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Définir des descripteurs archéologiques pour homogénéiser la documentation archéologique documentation archéologique

OBJECTIFS, STRATÉGIES ET MÉTHODES

3.3. Définir des descripteurs archéologiques pour homogénéiser la documentation archéologique documentation archéologique

L’approche choisie pour cette thèse nécessite la mise en œuvre d’analyses statistiques (chapitres 5 et 7) puis spatiales (chapitre 9). De fait, il est indispensable de synthétiser, homogénéiser et standardiser les données archéologiques recueillies au sein des notices pour pouvoir les analyser. La méthode choisie, celle des descripteurs archéologiques, s’inspire de plusieurs travaux, dont ceux réalisés dans le cadre du programme Archaeomedes (Van der Leeuw, Favory, Fiches 2003).

Dans le cadre de ce dernier, les chercheurs souhaitaient analyser la mobilité de l’habitat rural gallo-romain dans la vallée du Rhône à l’aide d’analyses statistiques de type AFC (Analyse Factorielle des Correspondances) et CAH (Classification Ascendante Hiérarchique). La mise en œuvre de ces analyses nécessite la définition de descripteurs pertinents afin de fournir une description homogène des établissements. Il a fallu aux

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chercheurs dépasser le problème des disparités de description entre les différentes régions en définissant un langage commun (ibid. : 203). L’analyse des données archéologiques a été réalisée sur 7 descripteurs archéologiques considérant au total 33 caractères (Fig. 23). Le choix des descripteurs archéologiques s’inspire des propositions de F. Favory, J.-L. Fiches et J.-F. Girardot dans le cadre d’une analyse du Beaucairois (Favory, Fiches, Girardot 1987). La mise en œuvre des descripteurs avait alors été faite « en fonction des données propres du terrain, à partir de la qualité du matériel recueilli, de la superficie mais aussi de l’implantation du site, le choix étant commandé par le souci d’utiliser au maximum une documentation maigre et peu différenciée » (ibid. : 68). Les auteurs définissaient 11 descripteurs89 qui couplent des données archéologiques et paysagères. Dans Archaeomedes, à la différence des travaux sur le Beaucairois, les données archéologiques sont séparées des données environnementales afin de réaliser dans un premier temps des analyses sur chaque catégorie puis dans un second sur l’ensemble des résultats obtenus. Cette démarche méthodologique a depuis inspiré un grand nombre de travaux à la fois sur l’habitat rural (Nuninger 2002 ; Gandini 2006 ; Ouriachi 2009 ; Lautier 2010) mais aussi sur les agglomérations (Garmy 2012b), voire sur les deux formes (Bertoncello 2002). Il n’est pas nécessaire ici de s’attarder sur les travaux traitant de l’habitat rural mais il faut rappeler qu’en 2002, F. Bertoncello a publié un test dont l’objectif est de distinguer, dans des classes différentes, les formes de l’habitat rural d’une part et de l’habitat groupé d’autre part, à l’aide des analyses statistiques en prenant en compte 5 descripteurs : superficie, matériaux de construction, variété du mobilier, durée d’occupation, niveau fonctionnel, représentant 22 caractères (Fig. 24). Il ressort, pour F. Bertoncello, que la « CAH semble à même de rendre compte de la hiérarchie interne […] des habitats groupés d’une part et des habitats dispersés d’autre part. Ce qui n’apparaît pas dans la classification, c’est la hiérarchie commune combinant ces deux types d’établissements, exception faite du niveau hiérarchique supérieur […]. De toute évidence cela tient à l’appareil descriptif utilisé, les variables choisies, essentiellement formelles, ne permettant pas d’opérer cette distinction car aucune de leur modalité n’apparaît spécifique à l’un de ces deux types d’habitat » (ibid. : 50).

Cette tentative livre deux enseignements pour l’étude des habitats ruraux et groupés et pour la définition des descripteurs. Tout d’abord, comme cela a déjà été montré au chapitre 1, ces deux formes d’habitat doivent être traitées indépendamment l’une de l’autre avec des

89 Superficie, matériaux, mode de vie, activité, durée d’occupation, date d’implantation, sol, terroir, pente, distance à la voirie, orientation du parcellaire.

147 outils et des descripteurs appropriés. Ensuite, il est nécessaire de développer des descripteurs spécifiques à la réalité étudiée. Il faut travailler sur des ensembles homogènes – l’habitat rural, l’habitat groupé, les nécropoles, les lieux de cultes – avec des descripteurs adaptés, sans chercher à décrire ensemble toutes ces réalités avec des descripteurs lissés qui ne permettent pas de faire la distinction entre ces catégories lors des analyses. Il est important de décrire des ensembles cohérents avec des descripteurs appropriés.

Pour recentrer le propos sur les seules agglomérations, le modèle que j’ai suivi pour la définition de descripteurs archéologiques dédiés aux habitats groupés est celui que propose P. Garmy pour la cité de Nîmes (Garmy 2012b : 253-297). De prime abord, l’auteur constate l’absence, dans la documentation fournie par l’archéologie, des marqueurs habituellement utilisés en géographie90, ce qui oblige les archéologues à prendre en compte d’autres critères issus des données archéologiques et historiques (ibid. : 258). Comme il le précise, cela n’est pas sans difficulté puisqu’il faut que les critères soient, dans le cas de l’étude de villes, représentatifs des degrés d’urbanité, indépendants les uns des autres, quantitatifs plus que qualitatifs et qu’ils ne présentent pas de données manquantes (ibid. : 259). P. Garmy rappelle le travail réalisé par C. Goudineau, qui avait établi une liste de 25 critères croisant des données matérielles (monuments, nécropoles, remparts), sociopolitiques (statuts, magistratures) et archéologiques. Cependant, si C. Goudineau s’est intéressé à quelques grandes villes, majoritairement des chefs-lieux, il ne paraissait pas pertinent à P. Garmy de reprendre mécaniquement ces descripteurs. Dans sa présentation, il distingue les descripteurs notés selon le mode présence/absence (1 ou 0) et ceux qui peuvent prendre la forme d’une quantification (ibid. : 260). Avant d’en présenter le détail, il expose les critères qui n’ont pu être pris en compte : le nombre et la superficie des habitats privés, l’extension des nécropoles, les territoires, le statut et la présence de remparts. Parmi les critères retenus (Fig. 25), P. Garmy classe dans la catégorie qualitative la présence ou l’absence d’aqueduc, de schéma d’urbanisme, d’un toponyme antique. Les critères quantitatifs regroupent l’ancienneté avec 6 classes, la durabilité avec 6 classes, la desserte avec 5 classes (qui assemblent voies inter-cités, proximité d’un cours d’eau navigable, nombre de branches), le statut à l’époque carolingienne avec 4 modalités, le nombre de nécropoles avec 5 classes, le nombre d’épitaphes avec 6 classes, le nombre d’inscriptions lapidaires avec 6 classes, le nombre d’inscriptions attestant de fonctions publiques, civiles ou religieuses avec 4 classes et enfin le nombre de monuments avec 5 classes. Chaque critère est justifié dans son choix et illustré à

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partir des sites du corpus. L’auteur présente enfin les résultats de l’analyse, d’une part avec la méthode dite du « palmarès », d’autre part à partir de la CAH. Il confronte les deux résultats pour évaluer la pertinence des deux méthodes l’une par rapport à l’autre et montre leur opérabilité et leur complémentarité.

Enfin, le dernier exemple correspond au travail de M. Monteil (2012) qui, même s’il ne mène pas d’analyses statistiques, utilise des descripteurs auxquels il attribue une valeur afin de réaliser des groupes par « palmarès » (ibid. : 327). Le chercheur développe 9 descripteurs qualitatifs (Fig. 26) : antécédents (sanctuaire, forme agglomérée), pérennité (possible, assurée), schéma urbain (limité, ample), sanctuaires (moyen ou modeste, public), édifice de spectacle (présent, absent), thermes (présents, absents), inscriptions (présentes, absentes), bonus, superficie (5 modalités).

Dans ces travaux, on constate la récurrence de certains descripteurs même s’ils ne sont pas toujours traités de la même manière. Chacun des chercheurs a adapté ses descripteurs et leurs modalités selon le corpus de sites étudiés et les données disponibles.

Dans le cadre de ma thèse, j’ai, dès la révision et la reprise des notices, mis en œuvre plusieurs descripteurs afin de synthétiser au fur et à mesure les données exposées dans le catalogue en vue de réaliser les analyses. L’élaboration des descripteurs, entre 2010 et 2011, a profité des remarques de mon directeur de thèse, ainsi que des observations judicieuses de M. Monteil. Onze descripteurs ont été développés au regard des données disponibles, soit au total, 82 modalités, auxquelles il est possible d’ajouter les 3 modalités correspondant aux niveaux de fiabilité : FIA0 : site rejeté, FIA1 : agglomération hypothétique, FIA2 : Agglomération avérée (Fig. 27). Avant de présenter succinctement ces descripteurs, il faut préciser que la première modalité de chaque descripteur, codée par le chiffre 0, sert à marquer l’absence d’information ou l’impossibilité de préciser l’information correspondante. Il est nécessaire de bien faire la différence entre cette modalité qui marque l’absence de données, et les modalités qui correspondent à une absence archéologiquement validée, codée dans ce cas au moyen du chiffre 1.

Le premier descripteur – Implantation (IMP) – reprend classiquement, sous la forme de 13 modalités, les différentes possibilités chronologiques d’implantation de l’occupation sous sa forme groupée. Il offre une précision de l’ordre de 50 ans.

149 Le descripteur – Construction (CON) – seul descripteur lié à la présence de mobilier archéologique sur les sites, permet de marquer et de préciser les modes de construction présents au sein de l’agglomération avec une gradation selon la diversité et la richesse des modes de construction.

Le marqueur – Occupation protohistorique (PRO) – sert à définir les modalités de l’occupation antérieure et surtout la forme de celle-ci, en précisant s’il y a eu un déplacement entre l’occupation de l’Âge du Fer et de l’Antiquité.

Pour – Monuments publics (PUB) – les modalités définies permettent de marquer les principaux édifices monumentaux observés dans le corpus, indépendamment les uns des autres, mais également selon les différentes combinaisons possibles. Ce choix, contrairement à P. Garmy ou M. Monteil qui dans un cas ne compte que le nombre de monuments, dans l’autre les isole dans des descripteurs différents, permet de mettre en avant sous une seule modalité le nombre de monuments de différentes natures et les différentes associations possibles.

Pour la composante – Funéraire (FUN) – les modalités permettent de couvrir de nombreuses possibilités notamment avec les sous-modalités qui apportent des informations complémentaires. Ainsi pour le cas de la modalité FUN2, il est possible de préciser grâce à FUN21 et FUN22 s’il s’agit de sépultures isolées sans autres précisions (FUN2), de sépultures isolées en pleine terre ou en urne (FUN21) ou spécifiquement en coffre (FUN22). L’intérêt de faire ressortir le caractère « en coffre » des incinérations (FUN22, FUN32) est de pouvoir travailler sur la question du coffre funéraire comme marqueur des agglomérations (Dousteyssier 2011 : 96-97). Ces précisions sont identiques pour les modalités de la série FUN3.

Les différentes classes du descripteur – Superficie (SUP) – ont été définies par l’observation du graphique des superficies réalisé pour la publication du chapitre sur les agglomérations dans le volume de la Revue d’Auvergne de 2013 (Baret 2013a : 66, fig. 22). Les classes ont été définies selon les paliers observables sur le graphe.

Pour – Occupation (OCC) – les intervalles de durée de fréquentation des agglomérations ont été définis par période de 100 ans ce qui offre la possibilité de spécifier des occupations comprises entre moins de 100 ans et plus de 500 ans.

Pour le descripteur – Activités artisanales (ACT) – il aurait été délicat de proposer une modalité pour chaque type d’activité et pour l’ensemble des combinaisons envisageables. Il est préférable de marquer soit l’absence d’activité, soit la présence d’activités diversifiées sans prépondérance de l’une d’entre elles ou la présence d’activités diversifiées avec

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prégnance de l’une d’entre elles (entrent également dans cette catégorie les sites à mono-activité), et de préciser dans un dernier descripteur la présence complémentaire de mines.

Le marqueur – Occupation médiévale (MED) – permet de préciser l’évolution postérieure de l’occupation, notamment si une occupation médiévale s’est développée in situ ou bien s’est déplacée.

La – Morphologie (MOR) – des agglomérations est marquée, outre la modalité d’absence, par deux modalités, la présence de rues et l’existence d’une sectorisation, c’est-à-dire qu’il est possible de mettre en évidence des quartiers différenciés d’habitats ou d’artisans par exemple. Il est également possible, comme pour d’autres descripteurs, de créer une quatrième modalité qui couple, au besoin, la présence de rues et la sectorisation.

Enfin, avec le descripteur – Communication (COM) – le raccordement aux voies de communication est marqué à travers 9 modalités : l’absence d’axe de communication, l’installation sur un axe ou sur un carrefour, l’installation sur un carrefour entre un axe terrestre et un axe fluvial avec franchissement connu (COM41), avec franchissement connu et port (COM411) ou sans précision (COM4), mais également une installation sur un carrefour terrestre dont l’un des axes franchit une voie fluviale (COM42) et avec la présence d’un port (COM421).

À la différence de P. Garmy, il n’a pas été possible de mettre en œuvre un descripteur prenant en compte les inscriptions, hormis par leur dénombrement (chapitre 5 et 7). En effet, le corpus, très faible, des inscriptions connues au sein des agglomérations n’est pas représentatif et trop de sites auraient affiché une absence d’information (chapitre 4). Pour les descripteurs nombre et superficie des habitats privés, je rejoins P. Garmy puisque le corpus du Massif central est totalement lacunaire sur cet aspect. La superficie des nécropoles, les territoires, les statuts et remparts ne sont pas perceptibles au sein du Massif central sauf pour de rares cas et n’ont donc pas été pris en compte.