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Une étude centrée sur le fonctionnement de systèmes didactiques interconnectés

3. Le système d’enseignement de l’EP à Genève : une co-reponsabilité en alternance

3.1. Cadre institutionnel genevois

La Direction de l’enseignement primaire du canton de Genève, dans son document concernant l’Apport méthodologique des maîtres spécialistes en éducation physique (DEP, 2005), formule clairement l’« objectif prioritaire » de l’apport méthodologique des MS: « Renforcer les compétences des enseignants généralistes dans le but d’améliorer l’enseignement dispensé aux élèves » (p. 2). Il en ressort ainsi que, si le responsable de la classe est l’enseignant généraliste, il revient cependant au maître spécialiste l’expertise en ce qui concerne l’enseignement de l’EP.

A ce sujet, citons la première recherche réalisée à Genève sur le fonctionnement de l’EP à l’école primaire. Cordoba (1996), à partir du discours tenu par des MG et des MS, a mis en évidence que les élèves étaient confrontés à deux curricula réels (supra, introduction). Les postures des MG et des MS70 les amènent à suivre chacun leur propre programme, avec les conséquences que l’on peut supposer, en termes d’apprentissage, chez les élèves.

Le document édité par la Direction de l’enseignement primaire (DEP) expose le rôle que doit jouer le MS, action qui oscille entre une posture d’aide et d’accompagnement, et celle d’un formateur chargé d’apporter une formation continue à ses collègues généralistes.

Voyons plus précisément les attentes émises par l’institution ; à partir de l’objectif prioritaire, cette dernière formule huit composantes 71:

1) « Aider à la planification de l’enseignement de la discipline ». Pour cela, le MS doit, en collaboration avec les MG, procéder à la planification annuelle (objectifs). Celle-ci est présentée, dans le cadre d’un temps de travail en commun (TTC), en début d’année.

Le MS est tenu de collaborer avec les MG pour les aider à planifier les leçons en « fonction des projets sélectionnés » (p. 3). Cependant, il revient aux généralistes d’organiser leur propre planification, mais « en l’inscrivant dans le cadre de celle qui a été réalisée avec le MS » (ibid.).

2) « Présenter, commenter les objectifs d’apprentissage et faire connaître les moyens d’enseignement ». Lors du TTC de début d’année scolaire, le MS doit présenter et commenter :

- les objectifs d’apprentissage à partir desquels l’enseignement de l’EP est planifié. L’idée est de permettre aux généralistes l’appropriation des prescriptions du document cantonal

« Les objectifs d’apprentissage de l’école primaire genevoise » (DIP, 2000) ; - les activités sportives en lien avec les objectifs d’apprentissage et le projet d’école ; - les moyens d’enseignement qui peuvent être utilisés pour enrichir l’enseignement de

l’EP.

Durant l’année scolaire, les MG doivent recevoir, de la part du MS, un document décrivant

« l’activité réalisée en lien avec les objectifs spécifiques visés » (DEP, 2005, p. 3).

70 Les MS disent avoir fait beaucoup d’efforts pour aider les MG et pour les encourager à s’intéresser à l’EP. Constatant leur très faible participation aux leçons d’EP (ex. « ils ne reprennent pas les leçons que je donne », « s’ils ont du retard dans une autre matière, ils ne vont pas à la gym »), ils ont fini par renoncer et « par assumer seuls » la formation en EP des élèves.

71 Chaque composante est divisée en deux : « Intervention collective », qui concerne les réunions en début ou en cours d’année entre le MS et les différents MG de l’école (réunions d’école), « Intervention individuelle », qui renvoie aux situations où le MS est seul avec un enseignant généraliste.

3) « Assurer la continuité de l’enseignement de la discipline, actualiser et consolider les techniques et savoir-faire propres au service de cet enseignement ». Selon les besoins identifiés avec le corps enseignant de l’école, le MS « précise, renforce ou modifie les objectifs ou les choix techniques présentés en début d’année » (p. 4). Le spécialiste est tenu d’assurer qu’un riche inventaire des savoirs et savoir-faire est proposé aux élèves.

En ce qui concerne l’intervention individuelle, le MS doit :

- diriger et animer les séquences didactiques en présence ou non des MG ;

- introduire, actualiser et commenter des techniques s’inscrivant dans son champ disciplinaire et encourager les MG à expérimenter des savoir-faire spécifiques ;

- consolider les connaissances des généralistes dans le domaine de la sécurité (ex. : démontrer des techniques, présenter des mesures de prévention à adopter en cas d’activité à risque) ;

- remettre régulièrement aux MG des « documents et des dossiers pédagogiques élaborés par lui-même ou par le secteur » (p. 4) afin de les aider à poursuivre leur activité en classe ;

- fournir aux MG, « oralement ou par écrit des idées de prolongement concernant les activités qu’il a initiées » (ibid.).

Enfin, il revient au MS de sensibiliser ses collègues généralistes aux bienfaits des activités physiques pour le développement de l’élève (bien-être, santé).

4) « Dynamiser l’enseignement de la discipline en stimulant l’intérêt des enseignants généralistes ». Le maître spécialiste doit se positionner dans l’école en tant que « personne ressource de sa discipline » (p. 4). Pour cela, il doit éveiller l’imagination, la curiosité et la créativité des généralistes en mettant en œuvre des approches « pédagogiques diversifiées » (ibid.). Il revient aussi au MS, lors des manifestations sportives, d’assurer la coordination entre les différentes classes et de participer à leur mise en place finale. Le spécialiste doit également prendre en charge les activités en lien avec sa discipline lors des classes vertes, blanches ou multicolores.

5) « Aider à l’évaluation des élèves ». Si la Direction de l’enseignement primaire assigne au MS la responsabilité de concevoir les cycles d’enseignement, il revient aux MG celle d’évaluer les élèves. Pour cela, les MG doivent recevoir l’aide du spécialiste : pour échanger par rapport à la progression des élèves et pour leur proposer des outils d’évaluation en lien avec les activités conduites avec les élèves. Enfin, il est prévu que le MS « guide les enseignants généralistes dans l’observation de leurs élèves » (p. 5).

6) « Mettre sur pied des activités de médiation sportive pour créer des passerelles entre l’école et le sport ». De manière à ce que les MG puissent participer aux événements sportifs genevois sélectionnés par l’institution, le MS leur apporte des informations et les encourage.

Le MS doit d’ailleurs assister les généralistes dans la préparation de sorties sportives, auxquelles il peut aussi participer (encadrer, animer).

7) « Contribuer à la constitution d’une banque d’activités ». Le Secteur de l’EP demande aux MS de fournir, une fois par année, des « séquences didactiques » (p. 5) réalisées avec les élèves. Ceci constitue une banque de données pour tous les spécialistes. Ensuite, le Secteur

fait un choix et retravaille certaines de ces séquences afin de les mettre à disposition des MG dans le site intranet de la DEP.

8) « Fournir au responsable de la discipline un bilan d’activité annuel ». Sur la base d’un canevas fourni par le Secteur de l’EP, chaque MS doit fournir un bilan annuel de son activité.

Les dispositions formulées par la DEP montrent le type de partenariat que l’institution attend des maîtres généralistes et des maîtres spécialistes. Elles contraignent les MS à apporter de l’aide aux MG, mais ceux-ci doivent aussi suivre la programmation et les propositions des MS.

Cette analyse laisse penser que, pour l’institution scolaire genevoise, le système didactique principal est celui qui se trouve sous la responsabilité du maître spécialiste (SDMS).

L’articulation du SDMS et du SDMG et les liens qu’ils entretiennent dans l’enseignement effectif de l’EP constituent un des points que nous tenterons d’élucider dans notre recherche.

Après avoir décrit la manière dont l’institution genevoise précise les articulations du travail des maîtres généralistes et des maîtres spécialistes pour l’enseignement de l’éducation physique, nous pouvons maintenant, à la lumière des travaux de notre revue de littérature, proposer une forme de modélisation de l’interconnexion des systèmes didactiques du point de vue de cette institution scolaire (figure 5).

Figure 5 : Schématisation didactique du contexte genevois

Soulignons que le document qui régit le fonctionnement de l’EP (DEP, 2005) édicte des changements importants par rapport aux pratiques habituelles de classe. En effet, la manière de fonctionner du partenariat MG-MS a été à plusieurs reprises questionnée. Nous avons évoqué plus haut la présence de deux curricula réels, et interrogé les conséquences que peuvent avoir les postures enseignantes qui découlent d’un tel fonctionnement (par exemple, nous observons, qu’après cette étude, les planifications des MS comportant des prolongements pour les MG ont été rendues obligatoires).

Cette manière de fonctionner a été mise en évidence aussi par les résultats de l’audit commandé par le Département de l’Instruction publique du canton à propos du fonctionnement de son système scolaire (DIP, 2008). Dans la partie du rapport consacrée à l’éducation physique, les auteurs discutent du travail de collaboration entre le maître généraliste et le maître spécialiste à l’école primaire. Ils soulignent que, lorsque le spécialiste est dans la classe, est aussi présent le MG. Ce faisant, l’Etat de Genève alloue, pour une seule leçon, un budget qui comprend deux enseignants, donc deux salaires. Une telle situation, d’autant plus dans une période de réduction et de maîtrise des dépenses, demande à être

justifiée. Il revient alors au Service de l’éducation physique d’argumenter le bien-fondé d’un tel fonctionnement (collaboration, enseignement concerté, etc.) et de faire le nécessaire pour que les pratiques sur le terrain le respectent.

A travers les différents documents édités ces dernières années par le Service de l’EP, on observe une prise de position quant aux devoirs des maîtres spécialistes. Toutefois, aucune recherche n’a pas été menée pour étudier et évaluer si des changements ont été effectivement réalisés dans les pratiques. Il apparaît d’ailleurs difficile d’imposer rapidement des transformations aux postures cristallisées des enseignants.

Enfin, soulignons que d’autres disciplines que l’EP sont régies par le document édité par la DEP (2005), mais ne fonctionnent pas sur la base du même dispositif.

Il s’agit des maîtres spécialistes qui interviennent dans le domaine de « l’éducation artistique » (Arts plastiques et Musique), disciplines qui s’organisent, cependant, de manière très distincte par rapport à l’EP en ce qui concerne la co-responsabilité et l’alternance.

En Arts plastiques, par exemple, lorsque le spécialiste se rend dans une classe, le groupe d’élèves est divisé en deux. Le MS prend la responsabilité d’une partie des élèves, pendant que l’autre poursuit le programme habituel avec le MG (par exemple, la leçon d’allemand). A la période suivante, les élèves vont alors changer de groupe, ce qui permet à tous de travailler sur les deux disciplines. Cependant, comme le MS en Arts plastique est présent, au maximum trois leçons de suite par classe et par année, le passage de témoin tel qu’il est fait en EP n’est pas possible. Ce qui n’enlève pas l’obligation du spécialiste de renforcer aussi, comme en EP, les compétences du MG dans le but d’améliorer son enseignement (DEP, 2005). Ce dernier peut donc s’inspirer, pour son enseignement, du travail fait par le spécialiste.

A propos de ces deux disciplines scolaires, soulignons, qu’à notre connaissance, aucune recherche sur l’articulation et la connexité des systèmes didactique n’a été faite à Genève.

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