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Type II : les bourgs et bourgades se distinguant des villes précédentes par l’absence

2.3. La cité des Gabales

La cité des Gabales (Fig. 11) est la deuxième par sa taille dans l’ordre croissant avec une superficie de 5 241 km² (Baret 2013a : 47). Les Gabales apparaissent dans les textes avec la guerre des Gaules. César (Guerre des Gaules, VII, VII, 236 ; VII, LXXV, 237) les présente comme des « clients » des Arvernes. Leur chef-lieu, Anderitum (Javols) n’est cependant

34 « Item iuxta super scriptam civitatem Genua est [civitas] quae dicitur : Obelonon, Dibialimon, Bidana,

Matiscum, Lucdonon, Scatianorum, Aquis, Icutmageon, Ribision, Codare, Andereton, Ugernon » (Schnetz

1990 : 63).

35 Ingénieur d’Études au Service Régional de l’Archéologie d’Auvergne.

36 « Progressus in Nitiobroges et Gabalos ab utrisque obsides accipit et magna coacta manu in prouinciam

Narbonem uersus eruptionem facere contendit : Il pousse chez les Nitiobroges et chez les Gabales, reçoit de

chaque peuple des otages, et, ayant réuni une forte troupe, entreprend d’envahir la province, en direction de Narbonne » (César, trad. Constans 1987 : 214).

37 « Imperant Haeduis atque eorum clientibus, Segusiauis, Ambiuaretis, Aulercis Brannouicibus, Blannouiis,

milia XXXV ; parem numerum Aruernis adiunctis Eleutetis, Cadurcis, Gabalis, Vellauiis, qui sub imperio Aruernorum esse consuerunt : On demande aux Héduens et à leur clients, Ségusiaves, Ambivarétes, Aulerques

Brannovices, Blannovii, trente-cinq mille hommes ; un chiffre égal aux Arvernes, auxquels ont joint les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales, les Vellavii, qui sont, par longue tradition, leur vassaux » (César, trad. Constans 1987 : 266).

115 mentionné qu’à partir du IIe siècle par Ptolémée (Géographie, II, 7, 1138). Il apparaît ensuite plus tardivement dans la Table de Peutinger (Seg. I, B3) et dans la Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne (IV, 2639). À partir de la réorganisation d’Auguste, le territoire est intégré à la province d’Aquitaine. Il s’agit d’une cité de modeste dimension correspondant à peu près à l’actuel département de la Lozère complété du canton de Saugues (Haute-Loire) et amputé du canton de Meyrueis (Trintignac, Marot, Ferdière 2011 : 15-26). Le tissu des habitats ruraux (villae et fermes) reste mal connu. Environ 60 sites à vocation agricole sont attestés sans qu’il soit cependant possible de déterminer l’importance des établissements. Ils sont majoritairement localisés dans la partie centrale et méridionale de la cité (vallée du Lot et Causses). Leur faible nombre au nord illustre la faiblesse des prospections dans ces espaces. Une vingtaine de sites peuvent être interprétés comme des villae et une quinzaine comme des fermes (Trintignac 2012 : 76). Les zones de vide (Margeride, nord de la cité) sont principalement dues à un manque de recherche en raison du couvert végétal (forêt, pâtures). Les villae les plus luxueuses livrent de l’hypocauste, des thermes, des colonnades, du marbre et de la mosaïque. La chronologie cumulée des occupations couvre le Ier s. av. J.-C. jusqu’au IVe s. ap. J.-C. (Trintignac, Marot, Ferdière 2011 : 29-30). Concernant les agglomérations, le recensement n’offre que peu d’occurrences assurées et quelques hypothèses : Nasbinals (Ad

Silanum), Bagnols-les-Bains, Banassac / La Canourgue, Saint-Bonnet-de-Montauroux

(Condate), Grèzes, Lanuéjols, Mende et Saint-Bonnet-de-Chirac.

La vie religieuse est connue à travers de rares fana : Fontans, Brenoux, Saint-Pierre-des-Tripiers, Saint-Bauzile (IIIe siècle), Les Laubies, La Canourgue, Saint-Bonnet-de-Chirac. Une petite série d’inscriptions permet d’identifier des cultes à Mars (Barjac), Mars Tritullus (Saint-Laurent-de-Trèves), à Liber Pater (Lachamp), et Jupiter (Lanuéjols), complétées par quelques statuettes de Sucellus (Born, Canilhac), Cernunnos (Monastier-Pin-Moriès, La Malène). Aucun grand sanctuaire poliade n’est connu pour la cité (ibid. : 31-32).

Économiquement, si les productions agricoles ont joué un rôle important, elles restent encore inconnues. La production de fromage est cependant attestée par les textes (Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, XI, XCVII (240)40) qui en vantent les mérites puisqu’ils seraient

38 « En-dessous, il y a les Cadurci et la ville : Duèona » (Nobbe 1843).

39 « Item iuxta super scriptam civitatem Genua est [civitas] quae dicitur : Obelonon, Dibialimon, Bidana,

Matiscum, Lucdonon, Scatianorum, Aquis, Icutmageon, Ribision, Codare, Andereton, Ugernon » (Schnetz

1990 : 63).

40 « Laus caseo Romae, ubi omnium gentium bona comminus iudicantur, e prouinciis Nemausensi praecipua,

Lesurae Gabalicoque pagis ; sed breuis ac musteo tantum commendatio : Le fromage le plus estimé à Rome, où

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les plus appréciés, avec ceux de Nîmes, à Rome. Grégoire de Tours rapporte que des moules à fromage sont jetés en offrande dans le lac de Saint-Andéol (La Gloire des Confesseurs, II41). La prise en compte du paysage montagnard permet aussi de justifier une part importante de l’élevage dans l’économie (Trintignac, Marot, Ferdière 2011 : 33). L’exploitation du bois et de ses dérivés devait représenter une importante source de travail avec l’approvisionnement des ateliers de potiers de la cité voisine (La Graufesenque) mais aussi la fabrication de tonneaux (id.). La cité gabale apparaît comme l’une des principales zones de production de poix à partir de la distillation de la résine de pin sylvestre. Une soixantaine de stations de résiniers sont recensées en très grande partie sur les Causses Méjean et Sauveterre. Elles ont principalement fonctionné durant le Haut-Empire sauf quelques-unes qui perdurent jusqu’à l’Antiquité tardive (id.). L’autre ressource majeure est l’extraction minière et la métallurgie. Cette richesse est mentionnée par Strabon (Géographie, IV, 2, 242). Les minerais exploités comprennent le plomb argentifère, le cuivre (Cévennes, Mont Lozère, Marvejols, Saint-Léger-de-Peyre), l’étain (entre Aubrac et Margeride), et le fer (sidérolithes des Causses, Cévennes, Mont Lozère). Quelques mines antiques ont été étudiées au Bleymard, à Vialas, à Villefort, et à Saint-Léger-de-Peyre. La forge, parfois la réduction (Saint-Julien-du-Tornel), est bien représentée au sein de la cité : Saint-Maurice-de-Ventalon, Banassac (Trintignac, Marot, Ferdière 2011 : 33). Enfin, la production de céramique n’est pas négligeable, notamment la sigillée avec des ateliers satellites de La Graufesenque comme Le Rozier puis Banassac qui exporte sa production jusque dans les régions rhéno-danubiennes. À Florac, un atelier de céramique kaolinitique est attesté et des fours de terres cuites architecturales ont été observés à Serverette, Saint-Maurice-de-Ventalon et Monestier-Pin-Moriès (ibid. : 34).

La cité est drainée par un réseau viaire important mais mal connu. La voie Lyon-Bordeaux, passe par Rodez puis Javols, Chapeauroux et le Puech Crémat-Bas. Elle a auparavant desservi Feurs et Saint-Paulien. Cette voie est signalée sur la Table de Peutinger (Seg. I, B et C) et serait achevée sous Claude (ibid. : 27). Une voie reliait Clermont-Ferrand à Javols par Brioude. C’est cette dernière qui est empruntée par Sidoine Apollinaire depuis sa villa pour se rendre dans le Sud. Elle se confondrait avec la voie médiévale dite

de Nîmes, de la Lozère, et des villages du Gévaudan, mais sa qualité dure peu et il doit être consommé frais » (Pline l’Ancien, trad. Ernout 1947 : 104-105).

41 « Il y avait dans le pays de Gévaudan, sur une montagne nommé Allenc, un grand lac. Là, à une certaine époque, une multitude de gens de la campagne faisait comme des libations à ce lac ; elle y jetait des lignes ou des pièces d’étoffe servant aux vêtements d’hommes, quelques-uns des toisons de laine ; le plus grand nombre y jetaient des fromages, des gâteaux de cire, du pain, et, chacun suivant sa richesse, divers objets qu’il serait trop long d’énumérer » (Grégoire de Tours, trad. Bordier 2006 : 144).

42 «  ’     : Les Gabales possèdent également des mines d’argent » (Strabon, trad. Lasserre 1966 : 148).

117 Régordane (ibid. : 27). Cette dernière, attestée par les textes à partir du XIIe siècle, correspond à la partie cévenole de la Route de France (Île-de-France – Languedoc). Javols est également relié à Millau par une voie qui traverse le site de Banassac et la vallée du Lot. Il s’agirait du prolongement de la via bolena vers le sud-ouest. La voie médiévale de la Boulaine reprendrait ce tracé (ibid. : 28). Enfin, la voie de « Coudoulous », au sud-est du département, reliait la voie Régordane à la « draille » du Languedoc. Elle est reconnue depuis 1857 et a été redécouverte en 1960. Elle présente des ornières espacées de 1,45 m qui laissent penser qu’elle pourrait avoir servi à des lourds convois chargés de minerai en provenance du Mont Lozère (id.). Ce réseau est complété par les voies navigables que sont le Lot et le Tarn et qui traversent les sites de Banassac (Lot), Florac et Le Rozier (Tarn) où se localisent des ateliers de potiers.

2.3.1. Anderitum

Le chef-lieu des Gabales (Fig. 15) est situé sur la voie de Lyon à Bordeaux par Feurs, Saint-Paulien, Rodez, Saint-Bonnet-de-Montauroux, Javols puis Nasbinals (ibid. : 36). La voie entre dans la ville avec un axe plein est puis en ressort avec un axe plein ouest. D’autres reliaient la capitale à ses voisines comme Clermont-Ferrand, mais aussi à la Narbonnaise par Mende, Banassac et Millau. Le passage sur le Triboulin devait se faire par un gué.

Plusieurs activités périurbaines se sont développées autour de Javols comme des carrières de granite au nord-est, au sud-est et à l’ouest. D’autres activités ont été observées, comme l’artisanat de l’os, du bois, la métallurgie du fer et du bronze (dont un bijoutier-joaillier avec un travail d’intailles) et peut-être de la céramique. Toujours en zone périphérique, de nombreuses canalisations ont été mises au jour. Une décharge urbaine du IIe-IIIe siècle a été mise en évidence en contrebas de la colline qui sépare le cours amont du Triboulin et le ruisseau d’Arbouroux (ibid. : 40).

Deux nécropoles (l’une à l’est, l’autre à l’ouest de la ville) ont été mises au jour en 2001 et 2002. Dans la nécropole occidentale, 4 incinérations sont datées du Ier s. ap. J.-C. Dans la nécropole orientale, une incinération (milieu IIe siècle) et une inhumation (non datée) ont été mises au jour en 2002. Ces nécropoles et l’ensemble des sondages en périphérie de la ville permettent aux chercheurs de proposer une superficie de 35 à 40 ha au maximum à l’apogée de la ville au IIe siècle (ibid. : 46).

Si la ville ne correspond pas à l’oppidum « capitale » de l’Âge du Fer, une occupation de cette période a pu être mise en évidence par de fréquentes découvertes de mobilier (ibid. : 46-49). La ville antique est établie au début du Ier s. ap. J.-C. comme l’atteste la datation des

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cardines C2 et C3 ainsi que les premiers monuments publics (curie) alignés sur ces cardines.

Le plan orthonormé, connu uniquement à partir de deux cardines et deux decumani n’a qu’une faible étendue et ne concerne que la partie centrale puisque les orientations divergent à la sortie du vallon pour s’adapter aux pentes (ibid. : 67). Cet espace orthonormé représente 5,5 ha et il définit des insulae plutôt rectangulaires de 2 100 m² pour les plus grandes (ibid. : 73). Ce réseau est complété par quelques ruelles privées.

Plusieurs monuments publics ont été identifiés dans la ville, à commencer par le

forum, dont la localisation n’est attestée que depuis 1988. La place centrale était apparemment

entourée de boutiques et de portiques sur au moins deux cotés (est et sud). La curie se développait au nord. Son premier état de construction pourrait être augustéen. Au IIe siècle, le bâtiment est remplacé par une basilique (50 x 23 m). L’interprétation comme curie du bâtiment reste discutable car celui-ci ne présente pas les équipements nécessaires (ibid. : 77). Il faut signaler ensuite l’existence d’un aménagement des berges. Il s’agit de deux lignes (rive gauche et rive droite) de blocs de grand appareil en granite sur au minimum quatre assises. Les deux lignes sont séparées de 11 m, là où le Triboulin a actuellement une largeur d’environ 6 m. La ville est également dotée d’un théâtre, reconnu à partir du XIXe siècle et dont l’existence est confirmée depuis 1999 avec la fouille du mur d’enceinte en demi-cercle de 80 m de diamètre appuyé sur la colline du Barri (ibid. : 81-83). Deux édifices thermaux sont connus, l’un à l’est du forum, l’autre à l’ouest. Ceux de l’ouest ont été fouillés au XIXe siècle et seule la piscine est encore visible aujourd’hui. Plusieurs adductions d’eau en provenance de la rivière et exutoires d’eaux usées ont été observés. Les thermes est ont été mis au jour en 1997. Ils seraient de dimensions plus modestes et orientés à 45° par rapport aux aménagements de berges. La fonction balnéaire n’est cependant attestée qu’à partir du IIe siècle, soit la phase 4 (ibid. : 83-86). Un édifice public, non interprété, a été mis au jour lors d’un sondage qui a livré une entrée monumentale et un mur de grand appareil en bordure est du cardo 3 (ibid. : 86). La présence d’une fontaine publique, à l’angle du cardo C2 et du

decumanus D4, suggère l’existence d’un aqueduc. Les études actuelles n’ont pas permis

d’attester la présence d’un véritable aqueduc depuis des sources éloignées mais suggère plutôt une alimentation directement prélevée dans la rivière (ibid. : 86-87). Quatre puits complètent le dispositif d’approvisionnement en eau et plusieurs égouts celui de l’évacuation des eaux usées (ibid. : 96-99). Les équipements cultuels sont inconnus. Aucun sanctuaire antique n’est actuellement localisé. Il existe cependant un ensemble de fosses cultuelles au sommet du Barri, mis en évidence en 2004 avec certainement des antécédents gaulois (ibid. : 88). Enfin, une église paléochrétienne a pu être mise en place au IVe siècle. Jusqu’en 2001 aucune

119 nécropole n’était connue aux abords de la ville antique. Depuis, deux nécropoles, l’une à l’est, l’autre à l’ouest ont été mises au jour lors de sondages. Elles sont datées du Haut-Empire et liées avec les axes de communication. Elles mêlent des incinérations, majoritaires, et des inhumations.

Plusieurs habitations dont certaines considérées comme des domus sont partiellement connues, comme la domus « Peyre », qui est l’une des rares a être documentée dans son intégralité. Celle-ci présente une série de boutiques en façade (cardo C2, à l’angle avec le

decumanus D4). La domus la plus complète, localisée aux angles de C3 et D2, est construite

dans la première moitié du Ier siècle. Elle connait trois phases de construction. La dernière est datée du deuxième quart du IIe siècle et correspond au développement maximal. La demeure est ravagée par un incendie vers 220-230 (ibid. : 111-115).

Enfin, de nombreuses productions artisanales sont connues au sein de la ville comme le travail du bois qui livre des déchets de taille (copeaux), une statue du dieu Silvain et des outils de travail. Le travail du fer est attesté par la découverte de scories, de culots de forge, des parois de foyers et peut-être des scories de réduction et des outils. La métallurgie des métaux à base de cuivre (bronze et laiton) est caractérisée grâce à du mobilier d’officine (creusets, moules) et par des dépotoirs (rebuts, déchets divers). Celle du plomb est mise en évidence par la présence de masses de plomb. Il est possible qu’un travail de l’or et de l’argent ait existé au sein de l’officine du bijoutier. La tabletterie est signalée par des plaquettes de débitage, des objets ébauchés ou brisés. Des instruments de tonte de la laine, de filage (fusaïole, fuseau en os) et de tissage attestent une activité textile dans la ville tout comme celle du travail du cuir avec la mise au jour d’alênes, d’alésoirs et de poinçons à river (ibid. : 134-137).

2.3.2. Les agglomérations gabales, état des recherches

La remarque faite sur la cité des Vellaves pourrait être appliquée aux Gabales si en 2002, un atlas des agglomérations du Languedoc-Roussillon n’avait pas été publié par J.-L. Fiches. En effet, cet atlas régional intègre le département de la Lozère, qui correspond peu ou prou à la cité des Gabales. Dans le cas des agglomérations, l’assimilation peut être faite sans risque puisque les seules agglomérations connues pour cette cité sont localisées dans le département de la Lozère. Les synthèses du début de l’ouvrage ne se réfèrent que très rarement aux sites du département et le corpus ne regroupe que 7 occurrences. La Carte

archéologique de la Gaule pour la Lozère (Fabrié 1989 : 24) n’évoque que quelques exemples

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(Nasbinals), Cadoule (La Canourgue). La réédition de 2012 par A. Trintignac est l’occasion pour l’auteur de consacrer quelques lignes à cette question. Celui-ci fait mention d’une quinzaine d’agglomérations, en liste quelques unes mais ne propose aucun développement (Trintignac 2012 : 75-76).

L’ouvrage de J. Chambrun (1981) sur Les habitats ruraux de la civitas des Gabales recense plusieurs sites : Saint-Bonnet-de-Chirac (26, n°14), Lanuéjols (29, n°22), Fraissinet-de-Fourques (31, n°27). L’auteur propose également une rapide étude, accompagnée d’un plan, des différents habitats qui forment selon lui un village de « tradition indigène » à La Canourge (Cadoule).

Plus récemment, A. Roche a consacré, sous la direction de F. Trément, un mémoire de maîtrise sur les communes de Banassac et La Canourgue, dans lequel elle fait une synthèse critique des données bibliographiques (Roche 2006).