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chimérique : renouer la chaîne des temps

A) Un état Lorrain inachevé

Dès le XVème siècle et alors même que la Lorraine traverse « son siècle d’or », la construction de l’État Lorrain montre ses limites comme le rappelle Julien Lapointe : « Cette tentative d'imposer un pouvoir ducal fort échoue pourtant. Un statu quo est certes maintenu pendant trois ans. Mais le bras de fer entre Charles III et les Lorrains prend fin en 1562. À coup d'argent, le duc doit solliciter l'aide de ses sujets par le biais de l'assemblée des trois Etats du pays90. »

1) La limite des Etats généraux

Obligé de solliciter les états-généraux pour obtenir les moyens de financer ses politiques, Charles III voit alors son pouvoir diminué, car conditionné : « Or, ceux-ci n'acceptent pas le caractère autoritaire de leur nouveau maître. Ils refusent de lui accorder les subsides dont il a besoin tant qu'il ne prête pas serment de respecter leurs privilèges. Leur opposition se montre efficace. Charles III est contraint de céder à leur pressions91. »

90 Lapointe Julien, « Sous le ciel des Estatz », Les États généraux de Lorraine sous le règne personnel de Charles III (1559-1608), 2015, Nancy, Université de Lorraine, 527 p. [C 3878]. Thèse de doctorat en histoire du droit de l’Université de Lorraine, soutenue le 30 mars 2015. p. 18.

La monarchie lorraine apparaît donc dès lors comme une monarchie tempérée, où la noblesse et les Etats jouent un rôle important : « Cet événement marque le véritable point de départ du règne personnel de ce prince lorrain. A défaut de régner en monarque absolu, il doit composer jusqu'à la fin avec les Etats de ses pays, qui s'imposent dès le départ comme un réel contre-pouvoir . D'ailleurs, lorsqu'ils sont de nouveaux réunis en 1569, les États obtiennent du souverain la confirmation de leurs privilèges92. »

Julien Lapointe remarque que ce type de gouvernement peut fonctionner à condition que l’habilité du prince permette de concilier les intérêts des nobles et celui du duc : « Son habilité politique prouvera par la suite que les Etsats ne seront pas de si farouches opposants. Sa qualité de souverain en dépendait : car si le prince souverain est subject aux Estats, il n’est ny prince, ni souverain93. »

Cette conception est d’ailleurs caractéristique de cette époque, qui s’éteint au XVIIème siècle, les derniers Etats généraux ont lieu en 1614 pour la France (excepté ceux de 1789) et 1629 pour la Lorraine, comme le rappelle Anne Motta : « L’idéal politique défendu par la noblesse dans la plupart des États de l’Europe occidentale à cette époque, est un pouvoir partagé entre le souverain, les gentilshommes et les États Généraux. Ces assemblées, composées des représentants des trois ordres, ont cette fonction essentielle de maintenir le dialogue entre le prince et ses sujets, et de parer ainsi à toute tentative de rébellion de la part des membres les plus contestataires94. »

Anne Motta ajoute que : « Même Jean Bodin (1530-1596), parangon de la défense de la souveraineté, considère que la majesté du prince n’est jamais aussi grande que lorsque les États Généraux sont réunis autour de lui95. »

Il est vrai que Jean Bodin développait ses théories dans le contexte des guerres de religions96 et ne pouvait imaginer qu’avec l’absolutisme, la monarchie pourrait bientôt sous le ministériat de Richelieu se passer de réunir les Etats. Ses écrits étaient autant de recommandations pragmatiques qu’il adressait à ses contemporains97.

La pensée de Bodin remise dans le contexte de son époque est très en avance dans la construction d’un Etat Royal puisqu’elle place « les États Généraux sous la souveraineté du prince et n’accorde à ces assemblées qu’un rôle consultatif98. » Or en Lorraine, comme le souligne Anne Motta « La chevalerie lorraine a d’autres prétentions et attend davantage de cette institution qu’elle dirige99. »

92 Lapointe Julien, op. Cit., p. 18. 93 Ibid. Lapointe Julien, p. 19. 94 Motta Anne, op. Cit., p. 122. 95 Ibid., Motta Anne, p. 122.

96 Nous évoquons ici les huit guerres de religions qui déchirent la France de 1562 à 1598 Livet G., Les guerres de religion, PUF, Paris, 1993.

97 Pierre Bayle, « Notice sur Jean Bodin », dans Dictionnaire…, op. Cit., 1740. 98 Ibid. Motta Anne, p. 122.

2) L’innovation étatique française

D’un point de vue statistique, l’État ducal de Léopold ne tient pas la comparaison avec l’État royal de Louis XIV. La précocité de l’État en France constitue aussi sa spécificité. Louis XIV dès le début de son règne peut compter sur une administration plus fournie et développée que ses voisins : en effet, le nombre d’agents de la monarchie s’élève sous Louis XI à 6 500, en 1593, pour atteindre 20 000 et en 1665, Louis XIV peut compter sur une administration de près de 46 000 agents.

Il est clair pour Lucien Bély que la France innove dans la construction d’un Etat efficace : « L'état Royal prend pourtant une place centrale et un poids singulier dans la vie économique, place et poids qu'il n'a pas ailleurs en Europe. Cela fait peut être la singularité du modèle français d'administration100[…] »

L’historien de la diplomatie explique ce mouvement par l’apparition d’un impôt permanent justifié par la guerre à partir de la fin du Moyen Âge. Il met en perspective la « machine de l’État royal » avec la population française, cela correspond à une échelle d’un agent pour 2 000 habitants en 1515, et pour le triple en 1559, enfin ce chiffre est monté à 1 pour 250 au début du règne de Louis XIV en 1661101.

De leur côté, François Saint Bonnet et Yves Sassier comptent 6 500 agents sous Louis XI, 20 000 en 1593, 46 000 en 1665102.

Lucien Bély estime que cette réalité statistique trouve un écho auprès des contemporains de Louis XIV : « Aux yeux des Français du temps, le contraste apparaît nettement entre cette administration qui multiplie des initiatives et semble capable de les mener à bien et les systèmes politiques des autres pays européens où le pouvoir royal paraît moins efficace103. »

Il appuie sa comparaison sur l’exemple espagnol et anglais : « En Espagne, la présence d’innombrables Conseils conduirait à une dilution de la décision, et la forte autonomie des différentes provinces ou royaume résistent au pouvoir royal. En Angleterre, le roi n'a pas de moyens financiers et ne peut presque rien faire sans son parlement qui se méfie de toutes atteintes aux libertés traditionnelles104. »

100 Bély, Lucien. « Chapitre XX. L'État royal et son action », , La France au XVIIe siècle. Puissance de l'État, contrôle de la société, sous la direction de Bély Lucien. Presses Universitaires de France, 2009, pp. 577-607.

101 Aujourd’hui, le ratio est de un pour dix. Bély Lucien, Louis XIV, le plus grand roi du monde,chapitre 35, « La machine de l’État », Paris, Éditions Gisserot, 2005.

102 Henocq Kevin , Galeran Benjamin, Histoire des institutions, Lextenso, Paris, 2008. p. 348.

103 Ibid. Bély Lucien, pp. 577-607.

3) Qu’en est-il de l’État Lorrain ?

Selon Christophe Rivière qui a analysé le règne du duc Charles II, la construction d’un Etat Lorrain fut laborieuse : « Le duché de Lorraine accuse un retard très important dans la mise en place de structures administratives modernes, que ce soit par rapport au royaume de France ou au duché de Bar, et ce depuis très longtemps, puisque la mise en place des prévôtés et bailliages, par exemple, ne se réalise que dans la seconde moitié du XIIIe siècle. »

Ce retard se retrouve aussi au sommet des institutions puisque c’est seulement à cette même période que s’institue pour la première fois un Conseil ducal : « Un Conseil ducal existe depuis le XIIIe siècle, et secrétaires d’État, maîtres des requêtes sont en place depuis le XVIe siècle (cf leur présence mentionnée au moment de la pompe funèbre de Charles III en 1608)105. »

Et ce retard n’est toujours pas comblé sous le règne de Charles II, poursuivant le décalage avec le voisin français : « Par la suite, malgré un certain progrès du pouvoir ducal, le retard ne se comble pas, et il apparaît, de façon très claire, dans les sources concernant le règne de Charles II106. »

Si les règnes suivants, et notamment, celui de Charles III furent sans doute bénéfiques dans l’émergence de l’État Lorrain, ce fut au prix de l’intégration de la noblesse dans les institutions ducales; l’auteur résume : « Au cours du XVe siècle, la réponse de la société politique lorraine à la mise en place des structures étatiques semble donc très claire : la chevalerie a accepté l’État, à condition de s’y voir reconnaître une place de choix, pour pouvoir continuer à contrebalancer le pouvoir ducal107

Cette conclusion correspond aussi à la démonstration de Julien Lapointe dans ses travaux sur l’influence des Etats généraux de Lorraine ou d’Anne Motta sur la noblesse Lorraine : « Comme dans les autres pays d’Europe occidentale, les duchés de Lorraine voient le pouvoir princier s’affirmer, au tournant des XVe et XVIe siècles, avec une stabilisation de son assise territoriale et le développement de structures administratives plus solides108. »

Anne Motta montre que les antagonismes qui traversent la noblesse française entre vieilles familles aristocratiques et noblesse de robe existent également en Lorraine : « La haute administration n’est pas seule touchée par cette évolution, encore timide dans ces années 1620-1630. Alors que la part de la grande noblesse se stabilise au sein du Conseil ou Grand Conseil, 105 Motta Anne, op. Cit., p. 131.

106 Rivière Christophe, « Les structures politiques et administratives du duché de Lorraine sous Charles II (1390-1431). Un exemple de résistance à l'acculturation ? », Hypothèses, vol. 3, no. 1, 2000, pp. 151-157.

107 Ibid, Rivière Christophe, pp. 151-157.

autour de huit ou dix gentilshommes, le déséquilibre se creuse en faveur des « robes longues » issues d’une noblesse récente, par opposition aux « robes courtes », réservées à l’ancienne noblesse109 »

Cette modernisation de l’État Lorrain reste cependant à nuancer, puisque le Conseil de Charles IV ne se compose que d’une dizaine de personnes sous son règne110.

Pour obtenir une idée, certes approximative, de l’administration lorraine, il faut d’abord compter le nombre des Conseillers d’État, qui s’élève à 96 en 1722, ce nombre comprend les « ministres » et les maîtres de requêtes111 et tous ne siègent pas effectivement au Conseil, mais jouent parfois plutôt le rôle de relais locaux; ensuite, nous comptons les membres de la Cour souveraine de Lorraine et de la Chancellerie, qu’Henri Lepage évalue pour sa part à 414112.

Enfin, il ne faut pas oublier les membres des administrations déconcentrés : un bailliage est composé d’un bailli, d’un lieutenant général civil et criminel, d’un lieutenant général de police, d’un lieutenant particulier civil et criminel, d’un assesseur civil et criminel, de huit Conseillers, d’un avocat et d’un procureur du roi, et d’un avocat, greffier en chef. Soit 17 membres qu’on retrouve ainsi à peu près dans 35 bailliages113, de même les prévôtés se composent d’un prévôt-commissaire-enquêteur et examinateur, un lieutenant, un avocat-procureur du roi et un greffier. Ainsi, on peut recenser près de 623 offices d’agents du duché dans les baillis et prévôtés.

En additionnant ces trois nombres : 96 Conseillers d’Etat (ce qui constitue un record), 414 membres de la Cour souveraine et de la Chancellerie, et 623 agents dans bailliages et prévôtés, on arrive à un total de 1 260 agents du duché pour environ 400 000 habitants114, c’est à dire à approximativement un agent ducal pour 400 habitants contre un agent royal pour 250 Français au début du règne de Louis XIV.

L’ « État Lorrain » semble ainsi beaucoup moins développé que son voisin français, mais plus important encore, l’œuvre de Louis XIV et de Colbert fut de doter la France d’une administration financière115 ; or l’administration lorraine apparaît alors essentiellement judiciaire et ses subdivisions financières encore primitives116.

109 Motta Anne, op. Cit., 153.

110 Ibid., p. 153.

111 Antoine Michel, Le fonds du Conseil ď État et de la Chancellerie de Lorraine aux Archives nationales, Nancy, Berger-Levrault, 1954. p27.

112 Lepage Henri, Les communes de la Meurthe: journal historique des villes, bourgs ..., Volume 2, p 212 ; d'Arbois de Jubainville Henri. Les offices des duchés de Lorraine et de Bar..., par H. Lepage, avec la collaboration de A. de Bonneval.. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1869, tome 30. pp. 697-698. www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1869_num_30_1_446296.

113 En 1752, au moment de la réforme de Stanislas voir Op. Cit. Lepage H. pp. 697-698. 114 Op. Cit. Anne Motta, thèse p.73.

115 Barbiche, Bernard. « VI – Le gouvernement et la haute administration. Vue d'ensemble », , Les institutions de la monarchie française à l’époque moderne. XVIe-XVIIIe siècle, sous la direction de Barbiche Bernard. Presses Universitaires de France, 2012, pp. 117-143.

116 Antoine Michel, Le Conseil du roi sous le règne de Louis XV, Droz, Paris/Genève, 1970. Grand Prix Gobert 1971. Michel Antoine. Le fonds du Conseil ď État et de la Chancellerie de Lorraine aux Archives nationales. Nancy, Berger-Levrault, 1954, p. 25 et p. 34.

4) Des institutions d’occupation

De 1634 à 1637, la France qui occupe pour la première fois la Lorraine tente de remplacer le pouvoir du duc. Louis XIII nomme en Lorraine des autorités traditionnelles du royaume dans les provinces : intendant, gouverneur, auxquelles s’ajoute une institution plus spécifique : un Conseil Souverain117. Symbole fort, ces membres résident au palais ducal. Il est intéressant de noter que c’est la première fois que la monarchie a recours à cet outil administratif118 .

Si dans les pays d’États, la monarchie s’appuie bien sur des assemblées, elles y sont le fruit de l’Histoire. Cette volonté d’associer des personnalités locales aux autorités françaises envoyées dans ces territoires nouvellement administrés, démontre que loin d’être insensible aux populations locales, le royaume de France cherche à rationaliser l’administration afin de la rendre plus efficace et de s’ancrer dans ces territoires.

L’occupant français cherche ainsi à séduire l’administration et la magistrature pour asseoir sa domination, mais la nécessité de contrôler le parlement finit par l’emporter sur l’envie de plaire aux Lorrains. Elle obligea les Français à effectuer des changements dans la magistrature qui scandalisèrent les Lorrains, comme le raconte Rogéville : « En 1633, nouvelle interruption, parce que le Pays étoit couvert de Troupes françoises. Louis XIII s'étant emparé de la meilleure partie, & entr'autre des Villes de Nancy & de Saint-Mihiel, fit des changemens dans les Tribunaux supérieurs. II nomma deux Intendans, l'un pour la Lorraine, & l'autre pour le Barrois119. »

Le Conseil Souverain de Nancy est surtout composé par la noblesse dite de robe, issue de la justice ou de la finance : « Il établit, par Edit du 17 Septembre 1634, un Conseil Souverain à Nancy, pour y rendre la Justice en dernier ressort, dans la Lorraine & Terres adjacentes, même dans le Barrois mouvant & non mouvant, en matières de domaine, impositions,, aides, tailles & finances120. »

La composition du Conseil souverain de Nancy ressemble à celle des Conseils souverains d’Alsace, c’est une sorte de représentation locale qui se rapproche des pays d’État sans en avoir les rigidités : « Ce Tribunal fut composé de deux Présidens, dix-sept Conseillers, un Avocat & un Procureur généraux, & un Greffier. Leurs appointemens furent fixés à 36,900 livres, par Lettres-117 Gain André, Le Conseil souverain de Nancy (1634-1637) : contribution à l'histoire de l'occupation de la Lorraine par la

France au XVIIe siècle. P. Even, 1937.

118 Plus tard un deuxième sera créé en Alsace en 1657 (voir François Burckard, Le Conseil souverain d'Alsace au XVIIIe siècle : représentant du roi et défenseur de la province, Strasbourg, Société savante d'Alsace, 1995), dans le Roussillon en 1660 (François Pierre BLANC, Les magistrats du Conseil Souverain du Roussillon (Thèse de doctorat), Toulouse, Université de Toulouse, 1999) et enfin le Conseil Souverain de Bastia en 1769 (J. de Fréminville, Le Conseil supérieur de la Corse, dans Études corses, 3e et 4e trimestres 1955, LXXVe année, p. 75-85).

119 Rogéville G. de, Jurisprudence des tribunaux de Lorraine, précédée de l’histoire du parlement de Nancy, Nancy, 1785, p. viii . 120 Ibid. Rogéville G.

patentes du 2 Avril 1635121. »

L’existence de ce Conseil permet d’aiguiller l’intendant afin qu’il puisse mieux respecter les desiderata de la population locale, même si dans la pratique, l’exercice se révèle complexe.

Anne Motta note d’ailleurs que « L’installation d’une administration française de 1634 à 1661, puis de 1670 à 1697, a également donné lieu à une correspondance foisonnante entre les agents du roi de France établis en Lorraine et les ministres français, ainsi qu’entre les instances du pouvoir étranger et les nobles lorrains. Cette documentation est conservée essentiellement au ministère des Affaires Étrangères, mais aussi dans les fonds de l’armée de terre à Vincennes. Elles apportent des informations particulièrement éclairantes sur le comportement des gentilshommes lorrains durant les troubles122. »

L’intendant devient aussi président de la Cour souveraine de Lorraine : « Enfin il nomma pour Président M. Barillon de Morangis, Intendant dans ce duché123. ». Barillon de Morangis a auparavant été Conseiller au parlement de Bretagne en 1619 et de Paris en 1620, il devient ensuite maître des requêtes le 1er février 1625 ; il a déjà une forte expérience quand il accède à la présidence de la Cour souveraine, tout en étant intendant du duché. Cette superposition des institutions annonce déjà celle de la Galaizière, dont le profil est ressemblant. Comme lui, il deviendra ensuite Conseiller d’État à la direction des finances.

Pour ce qui est de la Cour souveraine de Saint Mihiel, Louis XIII la maintient dans ses attributions : « Quant à la cour de Saint-Mihiel, que Louis XIII qualifïoit de Parlement (i), il la confirma dans son ancienne juriditction & autorité, à la réserve des matières domaniales qu'il avoit attribuées au Conseil Souverain de Nancy , & étendit son ressort sur le Barrois mouvant, ne voulant plus qu'il y eût de distinctions entre celui-ci & le non mouvant124. »

Rogéville décrit ainsi la composition de la cour Souveraine : « La Cour souveraine de Saint-Mihiel étoit alors composée de MM. de Rutant, Président, de Rozieres, Gervaise, d'Amblemont, de Rutant, de Boufmard , Thiery, de Gondrecourt & Bournon, Conseillers125. »

Face aux résistances des magistrats lorrains que Louis XIII avait lui-même confortés dans un premier temps, le roi de France se décide à dissoudre le parlement de Saint Mihiel et à lui substituer directement le Conseil Souverain, mais les Lorrains refusent de plaider leur cause à ce tribunal, si bien que Louis XIII finit en 1737 par le supprimer et rattacher les bailliages au parlement de Metz.

121 Ibid. Rogéville, p. viii .

122 Motta Anne, Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (1624-1737), op. Cit., p. 46. 123 Ibid. Rogéville., p. ix.

124 Jalabert Laurent, « Les frontières dans l'espace lorrain : de la frontière militaire à l'intégration dans le royaume de France (1633-1766), Empreinte militaire en Lorraine », Wicri Lorraine, 02-2008.

125 Rogéville, Pierre-Dominique-Guillaume de. Dictionnaire historique des ordonnances et des tribunaux de la Lorraine et du Barrois, Nancy, Veuve Leclerc, 1777.

Ainsi, deux systèmes juridiques vont se concurrencer : « Elle (la monarchie française) met en place une architecture juridico-administrative qui s'installe parallèlement à celle préexistante et considérée comme illégale : les douze bailliages continuent de subsister, avec des baillis et fonctionnaires royaux alors que les anciens baillis lorrains prennent leurs ordres auprès de la Cour souveraine de Charles IV126. »

Au final, c’est la force et la situation militaire qui décideront de la compétence de telle juridiction ou non, la Lorraine est morcelée selon la présence ou non de militaires français : « Sur le terrain, les difficultés subsistent cependant en raison du fait que les Français ne maîtrisent pas complètement les duchés : partout où il n'y a pas de troupes françaises, la justice lorraine suit son cours ; le 20 juin 1651, le Parlement de Metz renouvelle d'ailleurs sa défense de reconnaître d'autres juges que les juges royaux et de porter les appels ailleurs que devant lui127. »

L’échec des institutions d’occupations témoigne aussi de la loyauté des Lorrains à leur duc en exil. Ces expériences institutionnelles auront duré près d’un demi-siècle sans parvenir à amadouer la population lorraine. Dans un premier temps, la Guerre de Trente ans faisait rage et