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Le calcul de l’évolution historique du nombre d’individus 136 

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CHAPITRE III : LES ENJEUX DE PROTECTION DES ORANGS-OUTANS COMME UN

2. Construction sociale de l’espèce « orang-outan de Sumatra », du comptage des individus,

2.2. La construction sociale du comptage des individus et de l’aire de répartition 135 

2.2.1.  Le calcul de l’évolution historique du nombre d’individus 136 

La première carte de la distribution de l’orang-outan de Sumatra a été publiée par l’explorateur allemand B. Hagen en 1890. En 1935, deux Néerlandais produisent la carte de la distribution de l’orang-outan dans Meedeling, le journal de la Netherlands Commission for International Nature Protection, après entretien avec les autorités coloniales (illustration 21).

Illustration 21. Distribution des orangs-outans de Sumatra en 1935 397

La même année, C. Carpenter conduit une évaluation de la distribution de l’orang-outan de Sumatra pour le compte d’American Committee for International Wildlife Protection. Par la       

397

RIJKSEN H., MEIJAARD E. Our Vanishing Relative. Op. Cit. P56. Les lignes horizontales donnent la distribution en 1935, les lignes verticales donnent la distribution historique alors estimée. 

suite, des écologistes et des primatologues, la plupart néerlandais, ont livré quelques informations complémentaires398. Mais, durant le XXe siècle, personne ne s’aventure à produire des chiffres précis sur la distribution et sur le nombre total d’orangs-outans de Sumatra.

Cette situation change radicalement à la fin du XXe siècle. Des primatologues ont publié successivement entre 1999 et 2008 des recensements de population par aire de répartition, précis à l’unité près. Ces chiffres à la fois abondants et fluctuants reflètent avant tout le développement de nouvelles technologies : tout d’abord le développement des cartes digitales de couvert forestier, ensuite l’avènement de la modélisation informatique de la sociobiologie des orangs-outans et enfin la mise en combinaison de ces deux technologies.

Ainsi, en 1999, H. Rijksen et E. Meijaard, dans leur livre « Our vanishing relative: The status of wild orang-utans at the close of the twentieth century »399, évaluent le nombre d’orangs- outans de Sumatra en 1997 à environ 12 770 sur une superficie de quelque 8000 km². En 2003, S. Wich et al. « spéculent qu’il n’y en aurait plus que 3500 fin 2002 »400 dans un article scientifique publié dans Oryx, le journal de l’association de conservation britannique Fauna & Flora International. Début 2004, I. Singleton et al.401 doublent les chiffres pour le compte de l’évaluation commanditée par l’UICN qui sert de référence pour établir les sites prioritaires de GRASP. Ils estiment la population d’orangs-outans de Sumatra à 7334 individus sur 20 177 km² de forêt primaire à la fin 2003 402. En 2008, S. Wich et al. publient dans Oryx un nouvel article403 affirmant qu’il y aurait 6624 individus sur 6946 km². Finalement en 2011, S. Wich et al., dans la publication du PNUE « Orangutans and the economics of sustainable forest management in Sumatra », conservent le même nombre d’individus, mais augmentent l’aire de répartition de 24% pour la fixer à 8641 km² 404.

Dans l’introduction d’« Our vanishing relative », H. Rijksen et E. Meijaard avertissent le lecteur : « Bien que les estimations du nombre total d’orangs-outans survivants aient été inexactes et que toute tentative visant à estimer le nombre d’individus d’un être si insaisissable peut en effet prêter à confusion, on considère que les institutions qui décident de l’utilisation des terres et de la conservation de la biodiversité ont besoin de chiffres. Ce rapport va donc présenter des estimations. Cependant, il faut noter que ces chiffres n’ont       

398

RIJKSEN H., MEIJAARD E. Our Vanishing Relative. Op. Cit. 399

Ibid. 400

WICH S., SINGLETON I., UTAMI S., GEURTS M., RIJKSEN H., VAN SCHAIK C. The status of the Sumatran orang-utan Pongo abelii: an update. Oryx. 2003, 37, p.49–54

401

SINGLETON I. et al. Orangutan Population and Habitat Viability Assessment. Op. Cit. 402

Ibid. 403

WICH S. et al. Distribution and conservation status of the orangutan. Op. Cit. 404

aucun sens s’ils sont présentés hors de leur contexte. Ce contexte se résume en une tendance implacable : la spoliation continue des forêts qui abritent les orangs-outans, l’augmentation de la fragmentation et la réduction de leur habitat, et une protection déficiente. Et même si ce rapport contient une erreur de 100% pour le nombre estimé de grands singes survivants aujourd’hui, cela ne ferait aucune différence sur leurs chances de survie, […] la continuation des tendances présentes conduira à leur extinction à l’état sauvage. »405

H. Rijksen et E. Meijaard annoncent donc d’emblée cette ambigüité : tous les chiffres avancés sont probablement faux, mais ils sont nécessaires pour interpeller le décideur politique. Mais en plus, ces chiffres sont produits par des primatologues. Loin d’être des spectateurs neutres décrivant la réalité, ils sont aussi des acteurs stratégiques à part entière de la conservation de l’espèce : ils mobilisent les nouveaux outils sociotechniques disponibles pour leurs propres objectifs de conservation. Et c’est en fait toute cette contradiction qu’il s’agit ici de mettre en lumière.

2.2.2. Deux variables de l’indicateur de comptage difficiles à établir : la densité et l’aire de répartition

Le recours à la technologie s’explique, parce qu’il est extrêmement difficile de connaitre directement les deux variables clefs du nombre total d’orangs-outans de Sumatra : leur densité par site et leur aire de répartition. Les raisons de ce double problème sont exposées ci- dessous.

D'abord, connaitre la densité de l’orang-outan par site est ardu. C’est un animal vivant dans les forêts équatoriales de basse altitude difficilement pénétrables, à des densités très faibles, de l’ordre de l’unité au kilomètre carré. A ceci s’ajoutent des variables sociales et biologiques qui compliquent cette distribution. Biologiquement, les orangs-outans sont essentiellement frugivores, et leur densité en des sites précis dépend directement de la productivité de la forêt. Les orangs-outans se retrouvent par endroits à relativement haute densité, dans d’autres, ils sont presque absents. Socialement, les femelles d’orangs-outans et leurs petits sont territoriaux. Au contraire, les mâles parcourent de grandes distances. Certains d’entre eux sont

       405

RIJKSEN H., MEIJAARD E. Our Vanishing Relative. Op. Cit. p.26-27 « Although estimates of the total

numbers of surviving orangutans have been inaccurate, and any attempt to estimate the number of such an elusive creature may in fact be misleading, it is felt that authorities who make decision about land use and the possible conservation of biological diversity need figures. Hence this report will also present figures for the estimated number of orangutans surviving at present. However, it should be stressed that such figures are entirely meaningless when presented out of their context. The context is an inexorable trend: continuous despoliation of the orangutan’s forest, increasing fragmentation and reduction of its range, and deficient protection. Even if this report contend an error of 100% for the estimated number of apes surviving today, it would make no difference whatsoever for their survival chance…continuation of the present trend will result in extinction in the wild state »

territoriaux sur de larges étendues, d’autres passent d’un territoire à l’autre. Les primatologues classent ainsi les orangs-outans en résidents (resident), pendulaires (commuter) et vagabonds (wanderer)406.

Ensuite, localiser l’aire de répartition de l’orang-outan de Sumatra est malaisé. Il habite les plaines alluviales et les tourbières aux flancs des régions montagneuses de la province d’Aceh et de la province de Nord Sumatra. Son habitat est morcelé sur un territoire qui est très étendu, évalué à la fin du XXe siècle entre 100 000 et 150 000 km² 407. Il y a encore une dizaine d’années, la majeure partie de ce territoire était encore quasi inconnue des primatologues internationaux pour trois raisons concomitantes.

La première raison réside dans le fait que la province d’Aceh qui contient près de 80% de l’aire de répartition des orangs-outans408 était jusqu’en 2004 quasi impénétrable aux primatologues occidentaux en raison du conflit armé entre le gouvernement indonésien et le mouvement séparatiste de la province. En 2004, Ian Singleton et al. expliquent : « Il est extrêmement difficile d’obtenir les informations parce qu’il est difficile d’obtenir la permission de visiter Aceh, en particulier pour les étrangers et les Indonésiens qui ne sont pas de Sumatra. Et même si l’accès est donné, c’est une tâche dangereuse. Aceh est [la province] où se situe la plus grande population d’orangs-outans de Sumatra, et par conséquent il n’est possible que de procéder à des estimations de sa population. »409 Ce n’est qu’à partir du tsunami de décembre 2004 et des accords de paix de 2005 que la province d’Aceh s’est ouverte aux étrangers.

La seconde raison est que les orangs-outans sont très méfiants vis-à-vis de l’homme. Leur suivi n’est donc possible que sur des stations de recherche où les orangs-outans ont été habitués à la présence humaine. Pour l’orang-outan de Sumatra, il n’y a que deux stations de recherche, celle de Ketambe établie en 1971 par H. Rijksen et celle de Suaq Balimbing établie au début des années 1990 par C. van Schaik. La station de Ketambe « constitue la part du lion »410 des connaissances sur l’orang-outan de Sumatra. Des méthodes d’évaluation des populations, indirectes par le comptage des nids que laissent les orangs-outans, ont bien été

       406 Ibid. 407 Ibid. 408

WICH S. et al. Orangutans and the economics. Op. Cit. 409

SINGLETON I. et al. Orangutan Population and Habitat Viability Assessment. Op. Cit. p.33. “It is extremely

difficult to collect information because it is difficult to gain permission to visit Aceh, particularly for foreigners and non-Sumatrans. Even if access is possible, it is a dangerous task. Aceh is where the largest population of Sumatran orangutans exists, and therefore it is only possible to estimate the current status of the population”.

410

“The Lion share” sur le site Internet de Sumatran Orangutan Conservation Programme, http://www.sumatranorangutan.org/content-n23-sE.html, consulté le 2012-07-23

développées ces dix dernières années411, mais elles n’ont été que très peu utilisées sur Sumatra (voir encadré 2).

L’évaluation des populations d’orangs-outans par les méthodes de comptage des nids permet d’évaluer le nombre d’orangs-outans. Mais, leur précision reste faible. Pour une population évaluée à 2500 individus, une étude menée par l’association de conservation Hutan412 donnait un intervalle de confiance de 970 à 7275 individus pour une certitude à 95%413. La précision pourrait être améliorée en prenant un plus grand échantillon414, mais cela reviendrait très cher415. Or, la méthode de comptage de nids resterait de toute manière liée à un site donné, car la possibilité d’observer les nids et leur vitesse de dégradation en dépend416. En plus de difficultés méthodologiques limitant son application sur des sites précis, le comptage des nids est lié à l’expérience de l’observateur (probabilité de reconnaissance des nids et l’évaluation de leur vitesse de dégradation)417. Ce facteur humain est aussi déterminant à Sumatra pour des raisons très pratiques. Utilisant la méthode de comptage des nids dans le parc national Gunung Leuser pour le compte de l’UNESCO en 2010, le Directeur de conservation de PanEco constate : « La personne que

nous espérions charger de superviser l’équipe 2 [sur 2 équipes], n’en a pas été capable et nous sommes incapables d’en trouver une autre, car ces gens sont très rares et ont de meilleurs emplois ailleurs. Cela a pris du retard [car cela a aussi pris du temps] pour obtenir le permis octroyé par l’agence de conservation de l’écosystème Leuser [BPKEL]. [Enfin] la compréhension [supervision] avec Medan a été difficile.»418 Le personnel qui exécute le travail sur le terrain doit suivre le protocole établi sur des cartes digitales conçues par un superviseur basé à Medan ou en Europe. Or, ce protocole nécessite le choix aléatoire de sites à étudier pour des raisons de rigueur mathématique. Ce personnel, confronté au terrain éprouve donc des difficultés à conduire l’enquête selon le protocole défini hors de tout contexte local d’accessibilité.

Ces difficultés n’empêchèrent pas le primatologue qui coordonnait le travail d’écrire en 2012 d'écrire que « l’enquête

conduite donna une base de données unique puisqu’elle représentait la première enquête systématique d’orangs- outans à l’intérieur du parc national Gunung Leuser».419 Sachant que ce parc national est a priori la zone la mieux étudiée, ceci donne un ordre d’idée de l’état des connaissances - très faible - pour les autres endroits.

Encadré 2. Difficile évaluation des orangs-outans par comptage des nids sur Sumatra       

411

KÜHL H., MAISELS F., ANCRENAZ M., WILLIAMSON E. Lignes directrices pour de meilleures

pratiques en matière d’inventaire et de suivi des populations de grands singes. Gland, Groupe de spécialistes des

primates de l’UICN. 2008. 412

HUTAN. Yearly activity report. Kota Kinabalu, Hutan. 2007, p.12. 413

Ceci signifie que dans 95% des cas, le nombre d’orangs-outans est à l’intérieur de cette fourchette large (ou intervalle de confiance) de 970 à 7 275 orangs-outans, mais que dans 5% des cas, le nombre réel se trouve en dehors de cet intervalle.

414

BUIJ R., SINGLETON I., KRAKAURER E., VAN SCHAIK C. Rapid assessment of orangutan density.

Biological Conservation. 2003, 114, p.103-113.

415

SPEHAR S., MATHEWSON P., NUZUAR, WICH S., MARSHALL A., KÜHL H., NARDIYONO, MEIJAARD E. Estimating Orangutan Densities Using the Standing Crop and Market Nest Count Methods: Lessons Learned for Conservation. Biotropica. 2010, p.1-10.

416

Op. Cit. 417

WICH S., BOYKO R. Which factors determine orangutan nests’ detection probability a transects? Mongabay.com Open Access Journal – Tropical Conservation Science. 2011, Vol.4 (1), p.53-63

418

Courrier électronique. du Directeur de conservation de PanEco au personnel, le 26 March 2010. 419

GOVERNMENT OF INDONESIA. State of conservation status of the World Heritage in Indonesia. Tropical Rainforest Heritage of Sumatra (N1167). Disponible sur www.unesco.org. Février 2012, p. 10 “The surveys

conducted provided a unique dataset since they represent the first ever systematic survey of orangutans within the Gunung Leuser National Park”

La troisième raison tient à la nature des recherches menées par les primatologues. La recherche menée par les centres universitaires occidentaux (et concernant Sumatra, il s’agit exclusivement de centres anglo-saxons et européens) vise à améliorer les connaissances sur la sociobiologie de l’orang-outan dans l’objectif précis de les publier. Le nombre de publications académiques étant désormais la mesure de l’excellence scientifique, la publication permet de justifier les dépenses engagées et la demande de crédits pour développer de nouvelles recherches basées sur les récentes connaissances acquises ou sur de nouvelles technologies disponibles (par exemple la cartographie satellite, les tests ADN, les logiciels de locomotion). Le type de recherches menées sur ces sites n’est souvent d’aucune utilité420 pour les connaissances en conservation.

2.2.3. Les cartes digitales comme outils à la fin du XXe siècle

H. Rijksen et E. Meijaard s’attachent à déterminer la distribution et le nombre d’orangs- outans en se basant sur une nouvelle technologie rendue disponible à la fin du XXe siècle, les systèmes d’information géographiques (GIS-Geographic Information System) permettant le couplage de cartes digitalisées et de bases de données.

Ils cartographient la distribution des orangs-outans en procédant en trois étapes successives. Ils élaborent d’abord la carte digitale du couvert forestier, ils étudient ensuite l’information disponible (par des enquêtes auprès de concessionnaires forestiers et par une recherche bibliographique) et ils vérifient enfin certaines informations sur le terrain. Cette méthode est selon eux la plus adéquate pour minimiser le temps et les coûts tout en s’assurant une bonne précision dans les résultats. En réalité, chaque étape est parsemée d’un certain nombre d’incertitudes et de choix arbitraires. Ces choix dépendent autant des outils utilisés, que de l’intuition des chercheurs.

Tout d’abord, l’établissement de la carte digitale du couvert forestier, où les orangs-outans de Sumatra pourraient se rencontrer, est directement confronté au problème technique de sa réalisation. L’information est donc établie en croisant différents types de cartes disponibles (World Conservation Monitoring Centre, ministère des Forêts indonésien, Nation Forest Inventory Project, Tropical Ecosystem Environment Observation by Satellites - TREES). La seconde source d’approximation provient de la conversion en pixels digitalisés de la carte forestière, ce qui associe arbitrairement chaque pixel à une catégorie de forêts. Le

       420

Par exemple, les recherches effectuées sur le premier trimestre 2011 par six chercheurs étrangers présents sur le site de Suaq Balimbing (quarterly report, conservation division, PanEco January-March 2011) portaient sur : 1) la position des nids et leurs propriétés servant à éloigner les moustiques, 2) l’apprentissage des orangs-outans immatures et 3) l’influence de l’habitat sur la posture de l’orang-outan.

regroupement des pixels d’une même catégorie en zones plus importantes nécessite d’éliminer certains pixels atypiques de la zone, pour constituer des zones plus grandes et homogènes. Ceci permet de créer une carte potentielle de distribution des orangs-outans en tenant compte des connaissances en écologie de l’animal pour chaque type d’habitat (l’habitat optimal pour l’orang-outan étant constitué d’une plaine alluviale contingente à une région plus élevée).

L’analyse de l’information publique existante, en particulier les études d’impact environnemental des concessions forestières, se heurte à une évidence : les concessionnaires forestiers n’ont pas intérêt à mentionner explicitement l’orang-outan sur leur concession, car c’est une espèce protégée. L’exploitation du bois y serait interdite par la loi. Les primatologues pensent contourner ce problème en considérant tout indice mentionnant l’orang-outan dans l’étude d’impact comme un signe certain de sa présence. Ceci les conduit à définir uniquement des régions avec ou sans orangs-outans, et non pas des densités par région.

Une fois les cartes de distribution potentielles élaborées, les primatologues font procéder à des enquêtes de terrain. Celles-ci se heurtent à la réalité : les orangs-outans de Sumatra sont potentiellement présents sur une superficie potentielle totale de plus de 100 000 km². Mais, en réalité, ils ne sont relativement bien connus que sur les sites de recherche de Ketambe et Suaq. La province d’Aceh où se trouve près de 80% de l’habitat des orangs-outans421 était en guerre jusqu’en 2005. Ces forêts sont physiquement impénétrables sans une aide extérieure. Pour pallier ce problème, les primatologues vont donc s’appuyer sur une expérience internationale de conservation, le Leuser Development Program (LDP)422, qui a pour but la conservation de l’écosystème Leuser. Ce projet a comme objectif de connaitre la répartition des orangs-outans sur son territoire, mais pas au-delà. De ce fait, les enquêtes de terrain (20 vérifications, pendant 118 jours et couvrant une distance de 21 000 km) 423 concentrent leurs efforts sur la connaissance de la distribution de l’orang-outan de Sumatra à l’intérieur de l’écosystème Leuser. En conséquence, la frontière sud (autour et en dessous du lac Toba) qui est en dehors de l’écosystème Leuser reste mal définie : les primatologues se limitent aux informations glanées dans la littérature. Quant à la frontière nord de l’habitat de l’orang-outan, elle demeure un terrain inconnu : théatre du conflit armé, cette zone est fermée aux chercheurs.       

421

WICH S. et al. Orangutans and the economics. Op. Cit. 422

Le Leuser Development Programme est un projet de 32 millions d’Euro de la Commission européenne. Il s’est tenu de 1996 à 2004 et a été mis en œuvre par l’association de conservation Leuser International Foundation (LIF).

423

RIJKSEN H., MEIJAARD E. Our Vanishing Relative. Op. Cit. p.184 “In Sumatra, a total of 20 field checks

Après avoir évalué l’aire de distribution de l’orang-outan de Sumatra, H. Rijksen et E. Meijaard considèrent trois critères pour estimer leur nombre : la densité des nids, la variation en altitude (avec la restriction des orangs-outans à moins de 1000 mètres d’altitude) et le type de sol (avec l’élaboration virtuelle de polygones de bons habitats en considérant que 50% des forêts marécageuses tourbeuses et 65% des forêts sur sol minéral sont habitées). Ces critères sont sélectionnés sur la base de leur expérience ou sont documentés par des articles scientifiques. En combinant l’aire de répartition et les trois critères, les chercheurs obtiennent un total de 12 770 orangs-outans de Sumatra pour 8000 km² d’habitat forestier. Ce nombre pourrait selon eux s’élever à 23 000 orangs-outans si l’habitat n’était pas dégradé.

S. Wich et cinq primatologues424 reprennent la carte de distribution réalisée par H. Rijksen et E. Meijaard. Ils s’interrogent sur la partie sud de l’aire de distribution425. Selon eux, la distribution proposée tient compte de rapports obsolètes réalisés par des Occidentaux et datant de 1935, 1973 et 1978. En réalisant deux études de terrain sur la présence d’orangs-outans au sud du lac Toba, l’une de trois semaines en 2000 et l’autre de cinq semaines en 2001, et en

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