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L’absence de François III du duché à ce moment décisif s’explique par ses voyages diplomatiques. Le duc doit défendre ses intérêts en dehors de son duché. Il s’agit d’étudier l’évolution de la politique extérieure du duc de Lorraine, entre son avènement et le maintien de la neutralité lorraine (I) jusqu’à la fin de la stratégie d’équilibre du duc de Lorraine (II).

I. Un hommage discret

La relation entre louis XV et François III commence sous les meilleures auspices. L’un et l’autre apparaissent capables de compromis (A), ce qui permet de réaffirmer la neutralité de la Lorraine. (B)

A) Deux princes au caractère accommodant

L’hommage pour le Barrois mouvant est souvent présenté comme une humiliation contrainte pour le duc de Lorraine. Toutefois, il lui permet de maintenir son pouvoir dans cette partie du duché où l’autorité de duc lui est conférée par la suzeraineté du roi de France.

A cela, il faut souligné aussi la proximité familiale entre François III et Charles VI qui ajoute à la difficulté politique de l’évènement : « Tout s’y passa suivant l'antique étiquette. En sa qualité de duc de Bar, le futur gendre de Charles VI , destiné, suivant toute probabilité, à porter plus tard lui-même la couronne impériale, fut tenu de s'agenouiller devant le roi de France, afin de lui prêter, tête nue et désarmé, le serment, qu'aux jours de la féodalité, le vassal devait à son seigneur suzerain657. »

Pour autant, Louis XV et celui qui n’est encore que le duc François III, mais qui deviendra un jour l’empereur François Ier, apparaissent comme deux souverains plus souples que leurs prédécesseurs, pour qui l’héritage qu’on leur demande de porter apparaît souvent trop lourd. En termes de politique étrangère, la régence, puis le début du règne de Louis XV constituent un apaisement dans la politique étrangère française, une rupture avec la « prépondérance » du roi

Soleil658.

C’est pourquoi Louis XV, Conseillé par le pacifique Fleury, n’hésite pas à abréger la cérémonie pour préserver une bonne relation avec son vassal dans le Barrois : « Cette cérémonie,-qui ne devait plus se renouveler, n'excita d'ailleurs qu'assez la curiosité des spectateurs; Louis XV en abrégé, par courtoisie pour le prince lorrain, les formalités les plus désagréables659. »

Bien qu’arrivé à Versailles incognito, c’est à dire qu’il n’est pas annoncé en tant que duc de Lorraine et donc non soumis au protocole de la cour de France, François III fait également de son mieux pour être agréable auprès du roi de France, participant à la chasse avec Louis XV : « Après s'être ainsi acquitté de ce qu'il devait au souverain français, le duc François se mit à visiter la plupart des résidences royales; il chassa plusieurs fois à courre avec Sa Majesté, se montra souvent aux spectacles, et, dépouillant la gravité qu'il avait affiché a à Nancy, parut goûter avec l'entrain de son âge les plaisirs de la vie de Paris660. »

Cette cérémonie de l’hommage a eu un rôle considérable dans le rapprochement entre l’intégralité du duché de Lorraine et de Bar et le royaume de France, car en permettant au duc de Lorraine de gouverner le Barrois mouvant, la France le place dans une situation de vassal, même s’il reste en théorie souverain sur ses autres territoires.

Le duché de Bar est, encore plus que les évêchés, la tête de proue de la France dans le duché de Lorraine. L’hommage pour le Barrois mouvant est un levier dans l’intégration du duché de Lorraine à la France qui permet d’étendre, entre autres, la culture administrative française en Lorraine.

Renforcé par cette rencontre avec son puissant voisin, François III peut reprendre son œuvre de réforme pour rationaliser les budgets de ses duchés: « Ils ne purent toutefois le retenir longtemps, car il avait hâte de revenir dans ses États. A peine y eut-il mis les pieds que, laissant de côté les modes françaises, dont il s'était un instant paré pour briller à Versailles, il reprit, au grand ennui de ses sujets, avec son long habit et sa grande perruque allemande, toutes ses habitudes de froideur et de sévérité661. »

B) La neutralité réaffirmée

La montée sur le trône ducal d’un quasi-membre de la famille Habsbourg apparaissait comme une difficulté inextricable. Pourtant dans un premier temps, l’attitude accommodante de 658 M. Antoine, Louis XV, Fayard, Paris, 1997 p. 265.

659 Haussonville Jean (comte d’.). Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, Paris, M. Lévy Frères, 1860, vol 4. p. 229. 660 Ibid. Haussonville Jean p. 229.

François III plaît à un royaume de France, converti par Fleury à une vision plus pacifique des relations internationales.662

Un futur mariage entre le duc de Lorraine avec la fille de l’empereur parait toujours inenvisageable tant que la Lorraine constitue une enclave dans le royaume de France : en effet, elle pourrait se transformer en tête de pont du Saint-Empire, comme Metz le fut à l’Est au XVIIème siècle663.

A ce propos, Lucien Bély note l’hostilité totale de la diplomatie française sur ce potentiel mariage : « La question de la Lorraine. — En effet le jeune François-Étienne de Lorraine, fils du duc de Lorraine, vivait depuis 1723 à Vienne, où l’on avait le dessein de lui faire épouser Marie-Thérèse, la fille de l’empereur, et d’obtenir pour lui la couronne impériale. Mais la France ne pouvait accepter l’idée d’un empereur dont les possessions patrimoniales seraient enclavées dans le royaume664. »

Néanmoins, ces obstacles diplomatiques sont mis pour le moment à l’index et la diplomatie française savoure les succès immédiats : « En réalité la diplomatie française pensait que la solution du problème autrichien ne pouvait être que « le fruit d’une grande guerre ». En 1729, à la mort de son père, François-Étienne était devenu le duc François III de Lorraine665. »

En effet, la mise en place d’Elisabeth-Charlotte d’Orléans comme régente est un signe tout à fait amical envers le royaume de France. Elle incarne le parti français à la cour de Lunéville et exerce le pouvoir au nom de son fils666.

L’hommage, qui apparaissait comme une opération complexe pour un duc de Lorraine élevé à la cour de Vienne s’est réalisé sans complication et Louis XV, réputé timide, a même noué une relation tout à fait cordiale avec le nouveau duc de Lorraine667.

Ainsi, au début de l’année 1730, lorsque François III retrouve pour la deuxième fois son duché de Lorraine, les relations avec la France semblent cordiales, même si un mariage habsbourgeois peut bouleverser cette situation en franchissant une ligne diplomatique.

662 M. Antoine, Louis XV, Fayard, Paris, 1997 p. 265.

663 Bély, Lucien. « 22. La France de Monsieur le Cardinal », La France moderne, 1498-1789. sous la direction de Bély Lucien. Presses Universitaires de France, 2013, pp. 489-506.

664 Ibid. Bély, Lucien. pp. 489-506. 665 Bély, Lucien. pp. 489-506.

666 Dépêche de M. d'Audiffret, Dépêche de M. d'Audiffret, du 3 juillet 1729, provenant des archives des affaires étrangères, cité par Haussonville Jean (comte d’.). Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, Paris, M. Lévy Frères, 1860, vol 4. p. 222. 667 Ibid. Dépêche de M. d'Audiffret, Dépêche de M. d'Audiffret, du 3 juillet 1729 p. 222.