Analyse du contenu des six blocs du SCM de (Stadtler et Kilger, 2001).

3.5. Du décloisonnement des fonctions de l'entreprise au décloisonnement des disciplines académiques : le processus intégratif du SCM

L'analyse de différents états de l'art sur le SCM (Croom et al., 2000 ; Tan, 2001 ; Saada et al., 2002 ; Power, 2005) comme l'analyse de pratiques de Supply Chain Management (Cooper et al., 1997 ; Fawcett et Magnan, 2002 ; Vickery et al., 2003) montrent une nécessité du décloisonnement des fonctions de l'entreprise pour que le SCM soit une réussite.

Dans le monde de l'entreprise, ce décloisonnement fonctionnel se réalise en partie par le décloisonnement des métiers.

Les trois approches étudiées précédemment, malgré leurs origines scientifiques différentes, offrent un certain nombre de caractères communs :

- ces approches présentent un cadre général et détaillé pour l'étude du SCM ;

- le SCM se présente comme une philosophie de management qui se répand d'abord dans une firme pivot puis qui s'étend au fur et à mesure sur l’ensemble de sa Supply Chain ;

- le SCM est d'abord une démarche permettant de passer d'organisations fonctionnelles à une organisation par processus, puis ensuite un ensemble d'outils et de méthodes permettant de manager la collaboration et l'intégration dans la Supply Chain ;

- la gestion de la relation humaine et du leadership dans la Supply Chain est un facteur de réussite de la démarche de SCM ;

- les outils d'aide à la décision et les méthodes de modélisation des processus associées sont un préalable nécessaire à toute démarche de SCM ;

- le décloisonnement des métiers et des fonctions entre l'entreprise et dans l'entreprise est facilité par l'utilisation des Technologies de l'Information et de la Communication ;

- le SCM est assis (Stadler, 2001) sur plusieurs disciplines académiques (la logistique, l'informatique, la Recherche Opérationnelle, le marketing…) et exige une vision plurielle de la démarche de recherche dans le domaine.

(Mentzer et al., 2001) présentent ainsi la démarche SCM (figure 25) comme un processus permettant de décloisonner les fonctions intra-organisationnelles, comme la collaboration interfirmes. Selon eux, le processus SCM par le décloisonnement interfonctions, interfirmes, inter-métiers et inter-domaines académiques doit produire des savoirs et savoir faire permettant d'améliorer le fonctionnement et la compréhension des organisations de type Supply Chain.

Dans un article d'un ouvrage (Lièvre et Tchernev, 2004), présentant les interfaces entre management et optimisation (Fabbe-Costes, 2004) précise que les perspectives de travaux interdisciplinaires académiques entre ingénieurs et

gestionnaires se situaient essentiellement dans le domaine de l'aide à la décision et de la modélisation des systèmes d'information. Aussi, nous présentons les enjeux liés aux rôles des systèmes d'information et d'aide à la décision en contexte de SCM dans la section suivante.

Figure 25. Le processus SCM pour la création de savoirs et de savoirs faire sur la Supply Chain (Mentzer et al., 2001).

Si la plupart des courants du SCM expliquent la nécessité de travailler en contexte transdisciplinaire, la plupart des productions scientifiques restent cloisonnées à leur domaine d'origine.

Dans la suite des travaux présentés dans ce manuscrit, nous considérons que l'intégration des processus logistiques dans le cadre du Supply Chain Management nécessite une volonté forte imposée (ou négociée) par un partenaire clef de la Supply Chain. Aussi, les travaux que nous développons portent sur l'aide à la décision pour la coordination des activités du processus logistique de la Supply Chain et nos propos s'insèrent particulièrement bien dans le cas d'une coordination réalisée par une firme pivot.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 31-36)

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