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Construction méthodologique : l’étude des systèmes interconnectés

4. La constitution du document

4.2.1. Les entretiens avec les enseignants Nous avons mis en place deux types d’entretiens

4.2.1.1. Des entretiens ante-cycle

L’entretien semi dirigé réalisé avec chaque enseignant avant le début de chaque cycle revêtait une triple importance :

(i) Comme il s’agissait du deuxième contact entre le chercheur et les enseignants, ce moment de discussion devait nous permettre de poursuivre la mise en place d’une relation de confiance entre le chercheur et les enseignants.

(ii) Si, lors du premier entretien, nous avions transmis les informations concernant la recherche à laquelle ils participeraient, nous savions que les enseignants pouvaient avoir des questions à poser ou le besoin de clarifier certains aspects du contrat de recherche.

(iii) Récolter des informations sur les enseignants, sur les groupes-classes et sur l’enseignement qu’ils allaient donner.

Pour les entretiens ante, Schubauer-Leoni & Leutenegger (2002) proposent de s’appuyer sur l’analyse a priori de la tâche afin de centrer le discours des enseignants sur les contenus d’enseignement. Dans notre cas, s’il a été possible d’échanger à propos de l’idée que les maîtres se font de l’enseignement et de l’apprentissage du basketball, nous avons peu échangé par rapport aux tâches qu’ils pensaient proposer aux élèves. En effet, les enseignants ont donné des indications concernant le « domaine d’activité » (DIP, 2000), mais n’avaient pas, à ce moment, une planification détaillée de ce qu’ils allaient faire en classe. Celle-ci a été d’ailleurs « découverte » le jour de chaque leçon, ce qui n’a pas permis de réaliser une analyse anticipée des enjeux didactiques137 des tâches et d’en discuter à leur sujet avec les maîtres spécialistes. Relevons que cette absence faciliterait en quelque sorte, si l’on se réfère toujours aux mêmes auteurs, l’entrée dans l’analyse de la dynamique de co-activité enseignant-enseignés. En effet, cette étape peut être réalisée, dans notre cas, sans devoir « suspendre » (Schubauer-Leoni & Leutenegger 2002, p. 246) l’interprétation que le chercheur a construite à partir de l’étayage de l’a priori, puisqu’elle est inexistante. Ceci permet donc de donner priorité, à ce stade, à la focalisation sur l’analyse interne du corpus.

Les entretiens ont été enregistrés et ont eu lieu dans les écoles où travaillaient les maîtres. Ils devaient durer au maximum 1 heure (contrat de recherche).

Les canevas d’entretien que nous avons construits comportent trois parties, chacune faisant référence à des dimensions spécifiques.

(i) La première concerne des données en lien avec l’expérience des enseignants et leur parcours professionnel. Voici les principales questions : Quelle formation initiale et continue ont-ils suivi (des questions ciblées ont été posées à propos du basketball), quelle ancienneté dans l’institution ? Combien d’années d’enseignement ont-il fait dans cette école et dans la Division Moyenne ?… Nous voulions aussi connaître quel était leur parcours sportif et nous renseigner en particulier sur le rapport qu’ils entretenaient et entretiennent avec les jeux collectifs et le basketball. Dans cette première partie de l’entretien, nous avons également

137 Ceci questionne l’utilisation de l’analyse a priori en EP, tout particulièrement lorsqu’il s’agit des recherches portant sur des leçons ordinaires. Nous reviendrons sur ce sujet dans la partie « analyse des données ».

abordé le rapport que les enseignants ont avec la discipline éducation physique (ex. : sa place dans l’école, la relation avec les savoirs des autres disciplines, son enseignement, etc.).

(ii) Le deuxième groupe de questions devait nous renseigner sur la co-responsabilité de l’enseignement de l’EP et la relation « enseignant généraliste – enseignant spécialiste ». Nous avons commencé par demander de nous décrire la relation qu’ils ont avec leur collègue (MG ou MS) et de nous donner des indications sur leur manière de s’organiser.

Prenant en compte que les fonctions et les tâches des généralistes et des spécialistes ne sont pas identiques, nous avons formulé, pour certains thèmes, des questions spécifiques. Par exemple, pour le travail de planification effectué par le spécialiste :

Quelle est votre « préoccupation », votre intention lorsque vous donnez la planification de la leçon à votre collègue ? A quoi pensez-vous qu’elle sert ? Quel usage pensez-vous qu’il fait de vos planifications ? Prévoyez-vous des tâches que le MG devrait reprendre ? Donnez-vous des documents autres que la planification ? (Avant/après l’obligation de donner la planification).

Après votre première leçon sur le nouveau thème, comment préparez-vous votre 2ème intervention ? Prenez-vous en considération le travail réalisé par le MG ou est-ce que vous partez de l’idée qu’il n’a pas poursuivi le travail que vous avez entamé ?

Des questions aussi par rapport au rôle de « méthodologue ».

En salle d’EP, comment procédez-vous ? Donnez-vous la leçon pour élèves, pour le MG…?

Faites-vous quelque chose en direction du MG ? De quelle manière pensez-vous/ souhaitez-vous que le MG se comporte durant votre leçon ? Donnez-vous des tâches à faire au MG ?

Il nous semblait important également de comprendre comment l’enseignant percevait l’action enseignante de son collègue. Par exemple, et toujours en reprenant le canevas du MS :

Quel type de travail pensez-vous que fait le MG avec les élèves ? Quels objectifs pensez-vous qu’il privilégie ? Que diriez-vous à propos des connaissances, compétences du MG en EP et plus précisément en basket ?

(iii) La troisième partie du canevas traitait en particulier le domaine d’action « Jouer » (Manuel fédéral, 1998). Tout d’abord, nous avons posé des questions générales concernant l’enseignement des jeux collectifs à l’école (principalement en division moyenne) et la place qu’occupait le basketball dans la programmation annuelle. Ensuite, nous avons abordé plus en détail leur façon d’enseigner :

Quels objectifs avez-vous lorsque vous planifiez des jeux collectifs et le basket ? Quels sont les contenus prioritaires, comment faites-vous pour que les élèves arrivent à apprendre à jouer au basket ? Quel type de tâche proposez-vous aux élèves en basket ? Quel est votre rôle durant la leçon d’EP/basketball ? Quelles sont les erreurs/fautes/difficultés qui vous amènent à intervenir et quelles sont celles qui n’appellent pas d’intervention ? De quelle manière intervenez-vous ? De manière à mieux comprendre la programmation des enseignants et leurs transactions avec les élèves, nous avons questionné les maîtres concernant le groupe-classe. Par exemple, connaissent-ils les élèves de la classe que nous allons observer, que peuvent-ils dire par rapport à leurs connaissances, à leurs niveaux de jeu ; ces élèves ont-ils déjà fait des jeux collectifs et du basketball ?

4.2.1.2. Des entretiens d’analyse croisée de fin de cycle

Les recherches portant sur l’observation du didactique ordinaire prévoient, la plupart du temps, un entretien chercheur-enseignant après chaque leçon du cycle d’enseignement (voir, par exemple, Ligozat, 2008 ; Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2002 ; Schubauer-Leoni, 2008). Un tel entretien devrait donner accès « à chaud » aux explications, réactions, compléments, etc. du maître par rapport à la leçon qu’il vient de donner, ainsi que recueillir son avis à propos de celle qui suivra. Ce dispositif demande cependant une grande disponibilité des volontaires (non manifestée par deux maîtres que nous avons contactés) et une conduite d’entretien permettant d’éviter de les influencer.

Pour notre part, bien qu’ils ne relèvent pas des modalités proposées par Leutenegger (2009), nous avons retenu l’idée d’entretiens post protocole que nous décrivons ci-après.

Parmi les méthodes auxquelles ont recours les chercheurs pour l’analyse de l’action des acteurs, les techniques d’autoscopie138 ont souvent permis de mettre en évidence les dimensions de l’activité didactique liées à sa mise en œuvre effective. Issues, notamment, des techniques d’autoconfrontation croisée en analyse du travail (Clot & Faïta, 2000), différents dispositifs d’autoscopie ont actuellement cours dans les travaux de recherche, le plus souvent complémentaires des dispositifs plus classiques de l’analyse didactique tels que la vidéoscopie des cycles d’enseignement et leur mise en protocole écrit. Cet outillage méthodologique, utilisé avec d’autres catégories professionnelles, est sensé « créer les conditions d’un rapport dialogique » (Faita & Viera, 2003) entre les acteurs.

Les entretiens d’analyse croisée que nous avons programmés à la fin de chaque cycle d’enseignement s’inspirent aussi de Sensevy et Mercier (2003) et comportent certaines particularités qui les distinguent des entretiens mentionnés ci-dessus. Ces « particularités » ont produit, comme nous le montrerons dans la troisième partie de la thèse (Résultats), des effets non négligeables sur le déroulement des entretiens.

De quelle manière avons-nous procédé ? Après chaque leçon, nous avons numérisé son intégralité et réalisé un synopsis provisoire (voir plus bas). Ce dernier est à considérer comme une étape intermédiaire au synopsis final. Il s’agit d’un tableau comportant des indicateurs qui doivent nous permettre, dans un laps de temps très court et de manière synthétique et ciblée, de saisir la structuration de la séance, les tâches programmées ainsi que les principaux contenus abordés. Nous avons aussi repéré les moments significatifs où des phénomènes didactiques intéressants avaient lieu (par exemple, l’introduction de la part de l’enseignant des éléments dans la mésogenèse orientant fortement l’activité des élèves, comme cela a été le cas des consignes données aux observateurs lors des différentes phases des matchs de basketball, D1).

4.2.1.2.1. Des extraits de vidéo des leçons comme supports de l’entretien A la fin du cycle, et au vu de l’entretien d’analyse croisée, nous avons fait le récapitulatif des moments significatifs répertoriés précédemment et procédé à l’assemblage, sur un DVD, des extraits tirés des différentes leçons (une tâche par leçon).

138 La description de la méthode d’auto analyse croisée reprend des éléments de la présentation faite par Cordoba et Rickenmann au colloque ADMEE 2005.

Les cycles filmés qui allaient être visionnés lors de l’entretien ont été choisis uniquement par le chercheur, qui assumait ainsi la responsabilité d’extraire des leçons les dimensions problématisantes de l’action des enseignants139. Ceci allait orienter le regard et l’analyse des enseignants vers des objets (dans un sens large) considérés par le chercheur comme significatifs. Notre intention était d’éviter de centrer les échanges sur des aspects

« périphériques » (ex. : les comportements des élèves) et de se concentrer, principalement, sur la dimension didactique des extraits visionnés (il s’agit bien d’une « manipulation » des vidéos pensée pour « orienter » le regard et l’analyse des enseignants). Les choix auxquels nous avons procédé nous conduisent à considérer le dispositif mis en place comme un entretien d’analyse croisée orientée. Du point de vue des méthodes, il s’approche des conditions expérimentales de recherche.

Notre travail n’a pas seulement consisté à choisir les situations d’apprentissage que les enseignants devaient visionner, nous avons aussi modifié l’ordre d’apparition par rapport à la structuration temporelle du cycle d’enseignement. Pour la dyade 1, nous avons placé au début du DVD la situation de jeu réel (basket sur tout le terrain), tâche qui clôturait la dernière leçon de chaque maître et qu’ils considéraient comme étant la situation de jeu la plus complexe et potentiellement mobilisatrice des savoirs abordés précédemment140.

4.2.1.2.2. Modalités de l’entretien d’analyse croisée

Une fois le DVD monté, nous avons demandé aux enseignants de le visionner individuellement avant l’entretien à trois, ce qui préfigurerait un entretien mobilisant une analyse préalablement construite de leur part.

Le support numérique a été donné 15 jours avant l’entretien. Il a été accompagné d’un document qui nommait les tâches choisies pour le DVD et donnait des indications à propos des raisons ayant orienté le choix (annexe, 3.2).

Les deux premières concernent la situation de « match ». A partir des discussions que j’ai eues avec vous et en prenant en considération le contenu des moments d’échanges qui ont séparé vos leçons, le match apparaît comme étant une des tâches les plus révélatrices du niveau et des acquisitions des élèves, mais aussi celle qui intègre le plus de contenus que vous avez abordés durant les séances (règles, marquage/démarquage, etc.).

Nous avons mis aussi, dans ce document, quatre points qui nous paraissaient pouvoir aider les enseignants à préparer l’entretien. Ils sont formulés sous forme de questions et ont trait (i) à la manière dont ont été organisées les différentes leçons et tâches du cycle,

(ii) à l’articulation de l’enseignement avec celui du collègue,

(iii) à la démarche qu’ils adopteraient s’ils devaient programmer un autre cycle sur le basketball.

En ce qui concerne le déroulement des entretiens, nous avons procédé de la manière suivante.

Les deux enseignants de la dyade se sont assis face à l’écran. La première image du DVD correspondait à la présentation de la Dyade et au listage des différents extraits choisis par le

139 Par rapport à une telle décision, Faita & Viera (2006) disent que « c’est au « chercheur, partiellement, parfois totalement, d’envisager le choix de moments et séquences de l’activité en fonction de cette activité – plus exactement de la perception qu’il en a – plus que de la représentation discursive que le collectif est disposé à en fournir ».

140 C’est pour cette raison que nous l’avons choisie et placée en premier dans le DVD.

chercheur. La télécommande a été donnée aux enseignants avec la consigne de faire avancer/reculer les images selon leur intérêt. Nous avons demandé aux enseignants de donner leur avis et d’intervenir aussi bien sur les leçons données par leur collègue que par rapport à leurs propres leçons. Le chercheur, pour sa part, a adopté une posture en retrait, tout en intervenant ponctuellement pour demander, par exemple, des clarifications en rapport avec ce qui avait été dit ou pour formuler des questions sur les situations d’apprentissages qu’il avait choisies.

Enfin, mentionnons que les deux entretiens ont été réalisés dans une des salles de l’école et qu’ils ont été filmés par une caméra fixe et enregistrés aussi par un enregistreur à cassettes.

4.2.1.3. La saisie vidéo et audio des leçons du cycle

L’analyse didactique que nous voulions réaliser demandait non seulement l’observation des séances mais aussi leur enregistrement vidéo. Les leçons numérisées devaient nous permettre de reprendre de manière méthodique et détaillée l’action des enseignants ainsi que l’activité des élèves. Comme le mentionne Leutenegger (2009) en se référant aux leçons en mathématiques observées à l’école primaire, on ne peut pas être sûr par avance, comme c’est le cas d’une situation d’ingénierie par exemple, que ce qui se joue sur le terrain de la classe comporte effectivement des contenus de savoir et ne comporte qu’eux. Nous avons donc procédé à l’enregistrement vidéoscopé de l’ensemble des leçons de chaque cycle étudié.

L’utilisation de la vidéo pour le recueil de données est à comprendre comme un

« prolongement opératoire » (Zaid & Huchette, 2009, p. 265) de notre cadre théorique (chapitre 3). Décrire et comprendre l’action conjointe enseignant-élèves demande à prendre en considération les interactions des acteurs et le milieu où ils évoluent. Il était donc essentiel d’enregistrer l’ensemble des échanges verbaux, mais également de coder la dimension non discursive des transactions didactiques ainsi que la matérialisation des objets des dispositifs (ex. : placement du matériel, organisation de la salle).

Un tel projet demandait la mise en place des conditions de prise de vue et de son suffisamment satisfaisantes pour pouvoir réaliser, par la suite, la transcription et le dépouillement des données.

Filmer dans une salle de gymnastique comporte des difficultés importantes à prendre en considération : bruit, espaces très grands, dispersion des élèves, variétés des formes d’organisation sociale, etc. Sachant qu’il n’est pas possible de « tout enregistrer », il s’agissait pour nous de nous assurer que les données récoltées seraient de bonne qualité, quitte à multiplier les supports utilisés. Nous avons alors choisi de procéder de la manière suivante :

• Les leçons ont été filmées avec deux caméras. Une caméra fixe, qui englobait 3/4 de la salle, a été placée sur les espaliers à approximativement 3 mètres de hauteur. Ceci devait nous permettre de saisir « en continu » le déroulement de la classe et de balayer un maximum d’espace de la salle. En plaçant la caméra en hauteur, nous voulions éviter aussi les gros plans sur les élèves se trouvant trop près de la caméra.

Figure 4 : Positionnement des caméras dans la salle

La deuxième caméra, celle-ci mobile, était maniée par le chercheur. Elle devait nous donner la possibilité de prises de vue ciblées sur les interactions maître-élèves et sur les regroupements durant la réalisation des tâches. Son micro directionnel nous a permis d’enregistrer la voix de l’enseignant ainsi que celles des élèves. L’utilisation d’un trépied avec des roulettes était aussi indispensable pour garantir la qualité des images enregistrées.

• Les supports audio. Nous avons équipé les enseignants de deux micros. D’une part, ils portaient un « micro-cravate » sans fil relié à la caméra fixe. La cassette de cette caméra sauvegardait ainsi toute la chronologie de la leçon (pas de « coupure ») et l’ensemble du discours de l’enseignant. D’autre part, ils portaient un mini magnétophone à cassettes, qui gardait la trace essentiellement des paroles des maîtres.

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