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La Subvention: le principal impôt lorrain

chimérique : renouer la chaîne des temps

C) La Subvention: le principal impôt lorrain

En matière fiscale, la thèse de Pierre Boyé a montré tout ce que Léopold doit aux institutions héritées de l’occupation française : « La convocation des Etats prit fin sous le règne orageux de Charles IV. La France ayant envahi la Lorraine Louis XIV supprima les anciens subsides et les remplaça par la Subvention, résolvant ainsi dans les duchés la question de la

142 Motta Anne, Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (vers 1620-1737). Histoire. Université du Maine, 2012. p. 364.

143 Ibid., Motta Anne, p. 364.

144 Guibal Georges , Histoire du sentiment national en France pendant la guerre de Cent ans, Edition de 1875. 145 Beaune Colette. « La notion de nation en France au Moyen Age » Communications, 45, 1987, pp. 101-116.

permanence de l'impôt. »146

Ce système fiscal que Léopold se garde bien de supprimer à son retour dans ses Etats lui permet pour un temps de « gouverner à la française » : « Léopold, une fois rétabli sur le trône de ses pères, par la paix de Ryswick, supprima la capitation, que le gouvernement français avait aussi étendue à la Lorraine lors de sa création en 1692, mais il y maintint la Subvention, »147

Pierre Boyé a recherché le sens de l’origine du mot subvention : « L'étymologie de ce dernier impôt indique qu'il était destiné à subvenir aux charges de l'Etat. Cette contribution, extraordinaire par origine, était devenue normale par sa persistance148. »

Il compare les points communs et les différences avec la subvention pratiquée en France, dont il retrace l’Histoire : « Il faut avoir soin de distinguer cette subvention lorraine des autres impositions françaises portant alors la même désignation. Ce mot, comme on sait, avait anciennement compris en France toute imposition ajoutée à celles déjà existantes, pour aider aux circonstances, et qui, momentanée, cessait au terme fixé pour sa durée. Depuis Sully, d'ailleurs, elle était très peu pratiquée. »149

Léopold dispose à présent d’impositions permanentes, c’est à dire en temps de guerre comme en temps de paix, afin que le souverain ne soit plus dépendant de la volonté des Etats :

« Une subvention continue était sortie de cette subvention temporaire. Imposée comme droit d'entrée aux abords des villes, bourgs et principaux villages du royaume, par une déclaration du 8 janvier 1641, elle avait donné plus tard naissance à la subvention dite en détail, et à la subvention par doublement. »150

Face à cette institution héritée de la France pérenne et solide, le duché de Lorraine se caractérisait une fois de plus par la faiblesse de son État et ses relents féodaux.

Dans sa thèse, Pierre Boyé décrit ces institutions traditionnelles : « Avant que la France se fût, au XVIIème siècle, emparée des duchés, les revenus ordinaires des souverains lorrains ne consistaient que dans le produit de leur domaine et dans quelques subsides assez légers, Les ducs levaient un impôt qui était appelé ayde Saint-Remy, parce que le peuple le payait à la fête de ce saint, au premier jour d'octobre, et qui était de deux francs par ménage « le fort portant le faible ». C'était une taille personnelle. Lorsque des besoins impérieux exigeaient de plus grands secours, le prince convoquait les états auxquels il les demandait. »

146 Pierre Boyé note « C'était une institution française;elle datait de l'occupation. Levée pour la première fois en 1685, elle devait subsister jusqu'à la Révolution. » Boyé Pierre, Le budget de la province de Lorraine et Barrois sous le règne nominal de Stanislas (1737-1766), thèse pour le doctorat en droit , Faculté de droit de Nancy, 1896. pp. 5-6.

147 Ibid., Boyé Pierre pp. 5-6. 148 Ibid., Boyé Pierre pp. 5-6.

149 Boyé Pierre, Le budget de la province de Lorraine et Barrois sous le règne nominal de Stanislas (1737-1766), thèse pour le doctorat en droit , Faculté de droit de Nancy, 1896. pp. 5-6.

En Lorraine, Pierre Boyé remarque que la nature de la subvention lorraine est mixte : elle vise à la fois les biens et les personnes : « La subvention lorraine était une imposition mixte, c'est-à-dire réelle et personnelle de sa nature, en ce qu'elle s'appuyait non seulement sur les fonds: subvention d'exploitation,— dite quelquefois d'occupation, si l'on avait affaire à des propriétés bâties, — mais encore sur les facultés connues et présumées des contribuables, sur le commerce et sur l'industrie. Elle tenait donc lieu à la fois de la taille personnelle, ordinairement pratiquée dans les pays d' Elections, et de la taille réelle, plus spéciale aux pays d'Etat. »151

La fiscalité pratiquée dans les pays occupés s’inscrit donc dans la tradition des autres provinces du royaume, mais elle cumule les deux sortes d’impositions.

II. Le Souvenir glorieux d’un « duc chevalier »

Chaque prince doit mettre en scène son pouvoir, Joinville immortalise Saint Louis rendant justice sous son Chêne : « Maintes fois, dit Joinville, il advint qu’en été il allait s’asseoir au bois de Vincennes, après la messe, et s’appuyait à un chêne, et nous faisait asseoir auprès de lui, et tous ceux qui avaient à faire venaient lui parler sans empêchement d’huissier ou d’autres152. »

Claude Gauvard explique que cette image fut créée ultérieurement mais que la description semble plausible : « L’image de saint Louis rendant la justice sous son chêne est une reconstruction ultérieure et mythique, bien entendu. Il est pourtant très exact que le roi a jugé directement, et sans doute sous un arbre, le chêne de justice ; la figure du roi justicier ne naît vraiment qu’avec saint Louis, même s’il délègue son pouvoir à des agents locaux, baillis et sénéchaux, et s’il crée une chambre spécifique, le Parlement, capable de recevoir les plaintes en appel153. »

Pareillement, François Ier parvient à faire oublier ses déboires de Pavie en transmettant l’image du roi chevalier, vainqueur de Marignan, le récit de l’adoubement par Bayard n’apparaissant qu’après la défaite de Pavie. Ainsi Didier Le Fur doute de la réalité de l’évènement et y voit un moyen de propagande royale pour justifier la témérité de François Ier154.

Léopold se doit lui aussi de « raconter une histoire », il doit expliquer, voir justifier, son absence et celle de son père à son peuple qui ne le connaît pas encore très bien. Pour y remédier, il utilise l’art et le cérémonial de cour pour valoriser la mémoire de son père, et plus encore « renouer la chaîne des temps »155, afin de donner l’illusion d’une continuité gouvernementale malgré l’exil.

Nous étudierons d’abord le gouvernement en exil d’Innsbruck (A), puis la mémoire de Charles V (B), et enfin les titres hérités par Léopold (C).

152 Vie de Saint-Louis de Joinville cité par Magin-Marrens - Histoire de France abrégée, Dezobry & Magdeleine,Paris,1860. p. 92. 153 Gauvard, Claude. « Le règne de saint Louis (1226-1270) », Le temps des Capétiens. sous la direction de Gauvard Claude.

Presses Universitaires de France, 2013, pp. 113-124.

154 « L’adoubement du roi par Bayard, assurément inventé par Champier, ne servait donc pas seulement le souvenir de Marignan, il justifiait surtout la capture de François Ier à Pavie. A cause du serment fait à son capitaine, le roi n’aurait donc pas protégé sa personne et aurait préféré son honneur à sa vie, comme le précise sa lettre adressée à Louise de Savoie. » Le Fur Didier, « 5. Le roi-chevalier », Marignan, 1515. sous la direction de Le Fur Didier. Éditions Perrin, 2015, pp. 279-300.

155 Clément, Jean-Paul. « IV. La première Restauration : le roi face à Monsieur », , Charles X. Le dernier Bourbon. Éditions Perrin, 2015, pp. 153-174.