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Labilité des relations hispano- marocaines

2. La région maghrebo-sahélienne, nouvelle frontière de l’Europe

2.3 Labilité des relations hispano- marocaines

Mais le partenariat avec le Maroc s’instaure dans un contexte marqué par de nombreux événements tant sur le plan politique, que social et diplomatique. 1999 a vu la fin du règne de Hassan II après 38 ans d’un pouvoir absolu et l’avènement de son fils Mohamed VI en juillet 1999 a cristallisé tous les espoirs de changement, de démocratisation et de libéralisation de la parole et de la pensée. Le pays est en crise économique, a un taux de chômage élevé et fait face à des sécheresses répétées. Le phénomène de l’émigration clandestine marocaine prend de l’ampleur – on parle de 100 000 traversées clandestines par an - Les

« harragas » risquent leur vie en pateras mais le problème de l’émigration n’est pas débattu dans l’espace public si ce n’est pour comptabiliser le nombre de morts et d’interpellations.

En 2000, le Maroc signe la deuxième phase des accords MEDA II qui prévoit la gestion commune des flux migratoires et la réadmission non seulement des Marocains mais des ressortissants d’origine sub-saharienne qui transitent par son territoire. Mais les liens entre le Maroc et l’Espagne vont rapidement se détériorer du fait de l’accumulation successive d’évènements révélant la difficulté des relations entre les deux pays. En 2000, les événements meurtriers de El Ejido en Andalousie ont favorisé les montées xénophobes récurrentes dans un pays où les émigrés ne constituaient que 1,2 % de la population et ont réanimé le scénario de l’envahissement et de la peur du Maure servi par une presse xénophobe.

Les tensions entre les deux pays se sont ensuite portées sur le contentieux relatif aux accords de pêche qui a entraîné des sanctions de la part de l’Espagne ainsi que sur leur désaccord profond quant à l’avenir politique du Sahara anciennement « espagnol ». De plus les incriminations

constantes faites par l’Espagne au gouvernement marocain pour son contrôle très insuffisant des flux migratoires ainsi que les discussions sur le retour des deux « enclaves » espagnoles de Ceuta et Melilla considérées par le Maroc comme des « présides occupés » ont maintenu les tensions diplomatiques.

Le Sommet de Séville de juin 2002 marqué par les propositions de l’Espagne de conditionner l’aide au développement à la bonne gestion des flux migratoires a été fortement contesté par le Maroc. Enfin les tensions entre les deux voisins ont trouvé leur paroxysme au cours de l’été 2002 lors de l’incident diplomatique sérieux qui les a opposés au sujet de l’îlot Persil (Leila/Perijil). Cet îlot de 14 ha situé à quelques mètres de la côte marocaine a fait l’objet d’un conflit de souveraineté. La présence de soldats marocains qui n’étaient là selon les autorités marocaines que pour

« renforcer le contrôle des voies maritimes et lutter contre les migrations irrégulières » a suscité une démonstration de force de grande envergure sans commune mesure avec l’incident, mais le soutien de L’Union Européenne au parti populaire d’Aznar a été mal perçu par une opinion hostile à ces démonstrations de force. Cette guerre des mots a pris place dans un contexte politique tendu, l’Espagne reprochant au Maroc son peu d’efficacité dans la lutte contre les « candidats- à- l’exil- en- quête -d’eldorado ».

La crise de l’îlot Leila/Perijil a été suivie d’un réchauffement progressif des relations diplomatiques entre les deux pays qui a permis le lancement d’une collaboration destinée, selon leurs Ministres de l’intérieur respectifs

« à combattre l’immigration clandestine à haut niveau afin de faire cesser le trafic d’êtres humains et le mépris pour la vie et la dignité humaines qui l’accompagnent ». Leurs relations diplomatiques se sont renforcées à la suite des attentats perpétrés par des islamistes à Casablanca en mai 2003. Ces attentats (qui ont fait 45 morts) ont eu pour conséquence

communes qui surveilleraient les eaux du Détroit. Le Maroc a ensuite proposé la création d’un Observatoire des migrations géré par le Ministère de l’Intérieur qui a vu le jour en 2004 et dont l’objectif est de collecter des statistiques et de réunir les forces auxiliaires et la Gendarmerie royale .

Les attentats ont donné l’occasion à un Roi - souvent accusé d’immobilisme par les observateurs extérieurs- d’exercer son autorité à l’encontre de ceux qui portent atteinte à la sûreté de l’Etat en prônant la

« fin du laxisme » et la lutte contre l’obscurantisme. Il a ordonné la révision de la Loi sur l’immigration qui datait du Protectorat et avec une célérité exceptionnelle, la Loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers, à l’émigration et l’immigration irrégulières a été promulguée en novembre 2003 et votée en Janvier 2004. Jusqu’alors, les condamnations au titre de l’émigration clandestine, les reconduites et les expulsions étaient régies par la Loi sur l’immigration datant du Protectorat. Cette loi révisée spécifie les conditions de reconduite à la frontière pour les gens rentrés clandestinement dans le Royaume ou devenus irréguliers après expiration de la validité de leur titre de séjour. Les dispositions communes à la reconduite à la frontière et à l’expulsion se font à destination du pays dont l’étranger a la nationalité sauf si le statut de réfugié lui a été reconnu ou du pays qui lui a délivré le document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays33 dans lequel il est légalement admissible (art 29). Cette Loi officialise ainsi les pratiques de reconduites à la frontière maroco-algérienne qui avaient déjà cours depuis 1999 et elle prévoit l’expulsion immédiate de l’étranger si la condamnation a pour objet une infraction en relation avec le terrorisme, les mœurs, les stupéfiants ou le code du travail (art 26) et pour toute atteinte à la sûreté de l’Etat ou à la sécurité publique (art 27). Elle accorde une plus grande liberté aux forces de l’ordre et permet un allongement de la durée de garde à vue, des perquisitions à toute heure du jour et de la nuit, les

33 La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d’éloignement elle-même (art 30). L’étranger qui justifie qu’il ne peut regagner son pays ou se rendre dans un autre pays peut être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l’autorité compétente. Il devra se présenter périodiquement aux services de police.

interceptions du courrier, la mise sur écoutes et la levée du secret bancaire.