• Aucun résultat trouvé

Type II : les bourgs et bourgades se distinguant des villes précédentes par l’absence

2.5. La cité des Cadurques

L’Âge du Fer chez les Cadurques (Fig. 11) n’est connu qu’à travers l’étude du siège et de la localisation d’Uxellodunum. Les habitats de hauteur fortifiés peuvent cependant être différenciés dans deux catégories, les oppida (Saint-Jean-l’Espinasse, Vayrac, Cras) avec des étendues de 30 à 90 ha et de puissants remparts, et les sites aux enceintes plus petites (10 ha) qui suivent la tradition du premier Âge du Fer (Luzech, Arcambal, Saint-Jean-de-Laur, Capdenac, Le Roc). Deux murus gallicus sont reconnus, un à l’Impernal (Luzech), l’autre à Murcens (Cras) qui enserre 80 ha (Vidal in Rigal 2001 : 20). Les dépôts monétaires montrent une apparition de la monnaie à partir du IIe s. av. J.-C., avec le monnayage à la croix venu de la région de Toulouse, des petits bronzes italiques et plusieurs émissions des cités voisines lémovices et arvernes. La première frappe autochtone (Luctérios) est plus tardive (Labrousse, Mercadier 1990 : 23-26).

Le territoire des Cadurques comprend l’ensemble du département du Lot et le nord du Tarn-et-Garonne. Les limites ont été définies selon celles du diocèse médiéval de Cahors. Pour César (Guerre des Gaules, VII, LXXV, 246), les Cadurques sont des « clients » des Arvernes.

Trois itinéraires sont mentionnés sur la Table de Peutinger (Seg. I, B2) : Toulouse par

Cosa, Rodez par Carantomagus et Varadetum, Agen par Diolindum et Eysses. M. Labrousse

a proposé d’autres tracés reliant Cahors à Agen, Périgueux, Limoges et Clermont ainsi que des axes Agen-Clermont et Rodez-Périgueux qui ne passeraient pas par Cahors. L’axe venant de Toulouse reprend un chemin pré-romain. M. Labrousse en propose le tracé depuis son entrée dans la cité cadurque à proximité de la Tour-de-Bérot. La voie passerait par Albias, Honor-de-Cos, Saint-Romain, Molières, Saint-Privat-de-Montcabrier, la D49, Russac, Castelnau-Montratier, franchirait la Laure à la Vitarelle, la RN659, et rejoindrait la route de Rodez avant Saint-Julien. Ce tracé se serait perpétué jusqu’au XVIIIe siècle. La route de Rodez (par Eysses, Agen jusqu’à Bordeaux) daterait du Ier siècle. Elle passe par

Carantomagus et Varadeto. La route d’Agen apparaît sur la carte de Cassini différente de

celle de Lyon à l’Atlantique ; elle aurait une origine pré-romaine. La voie Agen – Bordeaux, mentionnée sur la Table de Peutinger passe par Diolindum, Excisum puis Agen (Labrousse, Mercadier 1990 : 30-36). Ces axes de communications terrestres étaient complétés par des

46 « Parem numerum Aruernis adiunctis Eleutetis, Cadurcis, Gabalis, Vellauiis, qui sub imperio Aruernorum

esse consuerunt : un chiffre égal aux Arvernes, auxquels on joint les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales, les

127 axes fluviaux. Strabon (Géographie, IV, 1, 1447 et IV, 2, 148), Pomponius Mela (Chorographie, III, 2, 2149) et Ausone (Villes célèbres, 1250 ; Lettres, VI (10)51, X (14)52) indiquent que la Garonne était navigable ainsi que le Tarn d’après Ausone (Lettres, XXVI (22)53). P. Sillières met également en avant le rôle prédominant, pour les Cadurques, du Lot dans les échanges (Sillières in Filippini 2010 : 69).

Les connaissances sur les campagnes sont lacunaires et ne sont issues que de prospections aléatoires reflétant plus la carte de la recherche que celle de l’occupation du sol. Ainsi, 19 villae sont attestées, les autres sites correspondent soit à des indices de constructions (28 sites), des indices de mobiliers (66 sites) ou des sites à tegulae (68 sites) sans qu’il soit possible de distinguer des fonctions (Vidal in Rigal 2001 : 39).

Les activités artisanales sont connues par Juvénal (Satires, VI, 53754 ; VII, 22155), Pline l’Ancien (Histoire Naturelle, 19, II, 156) et Strabon (Géographie, IV, 2, 257) qui

47 « Καὶ τοῦθʹ ὃσον ὀκτακοσίων ἢ ἑπτακοσίων σταδίων · ῥεῖ δὲ καὶ ὁ Γαρούνας εἰς τὸν ὠκεανόν : puis on effectue la plus grande partie du trajet, soit environ 700 ou 800 stades, par terre jusqu’à la Garonne, laquelle, comme la Loire, descend à l’Océan » (Strabon, trad. Lasserre 1966 : 145).

48 « Τὰ δὲ μεταξὺ τοῦ Γαρούνα καὶ τοῦ Λείγηρος ἔθνη τὰ προσκείμενα τοῖς Ἀκουιτανοῖς : Quant aux peuples situés entre la Garonne et la Loire et rattachés à l’Aquitaine » (Strabon, trad. Lasserre 1966 : 147).

49 « Garunna ex Pyrenaeo monte delapsus, nisi cum hiberno imbre aut solutis niuibus intumuit, diu uadosus et

uix nauigabilis fertur. At ubi obuiis oceani exaestuantis accessibus adauctus est, isdemque retro remeantibus suas illiusque aquat agit, aliquantum plenior, est quanto magis procedit eo latior fit, ad postremum magni freti similis ; nec maiora tantum nauigia tolerat, uerum more etiam pelagi saeuientis exurgens iactat nauigantes atrociter, utique si alio uentus alio unda praecipitat : La Garonne, qui descend du mont Pyréné, a dit-on un

cours pendant longtemps guéable et difficilement navigable, sauf lorsqu’elle a été gonflée par les pluies d’hiver ou la fonte des neiges. Mais lorsqu’elle a été grossie par sa rencontre avec la remontée de la marée océanique et que, celle-ci se retirant, elle emporte avec ses propres eaux celles de l’océan, elle est nettement plus importante et, à mesure qu’elle avance, devient plus large, pour finir par ressembler à un gros bras de mer ; alors, non seulement elle permet la navigation de bateaux d’assez grande taille, mais en plus, ses flots se soulevant à la manière même d’une mer déchaînée ballottent furieusement les navigateurs, surtout s’ils se trouvent emportés au gré des mouvements contraires du vent et du courant » (P. Mela, trad. Silberman 1988 : 73).

50 « Non umquam altricem nostri reticebo Tolosam, coctilibus muris quam circuit ambitus ingens perque latus

pulchro praelabitur amne Garumna innumeris cultam populis, confinia propter ninguida Pyrenes et pinea Cebennarum, inter Aquitanas gentes et nomen Hiberum : Je ne laisserai jamais dans l’oubli Tolosa, ma nourrice.

Un rempart de briques l’enveloppe de ses vastes contours : à ses côtés coule le beau fleuve de la Garonne. » (White 1968a : 378 ; Ausone, trad. Pomier 2006 : 109).

51 « Te quoque ne pigeat consponsi foederis : et iam citus veni remo aut rota, aequoris undosi qua multiplicata

recursu Garumna pontum provocat, aut iteratarum qua glarea trita viarum fert militarem ad Blaviam : Ainsi ne

regrette pas la parole que tu m’as jurée : viens au plus vite, à l’aide de la rame ou de la roue ; du côté de la Garonne, enflée par le reflux des vagues ondoyantes, défie l’océan, ou par cette route battue et sablonneuse, qui mène à Blavia la guerrière » (White 1968b : 18 ; Ausone, trad. Pomier 2006 : 215).

52 « Aequoream liqui te propter, amice, Garumnam, te propter campos incolo Santonicos ; congressus igitur

nostros pete : Ami, j’ai quitté pour toi la Garonne marine ; pour toi, j’habite les champs des Santones » (White

1968b : 26 ; Ausone, trad. Pomier 2006 : 219).

53 « Et nunc paravit triticum casco sale novusque pollet emporus ; adit inquilinos, rura, vicos, oppida soli et Sali

commercio ; acatis, phaselis, lintribus, stlattis, rate Tarnim et Garumnam permeat ac lucra damnis, damna mutans fraudibus se ditat et me pauperat : Il court les fermes, les campagnes, les villages, les cités, négocie par

terre et par mer : barques, bateaux, chaloupes, brigantins, vaisseaux, se promènent sur le Tarn et la Garonne » (White 1968b : 96-97 ; Ausone, trad. Pomier 2006 : 233).

54 « Magnaque debetur uiolato poena cadurco : Cette violation du lit conjugal » (Juvénal, trad. Labriolle (de), Villeneuve 1983 : 80). Le terme cadurco correspond à un matelas fabriqué à Cahors.

128

évoquent la réputation des tissus cadurques, notamment utilisés pour la fabrication de matelas. D’autre part, comme pour l’ensemble des cités, quelques exemples de fours de terres cuites architecturales58, de four à chaux, des traces d’activités métallurgiques (fours à griller à Luzech, bas-fourneaux de l’Antiquité tardive à Cours) sont connus mais l’indigence des données et des recherches ne permet pas de proposer une synthèse.

La religion n’est documentée que par des éléments découverts dans les contextes urbains, notamment à Cosa (Mavéraud-Tardiveau, Vigouroux in Mavéraud-Tardiveau, Provost, Leclant 2007 : 53-56 ; Vidal in Rigal 2001 : 43).

La cité est drainée par plusieurs axes de communication terrestre. Pour P. Sillières (in Filippini 2010) la plus importante est celui qui passe par la vallée du Lot et qui relie Lyon à Bordeaux par Rodez, Cahors et Agen. Pour l’auteur, le fleuve qui traverse le chef-lieu devait connaître une grande activité. Il regrette cependant l’absence de recherche subaquatique pour localiser le port de la ville. Pour l’axe terrestre, faute de vestiges et de borne milliaire, P. Sillières estime qu’il passait par la vallée entre Excisum et Divona. Cette importante voie a été reportée sur la Table de Peutinger. P. Sillières situe en seconde position hiérarchique au sein de la cité la voie de Toulouse et de Rome. Cette voie, mentionnée sur la Table de Peutinger, passe aussi par Cosa (seul point d’observation du tracé) et Fines (Sillières in Filippini 2010 : 69-72).

2.5.1. Divona

La ville de Cahors est située au point de franchissement de plusieurs itinéraires avec le Lot. Elle occupe une terrasse alluviale à l’intérieur de l’un des nombreux méandres de la rivière, sur une superficie estimée entre 120 et 200 ha selon M. Vidal (Rigal 2001 : 23). Le nom de la ville apparaît sous la forme Bibona sur la Table de Peutinger (Seg. I, B2) et

Douèona chez Ptolémée (Géographie, II, 7, 1159).

55 « Non aliter quam institor hibernae tegetis niueique cadurci : comme celui qui brocante les nattes d’hiver et le cadurque neigeux » (Juvénal, trad. Labriolle (de), Villeneuve 1953 : 97). Ici le terme cadurci désigne une couverture de lin.

56 « Itane et Galliae censentur hoc reditu montesque mari oppositos esse non est satis et a latere oceani obstare

ipsum quod uocant inane ? Cadurci, Caleti, Ruteni, Bituriges ultimique hominum existimati Morini, immo uero Galliae uniuersae uela texunt, iam quidem et transrhenani hostes, nec pulchriorem aliam uestem eorum feminae nouere : Mais les Gaules aussi ne sont-elles pas taxées d’après ce revenu, et suffit-il que des montagnes leur

barrent l’accès à la mer et que, du côté de l’Océan, se présente l’obstacle de ce qu’on appelle le vide ? Les Cadurques, les Calètes, les Rutènes, les Bituriges et les Morins, qu’on croit être à l’extrémité du monde habité, que dis-je ? les Gaules tout entières tissent des voiles […] » (Pline l’Ancien, trad. André 1964 : 25-26).

57 « Une industrie du lin chez les Cadruques » (Strabon, trad. F. Lasserre 1966 : 148).

58 Belfort-du-Quercy, Cajarc, Lacapelle-Marival, Lavercantière, Le Montat, Saint-Denis-Catus, Saint-Martin-Labouval, Thédirac, Tour-de-Faure.

129 Les données disponibles sont trop lacunaires pour proposer une ébauche d’organisation de la ville. Seuls quelques tronçons d’égouts et de rares éléments de voiries ont été relevés. L’une des rues, de direction nord-sud, borde le mur ouest des thermes et la voie Toulouse – Limoges est intégrée comme le cardo maximus dans le réseau des rues (aux abords de la ville, les voies vers Rodez, Agen, Bordeaux et Périgueux se greffent dessus). Un aqueduc alimentait la ville depuis une source située au pied de l’oppidum de Murcens. Il emprunte la vallée du Vers puis du Lot avec un parcours de 31,5 km. Seuls les thermes sont encore aujourd’hui en partie conservés en élévation. Ils ont été fouillés en 1953. Leur construction est datée de la première moitié du Ier siècle et ils subissent, dès la fin du siècle, une importante réfection qui leur donne leur plan définitif. Une seconde reconstruction est datée du milieu du IIe siècle. Le forum est localisé à l’emplacement de la Chartreuse grâce à la mise au jour de grands murs de briques, de substructions, de chapiteaux, d’architraves, de colonnes cannelées en grès et marbre (Vidal in Rigal 2001 : 26). L’existence d’un théâtre est attestée dès le XIXe siècle et confirmée en 1981. Dans la partie nord, les gradins sont taillés dans le rocher alors que dans la partie sud, ils sont entièrement bâtis. L’ensemble est construit en petit appareil et présente un diamètre maximal de 96,40 m (ibid. : 27). La construction est datée entre les règnes de Tibère et de Claude.

Une nécropole est localisée au sud de la ville, sur une étendue de 2 km le long de l’axe commun des voies de Toulouse et de Rodez. Les sépultures (incinérations et inhumations) mises au jour attestent d’une utilisation du Ier au Ve siècle. L’habitat est uniquement perçu par la présence de mosaïques. Seule la fouille de J. Catalo en 1994 dans la cour de l’archidiaconé a permis de découvrir une domus à plan centré autour d’une cour à péristyle (ibid. : 33).

Les activités artisanales recensées comptent un atelier de production de céramique commune et plusieurs ateliers de terres cuites architecturales (antéfixes, tegulae mammatae). Un atelier de ferronnier-bronzier assure une production d’épingles, de clous et d’anneaux au Ier siècle (Gonsalvès in Mangin, Tassaux 1992 : 62-66).

2.5.2. Les agglomérations cadurques, état des recherches

Seule la liste proposée par M. Mangin et F. Tassaux peut être prise en compte pour cette cité dans la mesure où la Carte archéologique de la Gaule du département du Lot (Labrousse, Mercadier 1990) est totalement muette, tout comme la réédition de 2010 qui n’aborde pas cette question (Filippini 2010). Celle du département du Tarn-et-Garonne (Mavéraud-Tardiveau, Provost, Leclant 2007) ne prend en compte que les sites de Cosa

130

(Albias) et de Fines (cité des Tolosates), qui sont attestés par la Table de Peutinger (Seg. I, B2). Elle mentionne également timidement celui de Moissac (ibid. : 53). Il n’existe donc aucune synthèse ou liste à jour depuis 1992. L’ouverture récente d’un service départemental d’archéologie préventive, en 2011 permettra, on peut l’espérer, l’accroissement des données archéologiques afin de mieux appréhender les sites potentiels et de faire apparaître des sites encore inconnus.