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Le basketball, pratique culturelle et scolaire : quelques repères à propos de ses origines et des enjeux d’enseignement

1. Le basketball : ses origines scolaires et son introduction en Suisse

1.2. Expansion et professionnalisation du basketball : du jeu scolaire au sport populaire

Début 1900, aux USA, le basket s’affirme dans la société par la création de nombreuses formations et par sa pratique de plus en plus répandue dans les écoles et universités. Outre l’intérêt ludique et sportif du basketball, les difficultés que rencontrent les élèves durant la période de froid vont accélérer l’implantation du jeu dans les écoles. En 1905 déjà, la pratique du basketball sera conseillée comme sport d’hiver dans tous les collèges.

Le basketball devient en même temps très rapidement professionnel (en 1905, six équipes mettent en place un championnat), contrairement à l’Europe où le basketball restera principalement amateur jusqu’aux années 70.

L’engouement que ce sport suscite et le manque d’un organe central coordonnant ce mouvement sportif vont se traduire par l’existence de pratiques169 et de règlements divers.

Ceci rendra nécessaire la création d’instances de gestion. Dans un premier temps, c’est le Co-Operating Committee et ensuite de l’Association Amateur Athletic Union qui s’en occuperont. Enfin, en 1915 et sous l’initiative de l’YMCA, le Joint Basketball Committe se chargera « de fondre en un seul les deux règlements qui étaient alors en vigueur » (Busnel, 1955). Cette instance deviendra la responsable de l’évolution du basketball.

La présence du basket dans le cadre de manifestations internationales montre l’importance que prend ce jeu dans des pays autres que les USA et l’influence qu’auront ces rencontres pour son développement en Suisse.

Le basket est sport de démonstration aux jeux olympiques de 1904 (St Louis) et de 1924 (Paris). Il devient sport olympique en 1936 à Berlin (pour les filles, il faudra attendre 1976).

Le premier championnat d’Europe aura lieu en 1935 à Genève et le premier championnat du monde en 1950 à Buenos Aires. La Fédération internationale de basketball, créée en 1933, se chargera de l’unification des règles du jeu au niveau mondial et de l’établissement d’un calendrier des rencontres internationales.

La morale religieuse de Naismith n’aurait sans doute pas souhaité la place progressivement prise par l’argent et le sport-spectacle dans la pratique du basketball (la YMCA condamne le but lucratif du mouvement). La professionnalisation du sport marque rapidement une distinction entre le basketball amateur et celui des joueurs évoluant dans les équipes d’élite.

Le basketball deviendra ainsi, par exemple, une des rares promotions sociales de la population noire de l’époque (avec la boxe)170. Jusqu’aux années 1949, les équipes professionnelles étaient constituées essentiellement de blancs, les Harlem Globe Trotters marqueront l’histoire de ce sport, non seulement aux USA, mais aussi en Europe (Huguet, 1977).

169 Par exemple, trois sortes d’équipes vont se former : les équipes amateurs de l’A.A.U, les équipes amateurs indépendantes qui refusent son contrôle et les équipes professionnelles.

170 Pour comprendre l’utilisation politique et économique de la suprématie des noirs étasuniens en basket et de leur transformation en hommes inoffensifs pour les consommateurs (blancs), se reporter à l’article d’Andrews D. L. (2007). Pour cet auteur, par exemple, « …Jordan devait être présenté comme une réplique noire de l’Américain moyen de la période Reagan, une version noire d’un modèle culturel blanc qui, de par son existence factice et par un procédé de subversion et d’immersion, rendrait invisible la différence raciale » (p. 236).

Le basketball en France va surtout se faire connaître à partir de la Première Guerre Mondiale, avec l’arrivée des soldats des USA. Il sortira de son anonymat à partir de 1920 (Bosc, 2007) avec la mise en place, par la Fédération d’Athlétisme, du premier championnat, qui devait assurer une bonne préparation hivernale aux athlètes. Jusqu’alors, même si ce sport est inscrit à la Fédération gymnastique et sportive des patronages depuis 1913, il n’est pas perçu comme un sport à part entière (il est aussi une activité secondaire destinée aux enfants et aux jeunes filles). A partir de 1917, les foyers franco-américains vont donner naissance aux clubs français. Contrairement aux Etats-Unis, où le basketball se développe dans les zones urbaines, sous l’influence du protestantisme et pour moraliser les populations, ce sport va s’épanouir en France dans les régions catholiques, essentiellement dans les zones rurales et les petites et moyennes villes (Archambault et al., 2007).

En 1919, un tournoi international rassemblera les équipes militaires des USA, de l’Italie et de la France. Les jeux joués à la main vont faire partie de l’entraînement militaire pour la dextérité qu’ils favorisent chez les soldats, tout particulièrement pour le lancer de grenade.

Pour ces « olympiades militaires interalliés », des gymnastes et des athlètes sont désignés pour former une équipe. Après une très brève initiation au basket (contrairement aux autres disciplines, où les Français ont suivi un entrainement conséquent), et sous le regard pour la première fois de milliers de spectateurs, l’équipe subira des défaites prévisibles (ex. : 93 à 6 pour les USA).

Si le basket est surtout pratiqué par les athlètes comme un bon complément durant la période d’hiver (compléter la saison d’athlétisme), de nombreux « patronages » (dirigés par des ecclésiastiques ou des instituteurs) et clubs voient peu à peu le jour. Le développement du basketball en France va avoir des répercussions sur sa pratique en Suisse, tout particulièrement à Genève et dans les cantons romands.

Selon Gérald-A. Piaget (1955), le basketball a pénétré en Suisse par le « truchement » de la gymnastique et de la culture physique. Claverie (2007), en se référant à la France, formule des questions qui nous semblent correspondre aussi à la situation de la Suisse de l’époque :

Quelle place notre culture de l’exercice corporel, sans doute déjà sensible à quelques pratiques compétitives populaires limitées, mais toujours assujettie à la toute-puissance d’une éducation physique militaire puis médicale, pouvait-elle lui réserver ? Quel sens pouvait-elle lui donner, ce sport n’ayant choisi sur notre territoire ni la voie du professionnalisme ni celle de la propagation scolaire et encore moins celle du développement d’infrastructures spécifiques pour une pratique d’intérieur ? (p. 155).

C’est à Genève, physiquement et culturellement intime avec la France, qu’il sera tout d’abord pratiqué. Cette ville devient le berceau du basketball suisse et le siège de la Fédération internationale.

C’est en 1921, lors de la participation aux Jeux Olympiques féminins à Monte-Carlo, que les athlètes font connaissance avec le basketball en regardant des camarades françaises et britanniques faire une démonstration. De retour en Suisse, elles organiseront à Frontenex des entraînements et des matchs, sans rechercher toutefois à répandre ce sport dans la société.

Selon Piaget (1955), c’est M. Schroeder, moniteur de culture physique ayant fait ses études pour animer les cours de culture physique à l’Université de Springfield (Massachusetts), le véritable instigateur du basket à Genève. C’est lui qui crée la première équipe suisse,

« Aurore », et qui disputera un peu plus tard (1926) le premier match international à Charvieu (France).

En 1927, une école internationale d’éducation physique YMCA (succursale de l’Université de Springfield) est créée à Genève. Ceci aura un impact considérable sur les pratiques sportives dans ce canton. Très rapidement, et sous l’influence du mentor M. Berruex, presque tous les milieux sportifs vont s’intéresser au basketball (UCJG, gymnaste, athlètes, nageurs, boxeurs….). Le 2 mai 1929, la Société Fédérale de Gymnastique, instance très puissante dans la société suisse, crée une « Commission d’études pour le basket » et le 13 juin est constituée la Ligue genevoise de basketball, qui compte 14 clubs. Cette association cantonale fut la cellule initiale de la FSBA (alors Ligue suisse).

Cette institutionnalisation ne se fait sans écueils. Comme dans d’autres pays d’Europe, plusieurs groupes veulent gérer ce nouveau sport. On assiste aux différends entre les athlètes de l’Association suisse de football et d’athlétisme (ASFA) et les basketteurs indépendants.

Face à la décision unilatérale de l’ASFA d’organiser les premiers championnats suisses (1932), et en profitant de la création de la Fédération internationale de basketball, les basketteurs genevois vont créer l’Association cantonale genevoise de basket, ce qui leur permettra de conserver leur pleine indépendance.

Toutefois, selon Piaget (1955), « pour arriver à sa totale consécration, le basket suisse a cependant dû attendre d’être admis (1935) au sein de l’Association nationale d’éducation physique » (p. 133), organe qui régit le sport en Helvétie. Ceci a été grandement facilité par la reconnaissance, en 1934 par le Comité Olympique suisse171 de la Ligue suisse, qui deviendra en 1942 la Fédération suisse de basketball.

Il nous faut souligner que l’évolution du basketball suisse a été, dès les années 30, influencée par la présence de joueurs et entraîneurs étrangers. Pour Brechbuhl (1955), l’histoire du basketball suisse « est intimement liée à celle du sport universitaire » (p. 139). En effet, un nombre important de garçons venus en Suisse pour faire des études vont participer aux tournois universitaires et aux clubs d’élite (par exemple le joueur-entraîneur des USA du Servette, Johnny Beck, en 1932). Si l’on se réfère à l’Association vaudoise de basket, on trouve des étrangers éthiopiens, français dès les années 1932. Les universitaires suisses, de leur côté, sont toujours venus nourrir l’équipe nationale suisse et les équipes cantonales.

Comme dans le reste de l’Europe, la pratique du basket s’est ralentie durant la période de 1939-1945172.

Il est souvent reproché au basketball d’être un sport aux règles changeantes. Pour Huguet (1977) les législateurs ont apporté « continuellement des modifications dans un souci de malléabilité compensatoire et de recherche du spectacle » (p. 20). C’est ainsi que l’évolution des règles peut se comprendre au travers du besoin d’équilibrer (rééquilibrer) le rapport de force entre les équipes et d’assurer l’esprit et l’intérêt du jeu. Pour Bosc et Grosgeorge (1982),

« l’évolution du jeu a toujours bousculé le règlement » (p. 28), ce dernier cherchant : à aider les équipes à pratiquer un jeu de qualité ; à canaliser, en les codifiant, les trouvailles techniques et tactiques des entraîneurs et des joueurs ; à assurer un juste équilibre entre les attaques et les défenses. Par exemple, puisque le public attend que le jeu gagne en « vitesse d’exécution » (Bunn, 1955), et en nombre de paniers marqués, ce sont les possibilités de la

171 Le développement du basketball concerne principalement les cantons romands. Dans les cantons alémaniques, la Société fédérale de gymnastique et l’ASFA souhaitent garder le handball et le korbball comme sport principaux.

172 Durant cette période, ce sont toujours les équipes de la Romandie qui excellent (Genevois en tête), sauf en 1931 où Berne gagne le titre national).

défense qui doivent être limitées. Ceci conduira à autoriser le dribble en 1908 et à instaurer, en 1910, la cinquième faute éliminatoire. Face à l’avantage de l’attaque et au poids que prennent les joueurs de grande taille, les responsables du règlement vont instaurer, un peu plus tard, la contrainte de 3’’ dans la raquette, de manière à limiter les possibilités, pour

« l’avant piquet », de s’installer près du panier (en 1932 aux USA et en 1948 dans les autres pays).

Aux USA, le basket se veut méthodique, organisé de manière rationnelle et orienté vers l’efficacité et le travail collectif, reflet d’une culture bien précise173. Les élèves sont formés et détectés au sein de l’école, où des techniciens se chargent d’imposer aux joueurs un entrainement acharné (Bosc & Grosgeorge, 1982). Bunn (1955) dit que les enfants de 8 à 9 ans sont entraînés par des coachs professionnels, « dès qu’ils commencent à jouer au basket dans les écoles primaires » (p. 211). Les entraînements des adultes sont de plus en plus méthodiques et produisent un gain substantiel de la qualité du jeu. Par exemple, le même auteur attribue aux entraînements l’augmentation de la moyenne des points marqués par match (en 1954, 8 points de plus que l’année précédente). Parallèlement, le même auteur constate qu’il n’y a pas une méthode de jeu propre aux collègues états-uniens, que chaque entraîneur adapte sa méthode à ses joueurs. « S’ils sont rapides, il emploie la contre-attaque (…) S’ils sont peu rapides mais solides et bons shooteurs, l’entraîneur fera travailler les écrans, au cours desquels un ou deux joueurs adopteront les positions définies… » (ibid., p.

213).

Sous l’influence du basket français, la Suisse va s’inspirer, dans un premier temps, plus du ripopo que du basketball états-unien. Le ripopo174 est la forme ou la manière de jouer au basketball en France. Selon Archambault (2007), la référence américaine n’est acceptable que parce qu’elle « a été acclimatée » (ibid., p. 11. Ce sport est ainsi réinvesti de valeurs spécifiquement nationales, une « résistance culturelle à l’emprise états-unienne » (ibid.).

Piaget (1955) donne une idée du basket suisse avant 1950 :

Composées en général d’athlètes puissants mais manquant de souplesse, relativement lents, et maladroits par manque d’entraînement, les équipes suisses pratiquèrent un jeu statique où la défense primait sur l’attaque, personne ne voulant prendre de risques. Il s’en suivit un jeu monotone, très accrocheur, aux scores étriqués, qui prévalut pendant longtemps. Aujourd’hui, grâce à une meilleure compréhension, grâce aux efforts de ses dirigeants, grâce à l’appoint de joueurs étrangers et d’entraîneurs qualifiés, il semble que le basket suisse ait trouvé une nouvelle voie. Il est devenu plus dynamique, plus rapide : on constate dans l’équipe nationale, à laquelle Strong, entraîneur de talent, a donné un moral extraordinaire, l’apparition du nouveau type de basketteur souple, rapide, feinteur et adroit (p. 183).

Le basketball dans les universités suisses est aussi bien différent des pratiques états-uniennes.

Si le basketball reste en Suisse historiquement lié au sport universitaire (Brechbuhl, 1955), les moyens dont disposent ces institutions ne permettront pas de suivre l’évolution du sport moderne. Les équipes composées uniquement d’étudiants ont peu de temps pour s’entraîner et ne peuvent plus se mesurer avec d’autres formations. Le basket universitaire perd de son importance au fur et à mesure que les associations cantonales et fédérales se développent.

173 Denney & Reisman (1951, cité par Bosc & Grosgeorge, 1982, p. 15) disent que « Les Américains considèrent que la compétition est une chose naturelle, mais contrairement aux Anglais, ils pensent qu’elle doit être continuellement stimulée, notamment par un système artificiel de règles sociales destinées à diriger vers elle, toutes les énergies ».

174 Le ripopo a été considéré comme un style de jeu basé sur l’improvisation, la fantaisie, l’inorganisation de l’équipe et l’individualisme (Bosc & Grosgeorge, 1988). Il privilégie la vitesse et la supériorité numérique ainsi qu’une offensive permanente pour provoquer le surnombre offensif a l’approche du panier.

Contrairement aux Etats-Unis, où le basket universitaire « devient institution » et constitue le passage presque obligé pour tout joueur désirant devenir professionnel (Thomas, 1991). Le niveau et les conditions matérielles des clubs suisses sont aussi en décalage avec les clubs étrangers. Piaget (1955) constate, par exemple, que c’est un « miracle » (p. 138) si des stages de préparation à un tournoi ou à des rencontres sont organisés. Les joueurs, obligés de travailler, sont peu disponibles et peu concentrés pour pratiquer un basket de qualité. Il est mis en avant les faibles ressources de la FSBA.

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