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LA VICTIME DU TACK

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1.ancien chefilorchestrede l'Opéra,Habc neck.ilyaquelque vingtans,ayant remarqué (pie lesgens dolascèneprêtaientpeu d'atten-tionàsesmouvements, nelesregardaient mômepresque jamais,et,parsuite,manquaient fortsouventleurs entrées,imagina,fautede pouvoirparler a leursyeux,d'avertir Jeurorcille (l)K*lr»it<k»Snfrreirf»VarcAtëtrt,piquint ou-rngedontroui «vuiléjin-produiiunfo|IH*t(«t qti'arcu-ille !cpJtMMgUlrM niccK

enfrappant,avecle Ixiutdel'archetdjutili-e servaitpour conduire,ce petitcoup deboissur bois:tack!quisedislingueaumilieudetoutes lesrumeursplusoumoins harmonieuse? des autresInstruments. Ce frmps,précédantlo /.•mi/mdu début delaphrase,estdevenu main-tenantleplusimpérieux besoindetousles exécutants duthéâtre, t'.'estluiquiavertit chacunde commencer, quiindiquemêmeles principauxeffetsqu'ils'agitdeproduire,cl

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-jusqu'auxnuance- del'exécution.Sagit-d des soprani?tack! hvousmesdames! Les ténors onl-ilsàreprendrelemêmethème doux mesures après?tack!4vous, messieurs!Lesenfants, rangésMirlemilieudelascène,ont-ils à en-tonnerunhymne?Tack!allons,enfants!

Fout-ildemander a un cbanleur ou a unecantatrice delachaleur?tackIdelasensibilité?tack!de larêverie?tackldel'esprit?tack!dela pré-cision,delaverve?tack!tack!Le premier danseurn'oseraitprendre sonvol pourun khosansletack!La premièredanseuse ne sesentiraitnijarret,niballon,sonsourire auraitl'aird'unegrimace sansletack.Toutle mondeattendcejolipetitsignal;sanslui,rien nepourraitaujourd'nuisemouvoirnise faire entendre surlascène; chanteursetdanseursy resteraientsilencieux etimmobiles,commela cour delaBelleaubot»dormant. Or,ceci est fortdésagréableà l'auditoire etpeu digne d'un établissement quiaspireà un rangélevéparmi lesinstitutionsmusicalesetchorégraphiques delEurope. Ceci,en outre,acausélamort d'unexcellenthomme;en conséquence onn'en démordrapoint.

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tacks'appelaitMoreau.Cet

honnêtesouffleurremplissaitavecune exacti-tudeexemplaireetuneparfaite tranquillité d'es-pritsesfonctions,plusdifficilesqu'onne pense, quand Habeneck, pour suppléerà l'insuffisance des signestélégraphiques,inventalesigne télé-phonique dontilest question.

Le jour où, enivré desadécouverte,ilenfit usjge pourlapremièrefois,Moreauqui,è chaquocoupdusavant archet, rebondissait dans son antre,futplussurprisquefâché.Il supposa qu'unesérie d'accidentsdel'exécution avaient excitéchezHabeneck une impatience, dontlamanifestationinsolite le faisait souffrir, etquec'étaitlàseulementundésagrément momentanéquelui,souffleur, devaitsup|wrtor sansmoldire. Mais auxreprésentations sui-vantes,letackcontinua; ilredoublamême, tantl'inventeur étaitcharme do sonefficacité.

Iliaquecoupébranlaitlecrânedu malheureux qui,Mollidans songitc,sautantdodroite el de gauche, avançantlatête,lareculant,se tor-dantlecou. s'interrompaitaumilieude?o<

pé-riodes,commeun merle chantant quireçoitun coup defusil.

Manfila!tu nelplJ»;m,m*tinte* oittrop <l*ckI].

D»n»mon Ameulcin t,uoi,laikI)naturenl(iark'.

îl'Ktfocl* etdtluitou*le»droit,nnt(tarhtj...

Ainsidesuite. le pauvrehommesouffrit toutelasoiréeun martyrequinesedécrit point,maisquelespersonnesaffligéescomme

luid'uneorganisationnerveusecomprennent à merveille.Iln'eutgardedeseplaindre: telle étaitlacrainte qu'inspiraitHabeneck. Recon-naissant alorspourtantqu'ilnes'agissaitpas d'uncaprice,d'unefantaisie, d'unaccèsde mauvaise humeur,miiisd'uuoinstitution nou-vellefondéeàl'Opéra,Moreausentitquele sang-froid,laprésenced'esprit, l'attention In-dispensablespourlaUchoqu'ilavait à remplir, luideviendraientimpossiblessouslamenace permanente decetarchetde Damoclès.Ilalla trouver lemachiniMc,claprèsluiavoirconté sapeine:«Si tune trouves pasunmoyende megarantirde celackinfernal,luidit-il. je suisunhommeperdu; ilretentitjusque dans lamoelledemesos.ilmetrépane,ilme dé-crochelecervelet!

AhIdiable,c estmafoi vrai,répondlemachiniste,ilestimpossibleque luytiennes. AttendsIil mevientuneidée;

apporte-moiton couvercle. »Morean enlèvele toitde sonréduit,leportedanslecabinetdu machiniste,ettous lesdeux,aprèsavoir soi-gneusement ferméleurporte,se mettentè le tamponner,àlerembourrer, àlematelasser avecforce coussinets gonflésdelaine,àle ren-dreenfinsourdcommeun édredon.\ oi\b notie souffleurrassuré,reconforté, ravi,quirentre chezluietdorttoutd'unsommejusqu'au len-demain;cequidepuislongtemps neluiétait arrivé.Lesoirdelareprésentai ion suiv ante,il revientauthéâtreavecun calme oùl'onne pouvait voirqu'une doucesatisfactionexempte d'ironie. C'étaitunhommesilion,>iinoueiifir quecepauvreMoreau1

Onjouaitcesoir-làHoherlhUiublr.Cet opéra,récemment monte,étaitalors admirable-ment exécute;lechefd'orchestre,en consé-quence,n'étaitpointobligéderecourirsi sou-ventnumoyennouveau contrelequelle

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fleur venaildesemettre en garde. Habeneck.

pendantloulelapremièremoitiédu premier acte, resladonc chefd orchestre pourlesyeux seulement.Moreaurespirait et ïoufllaitavec nue

\ervcetun bonheur incomparables;ilenétait

mêmevenu àregretter sesprécautions,qu'il commençait à trouver calomnieuses, quand, au milieudelascènedu Jeu,leschoristes n'étant paspartisàtemps,Habeneck étendlebras, et frappe un coupviolentsurletoitrembourré de lamaisonnette:l'uni: plusde son, plu»de tack,rien.Moreausouritdoucement, etcon linueàdicter leursparolesauxchoristes dis-traits:

Nomletenons!nomlelenrn' Mais Habeneck, étonné, redoublant:Pouf

«Qu'est ceci?dit-il. Laplanchene résonno plusIledrôle aurait-ilfaitrembourrersa cara-pace!Ahmalheureux!lumeladonnesbelle!

nousallons voirbeaujeu. •Elsepenchant de coté,ilfrappe surlaparoi latéraledel'étuide Moreau,que1imprudentavaitnégligéde ma-telasser,etqui rendaussitôtuntackplusclair, plus net, plustriomphant que nerenditjamais laparoisupérieure,etd'autanl plusterriblo pourlesouffleurquelescoups tombaient direc-tement contre sonoreille.Habeneck, avec un sourirede Méphistophélès.sevengea desa dé-convenue d'uninstanten redoublant d'énergie toutelasoirée, etfitsubir a savictimeun sup-pliceauprès duquelceluidelagoutte d'eau dcs Persans nedoit êtrequ'unenfantillage.Bion plus,lareprésentationterminée,etsansavoir l'airde comprendreIintentionqu'avaiteuele souffleurenfaisanttapisserson appartement,

ilenjoignittranquillementau machiniste dôter àlacarapacesadoublure,etde remettrela chosedans son premierétat.

Moreau compritalorsquetouterésisti.ncé

étaitdésormaisinutile,clqu'ilassistaitaux commencementsdesafin.Ilrentrachezlui, si résigné,qu'ildormitencore.Mais cefutson avant-dernier sommeil.Apartirde cejour,le tark redoublu, p.ir-dessus,parcôté,par devant, parderrière;lebourreau ne voulutlaisser au-cunpointinvuhwré. Moreau, énervé,brisé, stu-péfié,cessabientôtdes'agiter;ilcomptales tacks,non en Mutins Scevola, quitientsans tressaillements samain danslaflamme, mais en soldai autrichienrecevant surletorsesoncent douzième coupde bâton. Hatoneckrestale maître;l'institutiondutack,unmoment ébran-lée,seconsolida.DeslorsMoreau devinttriste, taciturne;sescheveux, do blondsqu'ils étaient

,

devinrent blancs;peu aprèsilstombèrent.Avec lescheveuxlamémoiredisparut,lavue s'af-faiblit.Alorsle souffleurenvint àcommettre desfautesénormes. Lejourdelareprise à'fphigéniecnAulide,aulieudesou'fler:Que dogrâces! quedemajesté!» il s'écria:

Grâce!que de cruauté' Dansun autre ouvrage, aulieude:«Bonheur suprême!» Il laissaéchapper:cDouleur extrême !»et de-puiscelapsus,domauvaisplaisantssanscœur l'appelèrent le souffledouleur del'Opéra.Puis

iltomba maladetout àfait,etdut garderle lit.

Sonétatempira rapidement;ilcessa deparler.

Nul médecin ne putobtenirdeluiIaveu de ce qu'ilressentait Onlevoyait seulement, pen-dantseslongs assoupissements,fairepar in-tervallesunpetitsoubresaut delatète,connue s'ileûtreçuun coup surl'occiput.Enfinun soir,aprèsavoir étéparfaitement calme pendant plusieursheures,quandsesamis commençaient à croire àune amélioration dans sonétal,ilfil encoreunefoislepetitsoubresautdontje viei s deparler, etprononçantd'unevoixdouce ce seulmot:tack!ilexpira.

HectorBtiuioz.

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