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SECTION III : Comparaison entre Porphyre et Plotin

3. La division : implication, nombre et ordre

Nous avons déjà établi, notamment en nous penchant sur l’usage du mot διαίρεσις et en soulignant l’isomorphisme entre les mots étudiés par les Catégories et les genres de l’être qu’ils désignent, que Plotin et Porphyre interprètent les Catégories comme offrant une division du monde sensible en genres. Les partisans de l’accord entre Plotin et Porphyre ont tendance à minimiser la portée ontologique de cette division chez le philosophe de Tyr. Cette minimisation se fait en insistant sur certains passages programmatiques où celui-ci dit que les Catégories sont destinées aux débutants et qu’elles portent primordialement sur les mots. S. K. Strange et F. A J.

De Haas tirent de cela la conclusion qu’il ne s’agit que d’une division selon le langage ordinaire et quotidien.

Porphyry is suggesting here that the 'Categories' can be adequately understood by a beginner without going into the deeper metaphysical problems concerning the ontological status of universals, e.g. whether or not there are separate Platonic Forms159.

Porphyry conceives the ‘Categories’ as being a dialectical work in the sense that it begins the study of substances and their properties from the logical analysis of ordinary language that even non-philosophers use to signify everyday things, and hence introduces the study of ontology, as a sort of subtext, from the point of view of those entities that are most knowable with respect to us, not those most knowable in themselves. […] Hence the ‘Categories’ on Porphyry’s interpretation does turn out to have certain commitments, but from the Platonist standpoint they can be defused. A student

159 Il est bien entendu ici question de début de l’Isagoge, mais l’auteur en tire, comme on peut le lire, une conclusion sur les Catégories : cette conclusion est donc pertinente pour notre présent propos.

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reading the ‘Categories’ through Porphyry’s spectacles will find in it mention only of those entities that are signified by terms of ordinary prephilosophical discourse. But since the ‘Categories’ is not primarily concerned with metaphysics, there is nothing restrictive about its ontological commitments: they can be incorporated within a wider, richer ontology160.

[…] it is clear that Porphyry treats the Categories as a work for beginners in philosophy. […] As said before, Porphyry avoids ontological issues, in particular issues dealt with in Aristotle's Metaphysics, such as further kinds of quality. He holds on to the maxim that the Categories starts its philosophical analysis from uninformed everyday speech. Porphyry regards the Categories as concerned with the generic classification of simple words which mankind adopted to signify things in the sensible world around us161.

Ces deux auteurs ont raison de dire que les référents ultimes des mots traités dans les Catégories sont des êtres sensibles et que cette restriction sert à harmoniser Platon et Aristote.

L’ontologie qui se dégage des Catégories peut donc s’harmoniser avec une ontologie plus riche.

Cependant, dire qu’il n’y a rien de restrictif aux engagements ontologiques de la position porphyrienne et minimiser le « sous-texte » nous semble erroné162. Il faut toujours garder en tête que ce que S. K. Strange appelle le sous-texte ontologique est un engagement ontologique fort en ce qui concerne le monde sensible. Nous avons déjà cité de nombreux passages qui vont dans ce sens163, nous nous contentons donc d’en citer un seul ici : « la division la plus étendue que je puisse faire est celle qui comporte dix genres (εἰς δὲ μεγίστην διαίρεσιν διέλοιμ' ἂν εἰς δέκα). Je dirais que les êtres (τὰ ὄντα) sont ou bien substance, ou bien quantités… » (71, 22-24). En insistant sur la classification des mots simples – ce qui est effectivement le propos principal des Catégories selon Porphyre – F. A. J. De Haas néglige l’isomorphisme entre les mots significatifs et les genres de l’être plusieurs fois mentionné au cours du commentaire de Porphyre. Les prédicats que sont les catégories ne sont pas dépourvus d’ancrage dans la réalité : « la substance, la qualité et leurs semblables sont des œuvres de la nature » (56, 30-31) et il est nécessaire d’étudier les choses signifiées par les mots significatifs afin de diviser ces derniers en types de prédicats généraux (58, 24-27). En poursuivant dans la même direction, ce n’est pas parce que les mots servant à désigner des qualités, des quantités, etc. sont employés par des non-philosophes que leur classification systématique est dénuée d’engagements ontologiques forts

160 S. Strange (1987), pp. 961-962, nous soulignons.

161 F. A. J. De Haas (2001), p. 519, nous soulignons.

162 D’ailleurs, parler de « sous-texte » est, à notre sens, exagéré. Les implications ontologiques que nous récapitulons ici et que nous avons plus longuement fait ressortir dans la première section de notre travail sont toutes issues d’affirmations explicites de la part de Porphyre ; nous n’avons pas creusé très profondément « sous » le texte pour les trouver.

163 Voir en particulier 4.2.5 Les genres de mots de première imposition de la section sur Porphyre.

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quant à la composition du monde sensible. D’ailleurs, à la fin de son commentaire, Porphyre indique que les catégories n’ayant pas été traitées dans les Catégories sont approfondies dans des ouvrages plus avancés, dont la Métaphysique (141, 11-21), ce qui semble indiquer que la classification ainsi que les membres de cette classification ont des ramifications ontologiques jusque dans les traités les plus avancés. Il est vrai, comme le relève F. A. J De Haas, qu’à un moment Porphyre dit que la qualité sera revisitée dans la Métaphysique, et ce, en introduisant une nouvelle espèce de qualité ; il est aussi vrai qu’il s’appuie sur le fait que les Catégories s’adressent aux débutants pour soutenir cela (134, 20-29). À ceci, nous répondons que ce cas n’est pas typique et que Porphyre évoque généralement le statut introductif des Catégories pour éviter des explications trop profondes, ce qui n’implique pas que la doctrine des Catégories ne sous-entend pas les engagements que nécessiteront ces explications, mais seulement que les débutants ne sont pas prêts à les recevoir. Il faut ainsi distinguer (1) le fait de laisser de côté temporairement quelque chose pour des raisons pédagogiques (2) du fait de ne pas avoir d’engagements envers la chose que l’on a temporairement laissée de côté164. Dans le passage auquel fait référence F. A. J. De Haas, il semble bien, cependant, que Porphyre envisage qu’il y aura une révision de la doctrine des Catégories lorsque l’étudiant sera plus avancé. Peut-être que les deux considérations suivantes peuvent atténuer cette révision. D’abord, nous réitérons qu’habituellement Porphyre parle d’approfondissement et non pas de révision165. Ensuite, il évoque cette révision lorsqu’il interprète le passage suivant : « on pourrait peut-être découvrir une autre sorte de qualités » (Catégories, 8, 10a 25). Cette révision est donc déjà annoncée dans les Catégories et, d’ailleurs, c’est ce qui force Porphyre à recourir à cette explication.

On peut aussi faire valoir, comme nous l’avons déjà fait, que l’ordre même des Catégories est justifié par des considérations ontologiques. On remarquera entre autres que l’une des explications ontologiques pour justifier cet ordre est à peine esquissée dans le commentaire court qui nous est parvenu, alors qu’elle reçoit de plus amples explications dans un fragment du commentaire long conservé chez Simplicius. Ainsi, les remarques allusives suivantes : « Et de fait, après la grandeur, qui est quantité, et après le majeur, qui fait partie des relatifs, ce qui se

164 Nous reprenons cette distinction de R. Chiaradonna (2008a), p. 8. Cependant, dans son article, c’est de l’interprétation de l’Isagoge par J. Barnes – et non pas du Commentaire aux Catégories – que R. Chiaradonna discute.

165 Par exemple, en 75, 24-29.

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présente naturellement ce sont les affections telles que le chaud, le froid, le sec, l’humide, qui sont des qualifiés » (127, 7-9) sont éclairées lorsqu’on les compare à ce que Simplicius rapporte : But Porphyry wants to defend Aristotle’s order. He says that Quality has its origin in a combination of Quantity and the Relative — just as others thought, especially Empedocles, who showed that qualities originate from the harmonious mixture of the elements. Plato too constituted form of such-and such a kind, which was determined in accordance with quality of such-such-and such a kind, both of the body and of the soul by means of the rations 3 :2, 2 :1, 4 :3, 9 :8 and other such rations which are observed in the case of the quantities and in accordance with the relative. (Simpl., in Cat., 158, 27-37, trad. B. Fleet)

On constate ainsi que, d’abord, les implications ontologiques ne sont absentes d’aucun des deux traités166. Elles sont plus allusives dans le premier et reçoivent des explications plus détaillées dans le deuxième. Ensuite, l’autorité de Platon est employée dans un commentaire sur les Catégories : les propos de cet ouvrage ne sont pas appelés à être ultérieurement intégrés dans une ontologie plus riche ; certains propos – comme l’ordonnancement des genres signifiés par les prédicats que sont les catégories – sont dès le départ justifiés par des considérations ontologiques plus profondes. En ce sens, la mise entre parenthèses de certains problèmes ontologiques dans le cadre d’une exégèse dédiée au débutant (ce qu’est précisément le commentaire court de Porphyre qui nous a été conservé) n’indique pas que les Catégories sont dénuées d’ontologie, mais bien plutôt que le débutant devra attendre d’être plus avancé pour explorer l’entièreté des conséquences des Catégories. En d’autres termes, il n’y a pas la doctrine des Catégories d’un côté – vide d’engagements ontologiques – et un ensemble de thèses ontologiques qui peuvent s’accommoder des Catégories de l’autre : les deux vont ensemble. De plus, il n’est pas injustifié de penser que le long commentaire de Porphyre abondait de ce type de réflexions. Après tout, le commentaire de Simplicius – qui est énorme et qui abonde de considérations ontologiques – est présenté par son auteur comme une version comprimée des commentaires antérieurs et comme n’étant qu’une introduction et un exercice en vue de la lecture des commentaires qui l’ont inspiré – ceux de Porphyre et de Jamblique étant ses sources principales167. Les indications de Simplicius nous invitent ainsi à penser que ses prédécesseurs avaient produit « some truly monstrous works168 » et que le commentaire en sept livres (le commentaire long, qui ne nous est pas parvenu) de Porphyre n’avait probablement rien de préphilosophique.

166 C’est grâce à R. Chiaradonna (2008a), p. 9 que nous avons constaté le parallèle entre ces deux textes.

167 Simpl., in Cat., 1-4, 16. Voir en particulier 4, 13-16 où il qualifie son œuvre de « scholies » (σχολικοῖς), d’« introduction » (εἰσαγωγῇ) et d’« exercice » (γυμνασίῳ).

168 J. Dillon (1997), p. 67.

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On peut donc s’avancer et affirmer que la lecture porphyrienne des Catégories implique un certain nombre d’engagements ontologiques, notamment le fait qu’il y a dix genres généralissimes de l’être sensible (ce ne sont pas des espèces d’un genre commun qui serait l’être)169, qu’ils sont dans un ordre de priorité déterminé et que chaque genre a un certain nombre de propriétés, les unes étant assez compréhensibles pour être abordées dans un ouvrage pour débutants, les autres requérant un traitement ultérieur, lorsque le disciple aura l’esprit plus aiguisé. Ainsi, une affirmation telle que : « Porphyre […] insiste avec la dernière vigueur pour que l’on entende ce propos [scil. celui des Catégories] comme étant étranger aux préoccupations de nature ontologique170 » passe à côté d’un aspect important du commentaire de Porphyre.

L’importance de ces considérations et des engagements de Porphyre sont d’autant plus notables lorsqu’on les met en dialogue avec les autres auteurs de l’époque, ce que nous ferons après avoir dit quelques mots sur la position de Plotin.

Nous avons déjà amplement souligné le caractère ontologique de l’entreprise de Plotin dans les traités VI, 1-3 et le fait qu’il parvient à une liste ayant un nombre de genres différent de celui de la liste des Catégories, liste à laquelle Porphyre adhère. Pour ce qui est de l’ordre des genres, Plotin semble être moins intéressé que Porphyre à le justifier. Certes, lorsqu’il envisage différentes divisions de genres pour le sensible, Plotin écrit : « [après la substance] viendrait en ordre le reste (ἄλλα ἐφεξῆς), le relatif, la quantité, la qualité, dans le lieu, dans le temps, le mouvement, le lieu, le temps. » (VI, 3, 3.26-28). Il amende ensuite sa liste pour ne parvenir qu’aux cinq genres que nous avons présentés dans la section précédente : on peut donc croire que l’ordre qui est ici envisagé soit maintenu. On obtiendrait alors l’ordre suivant : substance, relatif, quantité, qualité et mouvement. Plotin suit généralement cet ordre de présentation, mis à part pour la relation qui est traitée en dernier, mais on peut croire que le dernier chapitre du traité VI,

169 P. Aubenque (2013) [1962], p. 188 affirme que l’« on ne saurait être plus radical [que Porphyre] dans l’affirmation de l’homonymie de l’être ».

170 R. Bodéüs (2008), p. 36. Commentant un passage où Porphyre affirme que les mots qui sont traités dans les Catégories sont des mots de première imposition – des mots qui signifient des choses, donc – R. Bodéüs est bien obligé d’admettre que les Catégories ont une « portée ontologique limitée » aux « choses du monde physique » (ibid., p. 91, n. 3) et lorsque Porphyre concède que Sur les dix genres est un titre acceptable, R. Bodéüs affirme que :

« Cette concession paraît un peu étrange […]. Mais Porphyre tient visiblement à maintenir une stricte correspondance entre les catégories (vocables significatifs génériques) et genres d’êtres (naturels). » (Ibid., p. 103, n. 2). Nous sommes certainement en accord avec ces deux dernières affirmations (hormis le fait qu’il y ait quelque chose d’étrange dans l’acceptation partielle du titre Sur les dix genres), mais nous soutenons que celles-ci sont incompatibles avec le fait de dire que le propos des Catégories est, selon Porphyre, étranger aux considérations de nature ontologique, puisque, clairement, la division des mots de premières impositions n’est pas étrangère aux considérations sur l’ontologie de la nature sensible.

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3, où se trouvent les quelques lignes portant sur la relation, n’est pas de la main de Plotin171. Celui-ci respecterait alors l’ordre qu’il a énoncé, omettant cependant l’un des genres. Peut-être peut-on expliquer cette omission par le fait que Plotin dit que la relation englobe la quantité, la qualité et le mouvement : le traitement de la relation se ferait donc par l’intermédiaire de ses espèces (quantité, qualité et mouvement). Ceci est, cependant, de la pure spéculation. Lorsqu’il présente les genres qu’il a établis, Plotin ne fait pas de déclarations servant à justifier l’ordre dans lequel il les présente. Donc, quoique le mot ἐφεξῆς renvoie à l’idée d’un certain ordonnancement et que Plotin respecte à peu près l’ordre qu’il a annoncé – négligeant toutefois le deuxième membre de la série –, la notion selon laquelle les genres du devenir doivent être ordonnancés d’une manière spécifique n’est pas présente. Et puis, l’ordre de Plotin diffère de celui de Porphyre, et ce, même pour les genres que tous les deux acceptent comme valides : pour l’un (Plotin), c’est substance, relatif, quantité et qualité, alors que pour l’autre (Porphyre), c’est substance, quantité, relatif et qualité.

Ceci n’est pas négligeable : comme nous l’avons dit, il y avait de sérieux débats entourant la question de l’ordre des catégories. Ceci n’a rien d’étonnant, puisque cet ordre s’appuyait – selon les commentateurs – sur des considérations ontologiques. Pour rappel, Eudore arguait que la qualité devait venir immédiatement après la substance et c’était aussi la position exprimée par le pseudo-Archytas172. Nous avons aussi mentionné que c’était la position de Philon d’Alexandrie ; peut-être Clément d’Alexandrie peut-il aussi être inclus dans cette tradition puisque, lorsqu’il paraphrase la liste des Catégories, il place la qualité avant la quantité173. C’était aussi l’une des apories soulevées par Lucius – dont nous avons vu la parenté avec Plotin174 –, selon lequel les qualités ont un caractère substantiel et que celles-ci, ainsi que les quantités – ayant aussi un caractère substantiel –, devraient être placées avant les relatifs. De plus, il ajoute que substance, qualité et quantité font partie d’un même groupe, les choses par soi, alors que les autres catégories font partie des choses relatives.

And it has greater affinity with Substance, as the followers of Lucius also object, for [they say that]

it is more apt to reveal Socrates from his snub nose, protruding eyes and pot belly—which are qualities—than from his being on the right hand, his being a friend and his other features which are relative. Besides, they say, if things that are spoken of are divided into two, —into what is per se

171 Voir supra p. 65, n. 133.

172 L’ordre de Pseudo-Archytas présente aussi d’autres différences : on se référera à la citation de J. Barnes un peu plus haut pour les observer.

173 M. Havrda (2012), p. 204.

174 Voir supra p. 80 et, en particulier, la n. 158.

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and what is relative to something else (εἰς δύο διαιρουμένων τῶν λεγομένων, εἴς τε τὸ καθ' αὑτὸ καὶ εἰς τὸ πρὸς ἕτερον)—when [Aristotle] started to talk about what is per se, which includes Substance and Quantity, he ought to have added Quality and in this way to have proceeded to Relatives. If according to Aristotle himself that which is relative is like an offshoot and supervenes on what is conceived of as per se, as something posterior (ὡς ὕστερα ἐπιγίνεται), how could [Relatives] fail to be after Quality? (Simpl., in Cat., 156,16-25, trad. B. Fleet.)

Plotin, dans la partie critique de son traitement des Catégories, soulève certainement le fait que les qualités et les quantités peuvent être substantielles lorsqu’elles sont au niveau de l’intelligible. Cependant, trois choses distinguent ses commentaires de ceux de Lucius. D’abord, il ne s’en sert pas pour faire des commentaires ayant trait à l’ordre des catégories – et c’est cela qui nous intéresse ici –, mais plutôt pour souligner le manque d’unité interne des catégories aristotéliciennes. Ensuite, lorsqu’il fournit sa propre liste des genres de l’être sensible, il place le relatif en tête de liste. Finalement, il ne place pas substance, quantité et qualité dans un même groupe ; il suggère plutôt que quantité, qualité et mouvement, en tant qu’ils sont des genres situés au niveau du sensible, devraient être subsumés sous le relatif.

Par ailleurs, explicitement énoncée dans le passage tout juste cité de Lucius, se trouve une tendance que l’on a déjà aperçue chez Plotin et Porphyre : celle de diviser les catégories aristotéliciennes en deux groupes : les par soi et les relatifs. Cette division remonte au moins jusqu’à Andronicos et est possiblement teintée d’influences platonisantes, puisque Simplicius mentionne Xénocrate comme un partisan de cette division – un platonicien ayant vécu quelques siècles avant Andronicos :

Other raise the accusation (αἰτιῶνται) of superfluity in another way. Xenocrates and Andronicus and their followers seem to include all [the ten categories] in [the opposition] ‘by itself’ and

‘relative’… [they say] that accidents are ‘relative’ as [being] always of other things, and that substance is by itself. (Simpl., in Cat., 63, 21-26, trad. M. Chase)

L’on sait par ailleurs qu’Andronicos tenait à préserver la liste complète des catégories (Simpl., in Cat., 342,21-25) : il ne voulait pas simplement la réduire à deux genres plus élevés.

On notera quand même le vocabulaire assez fort qu’emploie Simplicius pour décrire l’objection d’Andronicos et Xénocrate (αἰτιῶνται : ils accusent). De plus, certains propos d’Andronicos se montrent critiques à l’égard de la doctrine des Catégories et ont peut-être influencé Plotin. En effet, l’éditeur d’Aristote fait du temps et du lieu (χρόνος et τόπος) des catégories, alors que, pour Aristote, ce sont « quand » et « où » (ποτε et που) qui en sont. Ainsi Andronicos conserve le nombre des catégories, mais effectue des modifications importantes : il extrait le temps et le lieu de la quantité continue pour en faire des catégories indépendantes qui remplacent deux

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catégories qui sont supprimées (« quand » et « où »)175. Plotin, lui aussi, dans les chapitres 13 et 14 du traité VI, 1, procède à une réduction du « quand » et du « où » au temps et au lieu : mais il n’en fait pas deux genres indépendants : il les place sous le relatif (VI, 3, 11 ; quoique le temps soit aussi rangé sous le mouvement – ou du moins il est dit être créé par le mouvement – en VI, 3, 22)176. Quoi qu’il en soit des détails exacts de l’exégèse andronicienne, la classification des catégories en deux groupes est antérieure à la suggestion de Plotin de regrouper qualité, quantité

catégories qui sont supprimées (« quand » et « où »)175. Plotin, lui aussi, dans les chapitres 13 et 14 du traité VI, 1, procède à une réduction du « quand » et du « où » au temps et au lieu : mais il n’en fait pas deux genres indépendants : il les place sous le relatif (VI, 3, 11 ; quoique le temps soit aussi rangé sous le mouvement – ou du moins il est dit être créé par le mouvement – en VI, 3, 22)176. Quoi qu’il en soit des détails exacts de l’exégèse andronicienne, la classification des catégories en deux groupes est antérieure à la suggestion de Plotin de regrouper qualité, quantité