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Construction méthodologique : l’étude des systèmes interconnectés

4. La constitution du document

4.1. La composante expérimentale

Contrairement à ce qui se laisse « voir naturellement », sans que des éléments extérieurs (objets, personnes, demandes, etc.) interviennent dans le déroulement habituel de l’action et des acteurs, la démarche expérimentale se caractérise par l’ingérence, plus ou moins importante, qui est faite dans la « chose » à laquelle un observateur s’intéresse.

Le déroulement habituel peut être « perturbé » de deux manières : (i) intentionnellement, afin d’étudier, par exemple, la réactivité des sujets ou leur intentionnalité « implicite », (ii) non volontaire, par la « simple » mise en place d’un dispositif de récolte de données. Si l’on se réfère à notre recherche, nous pouvons identifier la présence du chercheur dans la salle lors des séances observées ou l’utilisation des caméras vidéo et des enregistreurs permettant garder la trace des dires et faires des enseignants et des élèves ainsi que le contexte matériel où ils évoluent.

Nous donnerons plus loin des indications concernant cette dernière perturbation. Nous présentons maintenant celle qui a trait à la « perturbation intentionnelle » de notre dispositif expérimental de recherche. Outre la demande faite à chaque dyade d’enseigner du basketball, la composante expérimentale relative aux moments d’échange a été mise en place pour une seule des deux dyades étudiées.

Le dispositif d’enseignement de la « dyade 1 » ne diffère pas de celui de l’autre dyade, les enseignants s’étant organisé comme d’habitude (alternance des leçons…). Cependant, à cette dyade, nous avons demandé de formaliser les passages de témoin entre chaque séance en effectuant une discussion enregistrée, que nous avons appelée « moment d’échange ». Ces échanges ont eu lieu sans la présence physique du chercheur, mais orientés par des questions choisies par ce dernier en fonction de préoccupations « didactiques ». Le matériel récolté devait nous permettre de mieux comprendre les raisons de la programmation des leçons et les attentes réciproques des enseignants. Pour cela, il était donc important de s’assurer que le contenu des échanges concernerait aussi le basketball et les modalités d’enseignement et d’apprentissage.

133 Nous avons tout d’abord effectué les entretiens et filmé les leçons de la Dyade 1. Tout de suite après, nous avons enchaîné avec le dispositif de la Dyade 2.

4.1.1. Les « moments d’échange » MS-MG de la dyade 1

La dimension expérimentale du dispositif de recherche concerne essentiellement la dyade 1. Il a été construit intentionnellement dans une perspective de questionnement et de réflexion des acteurs susceptibles de modifier les pratiques sur le terrain (des incidences vis-à-vis de la programmation des leçons ainsi que des pratiques en classe)134, sans pour autant adopter une valeur prédictive des directions possibles que pourrait prendre le développement du cycle. La composante expérimentale de la démarche est à comprendre dans le sens où l’on se donne les moyens de perturber un système et d’en étudier la perturbation (Amade-Escot & Sensevy, 2003). Cette démarche de perturbation du système a eu de nombreux développements dans le cadre des dispositifs d’ingénierie didactique. Cependant, alors que dans ces derniers l’on cherche à perturber directement le système « enseignement », dans notre cas la perturbation hypothétique n’a visé qu’indirectement ce système ; elle a ciblé davantage le système

« d’aide » ou de « formation » MS-MG-travail/analyse didactique.

Encore quelques commentaires à propos du dispositif « moment d’échange » :

Les « moments d’échange » visaient à nous permettre de mieux comprendre l’action de chaque maître dans sa double implication : celle destinée à gérer le groupe classe, tout particulièrement au niveau de la chronogenèse, de la topogenèse et de la mésogenèse (Chevallard, 1991, 1992 ; Sensevy et al., 2000) ; celle orientée vers la mise en accord de son enseignement avec celui de l’autre maître (voir les attentes institutionnelles, DIP, 2005). Il nous intéressait donc :

• De récolter des informations à propos de l’action didactique développée par chaque maître auprès des élèves. Nous pensons, par exemple, à l’explicitation des intentions, aux régulations et aux variables didactiques in situ ;

• De donner aux enseignants la possibilité de mieux décrire et clarifier leur action au partenaire de dyade. Ceci est en lien avec notre hypothèse qui postule que les informations pouvant être données par un maître à son partenaire de dyade durant la leçon sont dépendantes des contraintes temporelles et organisationnelles propres à la gestion du groupe-classe dont il s’occupe. Ces conditions ne semblent pas toujours propices à la mise en place d’une intervention concertée et partagée.

• De mieux comprendre les incidences ou influences didactiques réciproques chez les maîtres de la même dyade. Nous faisons référence ici à notre question de recherche qui porte sur la prise en compte par l’enseignant des attentes ou demandes de son partenaire, aspect qui conditionne l’avancement du temps didactique.

Il y a donc un premier niveau d’incidence du dispositif expérimental dans la mesure où nous avons cherché l’établissement d’un cadre et des conditions pour que le partenariat institutionnellement attendu puisse avoir un degré de formalisation plus fort que d’habitude.

Le deuxième niveau d’incidence du dispositif expérimental a consisté à orienter les échanges sur les dimensions didactiques ; il était donc attendu que les enseignants abordent dans leur analyse et réflexion des aspects didactiques souvent passés sous silence et, du même coup, qu’ils nous dévoilent ainsi de manière plus claire leurs « ressources », leurs référentiels, leurs intentions de programmation, leurs logiques d’analyse de la pratique, etc.

134 Nous considérons les « moments d’échange » comme des « entretiens forcés ». Ils renvoient à des moments de discussion MG-MS qui n’ont pas de place officielle dans la vie courante de la classe.

Un guide d’échange (annexe 3.2) a été transmis aux deux enseignants par écrit. Il organise les questions en deux parties.

(i) Partie destinée à l’enseignant qui a donné la leçon

1- Qu’est-ce qui me paraît important de dire, de clarifier, d’expliciter à ma collègue à propos de la leçon de basket que j’ai donnée ?

2- Quels sont les aspects (ex. : organisation des tâches, objectifs, temps d’activité motrice laissé aux élèves, etc.) de ma leçon qui me paraissent essentiels à discuter ?

3- Quels sont les points (ex. : contenus d’apprentissage, type de consigne et/ou d’intervention à faire, etc.) que ma collègue devrait retenir pour garantir une suite à mon enseignement ?

(ii) Partie adressée à l’enseignant qui a observé la leçon (MG) ou qui était absent (MS).

1- Par rapport à la leçon sur le basket de ma collègue, quelles questions souhaiterais-je poser ? 2- Quels sont les moments de la leçon qui me paraissent importants ?

3- Quels sont les points sur lesquels je voudrais avoir plus d’information ?

4- Comment est-ce que j’envisage la transition avec la leçon que je vais donner ? (ex. : quels contenus faut-il travailler en particulier, de quelle manière faut-il organiser les tâches et le temps d’activité des élèves, etc.).

Si l’on se réfère maintenant aux conditions de réalisation des entretiens, le dispositif mis en place est relativement simple. Les enseignants devaient se rencontrer après chaque leçon pour un moment d’échange enregistré135. Il leur revenait le choix du lieu, du moment et du temps qui serait consacré. C’est ainsi que certains moments d’échange ont eu lieu le jour même de la leçon, d’autres le lendemain et que certains ont été beaucoup plus courts que les autres (ex. : les deux derniers).

Figure 2 : Dispositif de recherche, Dyade 1

Comme le montre la figure 2, les « moments d’échange » suivent la logique du « passage de témoin », c’est-à-dire, ils ont lieu : (a) après la 1ère leçon du MS (et avant la leçon du MG) ;

135 C’est le chercheur qui a fourni l’enregistreur, les cassettes et la feuille A4 avec les questions guides. Le contrat stipulait que les enseignants rendaient la cassette enregistrée lorsque le chercheur revenait dans l’école pour filmer la leçon suivante.

(b) après la deuxième leçon du MG (et avant la deuxième leçon du MS); (c) après la 2ème leçon du MS (et avant la troisième leçon du MG) et ainsi de suite.

En demandant aux maîtres de dérouler leur enseignement comme ils le font habituellement, nous savions que l’enchaînement des leçons pouvait être différent dans les deux dyades observées, comme cela a d’ailleurs été le cas (voir analyse panoramique, chapitre 7).

4.1.2. Le cas de la dyade 2

Aux membres de la dyade 2, nous avons demandé de dérouler leur enseignement de manière habituelle : planification réalisée par le MS, alternance des leçons, discussion informelle à la fin de chaque séance, possibilité d’aide de la MG durant les séances de la spécialiste, etc. Il était primordial pour nous de mettre en place des conditions de prise d’information nous permettant de saisir les relations didactiques maître-élèves, élèves-élèves et MS-MG de manière écologique. C’est-à-dire dans des conditions au plus proche de l’activité habituelle des acteurs dans ce double système didactique interconnecté.

Ci-après, nous présentons l’emboîtement des leçons du cycle de la Dyade 2, où il est possible de constater que la 1ère leçon du MS est suivie, contrairement à l’autre dyade, par deux leçons de la MG.

Figure 3 : Dispositif de recherche, Dyade 2

4.2. La composante clinique : l’analyse des systèmes didactiques observés

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