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Section I: Le mimétisme institutionnel entre la France et la Lorraine

A) Les Conseils souverains

Le duc exerce son autorité au sein de son Conseil, en s’appuyant sur des fondements doctrinaux qui copient la monarchie française (1). Dans la pratique, le Conseil est subdivisé en plusieurs entités qui prennent des décisions au nom du duc (2). Cette assemblée est composée de ministres, terme anachronique, mais qui permet de regrouper les différents officiers qui siègent dans les Conseils souverains.

1) Les fondements doctrinaux du Conseil ducal

L’organisation du gouvernement lorrain ressemble très fortement aux institutions françaises, si bien qu’il est courant chez les historiens de présenter le règne de Léopold comme le pendant lorrain de l’absolutisme.

Jean Vartier écrit notamment à propos de Léopold : « Gagné à l’exemple de l’absolutisme français, il se garde de ressusciter les libérales institutions de l’ancienne Lorraine, en particulier les états Généraux, issus d’élections diverses et rédacteurs des cahiers de doléances293. »

De même Henry Bogdan constate : « Léopold commença par établir un nouveau système de gouvernement, assez voisin de celui qui existait en France294. » ou encore « Centralisation, renforcement du pouvoir ducal et recherche de l’efficacité furent les principes sur lesquels s’appuya 292 Motta Anne, biographie plurielle, édition des pairages, Nancy, 2017, p. 153.

293 Vartier Jean, Histoire de la Lorraine, France Empire, Paris, 1994, p. 128. 294 Bogdan Henri, La Lorraine des ducs, Paris, Perrin, 2005, p. 211.

la politique de Léopold Ier, des principes largement inspirés par l’exemple français295. »

Et Anne Motta va encore plus loin en affirmant : « Le duc Léopold s’est ainsi doté d’un gouvernement digne d’un État souverain. Il montre qu’il veut régner en maître sur un territoire mieux contrôlé, doté d’une armature administrative plus efficace et soutenue, non plus comme par le passé par la noblesse ancienne, mais par des élites renouvelées. Il a repris à son compte le dessein absolutisme de ces ancêtres, interrompu seulement à cause du chaos politique du XVIIème siècle296. » Et pourtant, dans ses nombreux écrits, tel son cayer à destination de son successeur297, où le duc évoque à la fois des considérations économiques ou géopolitique, il n’explique jamais sa conception de la nature du pouvoir, ou encore du fonctionnement des institutions. Les historiens déduisent donc sa pensés de son action politique et surtout du mimétisme de ses institutions avec le modèle absolutiste français.

L’absolutisme se définit comme un « système politique dans lequel le pouvoir est concentré entre les mains du souverain, qui en exerce tous les attributs (législation, justice, administration)298. »

A l’origine, il s’agit d’une « théorie française », comme le souligne Jean-Claude Ricci299, dans le sens qu’elle s’inscrit dans un contexte très spécifique. En effet, l’absolutisme fut conçu d’après la notion de souveraineté, développée par Jean Bodin à une époque troublée par les guerres de religion, où un État suffisamment fort pouvait seul être en mesure de rétablir la paix.

Il se nourrit du concept de monarchie de droit divin comme le rappelle Michel Antoine : « De cette origine divine de l’autorité du souverain dérivent trois conséquences essentielles : il n’est responsable que devant Dieu, il est au-dessus de la nation, il est la source unique de tout pouvoir temporel300. » et cite l’un des théoriciens de l’absolutisme, le jurisconsulte Jacob-Nicolas Moreau : « Les rois « sont revêtus d’une puissance absolue, dont ils ne répondent qu’à Dieu301. »

Sous l’Ancien Régime, les défenseurs d’une « monarchie absolue » ne sont pas cependant pas les seuls à tirer leur légitimité de dieu. Les partisans d’une monarchie tempérée, comme

295 Op. Cit. Bogdan H., p. 212.

296 Motta Anne, biographie plurielle, édition des pairages, Nancy, 2017, p. 162.

297 Harsany, Zoltan (éd.). Cayer pour laisser à mon successeur… par le duc Léopold (vers 1715), Nancy, Paris, Strasbourg, 1938. 298 Absolutisme,2020,Larousse.fr, Paris. Consulté le 08/09/2020 sur :

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/absolutisme/274.

299 Lescuyer (Georges) et Prelo T (Marcel), Histoire des idées politiques, Paris, Dalloz, éd. 2001, p. 204-213. 300 Antoine Michel , Le Conseil du roi sous le règne de Louis XV, Droz, Paris/Genève, 1970. Grand prix Gobert 1971.

301 Op. Cit. Michel Antoine, Le Conseil du roi sous le règne de Louis XV, citant Arrêt du Conseil rendu à Versailles Je 30 octobre 1730 (Arch. nat., E 2105, fol. 222-225 ; et U 1163 [imprimé]).

Fénélon par exemple, la justifie aussi au nom du droit divin302.

En Lorraine, la faiblesse du pouvoir ducal vis-à-vis de ses voisins rend possible des alliances et des interactions entre ceux qui menacent la souveraineté ducale à l’extérieur et à l’intérieur. Dans la Lorraine de Charles III, Julien Lapointe met en avant tous les compromis réalisés avec le clergé et la noblesse303, deux entités, qui défendent, bien entendu, leurs prérogatives au nom de Dieu.

Il y a depuis au moins Charles III, contemporain de Jean Bodin, un décalage entre les ambitions élevées du duc de Lorraine pour affirmer sa souveraineté et la réalité de son pouvoir. Le fait même de copier la doctrine française prouve le degré d’influence des idées françaises, dans le duché de Lorraine.

Ce qui caractérise l’absolutisme français, ce n’est pas seulement qu’il bénéficie de l’hégémonie militaire de la monarchie après sa victoire contre la Fronde, ou encore d’une armature administrative plus développée que ses voisins, c’est aussi qu’il repose sur le gallicanisme304.

Hubert Méthivier précise la situation particulière du clergé français vis-à-vis de la papauté : « Les fameuses « Libertés de l’Eglise gallicane » se résument ainsi : indépendance à l’égard du Pape au temporel ; au spirituel, puissance de Rome bornée par les « canons et règles des Conciles reçus en ce royaume », pratiquement : liberté à l’égard du Saint-Siège, servitude à l’égard du roi, depuis le Concordat de 1516 qui lui confère la libre disposition des bénéfices majeurs du royaume305. »

Ainsi, le roi de France peut s’appuyer sur l’église gallicane, pour transmettre à ses sujets une conception sécularisée de son pouvoir. Ce n’est pas le cas de la Lorraine, terre de tradition ultramontaine306. Et le duc Léopold, malgré ses velléités absolutistes, ne dispose pas d’un clergé autonome pour relayer son autorité.

Ainsi, l’absolutisme constitue sans doute pour Léopold un modèle de gouvernement, voire un objectif à atteindre. En revanche qualifier le duc de Lorraine de monarque absolu paraît excessif 302 Engrand Charles. Les préoccupations politiques de Fénelon In : Fénelon, évêque et pasteur en son temps (1695-1715) [en ligne]. Lille : Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 1996 (généré le 21 septembre 2020). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/irhis/2483 .

303 Julien Lapointe, "Sous le ciel des Estatz" : les États généraux de Lorraine sous le règne personnel de Charles III (1559-1608), Institut Universitaire Varenne, 2016, Collections des thèses, p. 473.

304 Ultramontain : « Doctrine et attitude caractérisées par l'accord du souverain français et de son clergé pour gouverner l'Église de France en contrôlant et en réfrénant l'ingérence du Saint-Siège et en prétendant s'appuyer sur des droits anciennement acquis. », 2020, dictionnaire de l’Académie, Paris. Consulté le 08/09/2020 sur : https://www.cnrtl.fr/definition/ultramontain .

305 Méthivier, Hubert. « Le roi très Chrétien : L'absolutisme religieux », Hubert Méthivier éd., Le siècle de Louis XIV. Presses Universitaires de France, 1995, pp. 76-87.

306 qui est traditionnellement (Celui, celle) qui soutient et défend les positions traditionnelles de l'Église italienne, le pouvoir absolu, spirituel et temporel du pape.

quant à la réalité de son pouvoir.

2) La pratique du gouvernement

Les Conseils fonctionnent sur plusieurs principes, tel le devoir de Conseil qu’un sujet doit à son souverain (a), le principe d’unicité théorique (b) du Conseils en dépit des différentes subdivisions pour plus de compétences et d’efficacité (c).

a) Le devoir de Conseil

Comme le roi de France, le duc de Lorraine, qui n’est pas un tyran décidant seul, s’entoure d’un Conseil, écoute les positions de ses ministres et c’est seulement en fin de séance qu’il arbitre : « Mais dans la pratique courante, celui-ci ne servait plus guère qu’à entériner pour la forme des décisions antérieurement préparées, discutées et adoptées en dehors de lui307 » .

Face à ce pouvoir, il existe toutefois des contre-pouvoirs, telles les lois fondamentales qui consacrent le pouvoir du monarque autant qu’elles le limitent. Dans une moindre mesure, les parlements avec leur droit de remontrances peuvent attirer l’attention du monarque sur la pertinence ou non de telle ou telle mesure, ce qui, en quelque sorte, poursuit le devoir de Conseil des sujets envers leur souverain. Ce droit de remontrance a, lui-même, ses propres limites : le souverain peut obliger les magistrats à adopter un texte via les lits de justice.

Ainsi, le Conseil du duc n’existe en France et en Lorraine que par le monarque ; lui-même n’a pas de légitimité propre, en dehors du devoir de Conseil des sujets envers leur monarque.

En France, Louis XIV et ses successeurs décident souverainement, qui est appelé au Conseil. Cette invitation n’est valable que pour une séance du gouvernement et doit être renouvelée systématiquement.

En Lorraine, il existe des brevets de ministre d’État, même si théoriquement, le principe se veut le même que pour la France.

307 Michel Antoine, Le Conseil du roi sous le règne de Louis XV, Genève, Droz, coll. « Titre courant », 2009 (1re éd. Paris-Genève, Droz, 1970), p. 135.

b) L’unicité du Conseil

Cette unicité théorique correspond à l’état amalgamé entre le duc et son Conseil ; à l’instar du royaume de France, les Conseillers du prince représentent la continuation de sa volonté propre.

Pour ce qui est du gouvernement de la Lorraine, celui du duché de Bar sera évoqué plus bas dans ce chapitre : « il n’y a rien au-dessus du Conseil au contraire, c’est ce même Conseil qui peut changer tout ce qui est décidé et jugé par les autres justices308. »

En effet, depuis le traité de Nuremberg du 26 août 1542, le duc de Lorraine se considère comme souverain sur ses duchés, y compris vis-à-vis du Saint-Empire, avec lequel il continue d’entretenir des relations approfondies, de par son héritage filial.

c) La spécialisation des Conseils

Si le Conseil est théoriquement unique, dans la pratique il existe un principe de spécialisation des Conseils. En France, une première distinction s’opère, à partir de Louis XIV, entre Conseil de gouvernement et Conseil d’administration ; une seconde par la spécificité des matières, qui y sont étudiées309.

En Lorraine comme en France, le domaine de compétences du Conseil, peut varier selon la volonté du prince, qui reste libre d’y évoquer tous les sujets, qu’il souhaite310.

 Les Conseils de gouvernement

Imitant Louis XIV, qui a réformé son Conseil en 1661, au début de son règne personnel311, Léopold instaure une spécialisation des Conseils par domaine de compétences sur le modèle français, comme le souligne Henry Bogdan en évoquant sa réforme de l’Etat : « Pour réaliser cet objectif, Léopold commença par établir un nouveau système assez voisin de celui qui existait en France312. »

 Le Conseil d’État 308 A.D.M.M., 3 F 295.

309 Antoine Michel, Le Conseil du roi sous le règne de Louis XV, Genève, Droz, coll. « Titre courant », 2009 (1re éd. Paris-Genève, Droz, 1970), p. 135.

310 A.D.M.M., 3 F 242,16.

311 Année de la mort de Mazarin et de la disgrâce de Fouquet.

312 Bogdan Henri, La Lorraine des ducs, Paris, Perrin, 2005, p. 211.

Seul Conseil toujours présidé par Léopold en personne, il apparaît prépondérant sur tous les autres. D’ailleurs, ses contemporains, souvent, l’appellent simplement le « Conseil ». En France, le Conseil d’en haut est aussi prééminent vis-à-vis de tous les autres ; mais en Lorraine, ce Conseil capte l’essentiel de la matière, au point de vider les autres de leur substance.

Michel Antoine indique la large étendue des compétences du Conseil d’Etat : « On y traite de la diplomatie, des affaires intérieures, des questions religieuses, de la haute politique financière et économique, bref de tout ce qui touche directement l’avenir de l’État. Mais ce Conseil a aussi une importante activité judiciaire : c’est lui qui arbitre les différends entre les tribunaux, qui donne les règlement de juges, qui casse les avis des juridictions supérieures ; en outre, si le duc a délégué ses pouvoirs de justiciers aux Chambres des Comptes et à la Cour souveraine, il garde toujours la possibilité de « retenir » en son Conseil, telles causes qui lui plaisent, de les « évoquer à soi » et de les juger, soit en personne, soit sur l’avis des commissaires, car le Conseil compte de nombreuse commissions313. »

Nous arrivons à ce paradoxe lorrain qu’avec très peu de moyens, le duc, à travers son Conseil d’État veut s’immiscer partout et tout le temps. En Lorraine, le Conseil d’État joue donc à la fois le rôle tenu en France par les Conseils, que préside le roi (Conseil d’en haut, Conseil des dépêches, Conseil royal des finances et Conseil royal de commerce), et aussi, celui assumé en ce pays par le Conseil d’État privé finances et direction.

Il en résulte une politique ducale brouillonne, confuse et intempestive, notamment en politique étrangère. Pour rappel, en 1700, la proposition de Louis XIV d’échanger la Lorraine contre le duché de Milan n’aboutit pas ; à partir de 1708, Léopold déçu par l’échec de l’échange espère hériter des duchés de Mantoue et de Montferrat, ce qui lui est, à nouveau, refusé, mais l’empereur lui concédera plus tard le petit duché de Teschen en compensation314.

Dans son cahier à l’attention de son héritier, Léopold évoque la nécessité d’agrandissement du duché. Il pense au Saint Empire, et cherche à y placer ses pions : son frère Charles est évêque d’Olmütz et d’Osnabrück315, tandis que son petit frère devient prince abbé de Stavelot316, mais il meurt précocement.

Dans le cadre de la guerre de succession d’Espagne, l’occupation de 1702, qui dure jusqu’en 1714, constitue bien entendu un revers majeur. De plus, Léopold, pourtant resté neutre, 313 Antoine M., Le fonds du Conseil d'État et de la chancellerie de Lorraine aux Archives nationales, Berger-Levrault, Nancy,

1954.

314 Motta Anne, biographie plurielle, édition des pairages, Nancy, 2017, p. 169-171.

315 Petiot A., « François de Lorraine, le “ petit frère ” du duc Léopold (1689-1715) », 112e année, vol. 96 (Mars 2015). 316 Loc. Cit. Petiot A. .

s’agite pour tenter de bénéficier d’un gain territorial, lors du traité d’Utrecht, sans parvenir à convaincre les autres puissances du bien-fondé de sa revendication317.

Face à ces affaires diplomatiques particulièrement sensibles, un Conseil secret autour du duc se forme, issu du Conseil d’État, avec Carlingford et le père Creitz318, entre autres. Le secret de cette rencontre semble avoir été rompu, car Audiffret y fait référence dans ses lettres, le 11 octobre 1702319.

Sur le plan matrimonial aussi, Léopold développe des projets ambitieux. Il imagine, pour son fils aîné Léopold-Clément, un mariage avec la fille de l’empereur, Marie-Thérèse, mais ce dernier décède prématurément, et François-Etienne, son fils, est envoyé à Vienne à sa place. En même temps, Léopold espère marier sa fille au roi de France, Louis XV, mais se sent humilié lorsque Marie Leczinska lui est préférée.

Ce double projet de mariage aurait pu permettre le maintien de « l’équilibre » entre les deux grandes puissances320. L’échec du mariage français le rompt et aboutira à l’abdication de François III. Ce n’est pas le premier projet d’échange, puisqu’un autre fut déjà imaginé en 1702, avec le duché de Milan. Ainsi, si l’on met en perspective le projet avorté de 1702 et celui avec la Toscane réalisé en 1737, on constate une continuité entre François III et son père Léopold Ier.

Sur le plan économique aussi, les manipulations de monnaies pas toujours opportunes ou les grands chantiers laissés inachevés, comme celui de la Malgrange, illustrent cette ambivalence de la décision politique.

En effet, le Conseil d’État apparaît hypertrophié dans ses missions par rapport à tous les autres. Il en résulte un décalage permanent entre les idées de Léopold et leurs réalisations. L’absence de Conseil des dépêches illustre cette hégémonie du principal Conseil, qui règle à la fois les affaires extérieures, qu’intérieures.

Les autres Conseils apparaissent davantage comme des bureaux chargés de coordonner la politique ducale que comme de véritables organes gouvernementaux. Si en France, il y a certes une prééminence du Conseil d’Etat ou d’en haut sur les autres Conseils, il existe, malgré tout, une véritable complémentarité, tout au moins pour ce qui est des Conseils de gouvernements.

317 Ibid. Cit Motta, 169-171.

318 Antoine M., Le fonds du Conseil d'État et de la chancellerie de Lorraine aux Archives nationales, Berger-Levrault, Nancy, 1954.p. 28.

319 M. Audiffret à Louis XIV ; Nancy, 11 octobre 1702. Arch. Aff. Étr. .

320 Motta Anne, biographie plurielle, édition des pairages, Nancy, 2017 p. 169-171.

 Le Conseil des finances

Au début de son règne, Léopold fonctionne tout simplement sans aucun Conseil des finances ; c’est seulement en 1702, qu’il charge verbalement Mahuet, son intendant des finances, de « réunir quelques personnes compétentes tous les samedis pour veiller à la direction des ferme321. »

Cette sorte de commission aurait très bien pu être temporaire et cantonnée à la fiscalité ou à la coordination des fermiers généraux. Mais en 1703, ce petit groupe devint le Conseil des finances et tint sa première assemblée le 16 juin 1703.

Ses compétences comprennent alors : « connoitre de toutes les affaires qui concernent sans en rien excepter, de même que de l’exploitation de nos fermes générales et particulières. » ; mais aussi de « donner en conséquences tels reglemens, arrêts et ordonnances que vous jugerez nécessaires pour l’établissement d’une bonne régie, administration et conservation de nos finances, domaines et fermes générales et particulière322. » Ce qui étend grandement son champ de compétences, par rapport à ses missions initiales, essentiellement fiscales.

Au début de l’activité du Conseil, le duc est régulièrement présent, ce qui témoigne de l’importance de ce nouveau Conseil. A cela s’ajoute un fort contentieux, que Michel Antoine déduit en se basant, par exemple, sur la déclaration du 1er février 1708, permettant aux procureurs établis près de la chambre des comptes de Lorraine de postuler à ce nouveau Conseil323.

Évoluant de plus en plus en une assemblée à vocation contentieuse, le Conseil des finances, comme le montre l’ordonnance du 26 mars 1711324, étend ses attributions à toutes questions liées aux offices ; et Léopold lui concède les mêmes prérogatives qu’un procureur général.

Au-delà des traditionnelles compétences du Conseil des finances françaises, cette assemblée offre un ultime recours au justiciable. En outre, le duc par l’évocation peut tout à fait se saisir d’une affaire. L’ordonnance du 26 mars 1711 donne au Conseil des finances de Léopold la lourde charge d’accélérer, voire bousculer, le traitement des offices, alors que le pouvoir a incessamment besoin de nouveaux revenus. En effet, une terrible crise économique a suivi le dur hiver de 1708-1709 dans une Europe en guerre325. Certes, la crise a atteint plus tardivement et moins 321 Antoine M., Le fonds du Conseil d'État et de la chancellerie de Lorraine aux Archives nationales, Berger-Levrault, Nancy,

1954, p. 34.

322 Op. Cit. Michel Antoine, p. 34.

323 Antoine M., Le fonds du Conseil d'État et de la chancellerie de Lorraine aux Archives nationales, Berger-Levrault, Nancy, 1954, p. 35.

324 Arch. Nat, E, 3175.

325 Bogdan Henri, La Lorraine des ducs, Paris, Perrin, 2005. p. 216.

durement les duchés qui jusque-là bénéficiaient de la paix et des libéralités à crédit de son duc pour relancer une économie partout à l’arrêt chez ses voisins326.

Cette trop grande latitude, accordée par Léopold, s’accompagnait sans doute d’attentes majeures, vite déçues, car le duc supprime le Conseil le 8 octobre 1713, écrivant à Mahuet : « Je vous écris par la présentes pour vous dire que je supprime les deux bureaux que j’ay établys, l’un pour les finances, l’autre pour les eaux forêt327. »

Michel Antoine justifie cette suppression en suggérant que le Conseil des finances a pu déplaire au duc. Il y voit un éventuel coup de la chambre des comptes, qui défendant jalousement ses prérogatives, a abattu un Conseil, qui lui faisait de l’ombre328. Résultat logique de la position