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Conclusion : dans sa première phase, GRASP comme garant du référentiel de 

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CHAPITRE 2 : UNE INITIATIVE STRATÉGIQUE DES ORGANISATIONS POUR LA

1. GRASP comme accord international au service des organisations de conservation 69 

1.2. L’organisation de GRASP au bénéfice des organisations de conservation 81 

1.2.8.  Conclusion : dans sa première phase, GRASP comme garant du référentiel de 

Les quatre dynamiques - relations interpersonnelles entre primatologues, contrôle de flux financiers, développement d’une argumentation scientifique et visibilité médiatique -       

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GRASP. Technical Support Team. 2nd Interim Report. Op. Cit. p.6 Ces contacts incluent les responsables de

gouvernement, ONG locales et internationales, les académiques, les entreprises privées (tourisme, industrie extractive, pétrole), les représentants des communautés locales.

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GRASP. GRASP Technical Support Team. 2nd Interim Report. Op. Cit. p.5 : l’équipe de soutien technique

rencontre le Ministre de l’environnement du Cameroun en février et mai 2004, le Président de l’assemblée générale de la RDC en mars 2004, le Ministre de l’environnement britannique en Septembre 2004, le Ministre de l’environnement de l’Ouganda en octobre 2004, le Député secrétaire général (numéro 2) de l’Organisation mondiale du commerce et trois ministres de Guinée en novembre 2004.

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endogènes à GRASP ont conduit à l’institutionnalisation des pratiques qui le structurent. Elles expliquent le maintien d’un « ordre »267 au sein de GRASP, c’est à dire une situation stabilisée du système.

En effet, GRASP a fonctionné pendant sept ans, soit entre novembre 2005 (date de la première réunion de l’assemblée générale) et novembre 2012 (date de la seconde réunion), en s’affranchissant de deux règles formelles essentielles de fonctionnement statutaire : une assemblée générale tous les deux ans et le renouvellement de son organe dirigeant, le comité exécutif,268 tous les deux ans, lors de l’assemblée générale.

Ceci montre que les trois organes (secrétariat GRASP/PNUE, équipe de soutien technique/membres d’Ape Alliance et commission scientifique/centres de recherche) s’accommodent de cette situation qui renforce leur position stratégique en accroissant leurs ressources financières et symboliques. Cette situation perdure d’abord par l’exclusion des organisations qui ne font pas partie du référentiel de « conservation radicale » dominant et ensuite par l’absence de mécanisme de redevabilité exigeant à GRASP de rendre des comptes à ses donateurs sur les résultats atteints.

D’abord, le secrétariat PNUE/GRASP (garant des règles), Ape Alliance (contrôlant la communication) et les membres de la commission scientifique (caution morale) forment un sous-système, qui a la capacité de contrôler GRASP. Cette manière de fonctionner est possible par l’absence de contre-pouvoir, et donc l’incapacité de ceux qui ne sont pas bénéficiaires de se faire entendre : l’UNESCO et les acteurs de l’aire de répartition (gouvernements, communautés locales, secteur privé). Ainsi, l’UNESCO ne parvient pas à institutionnaliser GRASP, c’est-à-dire à dégager des ressources financières et en personnel qui seraient spécifiquement dédiées au secrétariat GRASP au sein de l’UNESCO. Cette exclusion est d’autant plus radicale que l’UNESCO s’inscrit dans la logique du référentiel de « gestion des services écosystémiques », ce qui fait que la vision de GRASP n’a aucune résonnance avec l’UNESCO, comme l’explique un de ses directeurs :

« Je pense que la récolte de fonds et toutes ces activités doivent partir du terrain, et non du

Gouvernement national [du pays receveur de l’aide] et des structures qui lui sont rattachées. Et même les donateurs maintenant ont des structures qui sont plus décentralisées. Nous [à l’UNESCO] avons essayé de faire cela mais… ce n’était pas un réel succès, mais nous avons pu faire bouger les choses sur le terrain… Et le lien entre ces

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FRIEDBERG E. Le pouvoir et la règle. Op. Cit. p.10. 268

Ce sont donc les douze mêmes institutions cooptées pour créer le comité exécutif intérimaire en 2004 qui ont été avalisées en 2005 à l’assemblée générale, qui gardent leur poste jusqu’en novembre 2012.

actions sur le terrain et les intérêts des membres du comité exécutif [n’était pas clair]. Ils [les membres du comité exécutif] préparaient des plans détaillés des actions à entreprendre et de la manière de les réaliser. Mais, les deux ne se rejoignaient pas vraiment, et à un moment j’ai aussi senti que nous passions beaucoup de temps dans les réunions du comité exécutif à discuter sur ce que nous devrions faire. Mais ce n’était pas très clair si ce dont nous discutions arriverait ou pas un jour. »269

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Entretien avec un directeur de l’UNESCO, le 2012-04-20 “I felt that the fundraising and all those activities

must start from the ground, through country level government bodies and related groups and even donors now have structures which are more decentralized. We tried to do that, we … were not really success but we were able to move things on the ground but… the match between that actions and the GRASP executive council and their interest, they were preparing detailed plans as to what kind of actions we do and how. The two never really came together and at one point I also felt that we were spending a of time in executive council meetings and talking about things what we should be doing but whether that will happen or not is not very clear”

Illustration 10. Structure réelle fonctionnelle du partenariat

De même, les acteurs des pays de l’aire de répartition sont rendus invisibles (invisibilité médiatique, non accès au fonds, non prise en compte de leurs connaissances) par le renforcement des asymétries au bénéfice des pays du Nord. A ceci s’ajoute le fait qu’ils s’inscrivent dans un référentiel de « gestion des services écosystémiques », et pas dans le référentiel de « conservation radicale » dominant au sein de GRASP.

GRASP a eu un impact plus que mitigé en terme de montants financiers générés (moins des 10% des sommes espérées) ou d’impact sur le terrain (illustration 10). On peut considérer que l’objectif de la déclaration de GRASP d’obtenir « pour 2010, une réduction constante et

importante du taux actuel de pertes des populations des grands singes et de leurs habitats et d’assurer, d’ici à 2015, l’avenir de toutes les espèces et sous-espèces de grands singes dans la nature » n’a pas été tenu. Le rapport présenté par la commission scientifique lors de la

seconde réunion du conseil de GRASP en novembre 2012270 affirme qu’ « à quelques

exceptions près, toutes les sous-espèces de grands singes sont confrontées à des réductions spectaculaires d’habitat… La perte annuelle d’habitat est d’environ 1,2% par an pour les grands singes d’Afrique ».

GRASP est confronté à une contradiction fondamentale entre le maintien de l’ordre local au travers de toutes ces boucles de rétroactions (que constituent la cooptation interpersonnelle, le battage médiatique, la rhétorique scientifique et l’appel aux dons) et l’accès à une réalité locale qui reste insaisissable.

Cet ordre local est basé sur trois principes : les acteurs partagent des valeurs communes liées au référentiel de « conservation radicale », ils ont des relations directes s’exerçant à plusieurs niveaux (académique, professionnelle, financière, scientifique) et ils cherchent à assurer une sorte de réciprocité profitable à tous (accès aux financements, aux postes et à la notoriété). Ce système semble profiter du déclin durable de la biodiversité pour justifier son maintien, au lieu d’avoir lui-même un rôle profitable pour la conservation des ressources. C’est en tout cas à cette conclusion que sont arrivés certains conservationnistes et certaines organisations de conservation qui consacrent leurs efforts sur le terrain.

Ainsi, en commentant la seconde réunion du Conseil de GRASP à Paris en novembre 2012 (voir détail de la réunion ci-dessous), Karl Ammann a écrit une lettre ouverte intitulée « Plus

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CAMPBELL G., JUNKER J., BOESCH C., KHÜL H. Rapport sur l’Etat des Grands Singes dans le Monde.

d’argent pour plus de conversations à propos de la conservation »271 dans laquelle il explique :

« Les participants à cette réunion [du Conseil] de GRASP [à Paris en novembre 2012], et, plus généralement, qui “volent” de réunions en réunions, sont ceux là même qui ont dépensé des millions de dollars pour des projets de conservation censés se préoccuper du triste sort des grands singes. Maintenant, ils nous disent que nous sommes dans une situation pire qu’avant.

Qu’est-ce que cela nous dit sur l’efficacité de ces “mâles dominants” qui participent à ces réunions et qui font des campagnes publiques pour obtenir encore plus de financements sans aucune indication qu’ils aient appris quelque chose des faillites passées ? Le fait est que, dans le monde des affaires, la plupart de ces acteurs auraient été licenciés [mis au rancart] il y a longtemps. Seulement dans l’industrie de la conservation, ils peuvent s’en tirer pendant 30 ans en déclarant avoir les affaires en main et en se tapotant les uns et les autres sur l’épaule.

Mon évaluation est que ces réunions sont des conversations bien pensantes sur la conservation, discutant [de la conservation] et finançant quelques projets de développement ici et là pendant que le patient est en train de mourir d’un cancer terminal »272.

Cette évaluation sans fard est reprise telle quelle par S. Whyte (de l’organisation de plaidoyer Nature Alert) et par B. Galdikas (la première primatologue femme à consacrer sa vie aux orangs-outans en Indonésie).273Ceci montre que certains conservationnistes et certaines organisations de conservation, souvent celles confrontées aux réalités du terrain, peuvent avoir une approche dissonante de ce qui est imposé par les canaux officiels des acteurs internationaux contrôlant GRASP. Il faut donc faire cette fine distinction, même si les acteurs       

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AMMANN K. More money for more conversations about conservation. http://karlammann.com/grasp-11- 12.php#.Ue0qy-AVeRI. Novembre 2012.

272

Ibid “The players attending this GRASP meeting and generally flying from meeting to meeting are also the

ones who have spent hundreds of millions of dollars on conservation projects supposedly doing something about the plight of the apes. Now they are telling us we are worse off than before.

What does this say about the effectiveness of these silverbacks attending these meetings and campaigning to get even more funding with absolutely no indication that they have learnt anything from past failure? The fact is that in the corporate world most of these players would have been led out to pasture a long time ago. Only in the conservation industry do they get away with 30 years of declaring to be on top of things and patting each other on the shoulder.

My assessment is that these are many more feel good conversations about conservation, talking about and financing a band aid project here and there while the patient is dying of terminal cancer”

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Courrier électronique distribué par le directeur de l’association de conservation « Orangutan Land Trust » le 12 novembre 2012 intitulé « Condamnation of GRASP and participants from Karl Ammann, Birute Galdikas and

Sean Whyte » envoyé aux représentants des organisations participantes à la réunion du conseil de GRASP de

de conservation internationaux possèdent le quasi-monopole financier et médiatique par le contrôle des boucles transversales décrites plus haut.

L’imposition du référentiel de « gestion des services écosystémiques », à partir de 2010 au niveau international, a contraint GRASP à sortir de sa logique de conservation radicale et de procéder aux ajustements structurels nécessaires. Ce référentiel permettrait à la fois de prendre en compte les agents de la destruction et d’assurer une meilleure redevabilité par une approche intégrée qui tiendrait compte des facteurs politiques, sociaux et économiques liés au déclin.

2. GRASP II : vers une conversion des organisations de conservation au

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