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chimérique : renouer la chaîne des temps

C) Une couronne ducale et royale ?

Léopold est le fils d’une reine de Pologne (1), il revendique aussi le titre de « roi de Jérusalem » (2) et affiche également de nombreux titres hérités de ces ancêtres (3). 192

1) Fils d’une reine douairière de Pologne

La mère de Léopold, Éléonore d’Autriche a été mariée au roi de Pologne et grand duc de Lituanie, Michał Wiśniowiecki. Ce dernier meurt après seulement quatre ans de règne et trois ans de mariage, Éléonore et lui n’ont pas d’enfant. La Pologne est une monarchie élective et non héréditaire. Après la mort de son mari, Éléonore ne conserve que le titre de reine douairière.

Remariée avec le duc de Lorraine en exil Charles V, elle le convainc d’être candidat au royaume de Pologne mais il est battu par Jean Sobiesky. Léopold naît de l’union entre la reine douairière et le duc de Lorraine. L’ascendance royale de sa mère ne lui fait bénéficier d’aucun titre particulier.

2) Roi de Jérusalem

En revanche depuis le duc René Ier et la réunion des duchés de Lorraine et de Bar en 1731, les ducs de Lorraine revendiquent le titre de roi de Jérusalem. Cette tradition s’interrompt à partir du duc Antoine, qui ne souhaite pas contrarier un autre souverain aux prétentions similaires, l’empereur Charles V. Sous le règne du duc Charles IV, le titre reparaît de nouveau.

Pour Paulette Choné : «

L

a légende de l’ancêtre des princes lorrains, Godefroy de Bouillon, premier roi chrétien de Jérusalem, donna durablement aux armoiries aux trois alérions de la « Tres Catholique Maison » la teinte de l’épopée mystique ;. »193

Pour sa part, Anne Motta lie la reprise du titre à la cérémonie d’obsèques organisée pour Charles V : « C’est d’ailleurs à partir de ce couronnement posthume, qu’il prend le titre de « roi de Jérusalem dans sa titulature. », titre honorifique qui apparaît sur les premières monnaies frappées en 192 Alain Petiot, « D’Innsbruck à Lunéville. L’expérience de l’exil du duc Léopold », Échanges, passages et transferts à la cour du duc Léopold (1698-1729), Actes du Colloque du 12 et 13 mai 2015, sous la direction d’Anne Motta. Presses universitaires de Rennes, 2017.

193 Choné Paulette, « Le cas singulier des emblèmes en Lorraine aux xvie et xviie siècles », Littérature, vol. 145, no. 1, 2007, pp. 79-90.

1700, juste après « duc de Lorraine ».194 L’objectif est encore de mettre en avant les combats de son père contre les Turcs.

Léopold s’appuie sur ce titre honorifique pour rehausser le rang et le prestige de la Maison Lorraine, en conséquence, il entend qu’on l’appelle Son Altesse Royale.

Dans les cours étrangères, ces prétentions royales du duc de Lorraine sont moquées à l’instar du duc de Saint-Simon qui écrit dans ses mémoires :

« On fut surpris de la couronne qui surmontoit ce portrait ; elle étoit ducale, mais fermée par quatre bars, ce qui, aux fleurs de lis près, ne ressembloit pas mal à celle que le roi avoit fait prendre à Monseigneur. Ce fut une invention toute nouvelle que ses pères n’avoient pas imaginée, et qu’il mit partout sur ses armes. Il se fit donner en même temps l’altesse royale par ses sujets, que nul autre ne lui voulut accorder[...]. »195

Le mémorialiste ne considère pas le titre de roi de Jérusalem comme un vrai titre royal: « Je ne sais s’il voulut chercher à s’égaler à M. de Savoie, et sa chimère de Jérusalem à celle de Chypre, mais M. de Savoie en avoit au moins quelque réalité par le traitement d’ambassadeur de tête couronnée déféré aux siens à Rome, à Vienne, en France, en Espagne, et partout où jamais on n’avoit ouï parler de simples ambassadeurs de Lorraine. »196

Il en profite pour dénoncer ce qu’il considère comme un scandale, les prétentions des princes étrangers d’avoir la préséance sur les pairs de France dont il fait partie :

« Ces entreprises furent trouvées ridicules, on s’en moqua, mais elles subsistèrent et tournèrent en droit. C’est ainsi que s’est formé et accru en France le rang des princes étrangers, par entreprises, par conjonctures, pièce à pièce, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer. Cette couronne étoit surmontée d’une couronne d’épines, d’où sortoit une croix de Jérusalem. »197

Ces critiques se retrouvent ailleurs que dans les mémoires de Saint-Simon, par exemple dans un mémoire diplomatique de Jean Rousset de Missy : « Il seroit ridicule qu'un Prince sur un degre de parente fort eloigné & fur quelque droit ou prétention recherchée de fort loin, à une couronne, dont il n'a jamais été déclaré roi eut le Pas avant un Electeur de l'Empire, & c'est en quoi le duc de Savoie se comporte bien ; car quoiqu il pretende être roi de Chypres, il cède fans difficulté le Pas aux Electeurs comme nous savons dit ci-dessus , & ne veut pas cependan le faire à J egard du 194 Motta Anne, Ducs de Lorraine Biographie plurielles de René II à Stanislas, Pairages, Nancy, 2017. p. 160.

195 Rouvroy, duc de Saint-Simon Louis (de), Mémoires du duc de Saint-Simon, tome 2, Hachette, 1856, pages 211-229.

196 Ce qui choque d’autant plus le mémorialiste, c’est que le titre de roi de Jérusalem fait partie de l’héritage Barrois de René Ier, or le duc de Bar est vassal du roi de France. Ainsi, Léopold ne peut prétendre à une couronne pour ce fief: « Cette clôture de couronne, pour être ingénieuse et de forme agréable pour un orfèvre, étoit mal imaginée. M. de Lorraine, comme duc de Lorraine, étoit un très-médiocre souverain, mais souverain pourtant sans dépendance ; comme duc de Bar, il l’étoit aussi, mais mouvant et dépendant de la couronne, et toutes ses justices à lui (à plus forte raison celle de tous les Barrois) soumises au parlement de Paris, et ce fut des armes de Bar qu’il fit la fermeture de sa couronne. Ce ridicule sauta aux yeux. Ses pères ont eu l’honneur d’être gendres de rois et d’empereurs : un, de roi du Danemark ; un autre, de notre Henri II ; et le père de M. de Lorraine était gendre et beau-frère d’empereurs, et mari d’une reine douairière de Pologne. », Ibid., p. 211-229.

duc de Lorraine. »198

Malgré ces sarcasmes, Léopold obtient la reconnaissance du titre d’Altesse Royale par l’empereur en 1703 et même par le régent Philippe d’Orléans, son neveu, en 1718199. Comme « souverain indépendant200 », il a besoin pour soutenir son rang que sa place dans la hiérarchie des dynasties européennes soit acceptée par les autres souverains et notamment les plus puissants d’entre-eux, le roi de France et l’empereur. Bourbons et Habsbourg ont parfois des divergences sur cette hiérarchie, en fonction notamment des rapports diplomatiques qu’ils entretiennent avec tel ou tel souverain201.

3) Les autres titres de Léopold

Alain Petiot rappelle que les titres des ducs de Lorraine se sont établis progressivement : « De Gérard d’Alsace, en 1048, à Charles II, en 1430, les ducs de Lorraine n’avaient ajouté à ce titre que celui de « marchis » attribué par l’empereur Henri IV au duc Thierry II en 1114202. »

Des nombreuses titulatures du duc de Lorraine René Ier, ses successeurs ne retiennent que les titres suivants : « duc de Bar, roi de Jérusalem203, marquis de Pont-à-Mousson, duc de Calabre, comte de Provence, comte de Vaudémont à partir de 1470, duc de Gueldre (1541), comte de Zutphen (1541), comte de Blâmont (1544), comte de Sarrewerden (1607), comte de Salm (1607) et marquis de Nomeny (1623). »

En plus de tous ces titres hérités de ses prédécesseurs, Léopold en ajoute de nouveaux : ceux de prince souverain d’Arches et de Charleville, de duc de Montferrat, de comte de Falkenstein en 1708 et celui duc de Teschen en 1722.

Dans une ordonnance du 4 Mars 1724, Léopold se présente par les titres suivants : « Leopold par la grâce de Dieu, duc de Lorraine, de Bar &de Montferrat», Roy de Jerusalem,

198 Rousset de Missy Jean, Mémoire sur le rang et la préséance entre les souverains de l’Europe, chez François l’Honoré et fils, 1746, p. 159.

199 Faible consolation en réalité, car à la suite du traité de Paris de 1718, car à l’issue du traité, Sarrelouis, Phalsbourg, Sarrebourg et Longwy restent françaises, enclavant plus que jamais le duché. « Empreinte militaire en Lorraine (02-2008) Laurent

Jalabert » Wicri Lorraine, . 6 fév 2018, 10:17 UTC. 5 mai 2020, 16:10

<https://lorexplor.istex.fr/Wicri/Europe/France/Lorraine/fr/index.php?title=Empreinte_militaire_en_Lorraine_(02-2008)_Laurent_Jalabert&oldid=10444>.

200 A cette époque, parler d’indépendance signifie juste de ne pas avoir de suzerain au dessus de lui. En l’occurrence, le duc est indépendant pour le duché de Lorraine, mais pas pour le duché de Bar.

201 Voir par exemple la querelle de préséance entre la princesse Palatine et Marie Thérèse, elle refuse de s’asseoir sur un tabouret car l’impératrice lui a accordé le droit à une chaise. I Bély Lucien, Louis XIV, le plus grand roi du monde, op. Cit., (version ebook) p. 179.

202 Alain Petiot, « L’héritage lorrain de la Maison d’Autriche (1737-1918) », conférence donnée à l’académie Stanislas. 2019-05-22. p.6 texte disponible à cette adresse : https://www.academie-stanislas.org/academiestanislas/images/seances_publiques/2019-05-22-Petiot.pdf .

Marchis, duc de Calabre, &c204 ».